Contes de l’Ille-et-Vilaine/Le Tabouret du Paradis

Contes de l’Ille-et-Vilaine
Contes de l’Ille-et-VilaineJ. Maisonneuve (p. 83-85).


LE TABOURET DU PARADIS

On raconte qu’un habitant de Guichen, étant mort, s’en alla à la porte du Paradis demander à saint Pierre de le laisser entrer dans le Ciel pour parler au bon Dieu.

— Notre Seigneur n’est pas là, en ce moment, répondit le grand portier. Attends un peu.

Le solliciteur, affaibli par la maladie qui l’avait fait quitter la terre, s’accroupit sur un tapis et, tout à coup, aperçut à ses pieds une clef en or, tombée sans doute du trousseau de saint Pierre.

Il la prit, et, ayant regardé tout autour de lui, il vit une petite porte, avec une serrure dans laquelle la clef entrait parfaitement. Ayant ouvert cette porte, il se trouva dans la salle du trône, où le bon Dieu tient ses audiences, entouré des anges, qui ont chacun un tabouret d’argent.

La pièce étant déserte, le Guichenas eut l’idée de prendre, pour un instant, la place du Père Éternel.

Il ne fut pas plutôt assis sur le trône qu’il domina notre planète, et découvrit tout ce qui s’y passe.

Il vit, notamment, des lavandières en train de faire leur lessive. Lorsqu’elles eurent étendu leur linge, sur les ajoncs d’un coteau, elles s’en furent prendre leur repas.

Un fin voleur, qui guettait ce moment, sortit de dessous un buisson, s’empara du linge, l’attacha avec des branches de genêts et se sauva.

Le bon Dieu intérimaire, scandalisé d’un pareil larcin, saisit l’un des tabourets d’argent, et le lança dans la direction du fripon.

Entendant du bruit, le bonhomme de Guichen descendit bien vite du trône, et retourna sur son tapis, laissant ainsi le bon Dieu et ses anges reprendre leur place.

Le Père Éternel s’aperçut aussitôt qu’un tabouret manquait ; il demanda à saint Pierre ce qu’il en avait fait.

— Absolument rien, répondit le portier. Aurait-il était dérobé, ajouta-t-il, par l’homme qui est à la porte et qui désire vous parler.

— Fais-le entrer, dit le bon Dieu.

— Est-ce toi qui as pris le tabouret qui se trouvait à ma gauche ?

— Oui, mon Seigneur, je l’ai bien pris mais je ne l’ai pas gardé.

— Qu’en as-tu fait ?

— Je l’ai lancé à la tête d’un voleur qui s’emparait du linge des lavandières.

Le Père Éternel éclata de rire et dit : « Peste ! comme tu y vas ; s’il me fallait assommer tous les voleurs qui sont sur la terre, pour le coup ce serait la fin du monde.

(Conté par le père Gruel, jardinier à Bruz).