Contes de l’Ille-et-Vilaine/Le Petit Mineur de la mine argentifère de Pont-Péan

Contes de l’Ille-et-Vilaine
Contes de l’Ille-et-VilaineJ. Maisonneuve (p. 260-262).


LE PETIT MINEUR
De la mine argentifère de Pont-Péan

Le petit mineur est le lutin protecteur des ouvriers de la mine, qu’il affectionne et qu’il aime. Passant sa vie au milieu d’eux, il surveille, inspecte les travaux, et évite autant qu’il le peut des malheurs à ses amis.

Si un travailleur s’asseoit, un instant, pour se reposer ou pour manger un morceau de pain dans un endroit dangereux, aussitôt le petit mineur l’en prévient. Il fait pleuvoir dru comme grêle, sur la tête de l’ouvrier, de la poussière, des graviers et même des cailloux pour l’obliger à déguerpir au plus vite.

D’autres fois, lorsque les terrains doivent s’écrouler sans qu’on s’en doute, ou bien encore quand les échafauds et les boiselages sont pourris et menacent de s’effondrer, le lutin qui voit tout, qui entend tout, donne l’alarme. Il frappe des coups précipités et distincts aux endroits dangereux ; il imite, à s’y méprendre, le bruit des craquements souterrains et fait prendre la fuite aux mineurs. Ceux-ci vous affirmeront même qu’ils ont été appelés par leurs noms au moment d’une catastrophe. Les faits sont venus trop souvent, hélas ! confirmer les prédictions du petit mineur, et n’ont fait qu’accroître, comme on le pense, son pouvoir surnaturel.

Pendant des manœuvres de pompes, de halage de cages de minerai, au moment où quelque travailleur courait un danger imminent, soit qu’il fût prêt à passer quand la cage descendait dans le puits, soit dans toute autre circonstance périlleuse, on a entendu, soudain, au milieu des ténèbres, et au moment suprême, des commandements étranges qui avaient pour effet de conjurer le danger ; ce danger passé, personne n’avait donné d’ordres ; ce ne pouvait donc être que le petit mineur.

Que de fois n’a-t-on pas vu des puits sur le point d’être abandonnés parce que leurs galeries étaient devenues stériles. Les ingénieurs, les directeurs, avaient déclaré que toutes les recherches était désormais inutiles, qu’il n’y avait plus rien à espérer. Soudain, au milieu du silence profond de ces noirs souterrains, des coups de pioche se faisaient entendre, — mais très distinctement, — à intervalles réguliers, et lorsqu’on se dirigeait du côté du bruit, on reconnaissait que la terre avait été fouillée. En creusant le sol, à cet endroit, on retrouvait le filon perdu.

Les mineurs de Pont-Péan ont une telle croyance dans le lutin, que la veille de la Sainte-Barbe, ils vont le consulter pour savoir s’ils mourront dans l’année. Ils descendent à cet effet dans la mine, à leurs chantiers, et là, chaque mineur allume une chandelle qu’il laisse brûler. Si la lumière s’éteint avant d’être consumée, c’en est fait de leur existence : le génie invisible est passé qui a fixé le terme de la vie de son protégé.

(Conté par Yvon Le Goff, âgé de 48 ans,
mineur à la mine de Pont-Péan).