Contes de l’Ille-et-Vilaine/Avant-propos

Contes de l’Ille-et-VilaineJ. Maisonneuve (p. ix-xi).

Avant-propos modifier

Les contes publiés dans ce premier volume ont été recueillis en Ille-et-Vilaine depuis 1860 jusqu’à l’époque actuelle. On reconnaîtra facilement les anciens des nouveaux par la raison qu’il y avait autrefois des conteurs et qu’il n’en existe plus. Il s’en suit que les récits d’aujourd’hui ne sont qu’une analyse sèche de ceux du temps passé.

Hélas ! ils sont tous morts, ces petits couturiers, et ces pauvres vieilles filles qui allaient en journée dans les familles, exercer leur métier et raconter aux enfants des choses merveilleuses, tantôt attendrissantes à faire verser des larmes, tantôt effrayantes à vous faire trembler, le soir dans votre lit, sans oser bouger jusqu’au lendemain matin.

Je me souviendrai toujours d’un vieillard, appelé le père Constant Tual, qui venait à la maison coudre des pièces aux genoux et aux derrières de nos culottes, parce qu’en grimpant dans les arbres, c’était le plus souvent à ces endroits qu’elles étaient déchirées. Ces pièces n’étaient pas toujours de la même étoffe ni de la même couleur que le pantalon, ce qui nous contrariait bien un peu, mais nous nous consolions en écoutant les contes du bonhomme.

Oh ! les jolis contes, toujours variés, toujours amusants. Ils n’étaient pas immoraux, non ; mais ils étaient assaisonnés d’un certain esprit gaulois qui les faisait paraître tant soit peu risqués aux oreilles de nos mères. Il y en avait deux, surtout, que j’ai oubliés malheureusement, et qui étaient à coup sûr inédits, car je ne les ai plus entendus nulle part. J’irais les recueillir en n’importe quel endroit si je savais où les retrouver. L’un d’eux avait pour titre « Belle-ze-Rose, qui avait le feu au derrière », et l’autre : « Tiens bon et paisse ».

Paisser est un verbe du patois de chez nous qui veut dire coller. C’était l’histoire d’un sorcier qui, au moyen de sa baguette, faisait se coller, les unes aux autres, les personnes qui le gênaient. Elles ne pouvaient se dépaisser que lorsque le sorcier y consentait.

Que de détails charmants dans ces récits ; et, pour vous identifier avec les personnages, le petit couturier comparait ceux-ci à tel individu ou telle personne de votre connaissance.

Il y avait aussi une pauvre infirme appelée Nenotte Jumel, dont le répertoire était inépuisable, et un porteur de contraintes, du Grand-Fougeray, nommé Angevin, qui avait également une grande réputation comme conteur.

On trouvera, dans le présent volume, plusieurs contes du père Constant Tual, de Nenotte Jumel et d’Angevin.

A. O.