Contemplation (Leconte de Lisle, Premières poésies)

Premières Poésies et Lettres intimes, Texte établi par Préface de B. Guinaudeau, Bibliothèque-Charpentier ; Eugène Fasquelle, éditeur (p. 61-62).


CONTEMPLATION



Ô mes pieuses nuits, immensités fécondes,
Voiles éblouissants où se bercent les mondes !
Chants sacrés de l’azur dont les anges de feu
Fendent d’un vol puissant les voûtes éternelles,
Lorsqu’aux cieux constellés plongeant leurs fortes ailes.
Ils se groupent aux pieds de Dieu.

Ô nuits douces au cœur, vases de sainte ivresse,
Nuits que la splendeur brûle et que l’amour caresse,
Corbeilles de parfums et de sérénité,
Oh ! laissez-moi rêver de vos gloires intimes !
Le silence des cieux a des accents sublimes
Qui parlent d’immortalité.

Oh ! laissez-moi rêver, ombres, beautés, lumières,
Régions du Seigneur, infinis sanctuaires,
D’où s’épanche vers nous le saint et doux sommeil ;
Foyers intérieurs d’harmonie et de flammes,
Abîmes aimantés où s’envolent les âmes,
Comme les aigles au soleil !

Et toi, brûlante extase, ineffable délire,
Noble aspiration des cieux, qui nous fais lire

Sur les vieux univers : amour, gloire, beauté
Enivre mes regards de merveilles sacrées,
Et, traçant par les airs des routes ignorées,
Plonge-moi dans l’éternité !