Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Conte
I[1]
CONTE
Pour se nourrir, attaquer, se défendre,
Aux animaux, mère soigneuse et tendre,
Dame nature a donné des moyens,
Mais différents ; chaque espèce a les siens,
Et quand survient l’occasion susdite,
À s’en servir l’instinct la nécessite.
D’un bel œuf blanc le fils rauque et braillard
Tente beaucoup l’appétit d’un renard ;
Troupeau nombreux, bêlant, fourré de laine,
Fuit un chien noir qui jappe dans la plaine.
D’un large front les tortueux rameaux,
Dans les combats, protègent les taureaux.
Donc je vous tiens ennemi de nature
Quand vous voulez qu’à son instinct parjure.
Un coq matois aille tordre le cou
D’un vieux renard et l’emporte en son trou ;
Que le taureau, bêlant dans la campagne.
Fuie aux abois d’un chien qui l’accompagne ;
Et que l’agneau, d’un front dur, spacieux,
Aille éventrer vingt dogues furieux.
....................
Mais, comme vous, ce que plus je regrette,
Mes chers amis, c’est qu’en ce temps béni,
À tout moment des filles toutes nues,
Pour se couvrir n’ayant que leurs cheveux,
De pleurs amers inondant leurs beaux yeux,
De tous les bois peuplaient les avenues.
- ↑ Édition G. de Chénier.