Constitution syrienne du 14 mai 1930

Collectif
Constitution syrienne du 14 mai 1930
Constitution syrienne du 14 mai 1930 (p. 689-698).

IV — Constitution de l’État de Syrie, promulgué par arrêté du Haut-Commissaire de la République Française, n° 3111, du 14 mai 1930. (Publiée à Damas le 22 mai 1930)

TITRE PREMIER. — DISPOSITIONS FONDAMENTALES.
CHAP. PREMIER. De l’État et du territoire.

Article premier. — La Syrie est un État indépendant et souverain. Aucune partie du territoire ne peut être aliénée ni cédée.

Art. 2. — La Syrie constitue une unité politique indivisible.

Art. 3. — La Syrie est une république parlementaire. La religion du Président est l’Islam. La capitale est la ville de Damas.

Art. 4. — Le drapeau syrien est disposé de la façon suivante : sa longueur est le double de sa hauteur. Il comprend trois bandes de mêmes dimensions. La bande supérieure est verte, la médiane blanche, l’inférieure noire. La partie blanche comprend trois étoiles rouges alignées à cinq branches chacune.

CHAP. II. Droits des individus.

Art. 5. — Les conditions d’acquisition et de perte de la nationalité syrienne sont déterminées par la loi.

Art. 6. — Les Syriens sont égaux devant la loi. Ils jouissent tous des mêmes droits civils et politiques ; ils sont tenus aux mêmes devoirs et soumis aux mêmes charges. Il ne sera établi entre eux aucune inégalité de traitement du fait de la religion, de la confession, de la race ni de la langue.

Art. 7. — La liberté individuelle est garantie. Nul ne peut être arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites.

Art. 8. — Toute personne arrêtée ou détenue devra être informée dans les vingt-quatre heures des raisons qui ont motivé cette détention ou cette arrestation et de l’autorité qui l’a prescrite ; elle devra, dans le même délai, recevoir toutes facilités pour se défendre.

Art. 9. — Aucun délit n’est punissable, aucune condamnation ne peut être prononcée si ce n’est conformément à la loi.

Art. 10. — Nul ne sera jugé par d’autres tribunaux que ceux indiqués par la loi.

Art. 11. — Les châtiments corporels sont interdits ; il est interdit d’éloigner les Syriens de leur territoire national, de leur imposer ou de leur interdire une résidence sauf dans les cas prévus par la loi.

Art. 12. — Le domicile est inviolable ; nul ne peut y pénétrer que dans les conditions et dans les formes prévues par la loi.

Art. 13. — Le droit de propriété est garanti par la loi; nul ne peut être exproprié que pour des raisons d’intérêt général, dans les cas prévus par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.

Art. 14. — La confiscation générale des biens est interdite.

Art. 15. — La liberté de conscience est absolue ; l’État respecte toutes les confessions et religions établies dans le pays ; il garantit et protège le libre exercice de toutes les formes du culte compatibles avec l’ordre public et les bonne mœurs ; il garantit également à toutes les populations, à quelque rite qu’elles appartiennent, le respect de leurs intérêts religieux et de leur statut personnel.

Art. 16. — La liberté de pensée est garantie ; chaque individu a le droit d’exprimer sa pensée par paroles, écrits, discours, dessins, sous les réserves prévues par la loi.

Art. 17. — La liberté de la presse et de l’imprimerie est garantie sous les conditions prévues par la loi.

Art. 18. — Les correspondances postales, télégraphiques et téléphoniques sont inviolables et ne peuvent être retardées ni censurées en dehors des conditions prévues par la loi.

Art. 19. — L’enseignement est libre autant qu’il n’est pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, et qu’il ne touche pas à la dignité de la patrie ni des religions.

Art. 20. — Le but de l’enseignement est de relever le niveau moral et intellectuelle de la population, dans le cadre de l’esprit national, et de réaliser la concorde et la fraternité de tous les citoyens.

Art. 21. — L’enseignement primaire est obligatoire pour tous les Syriens des deux sexes, et il est gratuit dans les écoles officielles.

Art. 22. — Les programmes de l’instruction public seront déterminés par une loi qui garantira l’unité de l’enseignement.

Art. 23. — Toutes les écoles sont sous le contrôle du Gouvernement.

Art. 24. — La langue arabe est la langue officielle dans tous les services de l’État, sauf dans les cas où d’autres langues lui sont adjointes en cette qualité par la loi ou par un accord international.

Art. 25. — La liberté d’association et de réunion est garantie dans les conditions prévues par la loi.

Art. 26. — Tous les Syriens ont accès aux emplois publics, sans autres distinctions que celles qui résultent de leurs titres ou capacités, suivant les conditions prévues par la loi.

Art. 27. — Les Syriens peuvent présenter des requêtes ou pétitions conformément à la loi, aux autorités et au Parlement, soit collectivement, soit individuellement, pour les affaires, soit d’ordre personnel, soit d’ordre général.

Art. 28. — Les droits des différentes communautés religieuses sont garantis, et ces communautés peuvent fonder des écoles pour l’enseignement des enfants dans leur propre langue, à condition de se conformer aux principes fixés par la loi.

TITRE II. — DES POUVOIRS PUBLICS.
CHAP. PREMIER. Dispositions générales.

Art. 29. — La Nation est la source de tous les pouvoirs.

Art. 30. — Le pouvoir législatif est exercé par la Chambre des Députés.

Art.  31. — Le pouvoir exécutif est confié au Président de la République, qui l’exerce avec l’assistance des ministres dans les conditions prévues par la présente Constitution.

Art. 32. — L’initiative des lois appartient au Président de la République et à la Chambre des Députés.

Art. 33. — Pour qu’une loi soit promulguée, il faut qu’elle ait été votée par la Chambre.

Art. 34. — Le pouvoir judiciaire s’exerce suivant un statut établi par la loi et assurant aux juges comme aux justiciables les garanties indispensables. Les juges sont indépendants et inamovibles dans les limites de la loi ; les jugements sont rendus et exécutés au nom du Peuple syrien.

CHAP. II. Du pouvoir législatif.

Art. 35. — La Chambre des Députés est composée de membres élus conformément à la loi électorale qui sera établie conformément aux principes formulés dans les articles suivants.

Art. 36. — Est électeur tout citoyen âgé de vingt ans accomplis, à condition qu’il ne soit pas privé de ses droits civils et qu’il remplisse les conditions prévues par la loi électorale.

Art. 37. — La loi électorale instituera le vote secret et la représentation des minorités confessionnelles.

Art. 38. — Les députés doivent être âgé de trente ans révolus et remplir les conditions prévues par la loi.

Art. 39. — La durée de la législature est de quatre ans.

Art. 40. — Les élections pour le renouvellement de la Chambre doivent être faites dans les soixante jours qui précèdent le terme de la législature.

Art. 41. — Le mode de scrutin est déterminé par la loi. Tout candidat a le droit de participer au contrôle des opérations électorales dans les conditions prévues par la loi.

Art. 42. — Chaque député représente la Nation entière et ne peut accepter de limitation à son mandat.

Art. 43. — Il n’y a pas d’incompatibilité entre les fonctions de ministre et le mandat de député.

Art. 44. — La Chambre se réunit chaque année en deux sessions ordinaires : la première s’ouvre le premier mardi qui suit le 15 mars et se termine à la fin de mai ; la deuxième s’ouvre le premier mardi qui suit le 15 octobre et dure jusqu’à la fin de l’année. Cette deuxième session est consacrée avant tous autres travaux à la discussion et au vote du budget.

Art. 45. — L’ouverture et la clôture des session ordinaires ont lieu de plein droit aux dates fixées par l’article précédent. Le Président de la République peut convoquer la Chambre en sessions extraordinaires. L’ouverture et la clôture des sessions extraordinaires sont fixées par décret. L’ordre du jour en est prévu par le décret de convocation. Le Président de la République est tenu de convoquer par décret spécial la Chambre en session extraordinaire si la majorité absolue des députés le demande.

Art. 46. — Avant d’entrer en fonction les députés prêtent serment de fidélité à la Nation et à la Constitution. Ce serment est prêté solennellement devant l’Assemblée.

Art. 47. — L’Assemblée décide à la majorité absolue de la validité des élections.

Art. 48. — Les séances de l’Assemblée sont publiques, mais l’Assemblée peut siéger à huis clos à demande du Gouvernement ou de dix de ses membres. L’Assemblée décide dans ce cas, en séance secrète, si le huis clos doit être maintenu ou non.

Art. 49. — L’Assemblée ne peut prendre de décision que si la majorité absolue des membres qui la composent sont présents.

Art. 50. — Les décisions sont prises à la majorité simple, sauf quand la loi en dispose autrement. En cas d’égalité de voix, le projet de décision est rejeté.

Art. 51. — La Chambre vote sur les questions soumises à ses délibération par mains levées, par assis et levé ou par scrutin public. Le vote au scrutin public est de droit sur l’ensemble des projets et sur la question de confiance. Les élections et nominations ont lieu au scrutin secret.

Art. 52. — Chaque membre de la Chambre a le droit d’interpeller et de questionner les ministres conformément au règlement intérieur de l’Assemblée.

Art. 53. — Toute motion de défiance doit être formulée par écrit et signée de dix députés au moins. Les ministres ont le droit d’en ajourner la discussion à huit jours. Le vote de défiance n’est acquis que s’il a recueilli la majorité des voix de l’Assemblée. Aucune motion de cette nature ne peut être présentée pendant le vote du budget.

Art. 54. — Tout projet de loi doit être soumis à l’examen d’une commission parlementaire avant discussion par la Chambre.

Art. 55. — Un projet de loi qui n’a pas été adopté par la Chambre ne peut lui être soumis une deuxième fois pendant la même session.

Art. 56. — La Chambre ne peut voter un projet de loi qu’après l’avoir discuté article par article. Le vote nominal est requis pour l’adoption de l’ensemble du projet de loi.

Art. 57. — La Chambre a le droit d’enquête dans certains cas spéciaux qui rentrent dans le cadre de ses pouvoirs, d’après le règlement intérieur.

Art. 58. — Nul député ne peut être poursuivi en raison de ses opinions exprimées à la Chambre.

Art. 59. — Pendant les sessions, les députés jouissent de l’immunité parlementaire et aucune mesure coercitive ne peut être prise contre eux sans l’assentiment de l’Assemblée, sauf dans les cas de flagrant délit.

Art. 60. — En cas de vacance d’un siège, il y sera pourvu dans un délai de deux mois. Le mandat du nouveau député ne durera que jusqu’à l’expiration de la législature.

Art. 61. — Il ne sera pas pourvu à la vacance d’un siège si la Chambre est à moins de six mois du terme de son mandat.

Art. 62. — La Chambre établit son règlement intérieur.

Art. 63. — A l’ouverture de la session d’octobre, la Chambre siégera sous la présidence de son doyen d’âge. Ses deux membres les plus jeunes rempliront les fonctions de secrétaire. Elle procédera immédiatement, au scrutin secret et à la majorité absolue, à l’élection de son président, de deux vice-présidents, de deux secrétaires et de trois questeurs. Au deuxième tour de scrutin, la majorité relative suffira. En cas d’égalité de voix, le candidat le plus âgé sera proclamé élu.

Art. 64. — Votent seuls les députés présents à la séance. Le vote par procuration est interdit.

Art. 65. — La Chambre a seule le droit de maintenir l’ordre dans son sein par l’intermédiaire de son président. Nulle force armée ne peut pénétrer dans la salle des séances ni stationner auprès d’elle, sauf sur réquisition du président.

Art. 66. — Aucune pétition ne peut être présentée à la Chambre autrement que par écrit.

Art. 67. — L’indemnité annuelle des membres de la Chambre est fixée par une loi.

CHAP. III. Du pouvoir exécutif.
A. — Du Président de la République.

Art. 68. — Le Président de la République est élu au scrutin secret, à la majorité absolue des membres de la Chambre. Au troisième tour de scrutin, la majorité relative suffit. La durée de la magistrature du Président est de cinq ans. Le Président n’est rééligible qu’après un intervalle de même durée.

Nul n’est éligible à la Présidence de la République s’il ne remplit pas les conditions requises pour être éligible à la Chambre des Députés et s’il n’a pas trente-cinq ans révolus.

Art. 69. — On ne peut cumuler les fonctions de Président de la République et de député.

Art. 70. — En prenant possession de ses fonctions, le Président doit prêter, devant l’Assemblée, serment de fidélité à la Nation et à la Constitution dans les termes suivants :

« Je jure par le Dieu tout-puissant de respecter la Constitution et les lois du pays, de maintenir l’indépendance de la Patrie et l’intégrité de son territoire. »

Art. 71. — La Chambre réunie pour l’élection du Président de la République procède à cette élection avant toute autre discussion.

Art. 72. — Le Président promulgue les lois votées par la Chambre sans pouvoir modifier aucune de leurs dispositions. Il ne peut dispenser personne de l’observation de ces lois. Le mode de promulgation et de publication des lois fera l’objet d’une loi spéciale.

Art. 73. — Le Président exerce le droit de grâce. Les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi.

Art.  74. — Le Président conclut et signe les Traités ; mais les Traités concernant la sûreté de l’État ou les finances publiques, les Traités de commerce et, en général, tous les Traités qui ne peuvent être dénoncés à l’expiration de chaque année, ne seront définitivement acquis qu’après avoir été votés par la Chambre.

Art. 75. — Le Président de la République choisit le Président du Conseil et désigne les ministres sur la présentation de celui-ci. Il accepte leur démission. Il nomme les représentants à l’étranger et accueille les représentants étrangers; il nomme les fonctionnaires civils et les magistrats. Il préside aux solennités officielles, dans les conditions prévues par la loi.

Art. 76. — Chacun des actes du Président doit être contresigné par les ministres intéressés, exception est faite pour la nomination du Président du Conseil ou sa démission.

Art. 77. — Le Président peut, par décret pris sur l’avis conforme du Conseil des ministres et sous la responsabilité de celui-ci, dissoudre la Chambre avant l’expiration légale de son mandat. Les raisons pour lesquelles le Président dissout la Chambre doivent être énoncées dans le décret. Ce même décret doit prévoir la convocation des collèges électoraux qui procéderont à de nouvelles élections dans un délai maximum de deux mois. — La nouvelle Assemblée sera convoquée dans les quinze jours qui suivront la promulgation du résultat des élections. Si dans un délai de quatre mois, il n’y a pas eu élections nouvelles ou convocation de la nouvelle Assemblée, l’ancienne Chambre se réunira de plein droit et exercera son mandat jusqu’à ce que de nouvelles élections aient lieu.

Art. 78. — Le Président ne peut dissoudre la Chambre deux fois pour le même motif.

Art. 79. — Le Président promulgue les lois dans le mois qui suit leur transmission au Gouvernement après leur adoption définitive. Une loi qui n’est pas promulguée dans ce délai devient exécutoire de plein droit. Les lois déclarées urgentes par la Chambre doivent être promulguées dans les huit jours.

Art. 80. — Le Président peut, dans le délai fixé pour la promulgation, demander qu’une loi soit mise à nouveau en délibération. Si, par une majorité des deux tiers, la Chambre confirme son premier vote, la loi devient exécutoire et doit être promulguée.

Art. 81. — Le Président, d’accord avec le Conseil des Ministres, peut ajourner la Chambre pour une durée n’excédant pas un mois. Il ne peut pas le faire deux fois dans la même session.

Art. 82. — Le Président n’est responsable des actes de sa fonction que dans le cas de violation de la Constitution ou de haute trahison. Sa responsabilité pour les délits de droit commun est soumise aux lois ordinaires. Pour ces délits, comme pour la violation de la Constitution et la haute trahison, il ne peut être mis en accusation que par la Chambre décidant à la majorité des deux tiers des membres composant l’Assemblée. Il ne peut être jugé que par la Haute-Cour, telle qu’elle est prévue à l’article 97 de la présente Constitution. Le ministère public près la Haute-Cour est exercé par deux magistrats nommés par la Cour de Cassation en Assemblée plénière.

Art. 83. — Le Président mis en accusation est suspendu des ses fonctions, et la présidence reste vacante jusqu’à la décision de la Haute-Cour.

Art. 84. — En cas de vacance de la présidence, le pouvoir exécutif est exercé à titre intérimaire par le Conseil des Ministres.

Art. 85. — Un mois au moins et deux mois au plus avant l’expiration des pouvoirs du Président de la République, la Chambre se réunit sur convocation de son président pour l’élection du nouveau Président. A défaut de convocation, cette réunion aura lieu de plein droit le dixième jour avant le terme de la magistrature présidentielle.

Art. 86. — En cas de vacance de la Présidence, par décès, démission on pour toute autre cause, la Chambre se réunit dans les huit jours et de plein droit pour élire un nouveau président. Si au moment où se produit la vacance, la Chambre se trouve dissoute, les collèges électoraux sont convoqués sans retard, et, aussitôt les élections faites, la Chambre se réunit de plein droit.

Art. 87. — La dotation du Président est fixée par une loi ; elle ne peut être, au cours de sa magistrature, ni augmentée ni diminuée.

B. — Des Ministres.

Art. 88. — Le Conseil des Ministres exerce son autorité sur tous les services de l’État ; il se réunit sous la présidence du Président du Conseil pour prendre les décisions sur les affaires importantes.

Art. 89. — Le nombre des Ministres ne dépassera pas sept ; ils peuvent être choisis en dehors du Parlement.

Art. 90. — Le Ministère est responsable collectivement envers le Parlement pour la politique générale. Chaque ministre l’est individuellement en ce qui concerne les affaires qui dépendent de son département. Le Conseil des Ministres présente son programme à la Chambre par l’intermédiaire de son président ou d’un Ministre.

Art. 91. — Les Ministres peuvent assister aux séances de la Chambre, y prendre la parole, s’y faire assister par des commissaires du Gouvernement.

Art. 92. — Un ministre ne peut rien acheter ni louer qui appartienne aux domaines de l’État, même aux enchères publiques. Il ne peut prendre part aux marchés de fournitures passés par les administrations publiques. Il ne peut, pendant la durée de son ministère, faire partie d’aucun Conseil d’administration.

Art. 93. — Une motion de défiance à l’égard du Cabinet ou d’un Ministre ne peut être soumise au vote que si les deux tiers au moins des membres de la Chambre sont présents. — Mais au cas où la question de confiance est posée par le Cabinet ou par un Ministre, il suffit, pour que la Chambre puisse eu délibérer, que la majorité de ses membres soient présents. — Le Cabinet ou le Ministre contre lequel a été voté une motion de défiance doit donner sa démission.

Art. 94. — La Chambre peut mettre en accusation les ministres pour haute trahison ou forfaiture. Cette décision ne peut être prise qu’à la majorité des deux tiers de l’ensemble des députés. La responsabilité civile des Ministres sera définie par une loi spéciale qui tiendra compte du principe de la responsabilité pécuniaire vis-à-vis de l’État.

Art. 95. — Le ministre mis en accusation est traduit devant la Haute-Cour.

Art. 96. — Le ministre mis en accusation doit abandonner aussitôt ses fonctions. La démission du Ministre n’empêche pas les poursuites d’être entamées ou continuées.

CHAP. IV. De la Haute-Cour.

Art. 97. — La Haute-Cour se compose de quinze membres : huit députés élus par la Chambre au début chaque année et sept magistrats syriens occupant les plus hautes fonctions de la magistrature, pris par ordre hiérarchique, ou, à rang égal, par ordre d’ancienneté, et désignés chaque année par la Cour de Cassation en Assemblée plénière. — La Haute-Cour se réunit sous la présidence du magistrat le plus élevé en grade. Ses arrêts sont rendus à la majorité de dix voix. Les fonctions du ministère public sont remplies par le procureur général de la Cour de Cassation ; sauf en cas de mise en jugement du Président de la République, auquel cas ces fonctions sont exercées par un magistrat désigné par la Cour de Cassation dans les conditions prévues par l’article 82 de la présente Constitution. — Une loi déterminera la procédure à suivre devant la Haute-Cour.

TITRE III. — DES FINANCES.

Art. 98. — Les impôts sont établis dans un but d’utilité publique. Ils ne peuvent être levés, modifiés ou supprimés qu’en vertu d’une loi. Nul ne peut être exonéré d’un impôt, sinon par une loi.

Art. 99. — Chaque année, au début de la session d’octobre, le Gouvernement soumet à la Chambre le budget général des dépenses et recettes de l’État pour l’année suivante. Le budget est voté article par article.

Art. 100. — La Chambre ne peut, au cours de la discussion, soit du budget, soit des projets de loi portant ouverture de crédits supplémentaires ou extraordinaires, relever les crédits proposés, ni par voie d’amendement ni par voie de proposition indépendante. Mais une fois cette discussion terminée, l’Assemblée peut voter des lois comportant des dépenses nouvelles. La Commission parlementaire chargée d’étudier le projet de budget a le droit de le modifier.

Art. 101. — Aucun crédit extraordinaire ne peut être ouvert que par une loi spéciale. Néanmoins, lorsque des circonstances imprévues rendent nécessaires des dépenses urgentes, le Président de la République peut, par décret pris sur avis conforme du Conseil des Ministres, ouvrir des crédits extraordinaires et supplémentaires ou opérer tout virement de crédits. Ces crédits ne peuvent dépasser deux mille livres par article. La mesure ainsi édictées dont soumises à la ratification de la Chambre, à la première session suivante.

Art. 102. — Si la Chambre n’a pas définitivement statué sur le projet de budget avant l’expiration de la session consacrée à son examen, le Président de la République convoque l’Assemblée en session extraordinaire expirant fin janvier pour poursuivre la discussion du budget. Dans ce cas, des crédits provisoires sont ouverts par décret sur la base du douzième de l’exercice précédent. Pendant cette période, les impôts et taxes seront perçus, les dépenses effectuées, conformément aux lois en vigueur. — Si, à la fin de cette session extraordinaire, il n’a pas encore été définitivement statué sur le budget, le Président de la République pourra, par un décret pris sur avis conforme du Conseil des Ministres, rendre le projet de budget exécutoire dans la forme où il a été présenté à la Chambre. — Le Président de la République ne pourra exercer cette faculté que si le projet de budget a été présenté à la Chambre quinze jours au moins avant le commencement de la session.

Art. 103. — Les comptes définitifs de l’exercice clos doivent être soumis à la Chambre dans un délai maximum de deux ans à dater de la fin de l’année budgétaire visée. Une loi spéciale instituera une Cour des Comptes qui aura à vérifier toutes les recettes et toutes les dépenses. Cette Cour sera indépendante. Ses membres seront inamovibles, sauf dans les cas prévus par la loi et après approbation du Parlement.

Art. 104. — Aucun emprunt public, aucun engagement pouvant grever le Trésor de l’État ne pourront être contractés qu’en vertu d’une loi.

Art. 105. — Aucune concession ayant pour objet l’exploration d’une richesse naturelle du pays ou un service d’utilité publique, aucun monopole ne peuvent être accordés, s’ils sont de nature à engager les finances de l’État, qu’en vertu d’une loi. Ces concessions et monopoles ne peuvent être accordés que pour un temps limité.

Art. 106. — Le système monétaire est réglé par la loi.

Art. 107. — Les lois économiques s’efforceront d’assurer le développement des industries locales.

TITRE IV. — DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION.

Art. 108. — La Chambre peut, au cours d’une session ordinaire et sur la proposition, soit du tiers de ses membres, soit du Président de la République, d’accord sur ce point avec le Conseil des Ministres, émettre, à la majorité des deux tiers de ses membres, le vœu que la Constitution soit révisée. Ce vœu doit préciser les articles dont la modification est demandée. La Chambre aura à se prononcer sur la révision de ces articles au cours de sa session ordinaire suivante. La révision ne pourra être décidée qu’à la majorité des deux tiers des membres de la Chambre.

TITRE V. — DISPOSITIONS DIVERSES.

Art. 109. — Les limites, l’organisation et les attributions des régions administratives feront l’objet d’une loi spéciale qui tiendra compte de la situation particulière de certaines de ces régions.

Art. 110. — L’organisation de la future armée fera l’objet d’une loi spéciale.

Art.  111. — La législation actuelle demeurera en vigueur jusqu’à modification par des lois nouvelles.

Art. 112. — Le Président de la République peut, sur proposition du Conseil des Ministres, proclamer l’état de siège dans les districts troublés, à condition d’en informer immédiatement la Chambre. Si la Chambre est en congé, le Président de la République procède sans délai à sa convocation.

Art. 113. — Les affaires des tribus bédouines sont dirigées par une administration spéciale dont les attributions feront l’objet d’une loi qui tiendra compte de leur situation particulière.

Art. 114. — Les wakfs musulmans, en général, appartiennent exclusivement à la communauté musulmane. Ils seront administrés par des Conseils élus par les Musulmans. Le mode d’élection de ces Conseils et leurs attributions feront l’objet d’une loi spéciale.

Art. 115. — Le premier Président de la République sera élu par la Chambre des Députés conformément aux dispositions de la Constitution.

TITRE VI. — DISPOSITION TRANSITOIRE.

Art. 116. — Aucune disposition de la présente Constitution n’est et ne peut être en opposition avec les obligations contractées par la France en ce qui concerne la Syrie, particulièrement envers la S. D. N. — Cette réserve s’applique spécialement aux articles qui touchent au maintien de l’ordre, de la sécurité et à la défense du pays, et à ceux qui intéressent les relations extérieures. — Pendant la durée des obligations internationales de la France en ce qui concerne la Syrie, les dispositions de la présente Constitution qui seraient de nature à les affecter ne seront applicables que dans les conditions déterminées par accord à intervenir entre les Gouvernements français et syrien. — En conséquence, les lois prévues par les articles de la présente Constitution dont l’application pourrait intéresser ces responsabilités ne seront discutées et promulguées conformément à la présente Constitution qu’en exécution de cet accord. — Les décisions d’ordre législatif et réglementaire prises par les représentants du Gouvernement français ne pourront être modifiées qu’après entente entre les deux Gouvernements.