Constitution fédérale de la Confédération suisse du 12 septembre 1848

Pour les autres éditions de ce texte, voir Constitution de la Suisse.

Chancellerie fédérale de la Confédération suisse
(p. 3-34).
CONSTITUTION FÉDÉRALE
DE LA
CONFÉDÉRATION SUISSE,
du 12 Septembre 1848.
Séparateur


AU NOM DE DIEU TOUT-PUISSANT !
La Confédération Suisse,

Voulant affermir l’alliance des Confédérés, maintenir et accroître l’unité, la force et l’honneur de la Nation suisse, a adopté la Constitution fédérale suivante :

CHAPITRE PREMIER.

Dispositions générales.

Article premier. Les peuples des vingt-deux Cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance, savoir : Zurich, Berne, Lucerne, Ury, Schwyz, Unterwalden (le Haut et le Bas), Glaris, Zug, Fribourg, Soleure, Bâle (Ville et Campagne), Schaffhouse, Appenzell (les deux Rhodes) St.-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin, Vaud, Valais, Neuchâtel et Genève, forment dans leur ensemble la Confédération Suisse.

Art. 2. La Confédération a pour but d’assurer l’indépendance de la patrie contre l’étranger, de maintenir la tranquillité et l’ordre à l’intérieur, de protéger la liberté et les droits des Confédérés et d’accroître leur prospérité commune.

Art. 3. Les Cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale, et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.

Art. 4. Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n’y a en Suisse ni sujets, ni privilèges de lieux, de naissance, de personnes ou de familles.

Art. 5. La Confédération garantit aux Cantons leur territoire, leur souveraineté dans les limites fixées par l’article 3, leurs constitutions, la liberté et les droits du peuple, les droits constitutionnels des citoyens, ainsi que les droits et les attributions que le Peuple a conférés aux autorités.

Art. 6. À cet effet, les Cantons sont tenus de demander à la Confédération la garantie de leurs constitutions.

Cette garantie est accordée, pourvu :

a. Que ces constitutions ne renferment rien de contraire aux dispositions de la Constitution fédérale ;

b. Qu’elles assurent l’exercice des droits politiques d’après des formes républicaines, — représentatives ou démocratiques ;

c. Qu’elles aient été acceptées par le peuple et qu’elles puissent être révisées, lorsque la majorité absolue des citoyens le demande.

Art. 7. Toute alliance particulière et tout traité d’une nature politique entre Cantons sont interdits.

En revanche, les Cantons ont le droit de conclure entr’eux des conventions sur des objets de législation, d’administration ou de justice ; toutefois, ils doivent les porter à la connaissance de l’autorité fédérale, laquelle, si ces conventions renferment quelque chose de contraire à la Confédération ou aux droits des autres Cantons, est autorisée à en empêcher l’exécution. Dans le cas contraire, les Cantons contractants sont autorisés à réclamer pour l’exécution la coopération des autorités fédérales.

Art. 8. La Confédération a seule le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix, ainsi que de faire avec les États étrangers des alliances et des traités, notamment des traités de péage (douanes) et de commerce.

Art. 9. Toutefois, les Cantons conservent le droit de conclure avec les États étrangers des traités sur des objets concernant l’économie publique, les rapports de voisinage et la police ; néanmoins ces traités ne doivent rien contenir de contraire à la Confédération ou aux droits d’autres Cantons.

Art. 10. Les rapports officiels entre les Cantons et les Gouvernements étrangers ou leurs représentants ont lieu par l’intermédiaire du Conseil fédéral.

Toutefois les Cantons peuvent correspondre directement avec les autorités inférieures et les employés d’un État étranger, lorsqu’il s’agit des objets mentionnés à l’article précédent.

Art. 11. Il ne peut être conclu de capitulations militaires.

Art. 12. Les membres des autorités fédérales, les fonctionnaires civils et militaires de la Confédération, et les représentants, ou les commissaires fédéraux ne peuvent recevoir d’un Gouvernement étranger ni pensions ou traitements, ni titres, présents ou décorations.

S’ils sont déjà en possession de pensions, de titres ou de décorations, ils devront renoncer à jouir de leurs pensions et à porter leurs titres et leurs décorations pendant la durée de leurs fonctions. Toutefois les employés inférieurs peuvent être autorisés par le Conseil fédéral à recevoir leurs pensions.

Art. 13. La Confédération n’a pas le droit d’entretenir des troupes permanentes.

Nul Canton ou demi-Canton ne peut avoir plus de 300 hommes de troupes permanentes, sans l’autorisation du pouvoir fédéral ; la gendarmerie n’est pas comprise dans ce nombre.

Art. 14. Des différends venant à s’élever entre Cantons, les États s’abstiendront de toute voie de fait et de tout armement. Il se soumettront à la décision qui sera prise sur ces différends conformément aux prescriptions fédérales.

Art. 15. Dans le cas d’un danger subit provenant du dehors, le Gouvernement du Canton menacé doit requérir le secours des États confédérés et en aviser immédiatement l’autorité fédérale, le tout sans préjudice des dispositions qu’elle pourra prendre. Les Cantons requis sont tenus de prêter secours. Ces frais sont supportés par la Confédération.

Art. 16. En cas de troubles à l’intérieur, ou lorsque le danger provient d’un autre Canton, le Gouvernement du Canton menacé doit en aviser immédiatement le Conseil fédéral, afin qu’il puisse prendre les mesures nécessaires dans les limites de sa compétence (Art. 90, Nro. 3, 10 et 11) ou convoquer l’Assemblée fédérale. Lorsqu’il y a urgence, le Gouvernement est autorisé, en avertissant immédiatement le Conseil fédéral, à requérir le secours d’autres États confédérés, qui sont tenus de le prêter.

Lorsque le Gouvernement est hors d’état d’invoquer le secours, l’autorité fédérale compétente peut intervenir sans réquisition ; elle est tenue d’intervenir lorsque les troubles compromettent la sûreté de la Suisse.

En cas d’intervention, les autorités fédérales veillent à l’observation des dispositions prescrites à l’article 5.

Les frais sont supportés par le Canton qui a requis l’assistance ou occasionné l’intervention, à moins que l’Assemblée fédérale n’en décide autrement, en considération de circonstances particulières.

Art. 17. Dans les cas mentionnés aux deux articles précédents, chaque Canton est tenu d’accorder libre passage aux troupes. Celles-ci sont immédiatement placées sous le commandement fédéral.

Art. 18. Tout Suisse est tenu au service militaire.

Art. 19. L’armée fédérale, formée des contingents des Cantons, se compose :

a. de l’élite, pour laquelle chaque Canton fournit trois hommes sur 100 âmes de population suisse ;

b. de la réserve, qui est de la moitié de l’élite.

Lorsqu’il y a danger, la Confédération peut aussi disposer de la seconde réserve (Landwehr) qui se compose des autres forces militaires des Cantons.

L’échelle des contingents, fixant le nombre d’hommes que doit fournir chaque Canton, sera soumise à une révision tous les vingt ans.

Art. 20. Afin d’introduire dans l’armée fédérale l’uniformité et l’aptitude nécessaires, on arrête les bases suivantes :

1) Une loi fédérale détermine l’organisation générale de l’armée.

2) La Confédération se charge :

a. de l’instruction des corps du génie, de l’artillerie et de la cavalerie ; toutefois les Cantons chargés de ces armes fournissent les chevaux ;

b. de former les instructeurs pour les autres armes ;

c. de l’instruction militaire supérieure pour toutes les armes ; à cette fin, elle établit des écoles militaires et ordonne des réunions de troupes ;

d. de fournir une partie du matériel de guerre.

La centralisation de l’instruction militaire pourra, au besoin, être développée ultérieurement par la législation fédérale.

3) La Confédération surveille l’instruction militaire de l’infanterie et des carabiniers, ainsi que l’achat, la construction et l’entretien du matériel de guerre que les Cantons doivent fournir à l’armée fédérale.

4) Les ordonnances militaires des Cantons ne doivent rien contenir de contraire à l’organisation générale de l’armée, non plus qu’à leurs obligations fédérales ; elles sont communiquées au Conseil fédéral pour qu’il les examine sous ce rapport.

5) Tous les corps de troupes au service de la Confédération portent le drapeau fédéral.

Art. 21. La Confédération peut ordonner à ses frais ou encourager par des subsides les travaux publics qui intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays.

Dans ce but, elle peut ordonner l’expropriation moyennant une juste indemnité. La législation fédérale statuera les dispositions ultérieures sur cette matière.

L’Assemblée fédérale peut interdire les constructions publiques qui porteraient atteinte aux intérêts militaires de la Confédération.

Art. 22. La Confédération a le droit d’établir une Université suisse et une École polytechnique.

Art. 23. Ce qui concerne les péages (douanes) relève de la Confédération.

Art. 24. La Confédération a le droit, moyennant une indemnité, de supprimer en tout ou en partie les péages sur terre ou sur eau, les droits de transit, de chaussée et de pontonnage, les droits de douane et les autres finances de ce genre accordées ou reconnues par la Diète, soit que ces péages et autres droits appartiennent aux Cantons, ou qu’ils soient perçus par des communes, des corporations ou des particuliers. Toutefois, les droits de chaussée elles péages qui grèvent le transit seront rachetés dans toute la Suisse.

La Confédération pourra percevoir, à la frontière suisse, des droits d’importation, d’exportation et de transit.

Elle a le droit d’utiliser, moyennant indemnité, en les acquérant ou les prenant en location, les bâtiments actuellement destinés à l’administration des péages à la frontière suisse.

Art. 25. La perception des péages fédéraux sera réglée conformément aux principes suivants :

1) Droit sur l’importation :

a. Les matières nécessaires à l’industrie du pays seront taxées aussi bas que possible. b. Il en sera de même des objets nécessaires à la vie.

c. Les objets de luxe seront soumis au tarif le plus élevé.

2) Les droits de transit et, en général, les droits sur l’exportation seront aussi modérés que possible.

3) La législation des péages contiendra des dispositions propres à assurer le commerce frontière et sur les marchés.

Les dispositions ci-dessus n’empêchent point la Confédération de prendre temporairement des mesures exceptionnelles dans des circonstances extraordinaires.

Art. 26. Le produit des péages fédéraux sur l’importation, l’exportation et le transit sera employé comme suit :

a. Chaque Canton recevra quatre batz par tête de sa population totale, d’après le recensement de 1838.

b. Les Cantons qui, au moyen de cette répartition, ne seront pas suffisamment couverts de la perte résultant pour eux de la suppression des droits mentionnés à l’article 24, recevront, de plus, la somme nécessaire pour les indemniser de ces droits d’après la moyenne du produit net des cinq années 1842 à 1846 inclusivement.

c. L’excédant de la recette des péages sera versé dans la caisse fédérale.

Art. 27. Lorsque des péages, des droits de chaussée ou de pontonnage ont été accordés pour amortir le capital employé à une construction ou une partie de ce capital, la perception de ces péages et de ces droits ou le paiement de l’indemnité cesse dès que la somme à couvrir, y compris les intérêts, est atteinte.

Art. 28. Les dispositions qui précèdent ne dérogent point aux clauses relatives aux droits de transit, renfermées dans des conventions conclues avec les entreprises de chemins de fer.

De son côté, la Confédération acquiert les droits réservés par ces traités aux Cantons touchant les finances perçues sur le transit.

Art. 29. Le libre achat et la libre vente des denrées, du bétail et des marchandises proprement dites, ainsi que des autres produits du sol et de l’industrie, leur libre entrée, leur libre sortie et leur libre passage d’un Canton à l’autre sont garantis dans toute l’étendue de la Confédération.

Sont réservés :

a. Quant à l’achat et à la vente, la régale du sel et de la poudre à canon.

b. Les dispositions des Cantons touchant la police du commerce et de l’industrie, ainsi que celle des routes.

c. Les dispositions contre l’accaparement.

d. Les mesures temporaires de police de santé lors d’épidémies et d’épizooties.

Les dispositions mentionnées sous lettres b et c ci-dessus doivent être les mêmes pour les citoyens du Canton et ceux des autres États confédérés. Elles sont soumises à l’examen du Conseil fédéral et ne peuvent être mises à exécution avant d’avoir reçu son approbation.

e. Les droits accordés ou reconnus par la Diète et que la Confédération n’a pas supprimés (art. 24 et 31).

f. Les droits de consommation sur les vins et les autres boissons spiritueuses, conformément aux prescriptions de l’art. 32. Art. 30. La législation fédérale statuera, pour autant que la Confédération y est intéressée, les dispositions nécessaires touchant l’abolition des privilèges relatifs au transport des personnes et des marchandises de quelque espèce que ce soit sur terre ou sur eau, existant entre Cantons ou dans l’intérieur d’un Canton.

Art. 31. La perception des droits mentionnés à l’article 29, lettre e, a lieu sous la surveillance du Conseil fédéral. On ne pourra, sans l’autorisation de l’Assemblée fédérale, ni les hausser, ni en prolonger la durée, s’ils ont été accordés pour un temps déterminé.

Les Cantons ne pourront, sous quelque dénomination que ce soit, établir de nouveaux péages, non plus que de nouveaux droits de chaussée et de pontonnage. Toutefois l’Assemblée fédérale pourra autoriser la perception de péages ou de tels droits, afin d’encourager, conformément à l’article 21, des constructions d’un intérêt général pour le commerce et qui ne pourraient être entreprises sans cette concession.

Art. 32. Outre les droits réservés à l’article 29, lettre e, les Cantons sont autorisés à percevoir des droits de consommation sur les vins et les autres boissons spiritueuses, toutefois moyennant les restrictions suivantes :

a) La perception de ces droits de consommation ne doit nullement gréver le transit ; elle doit gêner le moins possible le commerce qui ne peut être frappé d’aucune autre taxe.

b) Si les objets importés pour la consommation sont réexportés du Canton, les droits payés pour l’entrée sont restitués sans qu’il en résulte d’autres charges.

c) Les produits d’origine suisse seront moins imposés que ceux de l’étranger.

d) Les droits actuels de consommation sur les vins et les autres boissons spiritueuses d’origine suisse ne pourront être haussés par les Cantons où il en existe. Il n’en pourra point être établi sur ces produits par les Cantons qui n’en perçoivent pas actuellement.

e) Les lois et les arrêtés des Cantons sur la perception des droits de consommation sont, avant leur mise à exécution, soumises à l’approbation de l’autorité fédérale, afin qu’elle fasse, au besoin, observer les dispositions qui précèdent.

Art. 33. La Confédération se charge de l’administration des postes dans toute la Suisse, conformément aux prescriptions suivantes :

1) Le service des postes ne doit, dans son ensemble, pas descendre au-dessous de son état actuel, sans le consentement des Cantons intéressés.

2) Les tarifs seront fixés d’après les mêmes principes et aussi équitablement que possible dans toutes les parties de la Suisse.

3) L’inviolabilité du secret des lettres est garantie.

4) La Confédération indemnisera comme suit les Cantons pour la cession qu’ils lui font du droit régalien des postes :

a. Les Cantons reçoivent chaque année la moyenne du produit net des postes sur leur territoire pendant les trois années 1844, 1845 et 1846.

Toutefois, si le produit net que la Confédération retire des postes ne suffit pas à payer cette indemnité, il est fait aux Cantons une diminution proportionnelle.

b. Lorsqu’un Canton n’a rien reçu directement pour l’exercice du droit de poste, ou lorsque, par suite d’un traité de ferme conclu avec un autre État confédéré, un Canton a beaucoup moins reçu pour ses postes que le produit net et constaté de l’exercice de droit régalien sur son territoire, cette circonstance est équitablement prise en considération lors de la fixation de l’indemnité.

c. Lorsque l’exercice du droit régalien des postes a été laissé à des particuliers, la Confédération se charge de les indemniser, s’il y a lieu.

d. La Confédération a le droit et l’obligation d’acquérir, moyennant une indemnité équitable, le matériel appartenant à l’administration des postes, pour autant qu’il est propre à l’usage auquel il est destiné et que l’administration en a besoin.

e. L’administration fédérale a le droit d’utiliser les bâtiments actuellement destinés aux postes, moyennant une indemnité, en les acquérant ou les prenant en location.

Art. 34. Les employés aux péages et aux postes doivent, en majeure partie, être choisis parmi les habitants des Cantons où ils sont placés.

Art. 35. La Confédération exerce la haute surveillance sur les routes et les ponts dont le maintien l’intéresse.

Les sommes à payer aux Cantons en vertu des articles 26 et 33 sont retenues par l’autorité fédérale, lorsque ces routes et ces ponts ne sont pas convenablement entretenus par les Cantons, les corporations ou les particuliers que cela concerne.

Art. 36. La Confédération exerce tous les droits compris dans la régale des monnaies. Les Cantons cessent de battre monnaie ; le numéraire est frappé par la Confédération seule.

Une loi fédérale fixera le pied monétaire ainsi que le tarif des espèces en circulation ; elle statuera aussi les dispositions ultérieures sur l’obligation où sont les Cantons de refondre ou de refrapper une partie des monnaies qu’ils ont émises.

Art. 37. La Confédération introduira l’uniformité des poids et mesures dans toute l’étendue de son territoire, en prenant pour base le concordat fédéral touchant cette matière.

Art. 38. La fabrication et la vente de la poudre à canon appartiennent exclusivement à la Confédération dans toute la Suisse.

Art. 39. Les dépenses de la Confédération sont couvertes :

a. Par les intérêts des fonds de guerre fédéraux ;

b. Par le produit des péages fédéraux perçus à la frontière suisse ;

c. Par le produit des postes ;

d. Par le produit des poudres ;

e. Par les contributions des Cantons qui ne peuvent être levées qu’en vertu d’arrêtés de l’Assemblée fédérale.

Ces contributions sont payées par les Cantons d’après l’échelle des contingents d’argent, qui sera soumise à une révision tous les vingt ans.

Dans cette révision on prendra pour base tant la population des Cantons que la fortune et les moyens de gagner qu’ils renferment.

Art. 40. Il devra toujours y avoir en argent comptant dans la caisse fédérale, au moins le montant du double contingent d’argent des Cantons, pour subvenir aux dépenses militaires occasionnées par les levées de troupes fédérales.

Art. 41. La Confédération garantit à tous les Suisses de l’une des confessions chrétiennes, le droit de s’établir librement dans toute l’étendue du territoire suisse, conformément aux dispositions suivantes :

1) Aucun Suisse appartenant à une confession chrétienne ne peut être empêché de s’établir dans un Canton quelconque, s’il est muni des pièces authentiques suivantes :

a. D’un acte d’origine ou d’une autre pièce équivalente ;

b. D’un certificat de bonnes mœurs ;

c. D’une attestation qu’il jouit des droits civiques et qu’il n’est point légalement flétri ;

Il doit de plus, s’il en est requis, prouver qu’il est en état de s’entretenir lui et sa famille, par sa fortune, sa profession ou son travail.

Les Suisses naturalisés doivent, de plus, produire un certificat portant qu’ils sont depuis cinq ans au moins en possession d’un droit de cité cantonal.

2) Le Canton dans lequel un Suisse établit son domicile ne peut exiger de lui un cautionnement, ni lui imposer aucune autre charge particulière pour cet établissement.

3) Une loi fédérale fixera la durée du permis d’établissement ainsi que le maximum de l’émolument de chancellerie à payer au Canton pour obtenir ce permis.

4) En s’établissant dans un autre Canton, le Suisse entre en jouissance de tous les droits des citoyens de ce Canton, à l’exception de celui de voter dans les affaires communales et de la participation aux biens des communes et des corporations. En particulier, la liberté d’industrie et le droit d’acquérir et d’aliéner des biens-fonds lui sont assurés, conformément aux lois et ordonnances du Canton, lesquelles doivent, à tous ces égards, traiter le Suisse domicilié à l’égal du citoyen du Canton.

5) Les communes ne peuvent imposer à leurs habitants appartenant à d’autres Cantons, des contributions aux charges communales plus fortes qu’à leurs habitants appartenant à d’autres communes de leur propre Canton.

6) Le Suisse établi dans un autre Canton peut en être renvoyé :

a) Par sentence du juge en matière pénale ;

b) Par ordre des autorités de police, s’il a perdu ses droits civiques et a été légalement flétri, si sa conduite est contraire aux mœurs, s’il tombe à la charge du public, ou s’il a été souvent puni pour contravention aux lois ou règlements de police.

Art. 42. Tout citoyen d’un Canton est citoyen suisse. Il peut, à ce titre, exercer les droits politiques pour les affaires fédérales et cantonales dans chaque Canton où il est établi. Il ne peut exercer ces droits qu’aux mêmes conditions que les citoyens du Canton, et, en tant qu’il s’agit des affaires cantonales, qu’après un séjour dont la durée est déterminée par la législation cantonale ; cette durée ne peut excéder deux ans.

Nul ne peut exercer des droits politiques dans plus d’un Canton.

Art. 43. Aucun Canton ne peut priver un de ses ressortissants du droit d’origine ou de cité.

Les étrangers ne peuvent être naturalisés dans un Canton qu’autant qu’ils seront affranchis de tout lien envers l’État auquel ils appartenaient.

Art. 44. Le libre exercice du culte des confessions chrétiennes reconnues est garanti dans toute la Confédération.

Toutefois les Cantons et la Confédération pourront toujours prendre les mesures propres au maintien de l’ordre public et de la paix entre les confessions.

Art. 45. La liberté de la presse est garantie.

Toutefois les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus ; ces lois sont soumises à l’approbation du Conseil fédéral.

La Confédération peut aussi statuer des peines pour réprimer les abus dirigés contre elle ou ses autorités.

Art. 46. Les citoyens ont le droit de former, des associations pourvu qu’il n’y ait dans le but de ces associations ou dans les moyens qu’elles emploient rien d’illicite ou de dangereux pour l’État. Les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus.

Art. 47. Le droit de pétition est garanti.

Art. 48. Tous les Cantons sont obligés de traiter les citoyens de l’une des confessions chrétiennes ressortissant des autres États confédérés comme ceux de leur État, en matière de législation et pour tout ce qui concerne les voies juridiques.

Art. 49. Les jugements civils définitifs rendus dans un Canton sont exécutoires dans toute la Suisse.

Art. 50. Pour réclamations personnelles, le débiteur suisse ayant domicile et solvable, doit être recherché devant son juge naturel ; ses biens ne peuvent en conséquence être saisis ou séquestrés hors du Canton où il est domicilié, en vertu de réclamations personnelles.

Art. 51. La traite foraine est abolie dans l’intérieur de la Suisse, ainsi que le droit de retrait des citoyens d’un Canton contre ceux d’autres États confédérés.

Art. 52. La traite foraine à l’égard des pays étrangers est abolie sous réserve de réciprocité.

Art. 53. Nul ne peut être distrait de son juge naturel. En conséquence, il ne pourra être établi de tribunaux extraordinaires.

Art. 54. Il ne pourra être prononcé de peine de mort pour cause de délit politique.

Art. 55. Une loi fédérale statuera sur l’extradition des accusés d’un Canton à l’autre ; toutefois l’extradition ne peut être rendue obligatoire pour les délits politiques et ceux de la presse.

Art. 56. Il sera rendu une loi fédérale pour déterminer de quels Cantons ressortissent les gens sans patrie (Heimathlosen) et pour empêcher qu’il ne s’en forme de nouveaux.

Art. 57. La Confédération a le droit de renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Art. 58. L’Ordre des Jésuites et les sociétés qui lui sont affiliées ne peuvent être reçus dans aucune partie de la Suisse.

Art. 59. Les autorités fédérales peuvent prendre des mesures de police sanitaire lors d’épidémies et d’épizooties qui offrent un danger général.


CHAPITRE II.

Autorités fédérales.

I. Assemblée fédérale.

Art. 60. L’autorité suprême de la Confédération est exercée par l’Assemblée fédérale qui se compose de deux Sections ou Conseils, savoir :

A. du Conseil national ;

B. du Conseil des États.

A. Conseil national.

Art. 61. Le Conseil national se compose des députés du Peuple suisse, élus à raison d’un membre par chaque 20,000 âmes de la population totale. Les fractions en sus de 10,000 âmes sont comptées pour 20,000.

Chaque Canton et, dans les Cantons partagés, chaque demi-Canton élit un député au moins.

Art. 62. Les élections pour le Conseil national sont directes. Elles ont lieu dans des collèges électoraux fédéraux, qui ne peuvent toutefois être formés de parties de différents Cantons.

Art. 63. A droit de voter tout Suisse âgé de vingt ans révolus et qui n’est du reste point exclu du droit de citoyen actif par la législation du Canton dans lequel il a son domicile.

Art. 64. Est éligible comme membre du Conseil national tout citoyen suisse laïque et ayant le droit de voter.

Les Suisses devenus citoyens par la naturalisation ne sont éligibles qu’après cinq ans de possession du droit de cité.

Art. 65. Le Conseil national est élu pour trois ans et renouvelé intégralement chaque fois.

Art. 66. Les députés au Conseil des États, les membres du Conseil fédéral et les fonctionnaires nommés par ce Conseil ne peuvent être simultanément membres du Conseil national.

Art. 67. Le Conseil national choisit dans son sein, pour chaque session ordinaire ou extraordinaire, un Président et un vice-Président.

Le membre qui a été Président pendant une session ordinaire ne peut, à la session ordinaire suivante, revêtir cette charge ni celle de vice-Président.

Le même membre ne peut être vice-Président pendant deux sessions ordinaires consécutives.

Lorsque les avis sont également partagés, le Président a la voix prépondérante ; dans les élections, il vote comme les autres membres.

Art. 68. Les membres du Conseil national sont indemnisés de la caisse fédérale.

B. Conseil des États.

Art. 69. Le Conseil des États se compose de quarante-quatre députés des Cantons. Chaque Canton nomme deux députés ; dans les Cantons partagés, chaque demi-État en élit un.

Art. 70. Les membres du Conseil national et ceux du Conseil fédéral ne peuvent être simultanément députés au Conseil des États.

Art. 71. Le Conseil des États choisit dans son sein, pour chaque session ordinaire ou extraordinaire, un Président et un vice-Président.

Le Président ni le vice-Président ne peuvent être élus parmi les députés du Canton dans lequel a été choisi le Président pour la session ordinaire qui a immédiatement précédé.

Les députés du même Canton ne peuvent revêtir la charge de vice-Président pendant deux sessions ordinaires consécutives.

Lorsque les avis sont également partagés, le Président a la voix prépondérante ; dans les élections, il vote comme les autres membres.

Art. 72. Les députés au Conseil des États, sont indemnisés par les Cantons.

C. Attributions de l’Assemblée fédérale.

Art. 73. Le Conseil national et le Conseil des États délibèrent sur tous les objets que la présente Constitution place dans le ressort de la Confédération et qui ne sont pas attribués à une autorité fédérale.

Art. 74. Les affaires de la compétence des deux Conseils sont, entr’autres, les suivantes :

1. Les lois, les décrets ou les arrêtés pour la mise en vigueur de la Constitution fédérale, notamment sur la formation des cercles électoraux et le mode d’élection, sur l’organisation et le mode de procéder des autorités fédérales ainsi que sur la formation du jury ;

2. Le traitement et les indemnités des membres des autorités de la Confédération et de la Chancellerie fédérale ; la création de fonctions fédérales permanentes et la fixation des traitements ;

3. L’élection du Conseil fédéral, du Tribunal fédéral, du Chancelier, du Général en chef, du Chef de l’État-major-général et des Représentants fédéraux ;

4. La reconnaissance d’États et de Gouvernements étrangers ;

5. Les alliances et les traités avec les États étrangers, ainsi que l’approbation des traités des Cantons entr’eux ou avec les États étrangers ; toutefois les traités des Cantons ne sont portés à l’Assemblée fédérale que lorsque le Conseil fédéral ou un autre Canton élève des réclamations ;

6. Les mesures pour la sûreté extérieure ainsi que pour le maintien de l’indépendance et de la neutralité de la Suisse ; les déclarations de guerre et la conclusion de la paix ;

7. La garantie des Constitutions et du territoire des Cantons ; l’intervention par suite de cette garantie ; les mesures pour la sûreté intérieure de la Suisse, pour le maintien de la tranquillité et de l’ordre ; l’amnistie et l’exercice du droit de grâce ;

8. Les mesures pour faire respecter la Constitution fédérale et assurer la garantie des Constitutions cantonales, ainsi que celles qui ont pour but d’obtenir l’accomplissement des devoirs fédéraux ou de maintenir les droits garantis par la Confédération ;

9. Les dispositions législatives touchant l’organisation militaire de la Confédération, l’instruction des troupes et les prestations des Cantons ; la disposition de l’armée ;

10. L’établissement de l’échelle fédérale des contingents d’hommes et d’argent ; les dispositions législatives sur l’administration et l’emploi des fonds de guerre fédéraux ; la levée des contingents d’argent des Cantons, les emprunts, le budget et les comptes ;

11. Les lois, les décrets ou les arrêtés touchant les péages, les postes, les monnaies, les poids et mesures, la fabrication et la vente de la poudre à canon, des armes et des munitions ;

12. La création d’établissements publics et les constructions de la Confédération, ainsi que les mesures d’expropriation qui s’y rapportent ;

13. Les dispositions législatives touchant le libre établissement, les gens sans patrie (Heimathlose), la police des étrangers et les mesures sanitaires ;

14. La haute surveillance de l’administration et de la justice fédérales ;

15. Les réclamations des Cantons et des citoyens contre les décisions ou les mesures prises par le Conseil fédéral ;

16. Les différends entre Cantons qui touchent au droit public ;

17. Les conflits de compétence, entr’autres sur la question de savoir :

a. si une affaire est du ressort de la Confédération ou si elle appartient à la souveraineté cantonale ;

b. si une affaire est de la compétence du Conseil fédéral ou de celle du Tribunal fédéral ;

18. La révision de la Constitution fédérale.

Art. 74. Les deux Conseils s’assemblent, chaque année une fois, en session ordinaire, le jour fixé par le règlement.

Ils sont extraordinairement convoqués par le Conseil fédéral, ou sur la demande du quart des membres du Conseil national ou sur celle de cinq Cantons.

Art. 75. Un Conseil ne peut délibérer qu’autant que les députés présents forment la majorité absolue du nombre total de ses membres.

Art. 77. Dans le Conseil national et dans le Conseil des États les délibérations sont prises à la majorité absolue des votants.

Art. 78. Les lois fédérales, les décrets ou les arrêtés fédéraux ne peuvent être rendus qu’avec le consentement des deux Conseils.

Art. 79. Les membres des deux Conseils votent sans instructions.

Art. 80. Chaque Conseil délibère séparément. Toutefois lorsqu’il s’agit des élections mentionnées à l’article 74, Nro. 3, d’exercer le droit de grâce ou de prononcer sur un conflit de compétence, les deux Conseils se réunissent pour délibérer en commun sous la direction du Président du Conseil national, et c’est la majorité des membres votants des deux Conseils qui décide.

Art. 81. L’initiative appartient à chaque Conseil et à chacun de leurs membres.

Les Cantons peuvent exercer le même droit par correspondance.

Art. 82. Les séances de chacun des Conseils sont ordinairement publiques.

II. Conseil fédéral.

Art. 83. L’autorité directoriale et exécutive supérieure de la Confédération est exercée par un Conseil fédéral composé de sept membres.

Art. 84. Les membres du Conseil fédéral sont nommés pour trois ans, par les Conseils réunis, et choisis parmi tous les citoyens suisses éligibles au Conseil national. — On ne pourra toutefois choisir plus d’un membre du Conseil fédéral dans le même Canton.

Le Conseil fédéral est renouvelé intégralement après chaque renouvellement du Conseil national.

Les membres qui font vacance dans l’intervalle des trois ans sont remplacés, à la première session de l’Assemblée fédérale, pour le reste de la durée de leurs fonctions.

Art. 85. Les membres du Conseil fédéral ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, revêtir aucun autre emploi, soit au service de la Confédération, soit dans un Canton, ni suivre d’autre carrière ou exercer de profession.

Art. 86. Le Conseil fédéral est présidé par le Président de la Confédération. Il a un vice-Président.

Le Président de la Confédération et le vice-Président du Conseil fédéral sont nommés pour une année, par l’Assemblée fédérale, entre les membres du Conseil.

Le Président sortant de charge ne peut être élu Président ou vice-Président pour l’année qui suit.

Le même membre ne peut revêtir la charge de vice-Président pendant deux années de suite.

Art. 87. Le Président de la Confédération et les autres membres du Conseil fédéral reçoivent un traitement annuel de la caisse fédérale.

Art. 88. Le Conseil fédéral ne peut délibérer que lorsqu’il y a au moins quatre membres présents.

Art. 89. Les membres du Conseil fédéral ont voix consultative dans les deux Sections de l’Assemblée fédérale, ainsi que le droit d’y faire des propositions sur les objets en délibération.

Art. 90. Les attributions et les obligations du Conseil fédéral, dans les limites de la présente Constitution, sont entr’autres les suivantes : 1) Il dirige les affaires fédérales, conformément aux lois, aux décrets et aux arrêtés de la Confédération.

2) Il veille à l’observation de la Constitution, des lois, des décrets et des arrêtés de la Confédération, ainsi que des prescriptions des concordats fédéraux ; il prend de son chef ou sur plainte, les mesures nécessaires pour les faire observer.

3) Il veille à la garantie des Constitutions cantonales.

4) Il présente des projets de lois, de décrets ou d’arrêtés à l’Assemblée fédérale et donne son préavis sur les propositions qui lui sont adressées par les Conseils ou par les Cantons.

5) Il pourvoit à l’exécution des lois, des décrets et des arrêtés de la Confédération et à celle des jugements du Tribunal fédéral, ainsi que des transactions ou des sentences arbitrales sur des différends entre Cantons.

6) Il fait les nominations que la Constitution n’attribue pas à l’Assemblée fédérale ou au Tribunal fédéral, ou que les lois ne délèguent pas à une autre autorité inférieure.

Il nomme des Commissaires pour des missions à l’intérieur ou au dehors.

7) Il examine les traités des Cantons entr’eux ou avec l’étranger, et il les approuve, s’il y a lieu (art. 74, Nro. 5).

8) Il veille aux intérêts de la Confédération au dehors, notamment à l’observation de ses rapports internationaux et il est, en général, chargé des relations extérieures.

9) Il veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité.

10) Il veille à la sûreté intérieure de la Confédération, au maintien de la tranquillité et de l’ordre.

11) En cas d’urgence et lorsque l’Assemblée fédérale n’est pas réunie, le Conseil fédéral est autorisé à lever les troupes nécessaires et à en disposer, sous réserve de convoquer immédiatement les Conseils, si le nombre des troupes levées dépasse 20,000 hommes ou si elles restent sur pied au-delà de trois semaines.

12) Il est chargé de ce qui a rapport au militaire fédéral ainsi que de toutes les autres branches de l’administration qui appartiennent à la Confédération.

13) Il examine les lois et les ordonnances des Cantons qui doivent être soumises à son approbation ; il exerce la surveillance sur les branches de l’administration cantonale que la Confédération a placées sous son contrôle, telles que le militaire, les péages, les routes et les ponts.

14) Il administre les finances de la Confédération, propose le budget et rend les comptes des recettes et des dépenses.

15) Il surveille la gestion de tous les fonctionnaires et employés de l’administration fédérale.

16) Il rend compte de sa gestion à l’Assemblée fédérale, à chaque session ordinaire, lui présente un rapport sur la situation de la Confédération tant à l’intérieur qu’au dehors, et recommande à son attention les mesures qu’il croit utiles à l’accroissement de la prospérité commune.

Il fait aussi des rapports spéciaux lorsque l’Assemblée fédérale ou une de ses Sections le demande.

Art. 91. Les affaires du Conseil fédéral sont réparties par départements entre ses membres. Cette répartition a uniquement pour but de faciliter l’examen et l’expédition des affaires ; les décisions émanent du Conseil fédéral comme autorité.

Art. 92. Le Conseil fédéral et ses départements sont autorisés à appeler des experts pour des objets spéciaux.

III. Chancellerie fédérale.

Art. 93. Une Chancellerie fédérale, à la tête de laquelle se trouve le Chancelier de la Confédération, est chargée du Secrétariat de l’Assemblée fédérale et de celui du Conseil fédéral.

Le Chancelier est élu par l’Assemblée fédérale pour le terme de trois ans, en même temps que le Conseil fédéral.

La Chancellerie est sous la surveillance plus spéciale du Conseil fédéral.

Une loi fédérale déterminera ultérieurement ce qui a rapport à l’organisation de la Chancellerie.

IV. Tribunal fédéral.

Art. 94. Il y a un Tribunal fédéral pour l’administration de la justice en matière fédérale.

Il y a, de plus, un Jury pour les affaires pénales.

Art. 95. Le Tribunal fédéral se compose de onze membres avec des suppléants dont la loi déterminera le nombre.

Art. 96. Les membres du Tribunal fédéral et les suppléants sont nommés pour trois ans par l’Assemblée fédérale. Le Tribunal fédéral est renouvelé intégralement après chaque renouvellement du Conseil national.

Les membres qui font vacance dans l’intervalle des trois ans sont remplacés, à la première session de l’Assemblée fédérale, pour le reste de la durée de leurs fonctions.

Art. 97. Peut être nommé au Tribunal fédéral tout citoyen suisse éligible au Conseil national.

Les membres du Conseil fédéral et les fonctionnaires nommés par cette autorité ne peuvent en même temps faire partie du Tribunal fédéral.

Art. 98. Le Président et le vice-Président du Tribunal fédéral sont nommés par l’Assemblée fédérale, chacun pour un an, parmi les membres du corps.

Art. 99. Les membres du Tribunal fédéral sont indemnisés au moyen de vacations payées par la caisse fédérale.

Art. 100. Le Tribunal fédéral organise sa Chancellerie et en nomme le personnel.

Art. 101. Comme Cour de justice civile, le Tribunal fédéral connaît :

1) pour autant qu’ils ne touchent pas au droit public, des différends :

a. entre Cantons ;

b. entre la Confédération et un Canton ;

2) des différends entre la Confédération, d’un côté, et des corporations ou des particuliers, de l’autre, lorsque ces corporations et ces particuliers sont demandeurs et qu’il s’agit de questions importantes que déterminera la législation fédérale ;

3) des différends concernant les gens sans patrie (Heimathlose).

Dans les cas mentionnés sous Nro. 1, lettres a et b, ci-dessus, l’affaire est portée au Tribunal fédéral par l’intermédiaire du Conseil fédéral. Si le Conseil résout négativement la question de savoir si l’affaire est du ressort du Tribunal fédéral, le conflit est décidé par l’Assemblée fédérale.

Art. 102. Le Tribunal fédéral est tenu de juger d’autres causes, lorsque les parties s’accordent à le nantir et que l’objet en litige dépasse une valeur considérable que détermine la législation fédérale. Dans ce cas, les frais sont entièrement à la charge des parties.

Art. 103. L’action du Tribunal fédéral comme Cour de justice pénale sera déterminée par la loi fédérale qui statuera ultérieurement sur la mise en accusation, les Cours d’assises et la cassation.

Art. 104. La Cour d’assises, avec le jury qui prononce sur les questions de fait, connaît :

a. des cas concernant des fonctionnaires déférés à la justice pénale par l’autorité fédérale qui les a nommés ;

b. des cas de haute trahison envers la Confédération, de révolte ou de violence contre les autorités fédérales ;

c. des crimes et des délits contre le droit des gens ;

d. des délits politiques qui sont la cause ou la suite des troubles par lesquels une intervention fédérale armée a été occasionnée.

L’Assemblée fédérale peut toujours accorder l’amnistie ou faire grâce au sujet de ces crimes et de ces délits.

Art. 105. Le Tribunal fédéral connaît, de plus, de la violation des droits garantis par la présente Constitution, lorsque les plaintes à ce sujet sont renvoyées devant lui par l’Assemblée fédérale.

Art. 106. Outre les cas mentionnés aux articles 101, 104 et 105, la législation fédérale peut placer d’autres affaires dans la compétence du Tribunal fédéral.

Art. 107. La législation fédérale déterminera :

a. L’organisation du Ministère public fédéral ;

b. Quels délits seront dans la compétence du Tribunal fédéral, ainsi que les lois pénales à appliquer ;

c. Les formes de la procédure fédérale, qui sera publique et orale ;

d. Ce qui concerne les frais de justice.

V. Dispositions diverses.

Art. 108. Tout ce qui concerne le siège des autorités de la Confédération est l’objet de la législation fédérale.

Art. 109. Les trois principales langues parlées en Suisse, l’allemand, le français et l’italien, sont langues nationales de la Confédération.

Art. 110. Les fonctionnaires de la Confédération sont responsables de leur gestion. Une loi fédérale déterminera d’une manière plus précise ce qui tient à cette responsabilité.


CHAPITRE III.

Révision de la Constitution fédérale.

Art. 111. La Constitution fédérale peut être révisée en tout temps.

Art. 112. La révision a lieu dans les formes statuées par la législation fédérale.

Art. 113. Lorsqu’une Section de l’Assemblée fédérale décrète la révision de la Constitution fédérale et que l’autre Section n’y consent pas, ou bien lorsque 50,000 citoyens suisses ayant droit de voter demandent la révision, la question de savoir si la Constitution fédérale doit être révisée, est, dans l’un comme dans l’autre cas, soumise à la votation du Peuple suisse, par oui ou par non.

Si, dans l’un ou l’autre de ces cas, la majorité des citoyens suisses prenant part à la votation se prononce pour l’affirmative, les deux Conseils seront renouvelés pour travailler à la révision.

Art. 114 et dernier. La Constitution fédérale révisée entre en vigueur lorsqu’elle a été acceptée par la majorité des citoyens suisses prenant part à la votation et par la majorité des Cantons.


DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

Art. 1. Les Cantons se prononceront sur l’acceptation de la présente Constitution fédérale suivant les formes prescrites par leur Constitution, ou, dans ceux où la Constitution ne prescrit rien à cet égard, de la manière qui sera ordonnée par l’autorité suprême du Canton que cela concerne.

Art. 2. Les résultats de la votation seront transmis au Directoire fédéral pour être communiqués à la Diète, qui prononcera si la nouvelle Constitution fédérale est acceptée.

Art. 3. Lorsque la Diète aura déclaré la Constitution fédérale acceptée, elle arrêtera immédiatement les dispositions nécessaires à sa mise en vigueur.

Les attributions du Conseil fédéral de la guerre et celles du Conseil d’administration des fonds de guerre fédéraux passeront au Conseil fédéral.

Art. 4. Les dispositions statuées par le premier membre et par la lettre c de l’article 6 de la présente Constitution ne sont pas applicables aux constitutions cantonales actuellement en vigueur.

Les prescriptions de ces constitutions qui seraient contraires aux autres dispositions de la Constitution fédérale seront abrogées du jour où la présente Constitution sera déclarée acceptée.

Art. 5. La perception des droits d’entrée fédéraux continuera jusqu’à ce que les tarifs des nouveaux péages qui seront perçus par la Confédération à la frontière Suisse aient été mis à exécution.

Art. 6. Les arrêtés de la Diète et les concordats non contraires à la présente Constitution fédérale demeurent en vigueur jusqu’à ce qu’ils soient abrogés.

Les concordats dont le contenu est devenu l’objet de la législation fédérale cesseront d’être en vigueur dès que ces lois seront exécutoires.

Art. 7. Dès que l’Assemblée fédérale et le Conseil fédéral seront constitués, le Pacte fédéral du 7 Août 1815 sera abrogé.