Considérations sur … la Révolution Française/Troisième partie/XI

CHAPITRE XI.

Les étrangers repoussés de France en 1792.

LES prisonniers d’Orléans avoient subi le sort des prisonniers de Paris, les prêtres avoient été massacrés au pied des autels, la famille royale étoit captive au Temple ; M. de la Fayette, fidèle au vœu durable de la nation, la monarchie constitutionnelle, avoit quitté son armée plutôt que de faire un serment contraire à celui qu’il venoit de prêter au roi. Une convention nationale étoit convoquée, et la république fut proclamée en présence des rois victorieux, dont les armées n’étoient qu’à quarante lieues de Paris. Cependant la plupart des officiers françois étoient émigrés ; ce qu’il restoit de troupes n’avoit jamais fait la guerre, et l’administration étoit dans un état affreux. Il y avoit de la grandeur dans une telle résolution, prise au milieu des plus grands périls ; bientôt elle fit revivre dans tous les cœurs l’intérêt que l’on prenoit à la nation françoise ; et si, rentrés dans leurs foyers, les guerriers vainqueurs eussent renversé les révolutionnaires, encore une fois la cause de la France étoit gagnée.

Le général Dumourier montra, dans cette première campagne de 1792, un talent qu’on ne peut oublier. Il sut mettre en œuvre avec habileté la force militaire, qui, fondée par le patriotisme, a depuis servi l’ambition. À travers les horreurs dont cette époque étoit souillée, l’esprit public de 1792 avoit quelque chose de vraiment admirable. Les citoyens, devenus soldats, se dévouoient à leur pays ; et les calculs personnels, l’amour de l’argent et du pouvoir, n’entroient pour rien encore dans les efforts des armées françoises. Aussi l’Europe elle-même éprouva-t-elle une sorte de respect pour la résistance inattendue qu’elle rencontra. Bientôt après, la fureur du crime s’empara du parti dominateur ; et, depuis, tous les vices ont succédé à tous les forfaits : triste amélioration pour l’espèce humaine !