Larousse (p. 94-95).

ARDEUR


La journée est plus dure que l’enfer.

Au dehors un soleil qui assomme, et dévorant toute ombre une splendeur aveuglante, si fixe qu’elle paraît solide. Je perçois dans ce qui m’entoure moins d’immobilité que de stupeur, l’arrêt dans le coup. Car la Terre durant ces quatre lunes a parachevé sa génération ; il est temps que l’Époux la tue, et, dévoilant les feux dont il brûle, la condamne d’un inexorable baiser.

Pour moi, que dirai-je ? Ah ! si ces flammes sont effroyables à ma faiblesse, si mon œil se détourne, si ma chair sue, si je plie sur la triple jointure de mes jambes, j’accuserai cette matière inerte, mais l’esprit viril sort de lui-même dans un transport héroïque ! Je le sens ! mon âme hésite, mais rien que de suprême ne peut satisfaire à cette jalousie délicieuse et horrible. Que d’autres fuient sous la terre, obstruent avec soin la fissure de leur demeure ; mais un cœur sublime, serré de la dure pointe de l’amour, embrasse le feu et la torture. Soleil, redouble tes flammes, ce n’est point assez que de brûler, consume : ma douleur serait de ne point souffrir assez. Que rien d’impur ne soit soustrait à la fournaise et d’aveugle au supplice de la lumière !