Congrès Jeanne d’Arc

Le Journal des femmes - n° 155 - 1er juin 1905 (extrait Congrès Jeanne d’Arc) (p. 2-4).

CONGRÈS JEANNE D’ARC

Le Congrès Jeanne d’Arc, qu’il serait mieux de nommer Congrès des femmes catholiques, a tenu ses séances les 11, 12 et 13 mai, rue d’Assas, à l’Institut catholique.

Les discours ont été nombreux, la diction des oratrices était belle et pure, leur facilité d’élocution très remarquable. Mais pourquoi donc dépenser tant de talent pour proposer des moyens si anodins, rimant si merveilleusement avec poudre de perlmpinpin ?

On croit voir ces combattantes armées de ces petits rateaux de bois dont se servent les bambins dans les jardins publics, et s’élançant, pleines d’espoir, à l’assaut d’une forteresse…

Évidemment ces dames ne comprennent nullement la situation. Nous n’en voulons d’autres preuve que ces paroles prononcées par l’une d’elles : « On nous appelle les classes dirigeantes, n’oublions pas que nous sommes surtout les classes responsables. »

Oh ! madame, ignoreriez-vous que le marchand de vins du coin et le dernier de ses clients ont plus d’autorité que vous ? qu’ils peuvent, l’un et l’autre, être députés à la Chambre et qu’il ne nous est même pas permis d’y envoyer un représentant de vos intérêts ? Ils décident de vous et de votre sort. Vous serez ce qu’ils voudront.

Pourquoi vous croyez-vous dirigeante alors que vous êtes subordonnée ? Sans doute vous n’apercevez que votre entourage immédiat, mais l’horizon, pour vous, se bornerait-il là ? Le champ d’action est beaucoup plus vaste, pourquoi accepter que vos efforts soient circonscrits et conséquemment stériles ?

Vous n’êtes point les premières venues. De grâce, étendez les rayons de votre intelligence plus loin que ceux de votre influence et comprenez que ce qu’il vous faut d’abord anéantir, c’est l’incapacité dont la société vous a frappées.

En agissant ainsi vous seconderez les efforts généreux de Mlle Maugeret, la vaillante organisatrice de ce Congrès.

Mlle Hyacinthe Bélilon a cru devoir faire observer qu’il était irrationnel de prétendre assumer tant de responsabilité quand on était frappé de mort sociale. Il lui a été répondu : « Nous demandons des devoirs, non des droits. » Nous ferons remarquer que lorsqu’on veut exercer une pression capable de changer les destinées de son pays, le premier des devoirs est de demander des droits.

Et ne nous faites pas valoir que la religion exige la soumission de la femme à l’homme. Tout au contraire, c’est aller contre les lois du christianisme que d’accepter cette subordination. Comment ! vous, des chrétiennes ferventes, vous oubliez que Marie est venue courageusement écraser la tête du serpent ? Vous ne voulez vous souvenir que d’Ève qui l’avait complaisamment écouté ? Eh ! bien, permettez-nous de vous le dire : en vous en référant sans cesse à la Genèse, en considérant ainsi comme nulle et non avenue l’œuvre de la mère du Christ, vous agissez en israélites.

Camille Bélilon.