Compliment à M. Necker

Compliment à M. Necker,
fait et prononcé
par un Garde-française, au nom des Compagnies de Versailles [1]


Monsieur,

Encore une fois nos cœurs sont ouverts à la joie ; votre préférence renouvelle aujourd’hui l’image intéressante de cette journée délicieuse qui brisa les fers de la France, en nous offrant celui dont l’heureux Génie en combina si heureusement les moyens. Animés par un même objet, nous venons tous payer un tribut mérité aux sentiments de joie et de reconnaissance publique ; donner un essor libre à nos âmes, et vous apporter l’hommage de tous nos camarades, et ceux de toute la Nation.

Ah ! Monsieur, nous ne vous dirons pas quel coup de foudre nous a frappés tous, à la nouvelle de votre soudaine disparition ; aucune expression ne rendrait qu’imparfaitement notre commune sollicitude et les horreurs de la situation pénible dans laquelle elle a jeté la France. Comment avez-vous pu vous soustraire à sa vigilance maternelle. Comment vous êtes-vous échappé à nos regards attentifs ? nous, qui, depuis si longtemps, avons les yeux attachés sur vous ; vous savez, Monsieur, si bien les fixer.

Enfin, ces cris animés : Un Père nous est rendu, vive l’Artisan habile, le sublime soutien de la liberté française, vont orner toutes les bouches, et remplir le vide que votre présence ravie avait laissé dans tous les cœurs ; ils sont tous à vous ; jouissez, Monsieur, de votre ouvrage, et daignez accepter[2] cette faible marque de notre admiration.

Votre présence, Monsieur, nous justifie d’un reproche, qui a répandu de l’amertume sur tous les jours qui se sont écoulés depuis l’instant fatal où l’on vous avait perdu ; mais pouvions-nous prévenir vos desseins ? Ah ! Cruels qui nous accablez de ce reproche : que faisions-nous quand on nous a ravi Necker ? Ce que nous faisions !... Occupés, comme lui, du soin de la liberté de tout un peuple, un excès de patriotisme a pu…………………………………………… Pour elle, n’était-il Oreste ? N’étions-nous pas Pylade ? Et vous-mêmes, que faisiez-vous alors, cruels ? Oh ! non, vous n’êtes pas Français…

Mais éloignons un souvenir accablant pour nous livrer aux délices d’un instant si cher à toute la Nation ; nous ne hasardons rien, Monsieur, en vous protestant que notre hommage est le sien, et que tous les Français brûlent du désir de s’écrier comme nous, en vous voyant : Vive à jamais le Régénérateur de la liberté et du premier Peuple de l’Univers.[3] La mémoire du digne objet qui excite ces acclamations, s’éternisera dans tous les cœurs.

Par M. Vialla, Bachelier en Droit, et Garde-française de la Compagnie de M. le comte de Roussy.


Rue du Hurepoix, n°24

  1. Les Gardes-françaises, à la nouvelle de l’arrivée de Necker, s’assemblèrent de leur propre mouvement, et furent chez lui avec empressement ; il fut très sensible à leurs discours, et accompagna son remerciement des expressions les plus affectueuses.
  2. En lui offrant un bouquet emblématique, orné d’une légende avec ces mots: Au Régénérateur de la Liberté.
  3. En cet endroit, tous les Gardes-françaises présents, s’écrièrent : Vive le Restaurateur de la France.