Commerce extérieur de la France
L’administration des douanes publie tous les dix ans un tableau général du commerce extérieur de la France. Ce sont deux gros volumes, remplis de chiffres. On ne doit point s’attendre à y trouver les élémens d’une lecture récréative : une telle prétention est interdite à la statistique. Mais si l’on veut y mettre un peu de patience et aborder résolument ces carrés de chiffres, qui, sous la forme la plus ingrate, contiennent tant de faits et d’indications utiles, on ne regrettera pas d’avoir tenté l’aventure. En suivant pendant dix années le mouvement commercial, industriel, maritime de la France dans ses rapports avec l’étranger, on obtient des points de comparaison qui permettent d’apprécier l’influence du régime économique et même du régime politique sur les destins des intérêts matériels. Les statistiques de 1847 à 1856 sont particulièrement instructives. Que d’événemens dans cette période! Révolutions, guerres, crises financières, mauvaises récoltes, transformation du numéraire, toutes ces occurrences, dont une seule suffirait à marquer une époque, se sont produites coup sur coup, et avec une succession tellement rapide, que l’on ne saurait discerner clairement les conséquences de chacune d’elles. Et à côté de ces influences contraires se présente le cortège non moins varié des influences favorables : l’ordre rétabli à l’intérieur, les immenses progrès de l’industrie révélés et surexcités par deux expositions universelles, l’achèvement presque complet des lignes de chemins de fer, le développement plus actif que jamais des relations internationales, l’essor de la navigation à vapeur, l’extension merveilleuse du crédit. A nulle autre époque peut-être, la France n’a tant vécu. Tour à tour défaillante et relevée au plus haut de sa fortune, elle offre, dans le tableau de ces dix années, les plus étranges contrastes d’ombre et de lumière, de douloureux malaise et d’éclatante prospérité. L’histoire aura fort à faire quand il lui sera donné de juger cette période si courte et si pleine. Sur beaucoup de points, elle consultera utilement les statistiques de la douane. N’est-ce point là que se fixent, gravées en chiffres, les alternatives de la vie commerciale? Nous pouvons préparer cette étude modeste en recueillant dans les deux volumes officiels les renseignemens qui expriment avec une suffisante exactitude la situation matérielle du pays. A un autre point de vue, ce travail pourra n’être point stérile. Les discussions auxquelles se livrent, au sujet des tarifs de douane, les partisans des divers systèmes économiques ne perdraient rien à s’éclairer parfois à la lumière des faits. Il ne faut pas trop se fier à l’éloquence passionnée des doctrines. Dans la lutte qui s’est engagée si ardemment depuis quelques années entre les drapeaux du libre échange et de la protection, les chiffres honnêtement alignés ont une valeur qui ne saurait être contestée. Ils ne s’émeuvent pas, ils ne s’élancent point aveuglément à la conquête d’un principe ; ils demeurent immobiles sur le terrain de la saine pratique et de la vérité, et ils cherchent à y retenir les combattans. On trouvera donc peut-être quelque profit à reposer son imagination dans les calmes domaines de la statistique.
Les chiffres en valeurs actuelles de la période décennale 1847-1856 (importations et exportations réunies)[1] attestent dans le commerce extérieur de la France une progression rapide et à peu près régulière. Il y a eu, comme on devait s’y attendre, un ralentissement et un temps d’arrêt en 1848, année de révolution, et en 1854, année de guerre. Il convient même, pour plusieurs années, telles que 1847, 1855 et 1856, de ne point accepter sans réserve l’augmentation des chiffres qui expriment la valeur des échanges, car dans ces chiffres figure pour une part assez forte l’importation des céréales que nous avons dû demander à l’étranger afin de combler le déficit de nos récoltes, importation anormale qui ne saurait être invoquée comme un indice de prospérité. Quoi qu’il en soit, les documens officiels révèlent un progrès notable du commerce extérieur de la France pendant la période décennale. De 1847 à 1856, la valeur des échanges a plus que doublé. Si l’on examine séparément les mouvemens de l’importation et de l’exportation, on trouve, au commerce spécial, une moyenne de 1,077 millions en valeurs importées et de 1,223 millions en valeurs exportées. Pour 1856, dernière année de la période, les importations se sont élevées à 1,990 millions, et les exportations à 1,893 millions de francs. Cet excès des importations sur les exportations ne s’est rencontré qu’en 1856 et en 1847, et pour cette dernière année il doit être surtout attribué aux achats de céréales étrangères. Pour les huit autres années, la France a expédié au dehors une valeur en marchandises supérieure à celle qu’elle a reçue. Ce résultat est contraire à celui qui avait été constaté pendant la période précédente de 1837 à i846. Il serait atténué si l’on tenait compte des envois considérables que nous avons faits à l’armée de Crimée pendant la guerre; peut-être aussi la différence parfois sensible des évaluations appliquées aux marchandises, suivant que celles-ci sont inscrites à l’importation ou à l’exportation, expliquerait-elle en partie l’excédant que nous signalons. Nonobstant ces réserves, qui sont nécessaires, car les meilleures statistiques demeurent toujours quelque peu sujettes à caution, l’excès plus ou moins grand de nos envois sur nos achats est un fait acquis à la période de 1847 à 1856, et il y a lieu de s’en féliciter. Cela prouve que la production nationale se développe et que l’industrie est en mesure de solder à l’étranger, sous la forme d’articles fabriqués, les matières premières qu’elle lui demande. Ce mode de paiement est préférable à la sortie du numéraire. Sans adhérer aux règles absolues de la théorie connue dans la science sous le nom de balance du commerce, sans contester la qualification de marchandise, et de marchandise essentiellement échangeable comme toute autre, que les économistes modernes ont attribuée à l’or et à l’argent, on peut dire qu’une exportation continue ou précipitée du numéraire est un fait fâcheux, sinon pour la liquidation définitive des opérations d’échange, du moins au moment où il se produit. C’est de là que viennent le plus souvent les crises monétaires, amenant à leur tour des crises financières : on l’a bien vu aux époques de grandes importations de céréales, qu’il a fallu payer immédiatement en espèces; il y a toujours eu à ces momens des embarras que révélaient les mesures prises par la Banque. En résumé, s’il est vrai que l’équilibre entre les importations et les exportations finit nécessairement par s’établir en vertu des lois qui régissent les échanges, il est très désirable pour un pays de n’être point assujetti soit à une émission constante qui opère comme un drainage à l’égard de ses réservoirs de métaux précieux, soit à une émission considérable et immédiate, ainsi qu’il arrive aux temps de disette. Dans les affaires commerciales, tout ce qui est excessif, désordonné, brusque, devient nuisible et doit être autant que possible conjuré. La situation de la France, quant à la part respective des importations et des exportations, peut donc être considérée comme satisfaisante pendant la période 1847-1856.
Le commerce général par mer représente 72 pour 100, et le commerce par terre 28 pour 100 dans l’ensemble. Les transports maritimes se sont partagés entre le pavillon français pour à6 pour 100, et le pavillon étranger pour o4 pour 100. Il ne faut pas perdre de vue que diverses branches de la navigation sont réservées par la loi au pavillon national. Dans les rapports avec les colonies et dans les mouvemens de la pêche, les navires étrangers ne sont pas admis. Si l’on n’examine que la navigation de concurrence, c’est-à-dire celle à laquelle prennent part les bâtimens étrangers comme les bâtimens français pour les transports du commerce extérieur, l’infériorité de notre pavillon en regard du pavillon étranger devient beaucoup plus manifeste. C’est un fait déjà ancien, il a été souvent constaté sans qu’il ait été possible jusqu’ici de le modifier. Les protectionistes s’en emparent pour démontrer que la marine n’est point suffisamment protégée; les partisans de la liberté commerciale assurent au contraire que toute protection spéciale pour la marine serait superflue, si les armateurs avaient la faculté d’acheter leurs navires à l’étranger, si les matières employées aux constructions navales étaient exemptes de droit, si, par l’abaissement général des tarifs de douanes sur les marchandises, on multipliait les élémens de transports, enfin si les règlemens de l’inscription maritime étaient moins rigoureux. On voit que la question est fort compliquée et des plus difficiles à résoudre. Du reste, bien que le rôle de la navigation étrangère continue à s’accroître, la navigation française ne demeure pas stationnaire. Le tonnage moyen annuel des marchandises qu’elle a chargées s’est élevé à plus de 2 millions de tonneaux pendant la période de 1847-1856; il n’avait pas atteint 1,200,000 pendant la période précédente, 1837-1846. On peut également se rendre compte des progrès de notre marine marchande en consultant les tableaux de l’effectif. Le tonnage total des navires français n’était au 1er janvier 1847 que de 633,000 tonneaux; il a été porté, au 31 décembre 1856, à 1 million. L’augmentation s’applique particulièrement aux navires d’un fort tonnage ; depuis 1853, la construction des bâtimens jaugeant plus de 500 tonneaux a pris un grand développement, et atteste de notables progrès dans le travail de nos chantiers. Il n’y a pas longtemps encore, un navire français de 6 à 600 tonneaux était une curiosité; nous n’avions qu’une miniature de marine marchande, et nos petits trois-mâts faisaient triste figure dans les ports étrangers, où ils se trouvaient bord à bord avec les gros navires anglais ou américains. Aujourd’hui, quoique nous soyons encore loin d’égaler nos rivaux, nous pouvons montrer un nombre assez considérable de beaux navires sortis de nos chantiers qui, pour la solidité et l’élégance des constructions, ne le cèdent à ceux d’aucun autre pays. Cette transformation de notre matériel maritime est d’ailleurs commandée par des nécessités de concurrence, si nous voulons nous livrer sérieusement à la navigation au long cours. Ce n’est point par l’effet d’une vaine ostentation que partout, pour la marine à voiles comme pour la marine à vapeur, les armateurs ont été amenés à agrandir progressivement les proportions de leurs navires, et à lancer dans l’Océan ces immenses véhicules qui surpassent en tonnage les vaisseaux de guerre de premier rang. En diminuant le nombre de ses navires et en augmentant leur tonnage, l’armateur charge plus économiquement une même quantité de marchandises; il supporte moins de frais généraux, il emploie moins d’hommes d’équipage, il obtient une régularité plus grande. Les progrès de la marine à vapeur devaient nécessairement produire cette révolution dans la structure de la marine à voiles. Il fallait que celle-ci luttât contre la concurrence que lui opposait l’application en grand de la vapeur; elle pouvait en même temps profiter, pour son propre compte, des perfectionnemens de toute nature qui, sous l’inspiration et pour les besoins de sa rivale, étaient introduits chaque jour dans l’art des constructions. La tendance vers l’accroissement du tonnage est donc générale. La France a suivi l’exemple de l’Angleterre et des États-Unis, qui sont entrés dans cette voie à pas de géant; elle ne saurait cependant en recueillir à un égal degré les avantages. Pour employer utilement ces énormes navires, il faut avoir constamment à sa disposition des chargemens de marchandises encombrantes; les Anglais ont la houille, les Américains le coton ; quelle que soit la capacité qu’ils donnent aux coques de leurs bâtimens de commerce, ils sont assurés de les remplir ; le fret ne leur fera pas défaut. En France, nous ne possédons malheureusement pas de produits d’échange qui puissent, au double point de vue de la quantité et du volume, se comparer avec la houille ou avec le coton. Dans bien des cas, l’armateur du Havre ou de Marseille serait fort embarrassé de compléter sans délai le chargement d’un navire de 1,000 tonneaux. Si l’on parcourt la liste des produits que nous exportons, on se rendra compte de cette difficulté, car, à l’exception des vins, nous n’expédions guère à l’étranger de marchandise encombrante. Nous recevons bien de fortes quantités de coton, de houille, de bois de construction; mais, lors même que toutes conditions seraient égales, les transports de ces matières seraient nécessairement réservés aux Américains, aux Anglais, aux Suédois, chaque nation, pour peu qu’elle ait une marine, demeurant en possession du transport de ses propres denrées, et pouvant au besoin, par des artifices de législation, repousser la concurrence des marines étrangères. On comprend ainsi que, tout en nous appropriant les nouveaux modèles appliqués aux grandes constructions maritimes, nous en fassions un usage encore limité. Néanmoins on voit par les documens statistiques que nous avons accompli sous ce rapport des progrès très appréciables : il n’y avait en 1846 que 58 navires français de plus de Z|00 tonneaux de jauge officielle; en 1856, on en comptait 422.
Cet accroissement est dû en partie à la marine à vapeur, dont l’effectif a plus que doublé pendant la période décennale et comprenait à la fin de 1856 275 navires jaugeant ensemble 6.’i,000 tonnes. Ces chiffres paraîtraient bien modestes, si l’on présentait en parallèle le tableau de la marine à vapeur anglaise ! N’insistons pas sur ce contraste ; mais formons des vœux pour que cette branche de navigation se développe à l’avenir plus rapidement. L’extension de nos rapports avec l’Algérie et avec le Levant, la création si longtemps ajournée des lignes de paquebots transatlantiques, et l’emploi de la vapeur pour une partie du cabotage doivent amener une augmentation prochaine de l’effectif. Ce n’est pas seulement pour les transports de la paix que la France doit posséder une flotte de paquebots; il faut songer aussi aux transports de la guerre. Notre marine à vapeur de commerce est loin de se trouver au niveau de nos besoins militaires. On devrait, à ce qu’il semble, ne reculer devant aucun moyen pour accroître son effectif. Que l’on autorise l’achat des steamers à l’étranger, que tous les matériaux employés à la construction de ces bâtimens soient admis en franchise de droits de douane dans nos ateliers et dans nos chantiers ; en un mot, que tous les obstacles provenant du fisc ou du régime de protection soient écartés. Quelques intérêts en souffriront et se plaindront; mais un intérêt supérieur, un intérêt général et national sera satisfait. Réciter, dans l’examen de cette question tout exceptionnelle et si urgente, les argumens ordinaires de la protection, jeter en travers de la création d’une marine à vapeur les articles du tarif des douanes, plaider la cause douteuse de quelques usines quand il s’agit d’un résultat aussi essentiel, ce serait vraiment voir les choses par le petit côté. Si l’on songe au rôle que la marine à vapeur doit jouer dans les luttes où l’honneur du pays peut être engagé, on comprend la nécessité de recourir immédiatement aux procédés les plus prompts pour atteindre le but politique et militaire que la prudence nous assigne.
Nous terminerons cet examen du mouvement maritime par l’indication de quelques chiffres concernant la navigation réservée. De 1847 à 1856, les transports entre la France et ses colonies ont employé en moyenne 424,000 tonneaux contre 276,000 seulement pendant la période antérieure, 1837-1846. L’augmentation est due au progrès de l’intercourse avec l’Algérie. La grande pêche, qui comprend la pêche de la morue et celle de la baleine, a employé, de 1847 à 1856, une moyenne de 110,000 tonnes contre 127,000 de 1837 à 1846. Il y a donc eu diminution. On sait que les opérations de la grande pêche sont favorisées par des primes d’armement, d’exportation ou de retour. Le montant des primes s’est élevé pendant la période à 3,637,000 francs par an pour la pêche de la morue, et à 225,000 francs pour celle de la baleine et du cachalot, soit au total 3,862,000 francs. La pêche de la morue a employé, année moyenne, 377, navires montés par 11,681 hommes d’équipage, et elle a fourni à l’exportation 16 millions et demi de kilogrammes de morue. Le gouvernement accorde les primes en vue d’entretenir une pépinière de matelots pour la marine militaire ; il désire en second lieu fournir à notre commerce extérieur un élément régulier d’échanges à l’aide de la morue, qui se place avantageusement sur les marchés de la Méditerranée. Or, si l’on rapproche les chiffres qui viennent d’être cités, il en résulte que la prime payée par le trésor représente 310 francs par matelot employé à la pêche de la morue, ou 22 centimes par kilogramme de morue exportée. Sans contester le principe des primes, on peut trouver que, mise en regard du résultat obtenu, la dépense est bien forte. Que dire de la pêche de la baleine ? Avec une prime annuelle de 225,000 francs, on a déterminé l’armement de 5 navires montés par 186 hommes d’équipage ; ce qui ne fait pas moins de 1,209 francs par matelot ! Il faut désespérer d’une industrie et renoncer par conséquent à la protéger quand elle n’est pas en mesure de vivre et de prospérer dans des conditions aussi exorbitantes. Les résultats statistiques de la pêche de la baleine jointe à celle du cachalot méritent de fixer l’attention des futures commissions du budget. On devra examiner sérieusement, lorsque l’on révisera la loi périodique sur les primes, s’il convient de maintenir à la charge du trésor des sacrifices reconnus stériles. — Quant aux mouvemens du cabotage, ils sont demeurés à peu près stationnaires. Ils ont employé en moyenne, pendant la période décennale, 73,370 navires chargés jaugeant 2,678,000 tonnes. En comparant ces chiffres avec ceux de la période antérieure, on remarque une diminution de 4,000 dans le nombre des navires et une augmentation de 200,000 tonnes environ. Ainsi, pour la marine du cabotage comme pour la marine au long cours, les armateurs ont accru la capacité des bâtimens. L’excédant de 200,000 tonnes doit être porté exclusivement au compte du petit cabotage. Le grand cabotage présente au contraire une diminution de 25,000 tonneaux par rapport à la période de 1837 à 1846. Ce fait ne peut être attribué qu’à la concurrence des chemins de fer, dont l’achèvement a mis depuis quelques années en communication directe les régions du nord et du midi. Le cabotage fait vivre une partie de nos populations côtières ; il fournit à l’inscription maritime un grand nombre de matelots : ses intérêts sont donc tout à fait dignes de sollicitude. Déjà, par quelques mesures de détail, l’administration a prouvé qu’elle est disposée à lui venir en aide dans la lutte de plus en plus vive qu’il est appelé à soutenir contre les voies ferrées.
L’influence des chemins de fer doit se révéler également dans les opérations du transit. Ces opérations présentent en effet un chiffre moyen annuel de 576,000 quintaux métriques en quantités et une valeur de 306 millions de francs[2]. C’est, relativement à la période précédente, une augmentation de 200,000 quintaux et de 112 millions de francs. Bien que le progrès soit numériquement très sensible, il ne serait point en rapport avec les facilités qu’offre notre réseau de chemins de fer ; mais les chiffres qu’on vient de citer ne sont qu’une moyenne. En 1856, Cornière année de la période que nous examinons, il a été transporté en transit 766,000 quintaux métriques, évalués 467 millions, et ces résultats ne doivent être considérés que comme un point de départ pour un développement encore plus actif de ce genre d’opérations. La situation géographique de la France est réellement privilégiée quant au transit des voyageurs et des marchandises. La France est sur la grande route qui mène de l’Europe au Nouveau-Monde, et de l’Amérique au centre de l’Europe. Alors que nous étions arriérés pour la construction des chemins de fer, les ports de l’Angleterre, du nord de l’Allemagne, de la Hollande, de la Belgique, du Piémont, ont pu nous enlever une portion notable du transit qui nous appartient. Cette sorte d’usurpation doit désormais cesser; il ne lui restera même plus de prétexte, lorsque les paquebots transatlantiques, partant du Havre, de Bordeaux, de Marseille, donneront à la France, pour les échanges entre les deux mondes, tous les avantages de la voie la plus directe. Nous ne pourrions nous en prendre qu’à nous-mêmes, si les profits toujours croissans de ce transit nous échappaient. L’administration des douanes, qui, depuis la jonction de nos chemins de fer avec ceux des pays limitrophes, a déjà simplifié beaucoup de formalités, se montrera sans aucun doute disposée à adopter toutes les mesures qui seront de nature à garantir la promptitude et la régularité des transports. De leur côté, nos compagnies de chemins de fer sont très intéressées à multiplier leurs correspondances au-delà des frontières, et à combiner leurs tarifs de telle façon qu’aucune autre voie européenne ne soit plus économique que la nôtre. Ici, je le sais, se présente une difficulté qui se rattache à la grave question des tarifs différentiels de chemins de fer, question qui a si vivement ému l’industrie, et qui a excité ajuste titre la sollicitude de l’autorité publique. « Comment, disent les fabricans français, nous serions exposés à voir circuler sous nos yeux et filer à toute vapeur vers l’Amérique des produits allemands qui, en vertu des tarifs internationaux, seraient transportés à plus bas prix que ne le sont, en vertu des tarifs ordinaires, nos propres produits! Nous verrions également les balles de coton des États-Unis débarquées au Havre payer moins cher pour être transportées en Allemagne ou en Suisse que pour être déposées à Mulhouse? Nos chemins de fer, construits avec nos capitaux, subventionnés par l’état, armés d’un monopole, ne serviraient qu’à favoriser à notre détriment la concurrence étrangère, en lui fournissant les moyens de se procurer les matières premières, ou d’expédier ses produits moins chèrement que ne pourrait le faire l’industrie française! Une compagnie de chemins de fer se trouverait ainsi en mesure de neutraliser l’effet de la législation douanière, de supprimer la protection garantie au travail national, de protéger au contraire le travail étranger! Ce serait en vérité le renversement de l’équité et du bon sens ! » Il est clair que, si l’on pose ainsi la question, les tarifs internationaux à prix réduits ne sauraient être un seul instant tolérés; mais ce n’est pas à ce point de vue que les tarifs spéciaux de transit veulent être examinés. Si le prix auquel les chemins de fer, les fleuves, les canaux étrangers, transportent d’Anvers, par exemple, au centre de l’Allemagne, et vice versa, les matières premières et les produits fabriqués, est inférieur au prix payé aux chemins de fer français pour les transports entre l’Allemagne et la mer, quel intérêt notre industrie peut-elle avoir à ce que nos chemins de fer n’abaissent pas leurs tarifs en vue d’attirer ce transit allemand? dans l’hypothèse que nous indiquons, et qui malheureusement se vérifie sur beaucoup de points, l’industrie allemande demeure favorisée quant aux prix de transport; ses produits prennent la voie d’Anvers, et, arrivés sur les marchés de vente, ils conservent ce premier avantage dans leur concurrence avec les produits français. Accordons-leur la même économie de transport sur nos chemins de fer; la situation, en ce qui concerne nos manufactures, ne sera nullement modifiée, et nous y gagnerons un transit plus animé, qui profitera non-seulement à nos voies ferrées, dont il accroîtra le trafic, mais encore à nos ports, à notre navigation, à l’ensemble de notre commerce extérieur. En un mot, on ne propose pas d’accorder à l’industrie allemande ou suisse, au moyen d’un tarif international, des avantages dont elle ne soit pas déjà en possession; on demande seulement que cette industrie soit sollicitée à emprunter, pour le transit de ses produits, le territoire français plutôt que les territoires belge, hollandais, allemand, et il suffira de lui offrir les mêmes conditions de prix, car elle obtient par la France la voie la plus rapide. Il serait d’ailleurs très facile de veiller à ce que les faveurs du tarif international fussent maintenues dans la mesure nécessaire pour atteindre cet unique but. Le gouvernement, qui s’est réservé par les cahiers des charges le droit d’homologuer toute nouvelle taxe, pourra se renseigner au préalable sur les tarifs de transport en vigueur à l’étranger, et n’autoriser de réduction que dans les cas où il lui sera démontré qu’il s’agit simplement de ramener le tarif du transit par la France au niveau de celui qui, adopté par le transit étranger, nous causerait quelque préjudice. Telle est la solution que réclament les intérêts de notre transit, si l’on veut que cette branche déjà si importante de nos opérations commerciales arrive à son plein développement.
Il faut rentrer dans la statistique. Un des tableaux de la publication officielle fait connaître, par ordre d’importance, les dix pays étrangers avec lesquels la France a entretenu, pendant la période décennale 1847-1856, le commerce le plus actif. Les chiffres que nous allons reproduire comprennent les importations et les exportations exprimées en valeurs actuelles ; ils ne s’appliquent qu’au commerce spécial. A côté de la moyenne décennale, nous avons placé le chiffre afférent à l’année 1856. La comparaison des deux chiffres permettra d’apprécier la vive impulsion qui, dans la dernière année de la période, a été imprimée aux échanges.
Moyenne décennale | Année 1856 | ||
---|---|---|---|
Angleterre | 407 millions | 709 millions. | |
États-Unis | 330 — | 546 — | |
Belgique | 254 — | 385 — | |
Espagne | 110 — | 203 — | |
Association allemande | 110 — | 200 — | |
États sardes | 148 — | 213 — | |
Suisse | 88 — | 145 — | |
Turquie | 81 — | 170 — | |
Russie | 61 — | 126 — | |
Brésil | 42 — | 75 — |
Puis viennent les Deux-Siciles, l’Inde anglaise, les Pays-Bas, les Antilles espagnoles, la Toscane, etc. Sans entrer dans les détails, on peut remarquer la part considérable pour laquelle figurent, dans la statistique de nos échanges, les contrées qui sont à nos frontières, Angleterre, Belgique, Espagne, Piémont, Suisse, états du Zollverein, etc. — Cela tient non-seulement à l’activité fort naturelle des relations établies entre pays voisins, mais encore à une inexactitude de statistique sur laquelle il n’est pas inutile d’appeler l’attention. La douane, pour constater la provenance ou la destination des marchandises importées ou exportées, ne tient compte en général que du territoire étranger d’où arrivent en dernier lieu ou vers lequel se dirigent d’abord ces marchandises. Ainsi tout produit qui nous vient d’un port anglais est inscrit à la statistique de l’importation d’Angleterre en France, lors même qu’il serait originaire d’un autre pays, et tout produit français qui s’expédie par la frontière du Piémont est inscrit à la statistique de l’exportation de France pour les états sardes, lors même qu’il aurait pour destination définitive une province autrichienne. Un seul exemple fera ressortir la gravité des méprises dans lesquelles on peut ainsi tomber. Les importations de l’Angleterre en France comprennent depuis quelques années une quantité considérable de soies; en 1856, la valeur de ces introductions a dépassé 78 millions de francs! Personne cependant n’a entendu parler jusqu’ici des magnaneries britanniques, et malgré son énergie agricole et industrielle, malgré l’abondance de ses capitaux, l’Angleterre au ciel brumeux n’aura jamais sans doute la prétention de disputer aux régions du midi l’éducation des vers à soie. D’où viennent donc ces cargaisons qui représentent plus du dixième de l’importation d’Angleterre en France? De partout ailleurs que de l’Angleterre, de la Chine en grande partie. Si, d’un autre côté, nous recherchons quelle est, d’après la statistique, l’importance de notre commerce avec la Chine, nous trouvons un chiffre de 3 ou 4 millions de francs. Les soies de Chine, débarquées à Suez par les paquebots de la compagnie péninsulaire, réembarquées à Alexandrie sur les steamers de la même compagnie, arrivent à Southampton, d’où elles sont expédiées vers nos ports ; elles perdent en route leur nationalité. De même, les marchandises que la France envoie en Chine passent en partie par l’Angleterre, et dès lors elles figurent au compte de nos échanges avec la Grande-Bretagne.
Ces résultats de la statistique peuvent être très dangereux : ils grossissent dans des proportions tout à fait factices l’intérêt de nos rapports commerciaux avec certaines contrées; ils atténuent et même dissimulent complètement la valeur des transactions, parfois très avantageuses, que nous engageons avec d’autres pays. A un moment donné, ils risqueraient ainsi de tromper le public sur la portée des actes les plus graves. — A quoi ont servi, disait-on à la monarchie de juillet, vos missions et vos consulats en Chine? A quoi bon, objectent aujourd’hui les mêmes opposans, cette campagne contre le Céleste-Empire, cette escadre envoyée à l’autre bout du monde, ces lourdes dépenses d’argent et d’hommes? Tout cela profite à nos alliés les Anglais, et pas à nous. Ouvrez les Tableaux de Douanes, document officiel, et lisez, page LXIX : Chine, Cochinchine et Océanie, 3,300,000 fr. de commerce annuel avec la France pendant la période décennale 1847-1856. — En effet c’est écrit, et pourtant la vérité vraie est que notre trafic avec la Chine, c’est-à-dire l’échange des produits que nous tirons de ce pays contre les marchandises ou le numéraire que nous lui envoyons, n’est pas loin d’atteindre 100 millions de francs. Bien plus, l’un des produits que nous fournit le Céleste-Empire, la soie, est pour nous d’une telle importance que nous ne pourrions ni nous en passer ni le trouver ailleurs. Nous en avons besoin non-seulement pour combler l’insuffisance de nos récoltes ainsi que le déficit trop fréquent des soies lombardes, et pour parer à une hausse exagérée de prix qui frapperait de langueur, peut-être de mort, l’une de nos plus grandes industries, mais encore pour fabriquer une variété toujours croissante d’articles de goût et de modes pour lesquels les soies de Chine, employées soit exclusivement, soit sous forme de mélange avec les soies françaises, sont devenues indispensables. Lors donc qu’aucune considération politique n’aurait motivé l’intervention de notre diplomatie et de nos armes dans l’extrême Orient, il y aurait, pour justifier la conduite qui a été tenue, un intérêt commercial et industriel de premier ordre, que traduisent bien imparfaitement dans la langue des chiffres les trois ou quatre pauvres millions noyés dans l’arithmétique officielle. Il serait injuste de faire le procès à la douane; elle relate les importations et les exportations telles qu’on les lui présente, elle les enregistre avec l’exactitude la plus scrupuleuse : seulement on voit que ses tableaux, dont la supériorité relative est depuis longtemps reconnue, ne sont pas exempts des défauts que l’on rencontre trop souvent dans les produits de la statistique. L’administration a du reste compris ce qu’il y a d’incomplet dans cette portion de son travail, et ses tableaux, à partir de 1857, indiqueront l’origine et la destination réelle des produits présentés sur les frontières de terre et circulant par chemin de fer international. L’élément d’erreur subsistera toutefois pour le commerce maritime; l’anomalie qui a été signalée plus haut en ce qui concerne l’importation des soies continuera à se reproduire, et l’on n’aperçoit guère le moyen d’y remédier. Puisque la statistique tient des congrès, elle nous rendrait un grand service, si elle pouvait imaginer une combinaison pour résoudre cette difficulté.
Le relevé des échanges entre la France et ses colonies donne une idée exacte et généralement satisfaisante de cette partie de notre commerce. L’ensemble de nos opérations avec l’Algérie, les Antilles, la Guyane, le Sénégal, la Réunion, les établissemens de l’Inde et de Madagascar, a atteint le chiffre de 212 millions par année moyenne pendant la période décennale; le total de 1856 ne s’élève pas à moins de 318 millions. Le commerce de la France avec l’Algérie a fait de grands progrès : 57 millions en 1847 et 148 en 1856. Les rapports avec la Réunion, la Guyane et le Sénégal sont plus actifs qu’ils ne l’étaient avant 1848. Les colonies des Antilles, la Guadeloupe surtout, se sont moins facilement relevées de la crise de l’émancipation. La situation respective de nos colonies à cultures se révèle d’ailleurs très exactement par la comparaison de leurs envois de sucre en France pendant les années 1847 et 1856 :
1847 | 1856 | |
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Réunion | 248,000 quint, métriq. | 461,000 quint, métriq. |
Guadeloupe | 253,000 — | 220,000 — |
Martinique | 260,000 — | 250,000 — |
Grâce aux ressources que lui offre le voisinage de l’Inde pour se procurer des travailleurs, la Réunion a pu maintenir et développer sa production. La Martinique s’est à peine relevée à son ancien chiffre; la Guadeloupe souffre encore, et très vivement, du manque de bras. Ce simple aperçu statistique suffit pour démontrer l’importance extrême qui s’attache à la question de l’immigration dans nos colonies.
Après avoir examiné la situation du commerce extérieur en signalant la place que les principaux pays occupent dans la statistique de nos échanges, nous avons à consulter les tableaux qui indiquent la valeur des marchandises importées et exportées. D’après les classifications adoptées par la douane, les importations au commerce spécial se sont établies ainsi qu’il suit pendant la période décennale et en 1856 :
Moyenne décennale | Année 1856 | |
---|---|---|
Matières nécessaires à l’industrie | 727 millions. | 1,203 millions. |
Objets de consommation naturels | 298 — | 703 — |
— fabriqués | 51 — | 84 — |
Les exportations aux mêmes époques se partagent entre les produits naturels et les objets manufacturés dans les proportions suivantes :
Produits naturels | 392 millions. | 605 millions. |
Objets manufacturés[3] | 832 — | 1,288 — |
En comparant ces deux tableaux qui résument l’ensemble du commerce extérieur, on découvre d’un seul coup d’œil le caractère de nos échanges. La France importe une grande quantité de matières premières et, dans certaines années, de fortes masses de céréales. Ses exportations consistent principalement en produits fabriqués. Cette situation paraît au premier abord avantageuse. Rendre à l’étranger sous la forme d’articles manufacturés ce qu’on a reçu de lui en produits bruts, c’est conquérir le bénéfice de la main-d’œuvre. La législation douanière, dans tous les pays, s’est proposé ce but, que la France semblerait avoir presque complètement atteint, sauf certaines réserves qu’il est nécessaire d’indiquer. Si nos importations de produits fabriqués sont presque nulles, ce n’est point parce que nos manufactures fournissent au marché intérieur des articles meilleurs et à plus bas prix que ne le ferait l’industrie étrangère; c’est que les importations sont, pour divers articles de grande consommation, notamment pour la plupart des tissus, absolument arrêtées par la prohibition. D’un autre côté, nos exportations de produits fabriqués doivent une partie de leur activité aux primes de sortie. Ces primes ou drawbacks sont supposées ne représenter que le remboursement des droits qui ont été payés à l’entrée des matières brutes employées pour la fabrication; mais on sait qu’il n’en est pas ainsi de toutes les primes, dont le taux dépasse fréquemment la somme des droits perçus, et constitue un véritable encouragement pécuniaire alloué au manufacturier français. Pendant la période décennale 1837-1846, le total des primes à l’exportation dépassait à peine, année moyenne, 13 millions de francs ; il s’est élevé à 27 millions et demi pendant la période 1847-1856, et il est en voie d’augmentation; en 1855 et en 1856, il a dépassé 41 millions, sur lesquels 28 millions environ s’appliquent aux sucres raffinés, 2 millions aux tissus de coton, et 8 millions et demi aux tissus de laine. — Ainsi les deux faits que révèlent les documens statistiques, à savoir l’insignifiance des importations d’articles fabriqués (5 pour 100 dans l’ensemble des marchandises importées de 1847 à 1856) et la proportion considérable des articles manufacturés que la France expédie au dehors (68 pour 100 dans l’ensemble des marchandises exportées), ces deux faits, qui, au point de vue industriel, présentent les symptômes d’une situation très favorable, sont en partie les résultats de deux expédions législatifs, la prohibition à l’entrée, les primes à la sortie. Or le premier de ces expédions entrave le mouvement général du commerce et risque de porter un grave préjudice au consommateur; le second entraîne des sacrifices pour le trésor, c’est-à-dire pour la masse des contribuables, et il est d’ailleurs très précaire, les autres nations pouvant, ainsi que cela s’est vu, élever les taxes d’importation sur les produits français dans la proportion des primes de sortie que ceux-ci reçoivent, et détruire d’un trait de plume l’effet des faveurs que nous accordons à nos industriels pour la vente de leurs produits sur les marchés étrangers. Il y a donc dans les conditions actuelles de notre commerce extérieur des élémens artificiels et factices qui gênent tous les calculs, et ne permettent pas d’accepter définitivement comme tout à fait favorables les indications de la statistique. Pour obtenir une situation nette, il faudrait n’avoir plus à compter ni avec la prohibition ni avec les primes.
La question des primes ne présenterait de difficulté sérieuse qu’à l’égard des sucres raffinés, auxquels le législateur, dans le triple intérêt de notre industrie, de notre marine marchande, de nos relations d’échange avec les pays producteurs de sucre brut, a entendu accorder des faveurs exceptionnelles. En outre, il ne faut pas oublier que d’autres nations, la Hollande, la Belgique, l’Angleterre, etc., paient également des primes très élevées pour l’exportation des sucres raffinés dans leurs usines. La France est donc obligée, pour défendre son industrie contre la concurrence de ces nations, d’exagérer aussi le drawback; sinon, le commerce considérable auquel donne lieu, soit directement, soit indirectement, le sucre étranger serait perdu pour elle. Sans doute, si l’on ne consulte que les saines notions économiques, les gouvernemens qui entretiennent, aux dépens de leur trésor, cette sorte de lutte à coups de primes sont engagés dans une mauvaise voie; ils le sentent bien eux-mêmes, puisque déjà ils ont essayé, à diverses reprises, de s’entendre pour réduire simultanément le taux des drawbacks. Les négociations n’ont pas abouti. Cette affaire ressemble, toutes proportions gardées, à celle des armemens. Les peuples s’épuisent en dépenses militaires; chacun murmure, rejetant la faute sur le voisin; on déclare que l’état de choses est ruineux et intolérable, que si l’on veut sincèrement la paix, il n’est pas besoin de tant préparer la guerre; on prêche de toutes parts le désarmement, et on arme de plus belle. De même, en fait de primes pour les sucres raffinés, les gouvernemens intéressés continuent à débourser des sommes considérables sous une inspiration de concurrence qui, évidemment et de leur propre aveu, a dépassé les justes limites. Les autres primes à la sortie qui sont inscrites, au nombre de quinze environ, dans notre législation douanière ne se trouvent point dans le même cas. Le jour où l’on supprimera les droits d’entrée sur les matières premières, il faudra bien qu’elles disparaissent, car officiellement elles ne doivent avoir que le caractère de drawbacks, et c’est seulement par suite d’un abus toléré, mais non reconnu, qu’elles procurent pour certains articles un bénéfice à l’exportateur. Tout se réduit donc à une mesure fiscale que l’on a souvent proposée, contre laquelle ne s’élève aucune objection de principe, et dont l’adoption, à moins de désastres financiers, peut être considérée comme prochaine.
Oserait-on en dire autant des prohibitions? La suppression de ce moyen extrême et surnaturel d’encouragement pour l’industrie nationale a été annoncée depuis plus de deux ans; mais la prohibition a déjà obtenu tant de sursis qu’elle ne perd pas courage. Ce n’est pas le moment de traiter avec les détails qu’elle mérite une question qui domine tous les débats engagés sur notre régime économique. Je me bornerai à citer ici un court extrait d’un rapport présenté en 1833 à la chambre des députés par M. Le comte de Saint-Cricq, au nom d’une commission chargée d’examiner un projet de loi sur les douanes. M. de Saint-Cricq, ancien directeur-général des douanes, ancien ministre du commerce, était l’un des défenseurs les plus énergiques et les plus éclairés du système protecteur, dont il avait vu de très près l’origine et les développemens. La commission qui l’avait choisi pour organe était composée de membres très décidément favorables à ce système[4]. Voici comment s’exprimait le rapporteur : « Une protection est indispensable... La protection peut aller quelquefois jusqu’à la prohibition, mais la prohibition ne doit en aucun cas être éternelle : accordée à propos, elle crée et multiplie les entreprises, par celles-ci la rivalité, par la rivalité les moyens de perfectionnement et d’économie; trop longtemps maintenue, elle peut devenir une cause de retardement et de torpeur. Les taxes, protection plus rationnelle et moins hostile aux autres peuples, ont pour objet de mettre la production du pays en équilibre avec la production étrangère; elles doivent donc se limiter aux différences naturelles ou accidentelles des conditions respectives. Elles aussi doivent décroître avec le progrès qu’elles ont eu en vue de favoriser. Faire moins, c’est atténuer la fortune du pays en refusant à ses travailleurs leur première garantie, c’est-à-dire une large préférence sur leur propre marché. Faire plus, c’est tenir trop peu de compte de l’intérêt du consommateur,... c’est d’ailleurs par trop négliger l’intérêt du commerce extérieur, auxiliaire si nécessaire de notre mouvement agricole et industriel... » Il y a plus de vingt-cinq ans que ces lignes ont été écrites : l’administration qui s’est inspirée sous tous les régimes politiques des doctrines si clairement exposées par M. de Saint-Cricq a introduit dans la législation douanière, surtout depuis 1848, des améliorations nombreuses qu’il serait injuste de méconnaître. Elle a fait tout ce qui a dépendu d’elle pour abaisser les taxes d’entrée, pour favoriser les entrepôts, le transit, le cabotage, elle a supprimé la plupart des droits de sortie; mais contre les prohibitions, elle est jusqu’à ce jour demeurée impuissante. Il n’est pas contesté cependant que l’industrie française a accompli d’immenses progrès, qu’elle produit en abondance et avec une grande habileté les articles les plus variés, qu’elle a profité largement des facilités que lui offrent pour ses approvisionnemens de matières premières comme pour ses expéditions l’achèvement des canaux et la création des chemins de fer, en un mot qu’elle est adulte et vigoureuse. On l’a bien vu lors des expositions universelles. Parmi les visiteurs qui de tous les pays sont venus contempler ces tableaux de l’industrie contemporaine, il n’y a eu qu’une impression, qu’une voix sur les qualités brillantes et solides de nos produits manufacturés. L’étude désintéressée des statistiques de la douane confirme cette opinion. Que voyons-nous, si l’on consulte les chiffres? D’une part, comme fait général, une exportation toujours croissante d’articles fabriqués; d’autre part, comme fait particulier, le développement rapide de ces exportations en ce qui concerne spécialement les articles que nous protégeons en France par la prohibition absolue. Ainsi, de 529 millions de francs en 1847, la valeur de nos exportations d’objets manufacturés s’est élevée pour 1856 à 1,288 millions. Nous prohibons les draps, et en 1856 nous en avons exporté 1,605,000 kilogrammes d’une valeur de 43 millions, à destination de la Turquie, de l’Espagne, de la Suisse, de l’Angleterre, des États-Unis, de l’Amérique du Sud. Nous prohibons les mérinos, et nous en avons vendu au dehors 987,000 kilogrammes, valant 26 millions, et c’est l’Angleterre qui nous en a pris les plus fortes quantités. Nous prohibons les étoffes de laine mélangée, et nous en avons expédié pour une valeur de 48 millions aux États-Unis, en Belgique, en Angleterre, etc. Il en est à peu près de même pour les tissus de coton, surtout pour les tissus imprimés, pour les peaux ouvrées, etc. Comment concilier ces exportations avec l’opinion si obstinément émise au nom des fabricans, que l’industrie française serait inévitablement écrasée par la concurrence étrangère ? Comment supposer que les draps français lutteraient moins aisément en France, sur leur propre marché, contre les draps de l’Allemagne, de l’Angleterre, etc., qu’ils ne le font sur les marchés lointains, où ils se vendent avec profit ? Il serait fastidieux de multiplier les chiffres, mais nous pouvons affirmer que toutes les pages du document statistique publié par l’administration des douanes protestent éloquemment contre le maintien des prohibitions. Ce n’est pas à dire qu’il convienne de livrer l’industrie nationale brusquement, sans protection, à la merci de la concurrence anglaise. On n’y a jamais songé, au moins dans les régions administratives. À la prohibition seraient substitués des tarifs de douanes calculés de manière à sauvegarder l’intérêt manufacturier. Ces tarifs, lors même qu’ils seraient très élevés, n’opposeraient point aux échanges un obstacle infranchissable ; modérés peu à peu selon les circonstances et d’après les principes d’un système de protection bien entendu, ils ramèneraient notre commerce extérieur à une situation régulière.
L’administration consacre, dans ses statistiques, plusieurs tableaux au commerce des céréales et au mouvement du numéraire. À la suite de la période de disette que nous avons traversée de 1853 à 1857, l’attention du gouvernement et des économistes a été naturellement appelée sur la législation qui règle le commerce des céréales. Les fortes importations d’or correspondant à une exportation considérable d’argent ont de même excité une vive sollicitude au sujet de notre régime monétaire. Il n’est donc pas sans intérêt de résumer sur ces deux points les renseignemens statistiques qui peuvent éclairer les décisions.
En 1853, parut une brochure sous ce titre : Mémoire sur la période de disette qui menace la France. Après avoir compulsé les chiffres d’importation et d’exportation du froment depuis 1816, l’auteur, M. A. Hugo, arrivait par l’observation à la découverte d’une sorte de loi providentielle qu’il formulait ainsi : « Les années de disette succèdent régulièrement aux années d’abondance par périodes de plusieurs années. On ne voit pas les bonnes années alterner une à une avec les mauvaises. L’abondance et la disette n’alternent entre elles que par périodes de cinq à six ans au plus. » M. A. Hugo comptait, de 1816 à 1852, sept périodes : trois de disette, trois d’abondance, et une période mixte. Dès le mois de mai 1853, et après une période de cinq années d’abondance (1848 à 1852), l’auteur écrivait : « La France est condamnée à subir très prochainement une série de mauvaises récoltes en céréales. » En effet, de 1853 à 1857, nous avons subi la plus rude crise alimentaire qui depuis 1816 ait pesé sur nos populations. La brochure qui développait cette prophétie obtint, dans le cercle très restreint où elle fut distribuée, le succès d’estime que l’on accorde à, un curieux travail de statistique. Une triste expérience a prouvé qu’elle méritait mieux, et qu’en rappelant avec à-propos les vaches grasses et les vaches maigres du songe de Joseph, l’auteur avait surpris en quelque sorte le secret des récoltes. Il y a dans la constatation de ces alternatives presque régulières d’abondance et de disette la matière d’utiles recherches pour les sciences physiques; l’économiste et le législateur peuvent également en tenir compte pour l’examen des mesures destinées à assurer les approvisionnemens en céréales. Ce qui rend le commerce des grains si difficile, c’est l’incertitude. La statistique nous fournit une prévision qui, sans offrir tous les caractères de la certitude, n’en est pas moins digne d’être prise en très grande considération. On peut espérer qu’après une ou deux bonnes récoltes, on verra se succéder, jusqu’à l’expiration de la période quinquennale, des années d’abondance ; au contraire, après une ou deux mauvaises récoltes, on doit craindre de voir se prolonger la période de disette. Quant à la discussion engagée pour ou contre le maintien de la législation connue sous le nom d’échelle mobile, les partisans de l’une et de l’autre opinion puisent dans l’étude des tableaux de douane leurs principaux argumens. « Peut-on, disent les défenseurs de l’échelle mobile, appliquer une législation fixe et immuable à des situations perpétuellement changeantes, et décréter une taxe permanente alors que nous voyons, en 1852 par exemple, un excédant de production qui atteint près de 4 millions d’hectolitres, et en 1856 un déficit qui dépasse 9 millions? » A cet argument les adversaires de la législation actuelle répondent : « Votre échelle mobile n’est qu’un expédient très savant peut-être, très compliqué, mais assurément peu solide : on y renonce forcément dans les années de disette. Elle protège médiocrement le producteur, et sitôt qu’il y a apparence de crise, elle nuit à la consommation, car le commerce, ne sachant à quelle époque on se verra obligé de suspendre la loi ni à quel moment on jugera opportun de la rétablir, ne pourvoit aux approvisionnemens que d’une manière incomplète. Le droit fixe serait un gage de sécurité pour les importateurs de céréales, faciliterait la régularité des transactions, et conjurerait l’élévation exorbitante des prix. »
Les différens points du débat ont été fréquemment exposés et sont connus de toutes les personnes qui ont pour mission ou se sont proposé pour étude d’approfondir cette grave question. Qu’il nous suffise donc de relever ici deux faits qui résultent de la statistique. En premier lieu, les calculs de la douane établissent que, depuis 1827 jusqu’en 1856, le chiffre total des importations de céréales a été supérieur à celui des exportations ; l’excès des importations a été de 8 millions d’hectolitres pendant la période 1827-36, de 9 millions pendant la période de 1837-46, et de 16 millions pendant la période 1847-56. Ainsi la production ne suffit pas, année moyenne, à la consommation, et l’insuffisance est toujours croissante, soit que la culture du froment ne suive pas les progrès de la population, soit, ce qui est plus probable, que le développement des cultures industrielles ait envahi, au profit même de l’agriculture, le domaine du blé. En second lieu, la révolution qui a été opérée, au début de la dernière période décennale, dans la législation anglaise sur les céréales a eu pour résultat d’ouvrir à notre production un débouché très important. En 1851, année favorable, la Grande-Bretagne nous a acheté l,450,000 hectolitres de froment et 1,143,000 quintaux métriques de farine. En 1853, bien que le prix moyen de l’hectolitre de blé s’élevât en France au-dessus de 22 fr., nous avons encore exporté en Angleterre 101,000 hectolitres de blé et 237,000 quintaux de farine. Cette ressource pour le placement de notre excédant de production aux périodes d’abondance n’existait pas alors que l’on établit le régime de l’échelle mobile. Ce n’est pas tout : les avantages du marché anglais n’eussent été sensibles, il y a vingt ans, que pour un rayon peu étendu de notre littoral ; aujourd’hui, grâce aux chemins de fer, la hausse qui se produit sur les côtes de la Manche se communique de proche en proche; les prix tendent à se niveler partout; la multiplicité, la rapidité et l’économie des moyens de transport arrêteront de plus en plus les baisses excessives aussi bien que l’extrême cherté. En 1827, il a suffi d’un déficit de moins de 2 millions d’hectolitres pour porter au-delà de 36 fr. Le prix moyen du blé dans toute la France; ce prix n’a jamais été atteint de 1853 à 1857, et nous avons eu des déficits bien plus considérables. Le plus bas prix que l’on ait eu avant 1830 est celui de 14 fr. 87 c. en 1822, avec une exportation de 208,000 hectolitres seulement; la moyenne de 1850 n’est descendue qu’à 14 fr. 26 c, avec une exportation de plus de 4 millions d’hectolitres. En résumé, même en ne considérant que l’ouverture du marché anglais et l’établissement des voies ferrées, faits tout récens qui n’ont pas encore exercé leur entière influence sur les conditions économiques de notre marché, on est amené à supposer que l’action du régime douanier sera désormais beaucoup moindre que par le passé sur le prix des céréales. L’agriculture française est protégée contre l’avilissement exagéré de ses produits par l’agrandissement de ses débouchés, et cette protection l’emporte de beaucoup sur celle du système en vigueur, qui n’a jamais empêché la baisse des prix, lorsque la production nationale, condamnée dans les périodes d’abondance à se faire concurrence sur place, ne trouvait au dehors aucune voie d’écoulement. C’est ce que démontre, pour les esprits non prévenus, la triple statistique des importations, des exportations et des prix. Un droit fixe serait donc plus avantageux pour le commerce et pour les intérêts de la consommation que ne l’a été jusqu’ici le régime de l’échelle mobile, et si, poussant plus avant cet examen, on voulait extraire des documens de la douane toutes les conséquences qu’ils renferment, on arriverait aisément à se convaincre que le droit fixe peut, sans inconvénient pour l’agriculture, être abaissé à un taux très modéré.
L’exposé des faits qui se rattachent aux mouvemens du numéraire peut se passer de chiffres. Il n’est pas nécessaire de recourir à l’aride langage de la statistique pour démontrer ce que chacun sait. Il n’y a pas longtemps encore, la monnaie d’argent l’emportait de beaucoup dans notre circulation sur la monnaie d’or. L’or avait une prime. Surviennent les découvertes des mines de Californie et d’Australie; en peu d’années, l’or se précipite chez nous, et l’argent fuit. C’est l’argent, au lieu de l’or, qui obtient une prime. Le rapport entre les deux monnaies est complètement renversé. Le gouvernement, comme le public, s’en préoccupe et s’en inquiète ; des commissions sont chargées d’étudier la situation nouvelle et de proposer un remède à l’exportation continue de la monnaie d’argent. Aucune mesure n’a encore été prise, et les solutions sommeillent dans les archives ministérielles. Dans un récent écrit sur la Baisse probable de l’Or[5], M. Michel Chevalier a envisagé les conséquences commerciales et sociales de cette révolution monétaire dont nous voyons s’accomplir sous nos yeux les premières phases. Devant la perspective d’une production aurifère sans cesse croissante, il a signalé avec beaucoup de force les inconvéniens de toute nature qu’entraînerait pour la fortune publique et privée, pour le travail national, pour le commerce extérieur, le maintien prolongé d’une anomalie qui consiste à attribuer légalement à l’or, par rapport à l’argent, une valeur que le premier de ces métaux ne représente plus réellement. Il a proposé de conserver à l’argent la qualité d’étalon, et de ne laisser à l’or que la valeur de marchandise, en indiquant divers procédés à l’aide desquels il serait possible, suivant lui, de rendre aussi commode que sous le régime actuel l’usage de la nouvelle monnaie. Les raisonnemens scientifiques invoqués à l’appui de cette opinion sont incontestables; mais la solution pratique du problème n’en demeure pas moins entourée de grandes difficultés. Il n’est point admissible cependant que l’on ne prenne pas un parti, car, en échangeant notre monnaie d’argent contre la monnaie d’or aux conditions présentes, nous nous résignons à une perte sèche qu’il serait urgent d’arrêter. D’un autre côté, avant que le taux des loyers, des salaires, des impôts s’établisse selon la valeur du métal qui semble devoir dominer désormais dans notre circulation, il y aura une période de transition qui sera très pénible pour un grand nombre d’intérêts, et qui pourra même, d’après la démonstration de M. Michel Chevalier, créer au gouvernement de sérieux embarras politiques. Si maintenant, sans distinguer entre la monnaie d’or et la monnaie d’argent, on ne considère que l’augmentation considérable du numéraire qui circule en France, il est aisé d’apercevoir dès à présent, par les statistiques de la douane, l’une des conséquences de ce fait. Les valeurs actuelles inscrites dans les tableaux indiquent une hausse presque générale du prix des produits agricoles et manufacturés. Une grande part doit être faite au déficit des récoltes, à l’accroissement de la consommation, c’est-à-dire à l’influence qu’exerce naturellement le rapport de l’offre à la demande ; mais il n’est contesté par personne, et la commission des valeurs a déclaré expressément, dans ses comptes-rendus, que la dépréciation dans la valeur métallique, résultat de l’énorme production de l’or, a contribué au renchérissement presque universel. On pourra du reste se livrer à d’intéressantes études sur les prix en comparant les valeurs actuelles de chaque marchandise désignée dans les statistiques avec la valeur officielle qui date de 1826[6].
Nous venons de passer en revue les principales indications contenues dans la dernière publication décennale sur le commerce extérieur de la France. L’impression générale que l’on éprouve en fermant ces deux volumes de statistique est un sentiment de satisfaction pour les progrès incontestables de notre industrie et de nos échanges. Ces progrès pourraient soutenir avantageusement la comparaison avec ceux qui, durant la même période, ont été accomplis par les autres nations, même par la Grande-Bretagne. S’ils justifient dans le passé la prudence de notre législation économique, ils conseillent pour l’avenir un régime moins restrictif et un acheminement plus prompt vers la liberté commerciale, qui, selon le langage de M. de Saint-Cricq en 1833, est le but de la protection. L’industrie française est aujourd’hui de force à envisager plus bravement la concurrence étrangère ; elle n’a plus besoin des prohibitions ni des taxes excessives qui, instituées d’abord pour la défendre, lui deviendraient préjudiciables, si elles étaient plus longtemps maintenues. La doctrine de la protection n’exclut pas les réformes de tarifs ; elle les provoque au contraire, car elle n’a d’autre pensée que de mettre sans cesse les lois de douane en harmonie avec la situation constamment progressive du travail national. Les rapports officiels, les témoignages et même les inquiétudes de nos concurrens, tout s’accorde à proclamer l’utilité des dispositions libérales qui ont été annoncées par le gouvernement. Lorsque la discussion s’ouvrira enfin dans l’enceinte législative, on consultera avec profit les statistiques de l’administration des douanes, et les esprits non prévenus y puiseront les argumens qui doivent assurer le triomphe de l’intérêt général.
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Commerce général Commerce spécial 1847 2,340 millions. 1,676 millions. 1848 1,645 — 1,164 — 1849 2,291 — 1,662 — 1850 2,555 — 1,859 — 1851 2,614 — 1,923 — 1852 3,072 — 2,246 — 1853 3,749 — 2,738 — 1854 3,758 — 2,705 — 1855 4,327 — 3,152 — 1856 5,399 — 3,883 — - ↑ Valeur officielle. Les tableaux statistiques ne marquent pas la valeur actuelle.
- ↑ Ces classifications remontent à 1820; sauf de rares exceptions, elles peuvent être encore aujourd’hui considérées comme exactes. A l’importation, les matières nécessaires à l’industrie comprennent le coton, la laine, les soies, le lin, la houille, les huiles, le suif, les bois, les métaux bruts, etc. Les objets de consommation naturels sont les céréales et autres denrées alimentaires, le sucre, le café, le thé, les fruits, les graines oléagineuses, etc. Les objets fabriqués sont les tissus de soie, de fin et de chanvre, l’horlogerie, les chapeaux de paille, les machines et mécaniques, les armes. — A l’exportation, les vins et eaux-de-vie, les céréales, les bestiaux, les peaux, la garance, les fruits, le beurre, etc., sont comptés parmi les produits naturels.
- ↑ La commission était composée de MM. de Falguerolles, Boignes, Barbet, Duvergier de Hauranne, le baron Dupin, Meynard, le comte de Saint-Cricq, Cunin-Gridaine, Fulchiron. La plupart de ces noms ont été mêlés à toutes les luttes soutenues dans l’intérêt de la protection.
- ↑ Un volume in-8o. Capelle, éditeur.
- ↑ M. Natalis Rondot, membre et secrétaire de la commission des valeurs, a publié, dans le Dictionnaire du Commerce et de la Navigation (librairie Guillaumin), un article très instructif sur les valeurs de douane officielles et actuelles en France, en Angleterre et en Belgique.