Commentaire sur la grammaire Esperanto/Texte entier

PRÉFACE

Ce livre est destiné à ceux qui veulent acquérir sûrement un style grammatical irréprochable, en Esperanto. Ils y trouveront les 16 règles fondamentales de la langue présentées et commentées de telle sorte, qu’il leur suffira d’un peu d’attention pour éviter de faire passer inconsciemment en Esperanto les formes et les particularités grammaticales de leur langue maternelle. L’obtention de ce résultat leur sera d’autant plus facile que les principes de l’Esperanto reposent sur la logique et sont constamment réguliers. Dans nos langues, au contraire, on cherche trop souvent en vain la raison de la règle, et on ne peut s’expliquer qu’elle soit à tout instant violée par quantité d’exceptions. Aussi, leurs grammaires s’adressent-elles presque uniquement à la mémoire, au lieu que celle de l’Esperanto s’adresse presque uniquement au bon sens. Elle trouve donc dans l'esprit humain un point d'appui et un auxiliaire que les autres n’y peuvent rencontrer. D'où son assimilation prompte et aisée.

Voulant aider l’adepte le plus possible, nous n'avons pas craint d'entrer dans des détails et de multiplier les exemples, comme on ne le fait dans aucune grammaire nationale. On peut dire, qu’à ce dernier point de vue, notre brochure est riche à la surabondance. Mais nous nous sommes rappelé le principe : « Longum iter per præcepta, breve per exempla. » Si facile que soit l’Esperanto, cette vérité ne lui est pas moins applicable.

Puis, dans notre pensée, ce livre n’est pas destiné qu'aux Français. Il sera traduit et adapté à plus d’une langue étrangère. Or, certains points, très simples pour nous, le sont moins pour d’autres nationaux. L'article, par exemple, nous semble d’un emploi très facile ; il est pour beaucoup de peuples et notamment pour tous les Slaves extrêmement difficile, parce qu'ils ne l'ont pas dans leur langue et qu’il ne repose dans aucune des nôtres sur des principes simples et constants. Il fallait donc l’y ramener et multiplier les exemples afin d'être bien compris de tous. Nous y sommes parvenu, nous assure-t-on, et aujourd’hui l'Esperanto peut se flatter d’être la seule langue du monde où l'emploi de l’article repose sur des principes fixes et accessibles à tous.

D'ailleurs, comme son titre l'indique, ce livre n’est pas un compendium, pas même une grammaire réduite au strict nécessaire comme règles et comme exemples; c’est un Commentaire. Nous avions donc le droit et même le devoir de ne pas viser à une concision qui eût peut-être laissé des doutes. Mieux valait en dire trop que pas assez. C'est pour cela que nous avons traité des points qu’on chercherait vainement dans les plus complètes des grammaires nationales. Dans le même esprit, nous avons fréquemment établi un parallèle entre l’Esperanto et nos langues, pour bien montrer qu’il est loin de leur être inférieur au point de vue de la logique, de la précision et de la souplesse grammaticale. Il nous a semblé bon aussi de signaler, dans des remarques et des aperçus linguistiques, la justesse ou la raison du principe adopté par l’Esperanto.

Nous devons exprimer, en finissant, toute notre gratitude à l’auteur même de l’Esperanto, le docteur L. Zamenhof, qui a bien voulu examiner notre travail, de la première ligne à la dernière. Grâce à ce bienveillant concours, nous avons la certitude absolue de donner, comme principes et comme exemples, un style grammatical rigoureusement exact et recommandable à tous.

Puisse ce petit livre, fruit de beaucoup de travail, coopérer puissamment au succès de notre idée !

Épernay, Mars 1900 (1re édition).


COMMENTAIRE
SUR LA
GRAMMAIRE ESPERANTO






Règle 1. — L’ARTICLE


1o L’article défini la, l’ (le, la, les) est toujours invariable, comme en anglais l’article the, quels que soient le sexe, le nombre, le cas du nom, de l’adjectif ou du participe qu’il détermine.

Exemples. — La patro, le père ; la patrino, la mère ; la infanoj, les enfants. — El tiuj ĉi du piroj la pli dika estas matura, sed la alia estas ankoraŭ nematura. De ces deux poires la plus grosse est mûre, mais l’autre est encore verte. — Prenu la tablotukon sekan, kaj lasu la malsekan. Prenez la nappe sèche et laissez celle qui est mouillée (la mouillée). — Ne kalkulante la perditajn. Sans compter ceux qui sont perdus (les perdus).

2o L’article indéfini un, une, et son pluriel des n’existent pas en Esperanto.

Exemples. — Homo venis al mi por… Un homme est venu me trouver pour… — Ursino havis idon kiu… Une ourse avait un petit qui… — Ĉu vi vidas birdojn sur tiu ĉi arbo ? Voyez-vous des oiseaux sur cet arbre ? — Vi estas lernanto diligenta. Vous êtes un écolier diligent. — Vi estas lernantoj diligentaj. Vous êtes des écoliers diligents.

3o Les articles partitifs du, de l’, de la, des n’existent pas davantage en Esperanto.

Exemples. — Vino aŭ biero : jen estas miaj preferataj trinkaĵoj. Du vin ou de la bière : voilà mes boissons préférées. — Mi vendas salon, pipron, sukeron kaj spicojn. Je vends du sel, du poivre, du sucre et des épices. — Ĉu vi trinkas vinon ? Buvez-vous du vin ? — Mi ĝin trinkas. J’en bois. — Ĉu vi manĝas fragojn ? Mangez-vous des fraises ? — Mi manĝas ilin. J’en mange. — Iru ĉerpi akvon kaj alportu ĝin al mi. Allez puiser de l’eau et apportez-m’en.

Remarque. — Si l’on veut insister sur l’idée partitive, bien indiquer qu’il s’agit d’une petite quantité de la chose en question, on emploie iom da ĝi pour le singulier, et iom da ili pour le pluriel, ou même simplement iom.

Exemples. — Voici de la crème, prenez-en (un peu), Jen estas kremo, prenu iom da ĝi (un peu d’elle) ; ou simplement prenu iom. — J’ai des pommes, en voulez-vous (un peu) ? Mi havas pomojn. Ĉu vi deziras iom da ili ? (un peu d’elles) ou simplement ĉu vi deziras iom ? — Merci, je n’en veux pas. Mi dankas (ou dankon) ; mi ne deziras (iom). — Avez-vous de l’argent ? Ĉu vi huvas monon ? J’en ai un peu. Mi havas iom.

Si au contraire le pronom en est sans importance et pour ainsi dire explétif, on ne le traduit pas.

Exemples. — Avez-vous de l’argent ? Ĉu vi havas monon ? J’en ai. Mi havas. — Voulez-vous du vin ? Ĉu vi volas vinon ? Oui, j’en veux bien. Jes, mi volas ou jes, volonte.

4o Emploi de l’article défini la, l’. — Les numéros 2 et 3 de ce paragraphe restreignent évidemment l’usage de l’article défini, puisqu’on ne doit jamais l’employer dans aucun des cas qui y sont exposés. Mais formulons d’une façon spéciale et complète les principes qui régissent cet emploi.

a) On se sert de l’article défini la, l', pour marquer que le nom (au singulier ou au pluriel) exprime la totalité des êtres ou des choses qu’il représente.

Exemples. — La homo estas mortema (ĉiu homo). L’homme est mortel. La homoj estas mortemaj (ĉiuj homoij). Les hommes sont mortels. — La simio estas tre imitema (ĉiu simio). Le singe est très imitateur. La simioj estas tre imitemaj (ĉiuj simioj). Les singes sont très imitateurs. — La reĝo devas ordoni kaj la regato obei (ĉiu reĝo, ĉiu regato). Le roi doit commander et le sujet obéir. La regoj devas ordoni kaj la regatoj obei. — La medicino estas scienco kaj la pentrado arto (ĉiu medicino, ĉiu pentrado). La médecine est une science et la peinture un art. — La religio estas respektinda (la religio en la plena senco de l’vorto). La religion est respectable. — La papo estas la estro religia de l’katolikoj (ĉiu papo… de ĉiuj katolikoj). Le pape est le chef religieux des catholiques. — Kelkaj kuracistoj pretendas, ke la vino estas malutila al la sano (ĉiu vino… al la sano en ĝia pleneco, al la sano mem en ĉiuij). Certains médecins prétendent que le vin est nuisible à la santé. — Mi preferas la blankan vinon pli, ol la ruĝan (la tutan trinkaĵon « blanka vino » — la tutan trinkaĵon « ruĝa vino » ). Je préfère le vin blanc au vin rouge. — Sen la akvo nia tero rapide fariĝus dezerto (la akvo en sia pleneco, sen ia konsidero pri la apartaĵoj kiujn oni povas trovi en tiu aŭ alia akvo). Sans l’eau notre terre deviendrait vite un désert. — La pluvo kaj la neĝo estas necesaj por la fruktodono de l’ tero. La pluie et la neige sont nécessaires à la fécondité de la terre. — La vento kaŭzas ofte terurajn ruinojn en kelkaj landoj. Le vent cause souvent d’effroyables désastres dans certains pays. — Inter la diversaj specoj de bestoj, de fruktoj, de floroj, de legomoj, kiujn oni trovas en nia lando, estas : la ĉevalo, la bovo, la ŝafo, la porko, la pomo, la piro, la pruno, la vinbero, la ribo, la rozo, la violo, la lilio, la brasiko ; ou bien : la ĉevaloj, la bovoj, k. t. p. Parmi les diverses espèces d’animaux, de fruits, de légumes qu’on trouve dans notre pays, il y a le cheval, le bœuf, le mouton, le porc, la pomme, la poire, la prune, le raisin, la groseille, la rose, la violette, le lis, le chou ; ou : les chevaux, les bœufs, etc. — La infanoj estas kredemaj (ĉiuj infanoj). Les enfants sont crédules. — Mi ne amas la homojn obstinajn (ĉiujn homojn obstinajn). Je n’aime pas les gens obstinés. — La akvo fluanta estas pli pura, ol la akvo staranta senmove (ĉiu akvo fluanta… ĉiu akvo staranta). L’eau qui coule (courante) est plus pure que l’eau qui reste sans remuer (stagnante). — Dum la tago brilas la suno, kaj dum la nokto lumas la luno. Le soleil brille pendant le jour et la lune luit pendant la nuit.

Au contraire, comme l’ont déjà montré les deux numéros précédents, on n’emploie jamais l’article défini en Esperanto, lorsqu’on ne parle que d’un quelconque, que de quelques-uns, que d’une partie des êtres ou des choses représentés par le nom.

Exemples. — Homo ekzistis kiu… (homo ia el la homoj). Un homme s’est trouvé qui… — Mi vidis simion (simion ian el la simioj). J’ai vu un singe. — Reĝo, mi ne scias kiun, diris ke… Un roi, je ne sais lequel, a dit que… — Tiu kuracisto praktikas medicinon, kiun ĝis nun oni ne vidis ankoraŭ (medicinon ian). Ce médecin pratique une médecine qu’on n’a pas encore vue jusqu’à présent. — Vere liu pentristo kreis novan pentradon. Vraiment ce peintre a créé une peinture nouvelle. — Arto agrabla estas la muziko kaj scienco malfacila, la astronomio. C’est un art agréable que la musique et une science difficile que l’astronomie. — La sovaĝuloj de Afriko havas ordinare tre strangan religion. Les sauvages de l’Afrique ont ordinairement une religion très étrange. — Mi trinkas blankan vinon ĉe mia tagmanĝo kaj ruĝan vinon ĉe mia vespermanĝo. Je bois du vin blanc à mon déjeuner et du vin rouge à mon dîner. — Sen akvo oni ne povas havi glacion (sen akvo ia). Sans eau on ne peut pas avoir de glace. — Dum la tuta lasta nokto faladis neĝo kaj pluvo (nek la neĝo nek la pluvo en sia tuteco sed nur parto pli malpli granda). Toute la nuit dernière il est tombé de la neige et de la pluie. — Hajlo falas (ne la tuta afero nomata « hajlo » sed nur parto). Il tombe de la grêle ou : (de) la grêle tombe. — Mais nous dirions : La hajlo estas tre mulutila al lu vinbero (la tuta hajlo, ĉiu hajlo). La grêle est très nuisible au raisin. — Subite ekblovis vento terura. Tout à coup s’éleva un vent effroyable. — Inter la diversaj specoj de bestoj, de fruktoj, de floroj, de legomoj ekzistantaj en tiu lando, ni elektis kaj forportis ĉevalojn, porkojn, pomojn, rozojn kaj brasikojn, k. t. p. (ni ne forportis la tutan specon nomatan « ĉevaloj, porkoj » k. t. p. sed nur parton). Parmi les diverses espèces de bêtes, de fruits, de fleurs, de légumes existant dans ce pays, nous avons choisi et emporté des chevaux, des porcs, des pommes, des roses, des choux, etc. — En tago de kolero li… Un jour de colère, il.. — Ni iradis en nokto malluma, malvarma... Nous marchions dans une nuit sombre, froide... — Luno belega kaj brila lumigis al ni. Une lune superbe et brillante nous éclairait. — Fajra suno estis sekiginta ĉion, kiam ni alvenis en tiun regionon. Un soleil de feu avait tout desséché, quand nous arrivâmes dans cette contrée. — Soldato kriis al mi por helpo. Un soldat me cria à l’aide (pour de l’aide).

Comparez un à un et dans leur ordre ces exemples à ceux de a) ; leur opposition vous fera mieux saisir encore la raison qui détermine, en Esperanto, la présence de l’article défini dans les uns et son absence dans les autres.

b) On emploie encore l’article défini la, l’, devant tout nom, adjectif, participe déterminé par ce qu’on a dit, par ce qu’on dit, ou même par le simple fait que l’être ou la chose en question sont là sous vos yeux.

Exemples. — Mi havis ĉevalon ; la bona besto estis por mi tre facile kondukebla, sed vere ne tolerebla por la aliaj (la, ĉar « besto » estas determinata per « mi havis ĉevalon » ). J’avais un cheval ; la bonne bête était avec moi très facile à conduire, mais intolérable avec les autres. — En la mezo de korto mi pasante vidis du infanojn de la vilaĝo, kiuj disputis kaj batis unu la alian (la mezo, ĉar oni determinas ĝin per « de korto » — de la vilaĝo, ĉar oni parolas tie ĉi pri speciala vilaĝo konata de la leganto aŭ de la interparolanto ; — kontraŭe nenia artikolo antaŭ « korto », ĉar ĝi ne estas konata : oni tie ĉi parolas pri korto ia). Au milieu d’une cour, j’ai vu deux enfants du village qui se querellaient et se battaient l’un l’autre. — Mi loĝas en la palaco de l’reĝo (la palaco, ĉar oni ĝin determinas per « de l’reĝo » — kaj de l’reĝo, ĉar li estas konata : de nia reĝo, aŭ de l’reĝo de la lando). Je loge dans le palais du roi. — Mais je dirais : Mi loĝas en palaco de reĝo (se la palaco ne estus determinita, se ĝi estus ia palaco apartenanta al ia reĝo). Je loge dans un palais de roi. Dans ce cas, je pourrais dire aussi : Mi loĝas en reĝa palaco (palais royal). — Donu al mi la vinon (la vinon, kiun mi vidas, la vinon kiu estas apud vi). Donnez-moi le vin. — La vitroj de l’fenestro estas rompitaj (ne iaj vitroj, sed tiuj de l’fenestro — ne de ia fenestro, sed de fenestro konata, de la fenestro kiun oni vidas, kiun oni montras, kiu apartenas al ni). Les carreaux de la fenêtre sont cassés. — Li prenis la ĉapelon (la konatan ĉapelon). Il prit le chapeau. — Vivu la reĝo ! — Vive le roi !

Parfois les mots qui déterminent sont sous-entendus.

Exemples. — En la komenco Dio kreis... (la komenco de l’ mondo, la komenco de sia entrepreno). Au commencement Dieu créa… En la fino mi povis... (la fino de mia entrepreno, de mia penado). A la fin je pus...

c) On n’emploie jamais l’article devant les noms propres par la raison fort simple qu’il ne peuvent être plus définis, plus déterminés par lui.

Exemples. — Esperanto, Ameriko, Francujo. L’Esperanto, l’Amérique, la France. — Italujo estas pli varma ol Svedujo. L’Italie est plus chaude que la Suède. — Kongo, Kanado, Bosnio, Danubo, Tibro, Mediteraneo, Alpoj[1]. Le Congo, le Canada, la Bosnie, le Danube, le Tibre, la Méditerranée, les Alpes.

Ce principe subsiste alors même que le nom propre est précédé d’un nom commun marquant la profession, le rang, la situation, la nature.

Exemples. — Doktoro Zamenhof, kapitano M…, doktorino L…, kardinalo S…, papo Pie IXa, reĝo Henriko IVa, grafo de G…, monto Ĉimborazo.

Mais si le nom propre est déterminé par un adjectif ou un complément, il faut l’article.

Exemples. — La glora poeto Dante Alighieri (Aligjeri). Le célèbre poète Dante Alighieri. — La franca astronomo Laplace. L’astronome français Laplace. — La bona reĝo Henriko IVa. Le bon roi Henri IV. — La imperiestro de Germanujo Frederiko Ia. L’empereur d’Allemagne Frédéric Ier.

d) Les noms de peuples rentrent logiquement dans le principe posé par a).

Exemples. — La Italo estas ĝenerale bruna. L’Italien est généralement brun. Ou : La Italoj estas ĝenerale brunaj. Les Italiens sont généralement bruns. — La Amerikano estas tre negocema. L’Américain est très porté aux affaires. Ou : La Amerikanoj estas tre negocemaj. Les Américains sont très portés aux affaires. — Lernolibro por Francoj. Manuel pour (des) Français. — Mi renkontis en vojaĝo Rusinon vere ĉarman. J’ai rencontré en voyage une Russe vraiment charmante. — La Francino, la Italino, la Hispanino tre diferencas unu de la alia. La Française, l’Italienne, l’Espagnole diffèrent beaucoup l’une de l’autre. Ou : La Francinoj, la Italinoj, la Hispaninoj tre diferencas unuj de la aliaj. Les Françaises, les Italiennes, les Espagnoles différent beaucoup les unes des autres. — Oni trovas Francojn kiuj kredus… On trouve des Français qui croient…

Article sous-entendu. — À l’instar des langues qui emploient l’article, l’Esperanto peut le sous-entendre dans les titres des livres, des catalogues, des chapitres, ainsi que dans les proverbes ou les sentences.

Exemples. — Edziĝo de Figaro. Mariage de Figaro. — Iliado. Iliade. — Katalogo de la firmo N. Catalogue de la maison N. — Vinoj blankaj, vinoj ruĝaj, brandoj. Vins blancs, vins rouges, eaux-de-vie. — Ĉapitro Va. Chapitre Ve.

Kontenteco superas riĉecon. Contentement passe richesse. — Malriĉeco ne estas malvirto. Pauvreté n’est pas vice. — Progresado estas vivo ; restado estas morto. Le progrès, c’est la vie ; la stagnation, c’est la mort.

Élision. — Comme il est dit à la règle 16 de nos Manuels, on peut élider l’a de l’article. Mais il va de soi que cette élision ne doit jamais se faire que dans de bonnes conditions d’euphonie. Ne la faites donc qu’après une préposition finissant par une voyelle, suivant le principe posé par le docteur Zamenhof lui-même dans l’Ekzercaro.

Exemples. — La palaco de l’ reĝo. Le palais du roi. — Je la komenciĝo de l’jaro. Au commencement de l’année. — Tie ĉe l’ pordo. Là-bas à la porte. — Je l’ vespero. Le soir. — La vivo de l’homo. La vie de l’homme.

Mais jamais, quand il ne suit pas une préposition finissant par une voyelle, on ne doit apostropher l’article devant un mot commençant par un h ou un ĥ.

Dites donc toujours : la homo, kun la helpo, por la honoro, et jamais : l’homo, kun l’helpo, por l’honoro. En effet, avec l’élision et dans les conditions où se trouvent les mots homo, helpo, honoro du dernier exemple, il vous serait impossible de faire sentir l’h aspiré de ces trois mots.

On peut encore élider l’a de l’article devant les mots commençant par une voyelle.

Exemples. — L’amiko de mia frato. L’ami de mon frère. — L’oro kaj l’arĝento estas metaloj. L’or et l’argent sont des métaux, — L’obstina infano. L’enfant obstiné. — Mais ce n’est nullement obligatoire, et l'on peut dire très régulièrement : la amiko, la oro, la argento, la obstina infano.

L’article n’est pas indispensable à une langue ; le latin dans l’antiquité et les langues slaves actuellement le prouvent à l’évidence. Mais, s’il ne lui est pas indispensable, l’article est extrêmement utile à un idiome, car il lui apporte plus de clarté, de précision, de souplesse et souvent d’élégance. Ceci compense amplement ce qu’il peut lui enlever parfois en force et en concision. Dans le latin et dans les langues qui n’ont pas l'article, l’emploi des noms offre, en certains cas, un sens vague et indécis. C’est ainsi que l’expression palatium regis peut se traduire en français par un palais de roi (palaco de reĝo), un palais du roi (palaco de l’reĝo), le palais de roi (la palaco de reĝo), le palais du roi (la palaco de l’reĝo}, expressions qui offrent chacune un sens différent.

La langue internationale devant se soucier avant tout d’être claire et précise, ne pouvait donc se passer, sans y perdre, de l'article défini. D’ailleurs, les principes logiques sur lesquels nous nous sommes basés pour en régler l’emploi présentent cet avantage d’en restreindre l’usage aux seuls cas nécessaires, et de laisser à l’Esperanto, dans tous les autres, une force et une concision égales à celles du latin : homo venis — trinku vinon, par exemple, ne sont pas moins concis que homo venit — bibe vinum, mais ils sont plus précis. Puis, il ne faut jamais l’oublier, dans une langue internationale, la précision et la clarté valent cent fois la concision. Belle avance, que je sois bref, si je ne suis pas compris, ou si je le suis mal ! Enfin, il est à remarquer que, les langues allant à l’analyse, s’acheminent à l’article. Le latin ne l’avait pas ; tous ses rejetons le possédlent. L’Esperanto, en le prenant, suit donc l’évolution naturelle.

« L’emploi de l’article est le même qu’en français ou en allemand », disions-nous comme remarque dans nos premiers Manuels. D’une façon générale et comme indication sommaire, c’est exact. Mais les deux langues offrent, sous ce rapport, de réelles différences. De plus, ni l’une ni l’autre ne s’en tiennent toujours à des principes logiques et réguliers qui, une fois admis, puissent invariablement vous servir de guide. Nous avons donc ramené leurs règles ou leur usage sur l’article à quelque chose de fixe et d’invariable, en prenant pour guide la logique. Si tantôt c’est l’allemand qui l’emporte et tantôt le français, la cause n’en est pas à une préférence aveugle de notre part, car nous nous sommes complètement abstrait des modèles que ces deux langues nous donnaient. Nous n’avons été guidé que par le désir de poser des principes bien réguliers et faciles pour tous, même pour les peuples qui n’ont pas l’article. Les longues recherches et les essais différents auxquels nous nous sommes livré nous permettent de dire que les principes donnés plus haut sont les seuls qu’on puisse prendre. Le système pratiqué par la langue anglaise, notamment, serait tout à fait défectueux pour l’Esperanto. Sa simplicité n’est qu’apparente, et, dans tous les cas, si nous l’adoptions en Esperanto, il en résulterait fréquemment des obscurités et des méprises. Une étude approfondie ne nous laisse aucun doute sur ce point.

En somme, les principes que nous avons posés arrivent, sans que ce fût notre intention, à opérer un compromis assez heureux entre les différences constatées pour l’emploi de l’article en français, en allemand, en italien, en espagnol, etc. Ils ont encore ce grand avantage de s’accorder avec les habitudes prises en Esperanto. Si parfois, très rarement du reste, on constatait une différence, il faudrait se l’expliquer par ce fait que, jusqu’ici, nous manquions de règles précises et s’étendant à tout pour l’emploi de l’article dans la langue.

En réalité, si nous exceptons les noms propres, les principes posés plus haut en grand détail se réduisent à ceci :

N’employez l’article défini la, l’, que si vous voulez exprimer la totalité des êtres ou des choses marqués par le nom ; ou bien encore si vous parlez d’êtres ou de choses déterminés par ce qu’on en dit, voire même par les circonstances.

C’est assurément peu, en comparaison de tout ce que nos grammaires nationales nous apprennent sur l’article, et surtout de ce qu’elles laissent à l’usage le soin de nous apprendre.


Règle 2. — LES SUBSTANTIFS

Le genre, le nombre, l’n accusatif.

Le nom, en Esperanto, est invariablement caractérisé par la lettre finale o[2]. Il n’ajoute rien à cette forme appelée nominatif, tant qu’il reste au singulier et joue le rôle de sujet. Il en est encore de même, s’il vient après une préposition. Ce dernier point résulte de la règle 8 de nos Manuels.

Exemples. — Le frère écrit et la sœur lit. La frato skribas kaj la fratino legas. — Du père. De la patro. — A l’ami. Al la amiko. — Pour l’enfant. Por la infano. — Avec son cousin. Kun sia kuso. — Par la main. Per la mano.

Le genre grammatical, complètement inutile dans une langue, comme le prouve l’anglais, n’existe pas en Esperanto. On n’y reconnaît que le sexe.

Le sexe des êtres féminins se marque en intercalant le suffixe in (femelle) entre la racine qui désigne l’être mâle et la caractéristique o de tout substantif esperanto.

Exemples. — Frère frato, sœur fratino ; cheval ĉevalo, jument ĉevalino ; aigle aglo, aigle femelle aglino.

Ce principe invariable épargne l’étude d’une infinité de mots. Il élimine de la grammaire les innombrables difficultés qu’y crée, dans nos langues, le genre grammatical pour l’article, l’adjectif, le pronom et le participe. Enfin, il permet à l’Esperanto de donner à tout être mâle son correspondant féminin, ce dont nos langues sont fort empêchées, en dépit de toutes leurs règles et de toutes leurs exceptions.

Le pluriel du nom se marque invariablement par j ajouté à l’o du singulier. Cette forme (oj) constitue le nominatif pluriel du nom. On l’emploie toutes les fois que le nom pluriel est sujet ou vient après une préposition.

Exemples.Patro père, patroj pères ; ĉevalo cheval, ĉevaloj chevaux ; fratino sœur, fratinoj sœurs ; aglino aigle femelle, aglinoj aigles femelles ; de la homoj des hommes.

Ce principe, qui s’applique à tous les mots de la langue susceptibles de recevoir le pluriel, débarrasse l’Esperanto de l’infinité de règles et d’exceptions dont sont encombrées nos langues pour la formation du pluriel dans les noms, les adjectifs et les participes.

L’n accusatif s’ajoute au substantif, tant au singulier qu’au pluriel, quand il joue le rôle de complément direct.

Exemples. — Mon père lit une lettre. Mia patro legas leteron. — Je vois des enfants. Mi vidas infanojn.

Pourquoi, diront certains, la complication de l’accusatif en Esperanto ? Puisque plusieurs langues flexionnelles ont déjà dépouillé toute déclinaison, le docteur Zamenhof aurait dû les imiter et ne pas introduire dans la sienne ce cas tout à fait inutile.

Il est très vrai que certaines langues flexionnelles se passent de l’accusatif aussi bien que des autres cas. Mais comment et à quel prix ? Là est toute la question.

Elles l’ont rejeté dans les noms et les adjectifs ; mais, pour ne pas devenir inintelligibles, elles ont dû le garder dans les pronoms personnels, relatifs, interrogatifs ou autres. Nous y rencontrons perpétuellement plusieurs formes pour la même personne. Ainsi, en français, nous avons : je, me, moi, — tu, te, toi, pour la première et la seconde personne du singulier et des deux genres ; il, le, lui, pour la troisième du masculin singulier ; elle, la, lui, pour la troisième du féminin singulier ; ils, les, eux, leur, pour la troisième personne du masculin pluriel ; elles, les, leur, pour la troisième du féminin pluriel ; se, soi, pour le pronom réfléchi ; qui, que, pour le pronom relatif, etc.

Pense-t-on qu’il puisse rentrer dans le programme d’une langue internationale simple et facile d’imposer à l’esprit cette multiplicité de formes et ce choix compliqué ? Eh bien ! l’Esperanto les évite le plus naturellement du monde par son principe de l’accusatif posé une fois pour toutes.

La langue internationale ne doit pas non plus présenter des phrases comme celles-ci : Pierre l’aime plus que moi. — Je l’écoute mieux que vous, où l’on ne sait si l’être représenté par moi et par vous aime ou est aimé, écoute ou est écouté. Grâce à l’accusatif l’Esperanto est absolument à l’abri d’amphibologies semblables.

Cette forme le débarrasse encore de toutes les règles que, sans elle, il faudrait établir pour l’ordre des mots. Elle vous dispense de principes rigides et souvent compliqués, comme ceux de notre construction française, dite logique, je ne sais pourquoi, puisqu’elle s’oppose continuellement à ce que je suive l’ordre des faits, et ne permet pas de mettre les mots où les place naturellement la pensée.

Enfin, grâce à l’accusatif, on ne se demande pas perpétuellement en Esperanto, comme en français, le sens exact de phrases analogues aux suivantes : L’enfant saute sur la table. — La souris court sous le lit. Est-on dans le lieu ou y va-t-on ? Il faut deviner, et souvent on s’y trompe. La présence ou l’absence de l’n accusatif me fixe immédiatement, en Esperanto. S’il se trouve à la fin du mot, on va dans le lieu ; s’il ne s’y trouve pas, on est dans le lieu.

Logique, clarté, souplesse, tel est le triple résultat de l’accusatif pour la langue Esperanto. Il en explique et en défend surabondamment l’existence. Loin d’être une complication inutile, ce cas est une réelle simplification qui donne à la langue une liberté d’allure et une aisance qu’elle ne pourrait avoir sans lui.

D’ailleurs, pour pouvoir rejeter l’accusatif, tout en restant logique et clair, il faudrait avoir deux formes pour certains pronoms et certaines prépositions. Nous devrions alors choisir entre deux formes comme nous choisissons entre deux cas. La simplification ne nous paraît pas appréciable. Il ne reste donc, en définitive, que des inconvénients sans aucun avantage.

Règle 3. — LES ADJECTIFS

Les participes-adjectifs, les pronoms-adjectifs, les indéfinis.


L’adjectif, en Esperanto, est invariablement caractérisé par la lettre finale a.

Exemples. — Bon, bona ; mauvais, malbona.

Son pluriel se marque invariablement par j ajouté à l’a du singulier.

Exemples. — Bons, bonaj ; petits, malgrandaj.

Complément direct, il prend, comme le nom, l’n accusatif.

Exemples. — Prenez le bon ; laissez-moi le mauvais. Prenu la bonan ; lasu al mi la malbonan.

Il ne peut s’accorder qu’en nombre avec le substantif ou le pronom auquel il se rapporte, puisque le genre grammatical n’existe pas en Esperanlo.

Exemples. — Les bons enfants. La bonaj infanoj. — Les jeunes demoiselles. La junaj fraŭlinoj. — Nous sommes grands, mais vous êtes petites. Ni estas grandaj, sed vi estas malgrandaj.

Quand le nom ou le pronom auquel se rapporte l’adjectif prend l’n accusatif, l’adjectif le prend aussi.

Exemples. — J’ai trouvé une belle rose. Mi trovis belan rozon. — Il a planté de grands arbres. Li plantis grandajn arbojn. — Je le trouvai très en colère. Mi trovis lin tre koleran. — Il les conduisit tout heureuses à leur père. Li kondukis ilin tute feliĉajn al ilia patro.

3) Les participes employés comme qualificatifs ou comme attributs soit d’un nom, soit d’un pronom, ce qui arrive notamment dans toute la voix passive de l’Esperanto et dans les temps composés de sa voix active, sont en réalité de véritables adjectifs ; ils en suivent donc logiquement toutes les règles. Nous les appelons participes-adjectifs pour les distinguer d’autres participes dont nous parlerons ci-après.

Exemples. — Ils étaient perdus. Ili estis perditaj. — Nous les retrouvâmes mourants. Ni retrovis ilin mortantajn. — Nous avions fini, quand vous êtes arrivé. Ni estis finintaj, kiam vi alvenis.

Les pronoms-adjectifs, c’est-à-dire ia, kia, tia, ĉia, nenia, — iu, kiu, tiu, ĉiu, neniu, ainsi nommés de leur double rôle, suivent logiquement, eux aussi, toutes les règles des adjectifs.

Exemples. — Kiun vi serĉas ? Qui cherchez-vous ? — Kiun vi prenos, tiun ĉi aŭ tiun ? Lequel prendrez-vous, celui-ci ou celui-là ? — Ĉiuj personoj, kiuj volas. Toutes (les) personnes qui veulent. — Mi nenian havas. Je n’en ai aucun. — Kiaj estas la kondiĉoj ? Quelles sont les conditions ? — Ni pagis ĉiun el tiuj objektoj aparte. Nous avons payé à part chacun de ces objets. — Ili neniun trovis. Ils (n’) ont trouvé personne.

En aucun cas tia ne peut remplacer tiu, le sens de ces mots étant tout différent.

Ainsi tia homo veut dire un tel homme, tandis que tiu homo veut dire cet homme ou cet homme-.

Ĉia signifie chaque et ĉiu signifie tout, quand il est employé comme adjectif.

Exemples. — Ĉia homo, chaque : homme. — Ĉiu homo, tout homme.

Comme pronom ĉiu signifie chacun au singulier et tous au pluriel.

Exemples. — Ĉiu scias, chacun sait. — Ĉiuj scias, tous savent.,

Les formes tiela et kiela, sans être absolument irrégulières, doivent être évitées en prose comme plus longues que tia et kia, avec lesquelles elles feraient double emploi.

Kia et kiu.

Kia signifie quel au point de vue de la qualité. Avec lui on indique ou on demande la qualité de l’objet ; aussi son corrélatif est-il tia tel. Il ne faut donc employer kia que : 1° lorsqu’on le met en parallèle avec tia ; 2° quand on veut dire quelle sorte de ? 3° dans les exclamations, où, par le fait, c’est bien la qualité qu’on envisage en employant quel.

Exemples. — 1° Kia patro, tia filo. Tel père, tel fils. — Mi ĝin prenas tian, kia ĝi estas. Je le prends tel qu’il est. — 2° Kia homo li estas ? Quel homme est-ce ? (Quelle espèce d’homme ?) — Kiajn plumojn vi volas ? Quelles plumes voulez-vous ? (Quelle espèce de plumes ?) — Kiaj estas la kondiĉoj ? Quelles sont les conditions ? (Quelle en est l’espèce, la nature, la qualité ?) — 3° Kia bela infano ! Quel bel enfant ! — Kia brulado ! Quel incendie !

Kiu signifie qui, quel, lequel, mais sans idée de qualité aucune. C’est le pronom-adjectif à la fois relatif et interrogatif de l’Esperanto. Avec lui on établit une distinction entre plusieurs individus ou plusieurs choses. L’idée porte donc sur l’individualité et non sur la qualité.

Exemples. — La homo, kiun mi vidas. L’homme que je vois. — Kiuj infanoj venas tie ? Quels enfants viennent là-bas ? — Kiu estas apud mi ? Qui est près de moi ? — Jen estas du libroj : kiun vi volas, tiun ĉi aŭ tiun ? Voici deux livres : lequel voulez-vous, celui-ci ou celui-là ?

Mais je dirais avec kia : Vi volas plumojn, sed kiajn ? Vous voulez des plumes, mais quelle sorte de plumes ? Ici, en effet, l’idée porte bien sur l’espèce, sur la qualité des plumes.

Je dirais de même : Mi ne scias kian prepozicion preni. Je ne sais quelle préposition prendre (c’est-à-dire quelle sorte, quelle espèce de préposition).

Par contre j’emploierais kiu dans : El tiuj du prepozicioj, mi ne scias kiun elekti. De ces deux prépositions, je ne sais laquelle prendre (car ici on vise non pas l’espèce ou la qualité, mais l’individualité).

(Voir à la page 76 dans la liste des conjonctions la remarque sur ke.)

Les indéfinis io, kio, lio, ĉio, nenio ne peuvent, en vertu de leur sens, prendre le signe du pluriel. Ils ne reçoivent que l’n accusatif, s’il y a lieu.

Exemples. — Mi volas ion diri al vi. Je veux vous dire quelque chose. — Tio, kion vi faras, estas mallaŭdinda. Ce que vous faites est blâmable. — Donu al mi ĉion. Donnez-moi tout. — Per kio tio ĉi vin interesas ? En quoi ceci vous intéresse-t-il ? — Nenion pli belan mi vidis. Je (n’)ai rien vu (de) plus beau.

Les mots ies (à une personne quelconque), kies (de qui, dont), nenies (à personne) sont par nature invariables.

Exemples. — Ĉu estas ies tiu ĉi ĉapelo ? Ce chapeau est-il à quelqu’un ? — Kies estas tiu ĉi papero ? À qui est ce papier ? Nenies. À personne. — La persono, kies portreton vi rigardas. La personne dont vous regardez le portrait. — La infanoj kies vestoj estas makulitaj. Les enfants dont les vêtements sont tachés. — Mia frato, per kies helpo ni... Mon frère, par l’aide de qui (ou duquel) nous…

On ne met pas l’article après kies parce que ce mot le contient implicitement et veut dire par lui-même dont le, dont la, dont les ; c’est le whose anglais.

En résumé, grâce à l’absence du genre, l’Esperanto a supprimé de sa grammaire les innombrables règles de beaucoup de langues pour la formation du féminin dans les adjectifs. Tout le changement qu’il leur fait subir est calqué sur celui des noms : j pour le pluriel, n pour l’accusatif, quand il y a lieu. Ce double principe étant applicable aux participes-adjectifs, comme nous l’avons vu, il en résulte que l’Esperanto ignore totalement les complications et les subtilités si nombreuses et si gênantes de nos bienheureux participes français. S’il ne laisse pas son adjectif tout à fait invariable comme l’anglais, c’est qu’il lui eût fallu pour cela établir deux règles où une seule suffisait : une pour l’adjectif seul, une autre pour l’adjectif accompagnant un nom ou un pronom. Mieux valait un seul principe invariable.

N.B. — On verra au paragraphe des adverbes le cas où l’adjectif français doit être rendu par l’adverbe en Esperanto.


DEGRÉS DE COMPARAISON

Le comparatif de supériorité se forme à l’aide des mots pli (plus), et ol (que).

Exemples. — Pli blanka ol la neĝo. Plus blanc que la neige. — Li estas pli forta ol mi. Il est plus fort que moi.

Pour savoir si le nom ou le pronom qui suivent ol doivent rester au nominatif ou prendre l’n accusatif, il faut compléter la phrase. Ainsi, dans les deux précédentes, neĝo et mi doivent sûrement rester au nominatif, car si je complète, j’obtiens : plus blanc que la neige n’est blanche — plus fort que je ne suis fort, phrases dans lesquelles neige et je (moi) sont évidemment sujets. Mais il est des cas où, en complétant la phrase, on trouverait que le nom ou le pronom qui suivent ol sont compléments directs. Alors, naturellement, on les mettrait à l’accusatif.

Le comparatif d’infériorité se forme à l’aide des mots malpli (moins) et ol (que).

Exemple. — Li eslas malpli riĉa ol sia amiko. Il est moins riche que son ami. Avec ce comparatif il peut arriver aussi que le nom ou le pronom qui suivent ol doivent se mettre à l’accusatif. Il faut donc s’assurer du cas à employer, en complétant la phrase.

Le comparatif d’égalité se forme à l’aide des mots tiel (tellement, ainsi) et kiel (comme).

Exemples. — Li estas tiel bona kiel vi. Il est aussi bon que vous. — Eble mi estas trompata, sed mi vidas lin tiel ruĝan kiel vin. Peut-être me trompé-je, mais je le vois aussi rouge que vous (que je vous vois rouge). — Eble mi estas trompata, sed mi vidas lin tiel ruĝan kiel vi. Peut-être me trompé-je, mais je le vois aussi rouge que vous (le voyez rouge). Ces deux dernières phrases montrent bien la nécessité de chercher soigneusement, selon l’idée à rendre, si le nom ou le pronom qui suivent le que du français doivent être mis au nominatif ou à l’accusatif. Elles sont de plus un nouvel exemple de l’utilité de l’accusatif en Esperanto.

Le superlatif de supériorité se forme à l’aide des mots plej (le plus) et el (d’entre).

Exemples. — Mi havas la plej belan libron el ĉiuj. J’ai le plus beau livre de tous. — Li estas la plej bona homo el la mondo. C’est le meilleur homme du monde.

Le superlatif d’infériorité se forme à l’aide des mots malplej (le moins) et el (d’entre).

Exemples. — La malplej granda el ni. Le moins grand de nous. — Li havas la malplej dikan. Il a la moins grosse.

Le superlatif absolu se rend par tre (très).

Exemple. — Ili estas tre malriĉoj. Ils sont très pauvres.



Règle 4. — LES ADJECTIFS NUMÉRAUX

Les noms de nombres.

Les numéraux cardinaux sont toujours invariables : unu (1), du (2), tri (3), kvar (4), kvin (5), ses (6), sep (7), ok (8), naŭ (9), dek (10), cent (100), mil (1000), milion (1 000 000).

Exemple. — La du infanoj dividis inter si dek pomojn. Les deux enfants se partageaient dix pommes.

Les dizaines et les centaines s’expriment à l’aide des dix premiers nombres précédant les mots dek ou cent et soudés avec eux.

exemples. — 20, dudek ; 30, tridek ; 40, kvardek ; 50, kvindek ; 60, sesdek ; 70, sepdek ; 80, okdek ; 90, naŭdek ; 200, ducent ; 600, sescent ; 900, naŭcent.

Les nombres intermédiaires entre les dizaines et les centaines ne se soudent pas à elles.

exemples. — 12, dek du ; 101, cent unu ; 35, tridek kvin ; 928, naŭcent dudek ok ; 533, kvincent tridek tri.

Si on le veut, on peut mettre un trait d’union entre les différentes parties d’un nombre.

exemples. — Dek-du, cent-unu, tridek-kvin, naŭcent-dudek-ok, kvincent-tridek-tri.

Remarque. — Il vaut mieux n’employer unu (un) que pour compter, en Esperanto, pour dire qu’il y a un et non deux ou plusieurs des êtres et des choses dont on parle.

Les numéraux ordinaux se forment des cardinaux, en ajoutant à ceux-ci la terminaison a des adjectifs. Si le nombre ordinal est formé de diverses parties, seule la dernière reçoit la finale a. Dans les numéraux ordinaux comme dans les cardinaux, les nombres formant les dizaines ou les centaines se soudent seuls entre eux ; les autres restent isolés.

exemples. — Premier, unua ; sixième, sesa ; neuvième, naŭa ; dek-unua ; tridek-sepa ; okcenta ; naŭcent-tria.

Les numéraux ordinaux étant de véritables adjectifs, en suivent toutes les règles.

exemples. — Prenez le premier et le deuxième. Prenu la unuan kaj la duan. — Les troisièmes. La triaj. — Emportez les quatrièmes. Forportu la kvarajn. — Au cinquième étage. Sur la kvina etaĝo.

Au rebours de ce qui se passe en français, ce sont toujours les numéraux ordinaux qui, en Esperanto, assignent leur ordre aux pages, jours, heures, mois, années, rois, etc.

Exemples. — La page 30. La pago trideka. — Une heure. La unua horo. — 11 heures. La dek-unua horo. — Le 16 avril. En la dek-sesa (tago) de Aprilo. — En 1899. En la jaro mil-okcent-naŭdek-naŭa. — Henri IV. Henriko kvara.

Pour questionner sur le numéro d’ordre de ces pages, jours, heures, mois, années, rois, etc., on emploie l’adjectif kioma.

exemples. — À quelle page ? Sur kioma paĝo ? Quelle heure est-il à présent ? Kioma horo nun estas ? — Il est une heure. Estas la unua.

Les multiplicatifs se forment des cardinaux, eux aussi, par l’addition du suffixe obl auquel on soude les caractéristiques a, e ou o selon qu’ils sont adjectifs, adverbes ou substantifs.

Duobla fadeno estas pli forta ol unuobla. Un fil double est plus fort qu’un simple. — Dekobligante la sumon vi ricevas la centoblon de tri. Kia estas tiu sumo ? En décuplant la somme vous obtenez le centuple de trois. Quelle est cette somme ?

Les fractionnaires se forment des cardinaux, également, par l’addition du suffixe on auquel on soude les caractéristiques a, e ou o selon qu’ils sont adjectifs, adverbes ou substantifs.

exemples. — La milona parto de niaj penoj sufiĉus porLa millième partie de nos efforts suffirait pour… — Tri estas la duono de ses. Trois est la moitié de six. — Ok estas la kvar kvinonoj de dek. Huit sont les quatre cinquièmes de dix. — Du metroj da tiu ĉi drapo kostas kvar kaj duonon frankojn (aŭ da frankoj). Deux mètres de ce drap coûtent quatre francs et demi. — Dudek centonoj 20/100, ses seponoj 6/7. — Unu tago estas la tricent-sesdek-kvinono aŭ la tricent-sesdek-sesono de l’jaro. Un jour est le trois cent soixante-cinquième ou le trois cent soixante-sixième de l’année.

Les collectifs se forment des cardinaux, également, par l’addition du suffixe op auquel on soude les caractéristiques a ou e, selon qu’ils sont employés comme adjectifs ou comme adverbes.

Exemples. — Ilia duopa alveno tre mirigis min, ĉar mi atendis mian fraton solan. Leur arrivée à deux m’étonna beaucoup, car j’attendais mon frère seul. — Kvinope ili sin ĵetis sur min. Ils se jetèrent à cinq sur moi. — Venu triope aŭ kvarope ; ni pli bone amuzos nin. Venez à trois ou quatre ; nous nous amuserons mieux.

Les distributifs sont marqués par po (à raison de), mis avant le nombre cardinal.

Exemples. — Por miaj kvar infanoj mi aĉetis dek du pomojn, kaj al ĉiu el la infanoj mi donis po tri pomoj. J’achetai douze pommes pour mes quatre enfants et à chacun des enfants je donnai (à raison de) trois pommes. — Al ĉiu el la laborantoj mi pagis po kvin dolaroj. A chacun des ouvriers j’ai payé (à raison de) cinq dollars. — Tiu ĉiu libro enhavas sesdek paĝojn ; tial, se mi legos en ĉiu tago po dek kvin paĝoj[3], mi finos la tutan libron en kvar tagoj. Ce livre renferme 60 pages; aussi, si je lis chaque jour (à raison 39) 15 pages, j'aurai fini le livre en 4 jours.

Les réitératifs deux fois, trois fois, quatre fois, etc., se rendent à l’aide du mot foje (forme adverbiale signifiant une fois, sans idée de nombre) et en préfixant à ce mot les cardinaux unu, du, tri, etc., selon le nombre des fois.

Exemple. — Hieraŭ mi renkontis lin unufoje, sed hodiaŭ dufoje. Hier je l’ai rencontré une fois, mais aujourd’hui deux fois. (On pourrait dire aussi : Mi renkontis lin unu fojon, du fojojn.)

Remarque. — D’une façon générale, les adjectifs et les mots de nombres peuvent s’employer, à l’occasion, comme adjectifs, comme substantifs ou comme adverbes.

Exemples. — Unu, du, tri. Un, deux, trois. — Unua, dua, tria. Premier, deuxième, troisième. — Unuo, duo, trio. Unité, duo, trio. — Unue, due, trie. Premièrement, deuxièmement, troisièmement. — Unuobla, duobla, triobla. Simple, double, triple. — La duoblo, la trioblo. Le double, le triple. — Duoble, trioble. Doublement, triplement. — Li estas duone freneza. Il est à moitié fou. — Mi havas cent pomojn ou centon da pomoj. J’ai cent pommes. — La urbo havas milionon da loĝantoj. La ville a un million d’habitants. — Mi aĉetis unu dek-duon da kuleroj kaj du dek-duojn da forkoj. J’ai acheté une douzaine de cuillères et deux douzaines de fourchettes. — Mil jaroj ou milo da jaroj faras miljaron. Mille ans font un millénaire.

Comme on vient de le voir, tout ce qui concerne en Esperanto les adjectifs ou les noms de nombres peut se ramener à la connaissance des 13 mots : unu, du, tri, kvar, kvin, ses, sep, ok, naŭ, dek, cent, mil, milion, de deux suffixes : obl, on, d’une préposition : po, et d’un adverbe : foje. Avec ce léger bagage, la langue forme d’une manière plus logique, plus constamment régulière et plus complète qu’aucun de nos idiomes, tout ce dont on peut avoir besoin comme mots de nombres sous forme nominale, adjective ou adverbiale, selon les cas.


Règle 5. — LES PRONOMS PERSONNELS ET LES POSSESSIFS

Les pronoms personnels sont mi (je, moi), vi (vous, tu, toi), li (il, lui), ŝi (elle), ĝi (il, elle, pour les animaux ou les choses, et pour tout être humain dont le nom ne révèle pas le sexe), si (soi, se), ni (nous), ili[4] (ils, elles), oni (on).

Ils prennent l’n accusatif dans les mêmes conditions que le nom, ce qui est logique puisqu’ils le remplacent à tout instant. Comme lui aussi, ils peuvent être précédés de diverses prépositions marquant le rôle qu’ils jouent dans la proposition.

Exemples. — Mi kredas, ke ŝi ne vidas nin. Je crois qu’elle ne nous voit pas. — Li ĵetis sin sur min kaj batis min kun la plej granda krueleco. Il se jeta sur moi et me frappa avec la plus grande cruauté. — Donu do al li, kion vi promesis al li. Donnez-lui donc ce que vous lui avez promis. — Venu kun ni. Venez avec nous. — Foriru de mi. Retirez-vous d’auprès de moi. — Respondu al ili. Répondez-leur (à eux ou à elles).

Le pronom vi. — On dit vi (vous) à tout le monde en Esperanto. De la sorte, on n’a pas à distinguer continuellement, comme dans certaines langues, entre plusieurs pronoms plus ou moins polis. Mais naturellement, comme nous le faisons en français, si le vi ne s’applique qu’à une personne, les adjectifs et les participes qui s’y rapportent se mettent au singulier. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le vi s’applique à plusieurs personnes, les adjectifs et les participes qui s’y rapportent se mettent au pluriel.

Exemples. — Infano, kial vi estas malĝoja? ĉu vi estas punita? Enfant, pourquoi êtes-vous triste? êtes-vous puni? — Sinjoroj, estu pretaj kiel eble plej baldaŭ, ĉar vi estas tre senpacience atendataj. Messieurs, soyez prêts le plus tôt possible, car vous êtes très impatiemment attendus.

Cependant l’Esperanto a un pronom pour le tutoiement: ci, mais, dans la pratique ordinaire de la langue, on ne s’en sert pas.

Le pronom ĝi sert, comme it en anglais, à traduire il ou elle représentant des choses, des animaux, ou même un être humain dont le nom ne révèle pas le sexe.

Exemples. — Tiu ĉi arbo estus multe pli bela, se ĝi estus tute rekta. Cet arbre serait beaucoup plus beau, s’il était tout à fait droit. — Via ĉevalino estas malbonega, mi neniam povis decidigi ĝin troti. Votre jument est détestable, je n’ai jamais pu la décider à trotter. — Nature la infano estas ŝanĝema, ĝi volas jen tion ĉi, jen tion. Par nature, l’enfant est changeant ; il veut tantôt ceci, tantôt cela.

Ce pronom neutre et le possessif qui en dérive donnent à l’Esperanto et aux langues qui possèdent leurs équivalents une précision plus grande. Ils rendent impossibles, en effet, certaines amphibologies assez fréquentes dans les langues qui en sont privées, où il faut démêler péniblement si les pronoms il, le, elle, la, et les possessifs son, sa, ses, portent sur la personne, l’animal ou la chose figurant dans la même phrase ou dans la précédente.

Le pronom si est, comme en français le pronom soi, de tous les genres et de tous les nombres. Il peut donc logiquement représenter un ou plusieurs êtres, des mâles ou des femelles.

Exemples. — Li pensis en si mem ke... Il pensait en lui-même (en soi-même) que... — Ŝi portis sur si tre riĉajn juvelojn. Elle portait sur elle (soi) de très riches bijoux. — Ili aljuĝis al si la plej dikan parton el ĉiuj. Ils se sont attribué la plus grosse part de toutes.

Si, étant pronom réfléchi, renvoie l’idée au sujet du verbe de la proposition où il figure. Pour l’employer, il faut donc qu’il représente le sujet du verbe, ce qui n’arrive que si on peut tourner le, la, les, elle, lui, elles ou leur par soi.

Exemples. — Li kunportis kun si nutraĵon por dek tagoj. Il emportait avec lui (soi) de la nourriture pour dix jours. — Mia fratino ĉion faras por si, nenion por la aliaj. Ma sœur fait tout pour elle (soi), rien pour les autres.

Mais, dans ce dernier exemple, si elle, au lieu de représenter le sujet du verbe, représentait une autre personne (auquel cas je ne pourrais tourner par soi), il faudrait employer ŝi et non pas si.

Ainsi, on traduirait par ŝi dans la phrase suivante : Mia fratino amas tiun amikinon en la plej alta grado ; ŝi faras ĉion por ŝi, nenion por la aliaj. Ma sœur aime cette amie au plus haut point ; elle fait tout pour elle, rien pour les autres.

Cette observation ne serait pas nécessaire si, comme en Esperanto, nous employions toujours en français le pronom réfléchi soi, se, quand il y a réflexion dans l’idée. Malheureusement, à chaque instant, on l’a vu par les exemples cités plus haut, nous lui substituons un pronom non réfléchi.

Remarque. — Le pronom si (soi) étant par nature de la troisième personne ne peut renvoyer l’idée à un sujet de la première ou de la deuxième personne. Ne dites donc jamais :

Mi lavas sin au lieu de mi lavas min (je me lave). — Vi laŭdas sin au lieu de vi laŭdas vin (vous vous louer), etc.

Le, l’, représentent très souvent en français non pas la troisième personne du masculin singulier (lui), mais une idée exprimée soit par un qualificatif quelconque, soit par tout un membre de phrase.

Ainsi dans : Il est avare, je ne le suis pas. — On dit que la lune est habitée ; je ne puis le croire, le pronom le représente la première fois le qualificatif avare, et la seconde fois que la lune est habitée. Certains grammairiens enseignent que, dans ces cas, le, l’ signifient cela. Cette opinion est juste pour le remplaçant un membre de phrase ; mais elle ne l’est pas pour le remplaçant un qualificatif, car alors il signifie tel.

Quoi qu’il en soit, traduisez le, l’ par tia (tel) quand ils remplacent un qualificatif, c’est-à-dire un adjectif ou un participe-adjectif, traduisez-les par tio (cela), s’ils remplacent un membre de phrase.

Exemples. — Il est avare ; je ne le suis pas. Li estas avara, mi ne estas tia. — On dit que la lune est habitée ; je ne le crois pas. Oni diras, ke la luno estas loĝata ; mi ne kredas je tio ou mi ne kredas tion. —Ces gens-là sont riches ; nous ne le sommes pas. Tiuj homoj estas riĉaj ; ni ne estas tiaj.

Quand il n’y a pas d’amphibologie à craindre, on peut très bien traduire par ĝi le pronom le signifiant cela.

Exemples. — Je ne pourrais le croire, si je ne le voyais de mes propres yeux. Mi ne povus tion kredi, se mi ĝin ne vidus per miaj propraj okuloj. — Du moins autant que je le sais. Almenaŭ tiom, kiom mi ĝin scias. — Ne le faites pas. Ne faru ĝin.

Ce, c’, dans les expressions c’est, ce sont, c’était, ce furent, etc., se traduit d’après les exemples suivants :

Car c’était une fée. Ĉar tio ĉi estis feino. — Qui est là ? Kiu estas tie ? C’est moi. Ĝi estas mi. — Nos amis ne connaissent pas la peur : ce sont des braves dans toute la force du terme. Niaj amikoj ne konas la timon : ili estas bravuloj en la plena senco de l’vorto. — Votre sœur est très aimable. C’est une personne charmante. Via fratino estas tre aminda. Ŝi estas ĉarma persono. — C’est le brouillard qui vous empêche de voir. La nebulo estas tio, kio vin malhelpas por vidi ou simplement la nebulo vin malhelpas por vidi. — C’est une honte que de fuir à la guerre. Honto estas forkuri el la batalado.

Y signifiant à lui, à elle, à eux, à elles, à cela, se rend naturellement par les pronoms auxquels il correspond précédés de la préposition voulue par le sens.

Exemples. — C’est un trompeur, ne vous y fiez pas. Li estas trompulo, ne fidu je li. — Son témoignage est faux, je n’y crois pas. Lia atesto estas malvera ; mi ne kredas je ĝi. — Préparons-nous-y. Ni preparu nin por tio.

En signifiant de lui, d’elle, d’eux, d’elles, de cela, se rend, lui aussi, par les pronoms auxquels il correspond, précédés de la préposition voulue par le sens.

Exemples. — J’en parle (de lui). Mi parolas pri li (pri ĝi, si ce n’est pas un homme). — J’en parle (d’elle). Mi parolas pri ŝi (pri ĝi, si ce n’est pas une femme). — J’en parle (d’eux ou d’elles). Mi parolas pri ili. — J’en pleure. Mi ploras pro tio.

Si en renferme une idée partitive, on procède comme il est dit page 2, remarque.

II, sujet apparent, ne se rend pas en Esperanto.

Exemples. — Il neige, il a plu, il tonnera. Neĝas, pluvis, tondros. — Il est nécessaire de manger pour vivre. Estas necese manĝi por vivi. — Il me plaît de lui refuser cela. Plaĉas al mi tion rifuzi al li. — Il vous importe de répondre exactement. Grave estas por vi respondi ĝuste. — Il nous semble que… Ŝajnas al ni ke…

Les possessifs.

Les possessifs se forment de leur pronom personnel correspondant par la simple addition de la caractéristique a.

Exemples. — Mia, mon, ma ; via, votre, ton, ta ; lia, son, sa (à lui) ; ŝia, son, sa (à elle) ; ĝia, son, sa (pour ce qui appartient à un animal, à une chose ou à un être humain dont le nom ne révèle pas le sexe) ; nia, notre ; via, votre ; ilia, leur ; sia, son, sa, (à soi).

En leur qualité d’adjectifs, ils prennent le pluriel ou l’n accusatif, s’ils déterminent un nom qui les reçoive.

Exemples. — Viaj gepatroj venis. Vos parents sont venus. — Mia fratino renkontis vian fraton kaj viajn amikojn. Ma sœur a rencontré votre frère et vos amis.

Quand on les emploie comme pronoms, on les fait où non précéder de l’article, selon qu’on le préfère.

Exemples. — Puisque nous avons chacun un dictionnaire, prenez le vôtre et laissez le mien. Ĉar ni havas ĉiu unu vortaron, prenu (la) vian kaj lasu (la) mian. — Mes enfants sont plus petits que les vôtres. Miaj infanoj estas pli malgrandaj ol (la) viaj.

Possessifs réfléchis. — Sia et la sia sont des possessifs réfléchis, puisqu’ils dérivent de si, pronom personnel réfléchi. Il ne faut donc les employer, pour traduire son, sa, ses, leur, le sien, la sienne, les siens, les siennes, les leurs, que dans une proposition où le possesseur de la chose déterminée ou représentée par eux est le sujet de la proposition, et jamais devant le sujet lui-même.

Exemples. — Ma mère a oublié son livre. Mia patrino forgesis sian libron. — Il aime cette femme et son fils (à lui). Li amas tiun virinon kaj sian filon. — Ces enfants ont perdu leurs parents. Tiuj infanoj perdis siajn gepatrojn. — Le chien aime son maître et lui obéit. La hundo amas sian mastron kaj obeas al li. — Qu’il vienne avec ses amis. Li venu kun siaj amikoj.

Mais, si le possesseur de la chose déterminée ou représentée par son, sa, ses, leur, le sien, la sienne, les siens, les siennes, les leurs, n’est pas le sujet de la proposition, il faut employer lia, ŝia, ĝia, ilia, selon les cas.

Exemples. — J’ai vu mon ami et sa femme. Mi vidis mian amikon kaj lian edzinon. — Cette femme est venue me trouver hier pour que je lui rende ses lettres. Tiu virino venis al mi hieraŭ por ke mi redonu ŝiajn leterojn al ŝi. — Le roi aime peu la princesse et son fils (à elle). La reĝo amas malmulte la princinon kaj ŝian filon. — L’obstination de l’âne est aussi proverbiale que sa sobriété. La obstineco de l’azeno estas tiel proverba kiel ĝia sobreco. — Tout en les défendant je reconnais leurs défauts. Kvankam mi defendas ilin, mi konfesas iliajn malbonaĵojn.

Remarque. — N’employez donc jamais sia, si l’objet n’appartient pas au sujet et au sujet même de la proposition où il figure ; ou si le possédé est sujet. Quand cette double condition n’est pas remplie, il faut toujours prendre lia, ŝia, ĝia, illia, selon les cas.

Exemples. — Pierre a écrit à Paul de lui amener son chien. Petro skribis al Paŭlo, ke li alkonduku al li sian hundon (sian, parce qu’il s’agit ici du chien de li, Paul, sujet de la proposition où figure sia). — Mais Petro skribis al Paŭlo ke li alkonduku al li lian hundon (lian parce que l’objet appartient au sujet de l’autre proposition, Pierre). — Mon père a défendu à Henri d’aller dans sa chambre. Mia patro malpermesis al Henriko, ke li iru en sian ĉambron (sian, parce qu’il s’agit de la chambre de li, Henri, sujet de la proposition où figure sia). — Mais mia patro malpermesis al Henriko, ke li iru en lian ĉambron (lian, parce que l’objet appartient au sujet de l’autre proposition, mon père). — La patro kaj lia filo estas ĉe mi (ici filo est sujet). Le père et son fils sont chez moi.

Cette attribution de sia exclusivement au sujet de la proposition où il figure, est aussi logique que l’est peu l’habitude inverse du latin pour suus, sua, suum. Elle est d’ailleurs le pendant naturel de ce qui se passe pour le pronom réfléchi si, qui doit toujours représenter, en Esperanto, le sujet même de la proposition où il figure.

Ce qui précède explique pourquoi, dans les phrases suivantes, les possessifs français sont traduits par différents adjectifs ou pronoms en Esperanto.

Chacun prise son pays avec ses qualités et ses défauts. Ĉiu ŝatas sian landon kun ĝiaj bonaĵoj kaj ĝiaj malbonaĵoj. — Les pères aiment leurs enfants mais détestent leur paresse. La patroj amas siajn infanojn sed malamas ilian mallaboremon. — Ils ont conduit leurs amis dans leur logement (au sujet du verbe), au lieu d’aller dans le leur (aux amis) : Ili kondukis siajn amikojn en sian loĝejon, anstataŭ iri en la ilian.

Il est facile maintenant de se rendre compte de la supériorité qu’assure à l’Esperanto, pour la précision et la clarté, la possession de ses quatre possessifs : lia (pour un homme), ŝia (pour une femme), ĝia (pour les animaux et les choses), ilia (pour les pluriels) ; plus le possessif réfléchi sia (quand l’objet appartient au sujet du verbe). En français, notre possessif unique amène des amphibologies continuelles ou bien oblige à des tournures lourdes, embarrassées et le plus souvent incorrectes.


Règle 6. — LE VERBE

Le verbe, de tous les mots le plus essentiel et le plus employé, est aussi de tous le plus difficile dans nos langues,

D’abord la conjugaison y présente plusieurs types, dits réguliers, dans chacun desquels le verbe reçoit, sous différents radicaux, un nombre de terminaisons véritablement excessif. L’ensemble complet de la conjugaison française en offre 2265 ! Aussi, comprend-on ce mot original du général Faidherbe : « Le verbe est le grand obstacle à notre colonisation. »

À ces types, prétendus réguliers et déjà très lourds pour notre pauvre mémoire, viennent s’ajouter une quantité considérable de verbes tout à fait irréguliers. L’anglais en compte deux cents environ, le français six cents, et toutes les langues un très grand nombre.

Enfin, à l’irrégularité et à la multiplicité de leurs formes, nos verbes ajoutent encore toute une collection de règles, trop souvent fantaisistes, pour l’emploi des modes et des temps[5]. Il résulte de tout cela une somme de difficultés telle que la plupart des gens en triomphent à peine dans leur langue maternelle et que la conjugaison est à coup sûr le plus grand obstacle grammatical dans une langue étrangère.

Eh bien ! l’Esperanto réduit toutes ces difficultés à la possession de 12 formes ou terminaisons qui caractérisent d’une manière complète les modes et les temps. Quelle que soit leur nature ou leur voix, tous les verbes de la langue se conjuguent à l’aide de ces 12 mots. L’auxiliaire être lui-même, irrégulier dans toutes les langues connues, n’échappe pas à cette loi. En français il offre à lui seul 34 terminaisons absolument diverses, greffées sur 22 radicaux différents, soit un total de 56 formes aussi variées que possible.

1o Le verbe ne change, en Esperanto, ni pour les personnes, ni pour les nombres. Exemples : Mi faras. Je fais. — La patro faras. Le père fait. — Ili faras. Ils font.

Les pronoms personnels marquant seuls la différence des personnes dans la conjugaison esperanto, jamais aucun d’eux ne doit être sous-entendu. Ne dites donc jamais, comme y sont portés certaines slaves : estas au lieu de mi estas ; ou encore : havas la honoron, au lieu de mi havas la honoron.

Formes du Verbe.

As caractérise le présent ;
exemple : mi faras. Je fais.
Is caractérise le passé ;
exemple : vi faris. Vous faisiez, vous avez fait.
Os caracténise le futur ;
exemple : ili faros. Ils feront.
Us caractérise le conditionnel ;
exemple : ŝi farus. Elle ferait.
U caractérise l’impératif-subjonctif ;
exemple : faru. Fais, faites. — Ni faru. Faisons.
I caractérise l’infinitif ;
exemple : fari. Faire.
Ant caractérise le participe présent actif ;
exemple : faranta. Faisant. — Farante. En faisant.
Int caractérise le participe passé actif ;
exemple : farinta. Ayant fait.
Ont caractérise le participe futur actif ;
exemple : faronta. Devant faire, qui fera.
At caractérise le participe présent passif ;
exemple : farata. Étant fait, qu’on fait.

It caractérise le participe passé passif ;
exemple : farita. Ayant été fait, qu’on a fait.
Ot caractérise le participe futur passif ;
exemple : farota. Devant être fait, qu’on fera.

Comme on le verra plus bas, par les paradigmes de la voix active et de la voix passive, ces douze formes suffisent complètement pour la conjugaison de n’importe quel verbe esperanto.

La voix passive n’est, comme en français, que la combinaison du verbe être (esti) et du participe du verbe. Seulement l’Esperanto possédant, conformément à la logique, un participe présent passif et un participe passé passif, il y a lieu de faire toujours soigneusement attention à bien prendre celui que réclame le sens. Le paradigme de la voix passive et les conseils qui le suivent enlèveront toute incertitude à cet égard.

Le de (ou le par) qui précède le complément du verbe passif en français, se rendent par de en Esperanto, parce que cette préposition marque le point de départ. Or, la préposition française de (ou par) marque bien le point de départ pour les compléments des verbes passifs, elle indique d’où, de qui part l’action dont est l’objet le sujet du verbe passif.

Exemple : Li estas amata de ĉiuj, il est aimé de tous. D’où part l’action dont li est l’objet ? de tous. L’idée à rendre est donc bien celle qu’exprime la préposition de en Esperanto.

VOIX ACTIVE

MODE INDICATIF

Présent :
Mi amas, j’aime.

Passé :
Mi amis, j’aimais, j’aimai, j’ai aimé[6].

Passé antérieur :
Mi estis aminta, j’avais aimé, j’eus aimé
[7].

Futur :
Mi amos, j’aimerai.

Futur antérieur :
Mi estos aminta, j’aurai aimé.
MODE CONDITIONNEL

Forme de concomitance[8] :
Mi amus, j'aimerais.

Forme d'antériorité :
Mi estus aminta, j'aurais aimé, j'eusse aimé.

MODE INFINITIF

Présent :
Ami, aimer.

Passé :
Esti aminta, avoir aimé.

MODE PARTICIPE

Présent :
Amanta, aimant, qui aime.

Passé :
Aminta, ayant aimé, qui a aimé.

Futur :
Amonta, devant aimer, qui aimera.

MODE IMPÉRATIF-SUBJONCTIF[9]

Forme de concomitance :
Ke mi finu, que je finisse.
Ke li, ŝi, ĝi finu, qu'il ou qu'elle finisse. Ke ni finu, que nous finissions.
Ke vi finu, que vous finissiez.
Ke ili finu, qu’ils ou qu’elles finissent.

Pour commander :
Li, ŝi, ĝi finu, qu’il ou qu’elle finisse.
Ni finu, finissons.
Finu, finissez.
Ili finu, qu’ils ou qu’elles finissent.

Forme d’antériorité :
Ke mi estu fininta, que j’aie fini.
Ke li estu fininta, qu’il ait fini.
Ke ni estu finintaj, que nous ayons fini.
Ke vi estu fininta (pour un), que vous ayez fini.
Ke vi estu finintaj (pour plusieurs), que vous ayez fini.
Ke ili estu finintaj, qu’ils ou qu’elles aïent fini.

Pour commander :
li, ŝi, ĝi estu fininta, qu’il ou qu’elle ait fini.
ni estu finintaj, ayons fini.
estu fininta (à un), ayez fini.
estu finintaj (à plusieurs), ayez fini.
ili estu finintaj[10], qu’ils ou qu’elles aient fini.

Quand on se commande à soi-même, on emploie naturellement le pronom mi.

Exemple.

— Espérons, puisque tout le monde me le dit, Mi esperu, ĉar ĉiuj tion diras al mi.

VOIX PASSIVE

MODE INDICATIF

Présent :
Mi estas nomata, je suis nommé (car on me nomme).

Parfait :
Mi estas nomita, je suis nommé (car on m’a nommé), j’ai été nommé.

Passé :
Mi estis nomata, j’étais nommé, je fus nommé (car on me nommait, on me nomma).

Passé antérieur :
Mi estis nomita, j’étais nommé (car on m’avait nommé), j’avais été nommé, j’eus été nommé.

Futur :
Mi estos nomata, je serai nommé (car on me nommera).

Futur antérieur :
Mi estos nomita, je serai nommé (car on m’aura nommé), j’aurai été nommé.

MODE CONDITIONNEL

Forme de concomitance :
Mi estus nomata, je serais nommé (car on me nommerait).

Forme d’antériorité :
Mi estus nomita, je serais nommé (car on m’aurait nommé), j’aurais été nommé.

MODE INFINITIF

Présent :
Esti nomata, être nommé (parce qu’on vous nomme).

Passé :
Esti nomita, être nommé (parce qu’on vous a nommé), avoir été nommé.

MODE PARTICIPE

Présent :
Nomata, étant nommé (qu’on nomme).

Passé :
Nomita, ayant été nommé (qu’on a nommé).

Futur :
Nomota, devant être nommé (qu’on nommera).

MODE IMPÉRATIF-SUBJONCTIF

Forme de concomitance :
Ke mi estu nomata, que je sois nommé (qu’on me nomme).
Ke li estu nomata, qu’il soit nommé (qu’on le nomme).
Ke ni estu nomataj, que nous soyons nommés (qu’on nous nomme).
Ke vi estu nomata, que vous soyez nommé (qu’on vous nomme).
Ke vi estu nomataj, que vous soyez nommés (qu’on vous nomme).
Ke ili estu nomataj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (qu’on les nomme).

Pour commander :
Li, ŝi, ĝi estu nomata, qu’il ou qu’elle soit nommé (qu’on le nomme, qu’on la nomme). Ni estu nomataj, soyons nommés (qu’on nous nomme).
Estu nomata, soyez nommé (qu’on vous nomme).
Estu nomataj, soyez nommés (qu’on vous nomme).
Ili estu nomataj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (qu’on les nomme).

Forme d’antériorité :
Ke mi estu nomita, que je sois nommé (parce qu’on m’aura nommé), que j’aie été nommé.
Ke li estu nomita, qu’il soit nommé (parce qu’on l’aura nommé), qu’il ait été nommé.
Ke ni estu nomitaj, que nous soyons nommés (parce qu’on nous aura nommés), que nous ayons été nommés.
Ke vi estu nomita, que vous soyez nommé (parce qu’on vous aura nommé), que vous ayez été nommé.
Ke ili estu nomitaj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (parce qu’on les aura nommés), qu’ils aient été nommés.

Pour commander :
Li, ŝi, ĝi estu nomita, qu’il ou qu’elle soit nommé (qu’on l’ait nommé).
Ni estu nomitaj, soyons nommés (qu’on nous ait nommés).
Estu nomita, soyez nommé {qu’on vous ait nommé).
Estu nomitaj, soyez nommés (qu’on vous ait nommés).
Ili estu nomitaj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (qu’on les ait nommés).

Traduction littérale. — Mi estas nomata. Je suis étant nommé. — Mi estas nomita. Je suis ayant été nommé. — Mi estis nomata. J’étais étant nommé ou je fus étant nommé. — Mi estis nomita. J'étais ayant été nommé ou je fus ayant été nommé. — Mi estos nomata. Je serai étant nommé. — Mi estos nomita. Je serai ayant été nommé. — Mi estus nomata. Je serais étant nommé. — Mi estus nomita. Je serais ayant été nommé. — Esti nomata. Être étant nommé. — Esti nomita. Être ayant été nommé. — Mi estu nomata. Que je sois étant nommé. — Mi estu nomita. Que je sois ayant été nommé.

ATA ou ITA?

La pauvreté de notre mode participe nous oblige, en français, comme dans d'autres langues d'ailleurs, à donner au même participe le sens actif ou le sens passif, selon la voix où il figure.

Exemples : j'ai lavé (sens actif), je suis lavé (sens passif).

Le fait est d'autant plus étonnant que ce participe a le sens purement passif en lui-même. C'est de toute évidence quand il est employé comme adjectif.

Exemples : Un verre lavé.

Voici donc un même participe qui, quoique passif par nature, prend le sens actif à la voix active. Mais, et c’est le pire, il peut marquer le présent aussi bien que le passé.

Exemples : En un instant, sous mes yeux, le linge est pris et lavé (lavata), sans que j'aie le temps de voir par qui ni comment (sens du présent : on le lave). — Vous pouvez emporter ce linge; il est lavé (lavita), on l’a lavé, il a été lavé.

Ce que nous venons de dire explique que nous nous soyons efforcé de mettre en garde contre toute méprise par la traduction expliquée que nous donnons dans chaque temps de la voix passive.

Prenez ata, si l'acte est en train de s'accomplir relativement au temps dont il s'agit.

Exemples : Je suis aimé (actuellement). Mi estas amata.

— J’étais aimé (alors). Mi estis amata. — Je serai aimé (au temps dont je parle ou auquel je pense}. Mi estos amata. — L’acte est, a été ou sera présent relativement au temps dont il s’agit.

Prenez ita, si l’acte a été accompli antérieurement au moment dont il s’agit.

Exemples : Je suis habillé depuis deux heures. Mi estas vestita de du horoj. — J’étais habillé depuis deux heures. Mi estis vestita de du horoj. — Je suis sûr que je serai habillé deux heures avant vous (plus tôt que vous). Mi estas certa, ke mi estos vestita du horojn pli frue, ol vi. — L’acte a été, avait été, aura été accompli avant le temps dont il s’agit, avant les deux heures en question.

Remarque. — Si l’on n’envisage que le fait accompli, le résultat de l’action et non son déroulement, on emploie ita.

Exemples : Demain je serai reçu par le roi. Morgaŭ mi estos akceptita de la reĝo. — Ce livre sera imprimé à Paris. Tiu libro estos presita en Parizo. — Je n’envisage qu’une chose, c’est que de l’acte marqué par les deux verbes résultera, dans le premier exemple, un homme reçu, et, dans le second, un livre imprimé.

Mais, si j’envisageais l’action même dans son accomplissement, dans les conditions où elle se déroule, s’est déroulée ou se déroulera au moment dont je parle, j’emploierai ata, parce que, dans ce cas-là, l’idée de temps dominerait et qu’il s’agirait bien réellement d’un présent par rapport au moment en question.

Exemples : Si mon ami était soigné (serait soigné) par ce médecin, il guérirait certainement. Se mia amiko estus kuracata de tiu kuracisto, li certe resaniĝus. — Il sera reçu avec les plus grands honneurs ; la cérémonie durera au moins deux heures. Li estos akceptata kun la plej grandaj honoroj ; la ceremonio daŭros almenaŭ du horojn. — Il sera nommé Pierre. Li estos nomata Petro.

Dans ce dernier exemple, je veux dire qu’il aura constamment le nom de Pierre, ou au moins pendant toute la durée d’un temps déterminé. Mais, si je voulais parler du fait transitoire par lequel, au baptême, il recevra le nom de Pierre, je dirais : li estos nomita Petro.

En résumé, ata implique toujours une certaine durée de déroulement pour l’action, regardée comme présente dans son mode ou son temps.

Au contraire, ita implique toujours un acte transitoire, dans lequel on envisage uniquement le fait accompli, le résultat. Cette forme marque encore l’antériorité de l’action, si on compare son temps à celui d’une autre comme dans le paradigme ci-dessus.


Verbes pronominaux ou réfléchis. — Ils se rendent en Esperanto de l’une ou l’autre des trois façons suivantes :

1° Si le dictionnaire Esperanto fournit un correspondant tout prêt au verbe pronominal français, c’est naturellement ce correspondant qu’on prend.

Exemples. — S’ennuyer enui, se réjouir ĝoji, s’habituer kutimi, se repentir penti, se souvenir, garder le souvenir memori, etc.

Dans ce cas le verbe se conjugue absolument sur le paradigme de la voix active donné à la page 39.

Exemples. — Mi ĝojas, je me réjouis ; vi kutimis, vous vous êtes habitué ; li pentos, il se repentira ; ili estus memorintaj, ils se seraient souvenus. Ŝi enuis, sed nun ŝi ne enuas plu elle s’ennuyait, mais à présent elle ne s’ennuie plus.

2° Si l’Esperanto n’offre pas de correspondant, prenez le verbe transitif (actif) et traduisez le pronom complément par mi, vi, si, ni à l’accusatif. Mais vous ne pouvez logiquement agir ainsi que lorsque le sujet opère sur lui-même l’action marquée par le verbe[11].

Exemples. — Vous vous lavez, vi lavas vin (vous lavez vous). — Il s’aime, li amas sin (il aime soi). — Nous nous nettoyons, ni purigas nin (nous nettoyons nous). — Ils se sont tués, ili mortigis sin (ils ont tué soi). — Vous vous seriez blessé, vi estus vundinta vin (vous auriez blessé vous et littér. : vous seriez ayant blessé vous).

3° Si l’Esperanto n’offre pas de correspondant et que le sujet devienne tel ou tel, traduisez par iĝi (devenir) soudé à la racine voulue.

EXENPLES. — Se casser, rompiĝi ; s’asseoir, sidiĝi ; se lever, leviĝi ; se coucher, kusiĝi. — Le verre se cassa. La glaso rompiĝis. — Asseyez-vous. Sidiĝu. — Auparavant il s’était levé et nous avait dit… Antaŭe li estis leviĝinta kaj dirinta al ni… — S’il s’était couché hier, il ne serait pas malade aujourd’hui. Se li estus kuŝiĝinta hieraŭ, li ne estus malsana hodiaŭ.

En effet, « se casser, s’asseoir, se lever, se coucher », signifiant au fond « devenir cassé, assis, levé, couché », il est rationnel de traduire ces verbes réfléchis et tous les analogues par iĝi (devenir)[12].

Remarque. — En général, on ne peut logiquement traduire par le principe 3° un verbe pronominal mis abusivement en français à la place d’un verbe passif.

Ainsi se nommer (être appelé de tel ou tel nom), se construire, se trouver et tous les analogues doivent être traduits en Esperanto par la voix passive. On dira donc : mi estas nomata (je suis nommé), on me nomme. — Tiu domo estas rapide konstruita (cette maison a été vite bâtie), cette maison s’est vite bâtie. — Tiu frazo estas trovata sur la paĝo dudeka de l’libro (cette phrase est trouvée), cette phrase se trouve dans la vingtième page du livre[13].

Se trouver n’a souvent pas d’autre sens que être à telle ou telle place. Il va de soi qu’on doit alors le rendre tout bonnement par esti.

EXEMPLES. — Je me trouvais alors à Paris. —— Trouvez-vous sur la place à 9 heures. Mi tiam estis en Parizo. — Estu sur la placo je la 9a (horo).

Verbes réciproques. — L’idée de réciprocité dans les verbes se rend par nin, vin, sin reciproke ou par unu la alian.

Exemples. — Ils se battent. Ili batas sin reciproke ou unu la alian. — Nous nous aimons (lun l’autre). Ni amas nin reciproke ou unu la alian.

Verbes impersonnels. — On n’exprime pas en Esperanto le sujet apparent et impersonnel de ces verbes.

Exemples. — Il pleut pluvas, il neigeait neĝis, il tonnera tondros, il grêlerait hajlus.

Dans les temps composés de ces verbes, le participe prend la forme adverbiale (e), d’après le principe posé à la page 59, puisqu’il n’y a dans la proposition ni nom, ni pronom avec lesquels il puisse logiquement s’accorder.

Exemples. — S’il avait plu (s’il aurait) hier, nous n’aurions pas pu sortir. Se estus pluvinte hieraŭ, ni ne estus povintaj eliri. — Je ferai couper l’herbe, quand il aura plu. Mi tranĉigos la herbon, kiam estos pluvinte.

Esti, auxiliaire unique. — Pour tout son passif et pour tous les temps composés de la voix active, pronominale ou impersonnelle, en un mot partout et toujours dans sa conjugaison, l’Esperanto n’emploie comme auxiliaire que le verbe être.

EXEMPLES. — Mi estis kurinta (j’étais ayant couru) j’avais couru. — Kiam mi estos lavinta min. Quand je me serai lavé (quand je serai ayant lavé moi). — Se mi estus rekompencita, mi estus kontenta. Si j’avais été récompensé (si je serais ayant été récompensé) je serais content. — Kiam estos pluvinte. Quand il aura plu. — Dès qu’il sera arrivé. Tuj kiam li estos alveninta[14].

Ce dernier point met le comble à la simplicité de la conjugaison Esperanto, en supprimant une source de difficultés continuelles. J’étais couru, dit l’Allemand, j’avais couru, dit le Français. Je m’étais lavé, dit celui-ci. Je n’avais lavé, dit celui-là. Il arrive même que les deux auxiliaires sont susceptibles d’être employés correctement pour le même verbe : Êtes-vous monté ? et j’avais monté l’escalier !  !  ! Par parenthèse, qui comptera le nombre de fautes que ces verbes occasionnent même à des gens de la meilleure éducation ?

Grâce à la richesse de son mode participe, l’Esperanto tranche la difficulté d’une manière aussi logique que pratique.

Il y a… il y avait, il y aura, etc., se rendent par estas, estis, estos, etc.

Exemples — Il y a deux personnes dans la chambre. Estas du personoj en la ĉambro. — Il y avait un enfant sur la place. Estis unu infano sur la placo. Dans ces expressions, mettez toujours au nominatif le mot qui suit estas, estis, estos, etc., car il est sujet (Deux personnes sont dans la chambre. — Un enfant était sur la place).

Être de. — Les expressions je suis de, nous sommes de, etc., se rendent par aparteni al ou esti el.

Exemples — Je suis de ceux qui croient… Mi apartenas al tiuj, kiuj kredas… — Nous ne sommes pas de ces gens qui… Ni ne estas el tiuj homoj, kiuj

Règle 7. — L’ADVERBE

L’adverbe, nous dit cette règle, est caractérisé par e. L’exemple bone précise la pensée et montre bien qu’il s’agit là des adverbes qu’on forme d’une racine comme bone est formé de la racine bon. Le docteur s’en est clairement expliqué dans un ouvrage aujourd’hui épuisé, Dua Libro.

En d’autres termes, pour former d’une racine un adverbe, on lui ajoute la voyelle e, comme pour former d’une racine un adjectif, on lui ajoute la voyelle a.

Mais il existe, en Esperanto, une classe de mots simples, de racines qui sont adverbes par nature, comme por, pri sont prépositions par nature, sans qu’il soit nécessaire de rien leur ajouter. Ces mots simples, essentiellement adverbes, les voici :

Liste des adverbes.

Adiaŭ, adieu.

Ajn, que ce soit.
Exemples. — Kiu, qui ; kiu ajn, qui que ce soit. — Kiel, comment ; kiel ajn (comment que ce soit), de quelque manière que ce soit. — Kie, où ; kie ajn, où que ce soit, n’importe où. — Kiam, quand ; kiam ajn (quand que ce soit), n’importe quand. — Kiom, combien ; kiom ajn (combien que ce soit), en quelque quantité que ce soit. — Kia, quel ; kia ajn, quel que soit.
Se iu venos, sendu lin al mt, kiu ajn li estos. Si quelqu’un vient, envoyez-le moi, qui qu’il soit. — Mi aĉetos de vi tiun ĉi libron, kia ajn ĝi estos. Je vous achèterai ce livre, quel qu’il soit. — Kiam ajn vi venos, mi vin akceptos. N’importe quand vous viendrez, je vous recevrai.

Almenaŭ, au moins, pour le moins.

Ambaŭ, l’un et l’autre, tous les deux.
Exemple. — Ili kuris ambaŭ al la stacidomo. Ils coururent tous les deux à la gare.

Ankaŭ, aussi.

Ankoraŭ, encore.

Apenaŭ, à peine.

Baldaŭ, bientôt.

Ĉi, ci, qui est plus près.
Exemples. — Tiu, celui-là ; tiu ĉi, celui-ci ; tio, cela ; tio ĉi, ceci.

Ĉiam, toujours.

Ĉie, partout.

Ĉu, est-ce que ? (Adverbe interrogatif.)
Exemple. — Ĉu vi komprenis ? Est-ce que vous avez compris ?
Ĉu s’emploie pour interroger, à moins que la proposition ne renferme déjà un des mots interrogatifs : kia, kial, kiam, kie, kiel, kies, kio, kiom, kiu.
Il est logiquement de rigueur dans notre interrogation indirecte, irrationnellement exprimée par si (conjonction de supposition, de condition).
Exemple. — Diru al mi ĉu vi venos. Dites-moi si (est-ce que) vous viendrez.

Ĉu… Ĉu, soit.… soit.
Exemples. — Ĉu li venos, ĉu li ne venos, Paŭlo foriros. Soit qu’il vienne, soit qu’il ne vienne pas, Paul partira.

, même, jusqu’à.
Exemples. — Li eĉ pensis ke… Il pensait même que… — La viroj, la virinoj, eĉ la infanoj insultis min. Les hommes, les femmes, même les enfants (jusqu’aux enfants qui) m’insultaient.

For, loin, hors.
Exemple. — For de tie ĉi, fripono ! Hors d’ici, loin d’ici, fripon !

Hieraŭ, hier.

Ial, pour une raison, pour un motif quelconque.

Iam, jamais, un jour, jadis.
Exemple. — Se mi iam… Si jamais, si un jour je…

Ie, quelque part.

Iel, d’une manière quelconque.
Exemple. — Respondu iel. Répondez d’une manière quelconque.

Ies, de quelqu’un (appartenant à quelqu’un).

Iom, un peu, quelque peu.

Jam, déjà.

Jam ne…, ne… plus (employer plutôt ne… plu).

Jen… Jen, tantôt. tantôt.
Exemple. — Jen li ridas, jen li ploras. Tantôt il rit, tantôt il pleure.

Jes, oui.

Ju pli. des pli, plus… plus. — Ju pli... des malpli, plus… moins. — Ju malpli… des malpli, moins… moins.
Exemples. — Ju pli mi lin konas, des pli mi lin amas. Plus je le connais, plus je l’aime. — Ju pli mi lin vidas, des malpli li plaĉas al mi. Plus je le vois, moins il me plaît. — Ju malpli mi dormas, des malpli mi sentas la bezonon dormi. Moins je dors, moins je sens le besoin de dormir.

Ĵus, justement, à l’instant.
Exemples. — Mi ĵus ricevis. J’ai reçu à l’instant (je viens de recevoir).

Kial, pourquoi.

Kiam, quand.

Kie, où.

Kel, comment, comme.

Kiom, combien.

Kvazaŭ, comme serait, comme ferait, à l’instar de.

Mem, même (moi-, toi-, soi-).
Exemples. — Mi iros mem. J’irai moi-même. — La infanoj mem. Les enfants eux-mêmes.

Morgaŭ, demain.

Ne, ne, non, ne… pas. Tute ne, pas du tout.

Nek, ni. Nek… nek, ni. ni.

Neniam, jamais ne…

Nenie, nulle part.

Neniel, nullement, en aucune façon.

Nenies, de personne (n’appartenant à personne).

Nun, maintenant, à présent.

Nur, seulement, ne… que.
Exemples. — Ili estis nur tri. Ils n’étaient que trois. — Li nur volas vidi vin. Il ne veut que vous voir ; ou : il veut seulement, etc.

Plej, le plus (pour les superlatifs).
Exemples. — La plej granda el ĉiuj. Le plus grand de tous. — Plej saĝe ni agos ne respondante. Nous agirons le plus sagement en ne répondant pas.

Pli, plus (pour les comparatifs).
Exemples. — Li estas pli forta, ol vi. Il est plus fort que vous. — Ŝi kantas pli bone. Elle chante mieux. — Li ne vivos pli, ol unu tagon. Il ne vivra pas plus d’un jour.

Plu, plus avant, au delà, davantage.
Exemples. — Mi ne marŝus plu. Je ne marcherai plus. — Li ne faros plu tion. Il ne le fera plus.

Preskaŭ, presque.

Tial, pour cela, c’est pourquoi, aussi.

Tiam, alors. Alors que, tiam.. kiam.

Tie, là bas, là, y. Tie ĉi, ici. Tie ĉi kaj tie, par ci, par là.

Tiel, ainsi, comme cela, tellement.

Tiom, autant, tant.

Tre ; très, bien, fort.
Exemples. — Li estas tre dika. Il est très gros. — Mi tre amas promeni. J’aime bien à me promener. — Ŝi estas tre kolera. Elle est fort irritée.

Tuj, aussitôt, tout de suite. Aussitôt que, tuj kiam.

Leur influence sur le cas. — Ils n’en exercent aucune. Si le nom, l’adjectif, le pronom ou le participe dont ils peuvent être suivis sont à l’accusatif, c’est en vertu de leur rôle propre et non par influence de l’adverbe.

Exemples. — Li amas min kiel vin. Il m’aime comme il vous aime. Vin et non vi, parce que vous est bien complément direct du verbe ; la phrase française le prouve. D’ailleurs, je pourrais dire aussi : Li amas min kiel vi, mais alors le sens serait tout autre, comme le montre la traduction française : Il m’aime comme vous (m’aimez). Vous étant sujet ici, a été traduit par le nominatif vi.

Complétez donc la phrase, après certains adverbes, quand vous hésitez entre le nominatif ou l’accusatif pour le mot qui les suit. Nous vous avons déjà fait une recommandation semblable à propos des comparatifs (voyez à la page 21).

Les adverbes dérivés. — Ce sont, comme nous l’avons vu, ceux qu’on forme en ajoutant e à une racine.

Exemples, — Bone bien, bonnement (dérivé de la racine bon, bon).

Eux seuls même, à proprement parler, méritent le nom d’adverbes. En effet, les autres ne sont au fond que des mots simples, des racines à sens adverbial qui peuvent produire divers vocables, comme toutes les racines, et recevoir elles-mêmes, en certains cas, la caractéristique e des adverbes. Exemples : Kiom, kioma ; tiam, tiama ; tie, tiea, ĉi-tiea, tieulo ; tiamulo ; troa (excessif), troe (excessivement) ; plie (de plus, en plus).

Les adverbes dérivés forment en Esperanto une classe de mots illimitée. En effet, il n’en est pas dans cette langue comme en français, par exemple, où l’adverbe fait constamment défaut. En Esperanto, toute racine et même tout composé qui s’y prêtent par leur sens peuvent prendre la forme adverbiale.

Exemples. — Kareso caresse, karese avec caresse (caressamment) ; lego lecture, lege par lecture (lisamment) ; sovaĝa sauvage, sovaĝe sauvagement ; supre en haut, malsupre en bas ; ekstere extérieurement ; senpage gratuitement ; senpene sans effort ; mallerte maladroitement ; kontentige d’une manière satisfaisante ;. nekredeble incroyablement ; senkompate impitoyablement ; surgenue à genoux ; dekstre à droite ; somere en été ; nokte de nuit ; tage de jour ; ĉiujare annuellement ; ĉiumonate mensuellement ; ĉiutage journellement ; hodiaŭ matene ce matin ; hieraŭ vespere hier soir ; eble peut-être ; ĝustatempe à propos ; mallaŭte à voix basse ; iafoje parfois ; kelkafoje quelquefois ; aliloke ailleurs ; aliparte d’autre part ; siatempe en son temps ; antaŭe antérieurement ; poste postérieurement, puis ; kontraŭe en face, au contraire ; longe longuement, longtemps ; mallonge brièvement ; de longe depuis longtemps ; antaŭ nelonge il y a peu de temps, récemment ; ree ou denove de nouveau ; tute ne pas du tout, etc.

Comparatif et superlatif. — Ils se marquent dans les adverbes de la même manière que dans les adjectifs.

Exemples. — Plus vite que bien. Pli rapide, ol bone. — Moins fort que d’habitude. Malpli forte, ol kutime. — Aussi doucement que possible. Tiel dolĉe, kiel eble. — Il chante le mieux de tous. Li kantas plej bone el ĉiuj. — Il parle le moins haut de tous. Li parolas malplej laŭte el ĉiuj. —Il a agi très prudemment. Li agis tre prudente.

L’adverbe au lieu de l’adjectif. — Il est deux cas où l’adjectif français doit être remplacé par l’adverbe en Esperanto.

1° Lorsque cette substitution est réclamée par la logique, l’adjectif français remplaçant abusivement un adverbe.

Exemples. — Il chante fort ; vous courez vite ; parlez plus haut, etc. Li kantas forte ; vi kuras rapide ; parolu pli laŭte.

2° Quand, par le fait de la traduction, la phrase esperanto ne renferme ni nom, ni pronom avec lesquels puisse logiquement s’accorder le mot qui rend l’adjectif français.

Exemples. — Il est nécessaire que… Estas necese ke… — Je crois bon qu’il vienne. Mi kredas ke estos bone, se li venos. — Il fait beau, chaud, froid, etc. Estas bele, varme, malvarme, k. t. p. — Impossible ! neeble !

Mais, naturellement, on ne doit jamais donner à un mot adjectif en français la forme adverbiale en Esperanto, si la traduction fournit un nom ou un pronom avec lesquels on puisse le faire accorder. Je dirai donc :

Estas io necesa ke… — Mi kredas ke estos io bona, se li venos. — La vetero estas bela, vurma, malvarma, k. t. p. — Ĝi ou tio ĉi estas neebla.

Dans ces phrases, en effet, les adjectifs necesa, bona, bela, varma, malvarma, neebla peuvent et doivent s’accorder avec io, vetero, ĝi ou tio ĉi.

Participes-adverbes. — En Esperanto, quand le participe ne sert pas à former un temps composé, et qu’on n’en fait pas le qualificatif d’un nom ou d’un pronom, on lui donne la forme adverbiale e.

Exemples. — Estante malsana mi ne povas viziti vin. Étant malade je ne puis vous rendre visite. — Starante ekstere, li povis vidi nur la eksteran flankon de nia domo. Se tenant dehors, il ne pouvait voir que le côté externe de notre maison. — Instruante ni lernas. En enseignant, nous apprenons. — Ferminte la pordon li ekiris kure. Ayant fermé la porte, il se mit en route en courant. — Ekvidinte sian patron li ploris maldolĉe. Ayant aperçu son père, il pleura amèrement. — Ŝi mortis havante la aĝon de dudek jaroj. Elle mourut ayant (à) l’âge de vingt ans. — Batate de la mastro li ĵuris, ke li terure venĝos. Étant battu par son maître, il jura qu’il se vengerait (littér. vengera) d’une manière effroyable. — Elpelite de la domo, la knabino rifuĝis en la preĝejon. Ayant été chassée de la maison, la jeune fille se réfugia dans l’église. — Ironte promeni, purigu vian veston. Devant aller vous promener, nettoyez votre habit.

Il est bien évident, n’est-ce pas, que estante, starante, instruante, ferminte, ekvidinte, havante, ne sont pas des qualificatifs pour les sujets des propositions où ils figurent. Ils ne peuvent donc logiquement prendre la caractéristique (a) des qualificatifs. Ce fait est tout aussi réel pour batate, elpelite, quoique, à cause de nos habitudes françaises, il puisse vous paraître moins évident. C’est comme si on disait : « pendant qu’on le battait », « comme on l’avait chassée ». On vise l’action soufferte par le sujet, de même que dans instruante, ferminte, on visait l’action faite par lui. Il en est de même pour ironte, qui, n’étant pas non plus un qualificatif pour vi, ne doit pas recevoir la forme adjective, mais la forme adverbiale.

Ces participes équivalent logiquement à des adverbes. Ainsi je pourrais dire : vi tion ĉi lernos lege ou vi tion ĉi lernos legante, vous apprendrez ceci par lecture, en lisant, c’est-à-dire au fond lisamment. Puisque ce sont de vrais adverbes, il est rationnel qu’ils en prennent la caractéristique e.

Adverbes de quantité. — Tous les adverbes marquant la quantité, tels que iom un peu, quelque peu, malmulte peu, multe beaucoup, kiom combien, pli multe ou pli plus, davantage, malpli moins, tro trop, sufiĉe assez, etc., ont toujours leur complément précédé de la préposition da, spéciale aux idées de quantité, de mesure.

Exemples. — Un peu, peu, beaucoup, assez de vin. Iom da, malmulte da, multe da, sufiĉe da vino. — Combien d’hommes ? Kiom da homoj ?

Les expressions en plus ou de plus, en moins ou de moins, en trop ou de trop, au plus, pour le moins, se rendent par plie, malplie, troe, pleje, almenaŭ.

Exemples. — Une voix en plus ou en moins peut perdre ou sauver un homme. Unu voĉo plie aŭ malplie povas pereigi aŭ savi homon. — De plus je vous dirai que… Plie mi diros al vi ke… — Dans la caisse j’ai trouvé deux livres en trop. En la kesto mi trovis du librojn troe. — Nous serons cinq au plus et eux sept au moins. Ni estos kvin pleje, kaj ili (estos) sep malpleje.

Rien de bon, de nouveau, etc. ; quelque chose de beau, de grand, etc., s’expriment par nenio bona, nenio nova ; io bela, io granda.

Exemples. — Avez-vous quelque chose de beau à me raconter ? Ĉu vi havas ion belan por rakonti al mi ? — Quoi de nouveau ? Kio nova ? — Rien d’intéressant. Nenio interesa.

En signifiant de là se rend par de tie ou par el tie. On emploie de tie, quand on ne sort pas du lieu, et el tie, quand on en sort.

EXEMPLES. — Éloignez-vous-en. Malproksimiĝu de tie. — Sortez-en. Eliru el tie. Par ici, par là se rendent par tien ĉi, tien.

Exemple. — Passez par ici, nous passerons par là. Pasu tien ĉi, ni pasos tien.

Y signifiant se rend par tie ou par en avec le pronom voulu.

Exemples. — En entrant dans ma chambre, j’y trouvai… Enirante en mian ĉambron mi tie trovis (ou trovis en ĝi). — Allez dans les mines, vous y trouverez… Iru en la minejojn, vi tie trovos… (ou trovos en ili).

Les expressions qu’y a-t-il ? (qu’arrive-t-il ?) ; il y a un an, huit jours, etc. ; il y a longtemps ; il y a peu de temps, récemment, se rendent par : Kio estas ? kio okazas ? antaŭ unu jaro ; antaŭ ok tagoj ; antaŭ longe, antaŭ nelonge. L’idée « il y a tant de temps que cela est passé » se rend de deux manières, au choix.

Exemple. — Il y a deux ans qu’il est mort (ou il est mort depuis deux ans). Li mortis antaŭ du jaroj ou pasis du jaroj de l’tempo, kiam li mortis (ou de l’tempo de lia morto).


Règle 8, 13, 14. — LES PRÉPOSITIONS ET LES COMPLÉMENTS

Nous réunissons ces trois règles, dans notre commentaire, parce qu’elles se tiennent nécessairement dans la pratique. La première et la dernière traitent nommément des prépositions. Quant à la règle 13, elle se rattache forcément aux deux autres par l’accusatif de direction qui peut suivre certaines prépositions, en vertu du principe général posé par cette règle.

Notre rubrique « les prépositions et les compléments » s’explique d’elle-même, les prépositions servant par nature à former les compléments indirects.

Toutes les prépositions, nous dit la règle 8, veulent par elles-mêmes le nominatif. Telle est la loi qui les régit. Mais, pesons bien les termes mêmes du principe. Il dit « par elles-mêmes ». N’est-ce pas donner à entendre qu’une cause étrangère, par exemple un principe plus général encore peut dominer accidentellement cette loi ? Quel est-il ? Nous le verrons tout à l’heure. Constatons pour l’instant que toute la liste ci-dessous, présentant les 34 mots essentiellement prépositions en Esperanto, gouverne le nominatif d’après la règle 8.

Liste des prépositions.

Al, à, vers (marque le point vers lequel se porte l’action).

Anstataü, au lieu de, à la place de.

Antaŭ, devant, avant.

Apud, auprès de, près de.

Ĉe, chez, à.

Ĉirkaŭ, autour de, environ, à peu près.
Exemple. — Je ĉirkaŭ 3 paŝoj, à environ 3 pas.

Da, de (après les mots marquant mesure, poids, nombre, quantité).
Exemples. — Botelo da vino. Une bouteille de vin. — Kilogramo da viando. Un kilogramme de viande. Dekduo da forkoj. Une douzaine de fourchettes. — Multo da homoj. Une foule de gens.

De, de, par, depuis (marque la dépendance) :

1o dépendance par suite de possession.

Exemple. — La libro de Petro. Le livre de Pierre.

2o Dépendance résultant de la destination, de l’attribution.

Exemple. — Botelo de vino. Une bouteille à vin.

3o Dépendance par origine ou point de départ.

Exemples. — De tio dependas la sukceso. De cela dépend le succès. — De tiu tago. De ce jour ou depuis ce jour. —— Amata de ĉiuj. Aimé de tous (l’amour dont il est l’objet part de tous).

Dum, pendant, durant.

Ekster, hors, en dehors de.

El, de, d’entre (marque la sortie, l’extraction).

En, dans, en.

Ĝis, jusqu’à.

Inter, entre, parmi.

Je, se traduit par différentes prépositions que suggère aisément le contexte.

Jen, jen estas, voici, voilà.

Kontraŭ, contre, envers, en face de.

Krom, hormis, excepté.

Kun, avec, en compagnie de (marque uniquement l’accompagnement, jamais l’instrument).

Laŭ, selon, d’après.

Malgraŭ, malgré, en dépit de

Per, par, au moyen de, à l’aide de (marque le complément d’instrument, de moyen).

Po, à raison de.

Por, pour, en faveur de.

Post, après, derrière.

Preter, outre.

Pri, sur, touchant, au sujet de.

Pro, à cause de, pour (marque la cause).

Sen, sans.
Exemples. — Sen mi. Sans moi. Sen tio, kion vi havas. Sans (moins) ce que vous avez. — Kvin sen tri estas du. Cinq moins trois font deux.

Sub, sous.

Super, au-dessus de, sur (sans toucher).

Sur, sur (en touchant).

Tra, à travers, par.

Trans, au delà, par delà.

L’accusatif de direction, tel est le principe plus général auquel nous faisions allusion tout à l’heure, et qui peut nécessiter une dérogation à la règle 8 sur les prépositions. Ce principe, formulé par la règle 13 de nos Manuels, exige, en effet, que l’on ajoute l’n accusatif à tout mot exprimant le point vers lequel on se dirige.

Exemple. — Je vais à Paris. Mi iras Parizon.

Il est si général que les adverbes mêmes prennent en Esperanto l’n accusatif, s’ils marquent le point vers lequel on se dirige.

Exemples : Où allez-vous ? Kien vi iras ? — Allez-vous à Paris ? J’y vais. Ĉu vi irus Parizon ? Mi iras tien ou mi tien iras. — Allez à la maison. Iru domen (ou hejmen s’il s’agit du foyer domestique).

Par conséquent, si la préposition ne suffit pas à marquer qu’on se dirige vers le point en question (au propre ou au figuré), il faudra nécessairement ajouter l’n accusatif au complément, d’après la règle 13. Par contre, si la préposition, par sa signification même, suffit pour marquer la direction, ou si on est déjà dans le lieu en question, le complément restera au nominatif d’après la règle 8.

Ceci résulte des deux règles mêmes, de la pratique constante du docteur Zamenhof et de l’explication détaillée qu’il a donnée sur ce point dans l’Esperantisto.

Exemples : Le chat saute sur la table (il y va). La kato saltas sur la tablon. — Je me charge de cette affaire. Mi prenas sur min tiun ĉi aferon (au moral l’affaire va d’où elle était sur lui). — Il alla à la table. Li iris al la tablo (pas d’accusatif, la préposition al suffisant à marquer la direction vers). — Courez jusqu’à l’église. Kuru ĝis la preĝejo (pas d’accusatif, ĝis suffisant à marquer la direction vers). — L’enfant courait, sautait, dansait dans la cour. La infano kuris, saltis, dancis en la korto (il y était, donc pas d’accusatif). — Jetez ceci sous la table. Ĵetu tion ĉi sub la tablon (l’accusatif, car l’objet y va). — Laissez cela sous la table. Lasu tion sub la tablo (pas d’accusatif, car l’objet y est). — Venez chez moi. Venu ĉe min.

Comme on l’a vu par l’exemple Mi iras Parizon, on peut sous-entendre la préposition devant les noms de villes ou de pays dans lesquels on va.

Exemples : Nous allons à Rome. Ni iras (en) Romon. — J’irai bientôt en France. Mi baldaŭ iros (en) Francujon. — Viendrez-vous avec nous en Amérique ? Ĉu vi venos kun ni (en) Amerikon ?

Les expressions à la maison, au foyer domestique, à terre ou par terre, quand elles impliquent direction vers, se rendent par les formes adverbiales suivantes à l’accusatif : domen, hejmnen, teren.

Exemples : Nous revenons à la maison. Ni revenas domen. — Je cours chez moi. Mi kuras hejmen. — Il tomba par terre. Li falis teren.

Choix des prépositions. — Il est déterminé par ce principe logique posé dans la règle 14 : « Chaque préposition possède, en Esperanto, un sens immuable et bien déterminé qui en fixe l’emploi. »

Gardez-vous donc soigneusement de traduire, sans examen attentif, une préposition française par sa correspondante apparente en Esperanto. En opérant ainsi, huit fois sur dix vous feriez fausse route et ne rendriez pas le rapport. D’ailleurs, il en serait de même dans toute autre langue étrangère. Seulement, au lieu que pour une autre langue vous manqueriez absolument de guide, l’usage, autrement dit le caprice, y décidant seul l’emploi de telle préposition plutôt que de telle autre, en Esperanto vous avez un guide sûr, la logique :

Vous mettez avant le complément la préposition qui, de par son sens en Esperanto, exprime bien l’idée à rendre.

Exemples : Je parle de mon père. Mi parolas pri mia patro. — Le souvenir de cette faute : La memoro pri tiu kulpo (pri et non de, en Esperanto, parce que le de français signifie bien sur, touchant, au sujet de). — J’ai tout fait de mes dix doigts. Mi ĉion faris per miaj dek fingroj. — Il m’a frappé de ou avec son bâton. Li batis min per sia bastono (per et non de ni kun, en Esperanto, parce que les prépositions de ou avec du français signifient bien par, au moyen de). — D’où venez-vous ? Je viens de Paris. El kie vi venas ? Mi venas el Parizo (el parce que la sortie se marque par el, en Esperanto, et qu’ici l’on sort bien du lieu). — Nous passerons par la place. Ni pasos tra la placo (tra parce que la préposition par signifie bien ici à travers). — Il est très estimé de tous ou par tous. Li estas tre estimata de ĉiuj (de parce que, dans cette phrase, il y a bien dépendance par origine ou point de départ. D’où part, de qui dépend l’estime dont li est l’objet ? de ĉiuj). — L’amour de Dieu. La amo de Dio (celui qu’il nous porte, celui qui part, qui va de lui à nous). — L’amour de Dieu. La amo al Dio (celui qui va vers lui, celui que nous lui portons). — Je parle à votre père. Mi parolis kun via patro (car on parle avec quelqu’un). — Nous avons quelque chose à manger. Ni havas ion por manĝi (car ici à signifie pour). — Enclin au mensonge. Inklina al la mensogo. — Docteur en médecine. Doktoro de medicino. — Professeur de littérature. Profesoro de literaturo. — Commerçant en draps. Komercisto de drapoj. — Fabricant de meubles. Fabrikisto de mebloj. — Marchand de vin (ou de vins). Vendisto de vino (aŭ de vinoj). — Étudiant en droit. Studento de leĝoscienco. — Professeur de français, de philosophie. Profesoro de lingvo franca, de filozofio[15].

Traduisez donc toujours la préposition, non pas d’après la correspondance. apparente, mais d’après la relation logique, comme nous l’avons fait dans les exemples ci-dessus. En d’autres termes, toutes les fois que l’usage impose irrationnellement, dans votre langue, une préposition quelconque, substituez-lui l’expression juste et traduisez en Esperanto d’après cette expression[16].

Mais, direz-vous peut-être, il est des cas où deux prépositions seraient également justes. Oui, vous avez raison. Eh bien, prenez celle qui vous plaira davantage, car l’Esperanto ne connaît d’autre entrave que la logique.

Si vous n’aimez pas la amo al la patrujo (l’amour de la patrie), dites : La amo por la patrujo (l’amour pour la patrie), expression tout aussi logique. Mettez pri ou pro dans mia maltrankvileco pri ou pro tio, mon inquiétude à ce sujet, littéralement mon inquiétude touchant cela, ou mon inquiétude à cause de cela. Dites à votre choix li ruĝiĝis de honto, li ploris de ĝojo, li tremis de malvarmo, il rougissait de honte, il pleurait de joie, il tremblait de froid (sa rougeur, ses larmes, son tremblement venant de la honte, de la joie, du froid), ou li ruĝiĝis pro honto, li ploris pro ĝojo, li tremis pro malvarmo, il rougissait, il pleurait, il tremblait à cause de. Les deux prépositions sont aussi bonnes dans tous les cas analogues.

Je et l’accusatif. — En dépit d’une recherche attentive, il vous arrive parfois de ne pas trouver une préposition qui rende l’idée d’une façon pleinement satisfaisante au point de la logique.

Ainsi, en français, nous disons emplir de, pendant qu’en anglais et en allemand on dit emplir avec et dans d’autres langues emplir par. Où est l’expression juste ? certainement pas en français, car ici aucune dépendance, aucun point de départ n’est à rendre ; elle n’est pas davantage dans l’anglais ou l’allemand, car avec, par nature, marque l’accompagnement et non pas l’instrument, le moyen. Reste la préposition par (à l'aide de). Elle est certainement plus juste que les deux autres. Mais l’est-elle entièrement ? non, car je l’’emploierais pour l’instrument, pour le moyen à l’aide duquel on remplit. Ainsi je dirais : Remplir un vase de sable avec les mains (par, au moyen des mains) ; je ne puis donc prendre par pour la substance dont on remplit le vase. Je dirai en Esperanto : Plenigi vazon je sablo per la manoj, phrase que chaque peuple traduira nécessairement avec la préposition suggérée par sa langue. Pour le français je voudra dire de, pour l’anglais et l’allemand cette préposition signifiera avec et pour les autres elle prendra le sens de par. Chacun sera nécessairement inspiré par sa langue maternelle, puisque cette préposition je n’a pas reçu, en Esperanto, de signification définie, et que seule elle est dans ce cas.

Ainsi donc la préposition je (qui n’a pas de signification propre) s’emploie, en Esperanto, quand aucune autre n’exprime bien logiquement l’idée à rendre[17].

Dans ce cas, on peut aussi employer l’accusatif sans préposition, si aucune amphibologie n’est à craindre.

Exemple. — Je la lasta fojo mi vidis lin ĉe vi ou la lastan fojon mi, k. t. p. Je l’ai vu la dernière fois chez vous[18].

De ce principe découle une conséquence pratique très importante sur laquelle le docteur Zamenhof lui-même appelle l’attention dans l’Ekzercaro. La voici :

Quand on ne sait pas si un verbe veut l’accusatif après lui, c’est-à-dire s’il est transitif ou non, on peut toujours employer l’accusatif, pourvu que la clarté du sens ne l’interdise pas.

On peut donc dire : Obei al la patro ou obei la patron. Obéir au père. — Mi sopiras je mia perdita feliĉo ou mian perditan feliĉon. — Respondi je la letero ou respondi la leteron. — Plori la perdon (au lieu de pro la perdo). — Helpi la fraton (au lieu de al la frato). — Ridi lian naivecon (au lieu de je lia naiveco). Rire de sa naïveté.

L’accusatif peut donc, d’une façon générale et s’il n’altère pas le rapport, remplacer l’emploi d’une préposition. C’est le cas, notamment, quand il s’agit du temps que dure une chose et du moment où elle s’accomplit.
Exemples. — J’y restai trois semaines. Mi restis tie dum (durant) tri semajnoj, ou mi restis tie tri semajnojn. — Il est venu un dimanche. Li venis en dimanĉo ou li venis dimanĉon[19]. — J’irai à Londres lundi prochain. La proksiman lundon mi veturos Londonon (au lieu de : en la proksima lundo).— Ce 15 mars. La 15an (tagon) de Marto au lieu de : en la 15a (tago) de Marto.

Mais, comme il a été stipulé plus haut, il faut toujours que l’emploi de l’accusatif n’amène aucune obscurité.

En réalité, toute la question des prépositions, si compliquée, si incohérente dans nos langues que leurs grammaires renoncent à nous donner le moindre fil conducteur, se ramène en Esperanto au principe suivant :

Prenez la préposition qui, de par son sens en Esperanto, exprime bien l’idée à rendre. Employez la préposition je, si aucune autre ne satisfait à cette condition, et, si vous le voulez, remplacez la préposition par l’accusatif seul, quand la clarté n’en souffre pas.

Il nous semble que rien n’est plus rationnel, plus précis, plus complet et plus simple que la façon dont l’Esperanto résout encore ce point de la syntaxe, sur lequel nos grammaires restent muettes.

Compléments des adverbes-prépositions.Quant aux adverbes employés comme prépositions,
tels que koncerne concernant, tuŝante touchant, ne ofendante sauf (en n’offensant pas), supozinte (en ayant) supposé, esceptinte (en ayant) excepté, rilate al relativement à, proksime de près de, dank’al grâce à, meze de au milieu de, dekstre de à droite de, supre de au haut de, funde de au fond de, flanke de à côté de, etc.,

ils gouvernent le nominatif ou l’accusatif, selon que le mot dont ils sont formés gouverne l’un ou l’autre.

Les huit derniers veulent le nominatif comme l’indique la préposition al ou de qui les suit. Tous les autres prennent l’accusatif, parce que les mots dont ils sont formés (koncern, tuŝ, supoz, ofend, escept) sont des verbes transitifs et que, par le fait, ces cinq adverbes-prépositions ont bien pour complément direct le nom ou le pronom qui les suit.

EXEMPLES : Koncerne vian proceson. Concernant votre procès. — Supozinte vian konsenton. — Supposé votre consentement. — Esceptinte mian amikon. Excepté mon ami. — Ne ofendante mian respekton al vi… Sauf le respect que je vous porte. — Meze de la ĉambro. Au milieu de la chambre. — Funde de la puto. Au fond du puits. — Flanke de la reĝo. Au côté du roi.

(Voir page 147 l’explication relative aux Compléments des participes-substantifs.)



CONJONCTIONS, MODES ET TEMPS

Nous réunissons ces points parce que, en dépit des principes compliqués et souvent contradictoires que nos syntaxes s’efforcent d’établir pour éclairer un peu la marche dans l’emploi des modes et des temps, la vérité est que, très souvent, tout l’édifice croule, tous les principes s’effacent devant la conjonction. C’est elle qui décide en dernier ressort. Or, pour toute autorité, au point de vue de la logique, elle ne peut invoquer que l’usage, c’est-à-dire le caprice, puisque l’usage sur ce point n’est nullement fondé en raison, qu’il varie d’une langue à l’autre, parfois d’un siècle à l’autre.

Au lieu de cette base incertaine et changeante, l’Esperanto en prend une autre aussi sûre et aussi stable que le bon sens humain. Nous le verrons tout à l’heure.

Liste des conjonctions et locutions conjonctives.

Alie, autrement, sinon.

Aliparte, d’autre part, d’ailleurs.

Almenaŭ, au moins, du moins.
Exemple. — Almenaŭ li provis. Au moins il a essayé.

Anstataŭ, au lieu de, au lieu que de, plutôt que de.
Exemple. — Laboru anstataŭ dormi. Travaillez au lieu de dormir.

Antaŭ ol, avant de, avant que.
Exemples. — Antaŭ ol morti, li diris. Avant de mourir, il dit. — Antaŭ ol li foriris. Avant qu’il partît. — Antaŭ ol ni atingos lin, li estos malproksime. Avant que nous l’atteignons, il sera loin.

, ou, ou bien. Aŭ… aŭ, soit… soit (dans le sens de ou… ou).

Ĉar, car, parce que (puisque, comme, vu que, attendu que).

Cetere, au reste, du reste.

Ĉiufoje kiam ou ĉiun fojon kiam, toutes les fois que, chaque fois que.

Ĉu… aŭ, soit que… ou que.

Ĉu… ĉu, soit que. soit que.

De l’ tempo kiam, depuis que.
Exemple. — De l’ tempo kiam li mortis. Depuis le temps qu’il est mort.

De nun, désormais.

Do, donc.
Exemple. — Ni do povas dormi trankvile. Nous pouvons donc dormir en paix.

Dum, tandis que, pendant que.

Dume, cependant, pendant ce temps.

Eĉ se, quand même, alors que.

Escepte se, à moins que.
Exemple. — Mi foriros ; escepte se li venos. Je partirai ; à moins qu’il ne vienne. (Pas de négation ici, en Esperanto, la logique s’y oppose).

Foje kiam, une fois que.
Exemple. — Foje kiam mi promenis. Une fois (un jour) que je me promenais.

Ĝis, jusqu’à ce que.

Ja, à la vérité, de fait.
Exemple. — Li estas ja tre malsana. De fait, il est très malade.

Jen, voilà que ou voici que.

Jen… jen, tantôt… tantôt.

Ĵus, à peine.
Exemple. — Ni ĵus eliris. À peine nous sortions. Nous venions de sortir.

Kaj, et.

K. t. p. ou k. c., et cœtera (Kaj tiel plu, kaj ceteraj).

Ke, que.
Remarque. — Ke ne peut, en aucun cas, remplacer kiu. Par conséquent, quand notre que français est pronom relatif, c’est-à-dire peut se tourner par lequel, laquelle, lesquels, lesquelles, il faut toujours le traduire par kiun, kiujn.
Exemples. — L’homme que je vois… La homo, kiun mi vidas… — Les personnes que vous attendez… La personoj, kiujn vi atendas
Ce qui, se rend toujours par tio, kio et alors on peut sous-entendre tio.
Exemple. — Ce qui me chagrine, c’est que… Tio, kio ĉagrenas min, estas ke…
Ce que, se rend par tio, kion et, dans ce cas, tio ne peut jamais se sous-entendre.
Exemple, — Ce que j’aime lui déplaît. Tio, kion mi amas, malplaĉas al li.
Tel que, se rend par tia, kia ou par tia ke. Les exemples suivants feront distinguer la différence.
Exemples. — Qu’il vienne tel qu’il est. Li venu tia, kia ĝi estas. — Donnez-le moi tel qu’il est. Donu ĝin al mi tian, kia ĝi estas. — Mon épouvante fut telle que je ne pus prononcer un mot. Mia teruro estis tia, ke mi ne povis elparoli unu vorton.
Autant… que, aussi… que, se rendent par tiom… kiom, tiel… kiel.
Exemples. Il en a autant que moi. Li havas tiom, kiom mi. — Il est aussi grand que moi. Li estas tiel granda, kiel mi.
Si… que, tant ou tellement… que, se rendent par tiel… ke, tiom.… ke.
Exemples. — Il est si bon qu’il pardonne tout. Li estas tiel bona, ke li ĉion pardonas. — II l’aime tant, ou tellement (idée de degré) qu’il ne voit pas ses défauts. Li amas lin tiel, ke li ne vidas liajn malbonaĵojn. — Il en a tant (idée de quantité), qu’il ne sait où les mettre. Li havas tiom da ili, ke li ne scias kien ilin meti.
Plus… que, par pli… ol.
Moins… que, par malpli… ol.
Aussitôt que, par tuj kiam.
Exemple. — Aussitôt qu’il fut entré. Tuj kiam li estis enirinta.
Que exclamatif, se rend par kiel ou kiom.
Exemples. — Qu’il est bon ! Kiel bona li estas ! — Que d’hommes ! Kiom da homoj[20] !

Kiam, quand, lorsque (après, si elle suit un passé antérieur).

Kiel ajn malmulte, si peu que.
Exemple. — Kiel ajn malmulte vi volos. Si peu que vous voudrez.

Kiel ankaŭ, aussi bien que.
Exemple. — Mia patro, kiel ankaŭ mi, pensas ke. Mon père aussi bien que moi pensons que.

Kiel eble plej baldaŭ, le plus tôt possible.
Exemple. — Kiel eble plej baldaŭ sendu ĝin al mi. Le plus tôt que vous pourrez, envoyez-le moi.

Kondiĉe ke ou kun la kondiĉo ke, à condition que.

Konsente ke, bien entendu que.

Kontraŭe, au contraire, par contre.

Krom tio, en outre.

Krom tio ke, outre que.

Kvankam, quoique, bien que.

Laŭ tio.… se, selon que.
Exemple. — Laŭ tio, se vi estos bona aŭ malbona, mi vin rekompencos aŭ punos. Selon que vous serez bon ou mauvais, je vous récompenserai ou je vous punirai.

Malgraŭ ke, malgré que.

Malgraŭ ĉio, quand même, après tout.

Nek, ni.

Nek… ankaŭ, ni… non plus.
Exemple. — Mi ankaŭ, moi aussi. Nek mi ankaŭ, ni moi non plus.

Nome, savoir.

Plie, de plus.

Por ke, pour que, afin que.

Same kiel, de même que.
Exemple. — Same kiel la prudento estas donita al la homo, tiel la instinkto estas donita al la besto. De même que la raison a été donnée à l’homme, ainsi l’instinct a été donné à l’animal.

Se, si.

Sed, mais, or.

Se ne, si non, sans quoi.

Se nur, pourvu que.

Se tamen, si toutefois, si pourtant.

Supozite, supposé, pourvu que.

Tamen, pourtant, cependant, toutefois, néanmoins.

Tial, c’est pourquoi, aussi.

Tiam kiam, alors que.
Exemple. — Tiam kiam mi estis riĉa vi… ou kiam mi estis riĉa, tiam vi… Alors que j’étais riche, vous…

Tiamaniere ke, de façon que, de sorte que.

Tiel ke, tellement que.
Exemple. — Li ploris tiel ke… Il pleura tellement que…

Timante ke ou pro la timo ke, de crainte que, de peur que/
Exemple. — Mi tion diris timante ke li venos ou pro la timo ke li venos. Je lui disais cela de peur qu’il ne vint. (Littér. : qu’il viendra. Quelle était ma peur ? Il viendra ; d’où le futur. Pas de négation, car le fait est positif.)

T. e., tio estas, c.-à-d., c’est-à-dire.

Tuj kiam, aussitôt que.

Sekve, par conséquent, partant[21].

EMPLOI DES MODES

Une des grosses difficultés de nos langues est certainement l’emploi des modes, parce qu’il ne repose le plus souvent sur aucun principe logique. A chaque instant il constitue, dans tel idiome donné, des idiotismes spéciaux que contredit la raison, mais qu’il faut pourtant essayer de retenir.

Ainsi, en français, on nous dit que l’indicatif est le mode de la certitude. Par conséquent, comme en Esperanto, tout fait certain ou présenté comme tel devrait se rendre par lui. Cependant je dis avec le subjonctif, mode du doute et des choses éventuelles : quoique je sois malade. Voilà, certes, un fait positif, absolument certain. Rien n’est moins douteux ou éventuel : je suis malade.
Pourquoi donc le subjonctif ? A cause de la conjonction quoique, me répond-on. Ma raison ne voit pas très bien en quoi une conjonction peut décider du choix d’un mode ; mais je dois m’incliner et tâcher de retenir. D’ailleurs on me prévient qu’il en sera encore ainsi dans une foule de cas que l’usage finira par m’apprendre. Cela revient à dire que je me débattrai pendant longtemps, et peut-être toujours, dans une incertitude agaçante entre l’indicatif et le subjonctif. De fait, qui d’entre nous oserait soutenir qu’il ne viole jamais les principes de nos grammaires pour l’emploi des modes ? Dans le cas présent l’Esperanto dirait : Kvankam mi estas malsana, quoique je suis malade. Le fait est certain, il relève donc de l’indicatif.

Se io fossi ricco, sarei contento, dit l’Italien, avec l’imparfait du subjonctif. Si j’étais riche, je serais content, dit le Français, avec celui de l’indicatif. Pourquoi cette opposition de modes ? Tient-elle encore à la conjonction ? Vous l’avez dit. Celle-ci est même particulièrement fantasque : ici elle veut le subjonctif, là elle réclame l’indicatif, et ailleurs elle exige encore autre chose. Aussi, pourquoi la consulter, nous dit l’Esperanto ; ne vous en inquiétez pas et ne tenez compte que de l’idée. Dans cette phrase et dans tous les cas analogues, vous voulez si bien marquer la condition, que vous employez, à cause de cela, le conditionnel dans la proposition principale. Pourquoi donc ne l’employez-vous pas aussi dans la proposition subordonnée qui pose précisément la condition ? Pourquoi ne dites-vous pas, conformément à la logique : Si je serais riche, je serais content ? Se mi estus riĉa, mi estus kontenta. Eh bien ! c’est précisément ce que fait toujours l’Esperanto. Dans cette langue, ce n’est pas une conjonction, un mot, une locution quelconque, mais uniquement l’idée à rendre qui détermine le mode.


INDICATIF

L’Indicatif. — Il est réellement, en Esperanto, ce qu’il est par définition dans nos langues : le mode de la certitude. Par conséquent, tout ce qui est positif ou présenté comme tel requiert ce mode en Esperanto, quelles que puissent être nos habitudes françaises.

Exemples. — Je crois. Mi kredas. — Il pleut. Pluvas. — J’espère. Mi esperas. — Il viendra aujourd’hui. Li venos hodiaŭ. — Elle pense. Ŝi pensas. — On doit lui pardonner. Oni devas pardoni al li. — Nous estimons (opinion). Ni opinias. — Il a été justement récompensé. Li estis juste rekompencita. — Ils croyaient. Ili kredis. — La lune est habitée. La luno estas loĝata.

L’Indicatif est donc obligatoire en Esperanto après les verbes, les adjectifs, les participes et les noms exprimant d’une manière positive ce qu’on pense ou ce qu’on éprouve d’un fait présenté comme certain.

Exemples. — Je crois qu’il pleut. Mi kredas, ke pluvas. — J’espère qu’il viendra aujourd’hui. Mi esperas, ke li venos hodiaŭ. — Elle pense qu’on doit lui pardonner (à lui). Ŝi pensas, ke oni devas pardoni al li. — Nous estimons qu’il a été justement récompensé. Ni opinias, ke li estas juste rekompencita. — Je m’étonne qu’on vous ait reçu. Mi miras, ke oni akceptis vin (de ce qu’on vous a reçu). — Nous prétendons qu’il doit refuser. Ni pretendas, ke li devas rifuzi. — Ils nient qu’il ait bien fait. Ili neigas, ke li bone faris (Il a bien fait, mais ils le nient). — Nous sommes heureux que vous soyez là. Ni estas feliĉaj ou ni ĝojas, ke vi estas tie ĉi (Nous sommes heureux de ce que vous êtes là). — Elle regrette qu’il soit parti. Ŝi bedaŭras, ke li foriris (qu’il est parti). — Il s’indignait qu’on le traitât ainsi. Li indignis, ke oni traktis lin tiel (qu’on le traitait). — Je suis confus qu’on vous ait forcé d’attendre. Mi estas konfuza, ke oni vin devigis atendi (qu’on vous a forcé). — Ils sont convaincus que vous les avez trompés. Ili estas konvinkitaj, ke vi trompis ilin. — Je ne puis dire ma honte qu’il m’ait vu en cet état. Mi ne povas diri mian honton, ke li vidis min en tiu stato (qu’il m’a vu). — Il est faux que nous l’ayons rencontré. Estas malvere, ke ni renkontis lin (que nous l’avons). — Elle suppose qu’il est malade. Ŝi supozas, ke li estas malsana. — Il est probable qu’il gagnera son procès. Estas kredeble, ke li gajnos sian proceson. — Je crains au contraire qu’il ne le perde. Mi kontraŭe timas, ke li ĝin perdos (qu’il le perdra)[22]. — Il est tout naturel qu’il sache cela mieux que vous. Estas tute nature, ke li scias tion pli bone, ol vi. (L’indicatif et non un mode de doute en Esperanto, car le fait est certain : il sait cela mieux que vous.)

Remarque. — Après les formes négatives ou interrogatives qui n’enlèvent rien à la réalité du fait énoncé, on emploie toujours l’indicatif en Esperanto.

Exemples. — Je ne crois pas qu’il pleuve (actuellement). Mi ne kredas, ke pluvas (qu’il pleut}. — Croyez-vous qu’il pleuve (plus tard). Ĉu vi kredas, ke pluvos (qu’il pleuvra). — Je n’espère pas qu’il vienne aujourd’hui. Mi ne esperas, ke li venos hodiaŭ (qu’il viendra). — Espérez-vous encore qu’il vienne ? Ĉu vi esperas ankoraŭ, ke li venos ? (qu’il viendra). — Elle ne pense pas qu’on doive lui pardonner (à lui). Ŝi ne pensas, ke oni devas pardoni al li (qu’on doit). — N’estimez-vous pas qu’il a été justement récompensé ? Ĉu vi ne opinias, ke li estas juste rekompencita ? (qu’il a été).

Pourquoi la forme négative ou interrogative de ces phrases et de toutes les analogues oblige-t-elle à employer, le subjonctif en français ? Nous ne nous chargeons pas de le dire. Car, remarquez-le, cette forme n’y a aucune action sur la réalité du fait énoncé dans la seconde proposition. Par ailleurs, le doute n’est-il pas assez rendu par « je ne crois pas » ou « croyez-vous ? » Si le subjonctif est nécessaire dans ces sortes de phrases, pourquoi ne disons-nous pas : « Je demande s’il pleuve » ? Là aussi il y a un doute dans mon esprit et j’interroge pour l’éclaircir..

Que les grammairiens épuisent encre et salive, jamais ils ne feront comprendre pourquoi, après avoir dit : je crois qu’il pleut, il faut dire : je ne crois pas qu’il pleuve, sous peine de n’être pas correct. Aussi, les trois quarts des gens se chargent-ils de donner gain de cause au bon sens, en faisant carrément la faute, sans se soucier autrement des prescriptions de la grammaire.

Quoi qu’il en soit, langue rationnelle, l’Esperanto n’a pas à imiter de tels errements.

Que la phrase se présente sous forme positive, négative ou interrogative, qu’il y ait ou non devant le verbe la conjonction quoique, ou telle autre amenant le subjonctif en français, peu lui importe ; c’est toujours l’indicatif qu’il emploiera, et non le subjonctif, si le fait est présenté comme certain.

Verbes d’interrogation. — Les verbes qui servent à demander si une chose est, a été, ou sera, veulent logiquement après eux le mode indicatif précédé de l’adverbe ĉu (est-ce que ?) qui sert à poser la question en Esperanto[23].

Exemples. — Il demande si vous dormez. Li demandas, ĉu vi dormas. — Dites-moi s’il est mort. Diru al mi, ĉu li estas mortinta. — Le malheureux se demandait s’il mourrait ainsi abandonné de tous. La malfeliĉulo demandis sin, ĉu li mortos (s’il mourra) tiel, forlasita de ĉiuj[24].

Remarque. — Par le fait, les verbes exprimant l’incertitude ou le doute à l’égard de tel ou tel fait rentrent dans la règle précédente, car ils renferment une question implicite que se pose le sujet.

EXEMPLES. — Je ne sais s’il est ici. Mi ne scias, ĉu li estas tie ĉi. — Nous doutons qu’il soit parti. Ni dubas, ĉu li foriris (s’il est parti). — Elle n’est pas sûre que Pierre ait réussi. Ŝi ne estas certa, ĉu Petro sukcesis (si Pierre a réussi). Ne doutez-vous pas qu’il guérisse ? Ĉu vi ne dubas, ĉu li resaniĝos (s’il guérira) ?

Mais, si ces verbes sont modifiés de manière à présenter une idée affirmative, il n’y a plus de raison pour employer l’adverbe interrogatif ĉu. C’est alors le principe général qui reste en vigueur.

Exemples. — Je ne doute pas qu’il ne vienne. Mi ne dubas, ke li venos (qu’il viendra). — Nous ne doutons pas que cela ne soit. Ni ne dubas, ke tio estas ou estos (que cela est ou que cela sera, selon le temps à rendre). — Vous ne pouvez douter qu’il y ait un Dieu. Vi ne povas dubi, ke estas Dio (qu’il y a).


CONDITIONNEL

Le Conditionnel. — Avec l’indicatif nous étions dans le domaine de la certitude. Avec le conditionnel nous entrons dans le domaine opposé, celui de la supposition, de la condition, comme l’indique le nom même du mode. Les faits ne sont plus positifs ou présentés comme tels, ils deviennent éventuels, conditionnels, relevant d’un mais, d’un peut-être ou d’un si. Employez donc toujours le conditionnel pour les faits de cette nature, quelles que puissent être nos habitudes françaises.

Exemples. — Il serait content si… Li estus kontenta se… — Peut-être nous pourrions réussir. Eble ni povus sukcesi. — Je voudrais bien le recevoir, mais je suis trop souffrant pour cela aujourd’hui. Mi tre volus lin akcepti, sed mi estas tro suferanta por tio ĉi hodiaǔ. — Dans ce cas-là je partirais de suite. En tiu okazo mi tuj forirus. — Comment ferions-nous ? Kiel ni farus ? — Je croyais qu’il refuserait. Mi kredis, ke li rifuzus. — Je jurerais qu’il serait venu sans cet obstacle. Mi ĵurus, ke li estus veninta sen tiu kontraŭaĵo. — Serait-il possible qu’il fût (serait) malade ? Ĉu estus eble, ke li estus malsana ? — Ne croyez-vous pas qu’un tel langage l’impressionnerait fortement ? Ĉu vi ne kredas, ke tia parolo impresus lin forte ? — Sans notre aide ils auraient infailliblement péri. Sen nia helpo ili estus nepre pereintaj. — Est-il croyable qu’ils y eussent consenti. Ĉu estas kredeble, ke ili estus konsentintaj pri tio ? — Serait-il possible qu’une mère puisse abandonner son enfant (pourrait abandonner) ? Ĉu estus eble, ke patrino povus forlasi sian infanon ? — Il vaudrait mieux que je partisse. Estus pli bone, se mi forirus[25].

Après la conjonction si exprimant une condition, une supposition, nous mettons illogiquement, en français, l’imparfait de l’indicatif au lieu du conditionnel présent, et le plus-que-parfait au lieu du conditionnel passé. L’Esperanto ne procède pas ainsi, mais rétablit les deux temps du conditionnel que réclame la logique.

Exemples. — Si vous vouliez, vous seriez heureux. Se vi volus (si vous voudriez), vi estus feliĉa. — Si nous avions été avertis, nous vous aurions défendus. Se ni estus avertitaj (si nous aurions été avertis), ni estus defendintaj vin. — Je crois que, s’il en était informé, il viendrait de suite. Mi kredas, ke, se li estus informita (s’il serait informé) pri tio, li tuj venus.

Conditionnel d’atténuation. — Il est parfaitement régulier et logique d’employer le conditionnel en Esperanto, comme on le fait en beaucoup de langues, pour atténuer, adoucir l’idée rendue par l’indicatif de certains verbes d’une manière trop autoritaire ou trop affirmative.

Exemples. — Je voudrais que ce travail fût achevé ce soir. Mi volus, ke tiu laboro estu finita hodiaŭ vespere. — Nous souhaiterions qu’il partît. Ni dezirus, ke li foriru.

Cet emploi est d’autant plus logique qu’il suppose toujours une condition implicite : Je voudrais, si j’osais, si cela se pouvait, etc.

Remarque. — Si le conditionnel français est mis illogiquement à la place d’un futur indicatif, il faut naturellement lui substituer en Esperanto l’indicatif futur.

Exemples. — Il espérait qu’il trouverait. Li esperis, ke li trovos (qu’il trouvera). — Elle nous a écrit qu’elle serait ici demain. Ŝi skribis al ni, ke ŝi estos tie ĉi morgaŭ.

Je trouverai, espérait-il. — Je serai demain ici, a-t-elle écrit. L’idée est absolument future, elle doit donc être rendue par le futur, et, comme elle est positive, par le futur indicatif. (Voyez la note 2 de la page 85.)


IMPÉRATIF-SUBJONCTIF

L’Impératif-Subjonctif. — Ce mode sert à marquer que le fait ou l’état relèvent de l’ordre, de la prière, de la volonté, du désir, de la nécessité, du besoin, de la convenarne, du mérite.

Exemples. — Commencez à raconter. Komencu rakonti. — Qu’il vienne de suite, j’ai à lui parler. Li venu tuj, mi bezonas paroli kun li. — Je veux que vous lui écriviez (à elle). Mi volas, ke vi skribu al ŝi. — Demandez qu’on nous réponde. Petu, ke oni respondu al ni. — Nous souhaitons de tout cœur que vous réussissiez. Ni deziras el la tuta koro (ou tutkore), ke vi sukcesu. — Nous empêcherons qu’on l’entende. Ni malhelpos, ke oni aŭdu lin. — Ils consentent à ce qu’il vienne.Ili konsentas, ke li venu. Je défends qu’il entre ici. Mi malpermesas, ke li eniru tien ĉi. — Nous lui recommanderons de se taire. Ni rekomendos al ŝi, ke ŝi silentu. — Pourquoi tolérez-vous qu’il réponde ? Kial vi toleras, ke li respondu ? — Enfin il permit qu’on s’en allât. Fine li permesis, ke oni foriru. — Soyez éternellement béni pour le bien que vous m’avez fait ! Estu eterne benata pro la bono, kiun vi faris al mi ! — Vive le roi, vivat ! Vivu la reĝo, vivu li ! — Il faut que j’y aille. Estas necese, ke mi tien iru. — Il est convenable que vous lui rendiez visite. Konvenas, ke vi lin vizitu. — J’ai besoin qu’il vienne. Mi bezonas, ke li venu. — Vous méritez qu’on vous pende. Vi meritas, ke oni pendigu vin.

L’expression por ke (pour que, afin que) exige toujours après elle l’impératif-subjonctif, parce que, quand on emploie cette locution, le fait ou l’état relèvent bien réellement de la nécessité, du besoin, de la convenance ou de la volonté.

Exemples. — Pour que vous puissiez payer cette dette, il faut que vous emportiez une assez forte somme d’argent. Por ke vi povu pagi tiun ŝuldon, estas necese, ke vi kunportu sufiĉe grandan sumon da mono. — Pour qu’il soit élu, vous aurez besoin de lutter avec la dernière énergie. Por ke li estu elektita, vi bezonos batali kun ekstrema energio. — Pour qu’on vous récompense, il convient que vous le méritiez. Por ke oni rekompencu vin, konvenas, ke vi ĝin meritu. — Je veux tout faire pour que vous soyez content de moi. Mi volas ĉion fari, por ke vi estu kontenta je mi. — Répondez-moi avant demain, afin que je sache au juste ce que je devrai lui dire. Respondu al mi antaŭ morgaŭ, por ke mi sciu, kion mi devos diri al li.

La proposition qui dépend d’un impératif-subjonctif veut ce mode pour son propre verbe, parce qu’il relève par le fait même de l’ordre, de la prière, du désir.

Exemples. — Commandez qu’il vienne. Ordonu, ke li venu. — Diru al ŝi, ke ŝi tuj foriru. Dites-lui de partir de suite (qu’elle parte). — Prenez garde de tomber. Atentu, ke vi ne falu (Faites attention que vous ne tombiez pas). — Ne souffrons pas qu’il nous résiste ainsi. Ni ne toleru, ke li tiamaniere konstraŭstaru al ni. — Attendez que je revienne. Atendu, ke mi revenu. — Veillons à ce qu’il ne puisse rien abîmer. Ni zorgu ; ke li nenion povu difekti.

Remarque. — On peut dire que l’impératif-subjonctif reçoit en propre tout ce qui ne relève pas, en Esperanto, des deux autres modes personnels : l’indicatif et le conditionnel.

Exemples. — Il suffit qu’il veuille pour que je ne veuille plus. Sufiĉas, ke li volu, por ke mi ne volu plu. — Si nous obtenons ce résultat, il sera impossible que nos ennemis prétendent… Se ni atingos tiun rezultaton, estos neeble, ke niaj malimikoj pretendu… (on pourrait dire aussi estos neeble al niaj malamikoj pretendi). — Il est inadmissible qu’il refuse notre proposition, si vous la lui faites comme il faut. Estas nesupozeble, ke li rifuzu nian proponon, se vi ĝin faros al li konvene (ou kiel konvenas).

L’idée qui domine dans ce mode est celle du but à atteindre, but imposé d’une manière quelconque ou volontairement poursuivi. Il suit de là qu’on doit employer l’impératif-subjonctif toutes les fois qu’on veut montrer la volonté, le désir qu’on a d’arriver à un résultat, alors même qu’il n’y aurait dans la phrase ni verbe ni locution le disant formellement.

Exemples. — Écrivez-lui de venir. Skribu al li, ke li venu (on veut qu’il vienne). — Arrêtons-nous (pour) qu’il se repose. Ni haltu, (por) ke li ripozu (on veut qu’il se repose, c’est le but visé). — Vous arrangerez les choses de façon à lui donner satisfaction. Vi aranĝos la aferojn tiamaniere, ke vi donu al li kontentigon (le but que vous devez poursuivre est de lui donner satisfaction ; il faut arranger les choses de manière à ce que vous lui donniez satisfaction).

D’une façon générale, il faut toujours faire très attention à l’idée qu’on veut rendre, car il peut arriver que seule l’intention qu’on se propose fixe sur le mode à employer.

Ainsi la phrase Il est bon qu’on nous résiste peut relever du mode indicatif ou de l’impératif subjonctif selon l’intention de celui qui l’exprime. S’il veut parler du fait en voie d’accomplissement il dira : Estas bone, ke oni kontraŭstaras al ni. S’il y a pure supposition dans sa pensée, il dira encore avec l’indicatif : Estas bone, se oni kontraŭstaras al ni. Enfin si, à cause des avantages qu’il y voit, il souhaite qu’il y ait résistance, il dira avec l’impératif-subjonctif : Estas bone, ke oni kontraŭstaru al ni.

Quelle forme prendre ? — 1° Si le fait marqué par l’impératif-subjonctif coïncide avec le moment de la durée explicitement ou implicitement en question, prenez la forme simple à l’actif, et la forme estu…ata au passif. Il y a alors concomitance entre le fait et le temps où il se passe[26].

Exemples. — Il faut qu’il vienne (actuellement). Estas necese, ke li venu. — Il fallait, il a fallu qu’il vînt (en ce temps-là). Estis necese, ke li venu. — Pour cela, il faudra qu’il le recommande chaudement. Por tio estos necese, ke li rekomendu lin varme. — Je voudrais que vous veniez ou vinssiez aussitôt que je vous appellerai. Mi volus, ke vi venu tuj, kiam mi vokos vin. — Dieu a voulu que tous les ans la terre produise des moissons. Dio volis, ke ĉiujare la tero produktu rikoltojn. — Il convient que vous soyez soutenu de tous dans cette entreprise. Konvenas, ke vi estu subtenata de ĉiuj en tiu entrepreno. — Il consentait ou il consentit à ce qu’elle fût écoutée. Li konsentis, ke ŝi estu aŭskultata. — Je défends qu’il soit reçu passé 3 heures. — Mi malpermesas, ke li estu akceptita post la 3a horo. — Pour qu’il se corrige, il faudrait qu’il fût longtemps et sévèrement puni. Por ke li korektiĝu, estus necese, ke li estu longe kaj severe punata.

2° Mais si le fait marqué par l’impératif-subjonctif s’est passé ou doit se passer avant le moment de la durée mis en cause, prenez la forme composée à l’actif, et la forme estu… ita au passif. Il y a alors antériorité du fait sur le temps en question[27].

Exemples. — Il faut, il faudra que j’aie fini avant son retour. Estas necese, estos necese, ke mi estu fininta antaŭ lia reveno. — Je souhaiterais qu’il fût arrivé quand vous partirez. Mi dezirus, ke li estu alveninta, kiam vi foriros. — J’aurais souhaité que vous l’eussiez vu auparavant. Mi estus dezirinta, ke vi estu vidinta lin antaŭe. — Il faut que ce travail soit achevé dans deux heures. Estas necese, ke tiu laboro estu finita post du horoj. — Ils n’ont pas voulu que nous fussions reçus plus tôt. Ili ne volis, ke ni estu akceptitaj pli frue. — Il aurait été convenable qu’ils eussent été avertis les premiers. Estus konveninte, ke ili estu averlitaj la unuaj.

Remarque. — Ce que nous disons à 1° n’infirme pas le principe général posé à la page 46 sur l’emploi de ita, quand on n’envisage que le fait accompli, le résultat de l’action et non son déroulement. (Voyez la remarque de cette page.)

Comparez les règles nombreuses, compliquées et insuffisantes, établies en français pour la concordance des temps avec le double principe simple et complet qui vient d’être exposé, et dites-moi de quel côté se trouvent l’exactitude et la facilité.

En se plaçant sur un terrain tout autre, l’Esperanto nous donne là encore un point d’appui certain. Le français, au contraire, en dépit de bien des règles, ne nous offre qu’une base inconstante et douteuse. Dans notre langue, les temps du subjonctif donnent lieu à une telle incertitude que les grammairiens y sont à chaque instant en désaccord avec nos auteurs d’abord, avec l’usage général ensuite, enfin avec eux-mêmes. La concordance exige ce temps, dit l’un ; pas du tout, répond l’autre, c’est une incorrection. Quant aux profanes, désespérant d’y voir jamais bien clair, ils choisissent au petit bonheur entre les temps contestés.


INFINITIF

Sujet et complément. — Comme dans nos langues, linfinitif peut remplir, en Esperanto, le rôle de sujet ou le rôle de complément soit direct soit indirect.

Exemples. — Perdre ainsi son temps est vraiment désagréable. Tiel perdi la tempon estas io vere malagrabla. — On doit manger pour vivre, mais non vivre pour manger. Oni devas manĝi por vivi, sed ne vivi por manĝi. — Il continue à ou de prétendre que… Li daŭrigas pretendi, ke

Les prépositions et l’infinitif présent. — 1° Seules les prépositions por pour, anstataŭ au lieu de, antaŭ ol avant de, peuvent précéder l’infinitif présent.

Exemples. — Pour courir. Por kuri. — Au lieu de boire. Anstataŭ trinki. — Avant de manger. Antaŭ ol manĝi.

Quant aux prépositions à et de, que tantôt nous mettons et tantôt ne mettons pas, en français, devant l’infinitif présent, on ne les traduit pas en Esperanto.

EXEMPLES. — Je veux apprendre à danser. Mi volas lerni danci. — J’aime à chanter. Mi amas kanti. — Il m’a forcé à ou de courir. Li devigis min kuri. — Nous irons nous promener. Ni iros promeni. — Allez vous coucher. Iru kuŝiĝi ou kuŝigi vin. — Venez travailler. Venu labori. — Il craint d’oublier. Li timas forgesi. — Nous désespérons de vous convaincre. Ni malesperas vin konvinki. — J’ai honte d’être loué par lui. Mi hontas esti laŭdata de li. — Elle ne tolère pas qu’on se moque d’elle (d’être moquée). Ŝi ne toleras esti mokata. — Nous devons nous efforcer d’atteindre ce résultat. Ni devas peni atingi tiun rezultaton.

Ce principe est posé pour supprimer la difficulté continuelle qu’entraînerait la recherche de la préposition convenable, telle langue employant celle-ci, telle autre celle-là, et une troisième en prenant une différente encore où n’en employant aucune en pareil cas. Le français lui-même est loin d’être fixe sous ce rapport, comme nous venons de le voir. D’ailleurs, il convient d’observer que la préposition serait tout à fait illogique, quand l’infinitif est sujet ou complément direct, ce qui arrive à chaque instant. L’emploi d’une préposition obligerait donc à distinguer exactement la fonction de l’infinitif, ce qui n’est pas toujours facile.

Par le fait, chacun supplée mentalement, suivant sa langue, la préposition voulue par l’idiome national et l’intelligence du texte n’en est aucunement entravée. Le latin et d’autres langues, y compris même la nôtre, agissent toujours ou souvent ainsi sans aucun inconvénient.

3° Le principe dont nous venons de nous occuper s’étend à l’infinitif présent (ou passé), complément d’un nom, d’un adjectif ou d’un participe-adjectif.

Exemples. — Le désir de mourir. La deziro morti. — La joie d’avoir vaincu. La ĝojo esti venkinta. — Le penchant à mentir. La inklino mensogi. — Avide d’apprendre. Avida lerni. — Porté à désobéir. Inklina malobei. — Habile à dissimuler. Lerta kaŝi. — Fatigué de marcher. Laca marŝi. — Dégoûté de voyager. Tedita vojagi. — Il serait bon de les avertir. Bone estus ilin averti. — Je crois préférable de partir tout de suite. Mi kredas, ke preferinde estas tuj foriri. — Je suis heureux de vous voir. Mi estas feliĉa vin vidi (on peut dire aussi : Mi estas feliĉa ke mi vin vidas).

4° Cependant les prépositions à ou de se traduisent par por, quand elles ont réellement le sens de pour.

Exemples. — Nous avons quelque chose à vous dire. Ni havas ion por diri al vi. — J’avais beaucoup à faire. Mi havis multe por fari. — Il vous donnera ce texte à traduire. Li donos al vi tiun ĉi tekston por traduki. — Qu’avez-vous encore à écrire ? Kion vi havas ankoraŭ por skribi ? — C’est bon à prendre. Tio ĉi estas bona por preni. — Chose facile à faire. Afero facila por fari ou afero facile farebla. — C’est difficile à comprendre. Tio estas malfacila por kompreni ou tio estas malfacile komprenabla. — Le temps de (pour) lire. La tempo por legi. — Quand le moment de partir fut arrivé… Kiam la momento por foriri alvenis… (ou aussi : kiam la momento de l’foriro alvenis… quand le moment du départ fut arrivé).

La préposition de se tourne par ke suivi d’un mode personnel, quand en réalité elle signifie que.

Exemples. — Vous avez bien fait de venir. Vi bone faris, ke vi venis. — Dites-lui donc de me répondre. Diru do al li, ke li al mi respondu. — Nous lui recommanderons de ne pas sortir. Ni rekomendos al li, ke li ne eliru.

Remarque. — En certains cas, par exemple dans la phrase : Vous faites bien de vous efforcer, on pourrait tourner par le participe présent à forme adverbiale et dire : Vi bone faras penante, au lieu de : Vi bone faras, ke vi penas. L’acte étant ici en train de s’accomplir, je puis employer cette forme ante du présent. Mais je ne pourrais le faire pour traduire : Vous avez bien fait de venir, car ici l’acte n’est plus en train de s’accomplir ; il est achevé. Le participe présent serait donc faux.

L’infinitif présent par un participe. — L’infinitif présent se rend, en Esperanto, par le participe présent (forme adjective s’il se rapporte à un complément — forme adverbiale, s’il se rapporte à un sujet), quand il équivaut à un participe présent. Or, ce fait a lieu très souvent, même après les prépositions à ou de.

Exemples. — Je les ai vus venir. Mi vidis ilin venantajn (je les ai vus venant). — Nous l’avons entendue chanter. Ni aŭdis ŝin kantantan (nous l’avons entendue chantant).

Si l’idée était passive, on prendrait le participe passif :
Cette romance, je l’ai entendu chanter. Tiu ĉi romanco, mi ĝin aŭdis kantatan (je l’aie entendue étant chantée)[28]

Il passe son temps à lire. Li pasigas sian tempon legante. — Vous faites bien de vous efforcer… Vi bone faras penante… — À les voir, on les dirait heureux. Ilin vidante, oni kredus, ke ili estas feliĉaj.

On tourne de même par le participe-adverbe (présent ou passé selon les cas) l’infinitif présent précédé de sans. Dans cette tournure logique, la préposition se trouve naturellement rendue par ne en Esperanto.

Exemples. — Allons au danger sans craindre la mort. Iru ni al la danĝero, ne timante la morton (ne craignant pas). — Je ne pourrai le faire sans être soutenu. Mi ne povos tion ĉi fari, ne estante subtenata (n’étant pas). — Il est arrivé sans m’avertir. Li alvenis, ne avertinte min (ne m’ayant pas averti).

L’infinitif présent par le futur indicatif. — L’infinitif présent du français se rend, en Esperanto, par le futur indicatif, quand en réalité il équivaut à ce temps.

Exemples. — Je pense partir demain. Mi pensas, ke mi foriros morgaŭ (que je partirai). — Nous espérions le voir plus tôt. Ni esperis, ke ni vidos lin pli baldaŭ (nous le verrons plus tôt, espérions-nous. L’idée était donc bien future. Comparez ceci à ce que nous avons dit page 85, note 2).

Remarque. — Le principe posé à la page 89 sur l’emploi de l’impératif-subjonctif suppose que le verbe exprimant l’ordre, la prière, la volonté, le désir, la nécessité, le besoin, la convenance, le mérite, est suivi d’une proposition subordonnée commençant par ke ou par por ke, comme dans tous les exemples relatifs à ces verbes. Or, ce fait n’a pas lieu, quand l’agent ou le patient du premier verbe, est l’agent ou le patient du second. Dans ce cas, on emploie l’infinitif.

Exemples. — Nous voulons lui parler. Ni volas paroli kun li (même agent nous pour les deux actes). — Tu as besoin de travailler. Vi bezonas labori (même agent toi pour les deux actes). — Nous désirons être respectés. Ni deziras esti respektataj (même agent nous, car, si j’amenais un mode personnel, j’aurais : nous désirons que nous soyons respectés).


INFINITIF PASSÉ

Remplacé par un mode personnel. — L’infinitif passé peut se rendre de la manière indiquée aux paradigmes de la voix active et de la voix passive. Mais il vaut mieux éviter cette forme composée et tourner par que avec un mode personnel, comme nous le faisons à chaque instant en français et dans une quantité d’autres langues.

EXEMPLES. — Je pense avoir bien fait d’agir ainsi. Mi pensas, ke mi bone faris agante tiel ou tiamaniere (je pense que j’ai bien fait). — Nous aurions cru lui avoir rendu service. Ni estus kredintaj, ke ni faris servon al li (que nous lui avons rendu service). — Il dit avoir toujours été calomnié. Li diras, ke ĉiam li estis khalumniita (qu’il a toujours été calomnié). — Il est sûr d’avoir écrit cette lettre. Li estas certa, ke li skribis tiun leteron (qu’il a écrit).

L’infinitif passé par le participe passé. — L’infinitif passé se rend par le participe passé (forme adverbiale pour l’actif et pour le passif), quand il est précédé soit de la préposition après, qui alors ne se rend pas, soit de la préposition sans, qui se traduit par ne.

Exemples. — Après avoir donné son bien, il… sian havon doninte, li… (ayant donné). — Après avoir été persécutés par tous, nous… Persekutite de ĉiuj, ni… (ayant été persécutés). — Il est sorti sans avoir pris son manteau. Li eliris, ne preninte sian mantelon (n’ayant pas pris). — Il s’est mis à jouer sans avoir fini son travail. Li ekludis, ne fininte sian laboron (n’ayant pas fini). — Elle est sortie sans avoir été saluée de personne. Ŝi eliris, ne salutite de iu.

On peut aussi employer une tournure qui amène un mode personnel.

Exemples. — Après avoir donné ; tournez : quand il eut donné. Kiam li estis doninta. — Après avoir été persécutés ; tournez : quand nous eûmes été persécutés. Kiam ni estis persekutitaj. — Avant d’avoir été encouragé par vous ; tournez : avant que j’eusse été encouragé. Antaŭ ol mi estis kuraĝigita de vi.

L’expression pour avoir fait, pour n’avoir pas fait (telle ou telle chose) amène nécessairement ĉar (parce que) et un mode personnel.

Exemples. — Il est puni pour avoir insulté son professeur. Li estas punita ĉar li insultis sian profesoron. — Pour n’avoir pas voulu se soigner à temps le voilà incapable de tout travail. Ĉar li ne volis sin flegi ĝustatempe, jen li esta ne kapabla por ĉiu laboro.

(Voir page 148 la note sur por, anstataŭ, antaŭ ol devant l’infinitif.)


PARTICIPES

Les participes-adjectifs ont été traités à la page 17 règle 3, à 3°. Les participes-adverbes l’ont été à la page 59.

L’emploi des participes dans la conjugaison a été fixé par les paradigmes de la voix active, page 39, et de la voix passive, page 42. Nous avons établi dans les pages 44, 45, 46 et 47, avec le plus grand soin, la distinction entre ita et ata. Il ne nous reste donc à faire que deux remarques à propos des participes.

Le participe présent pour l’action, l’adjectif pour la qualité. — Il est utile de bien vous rappeler que par nature le participe présent exprime une action, et l’adjectif une qualité, un état. Par conséquent, quand même le mot à traduire en Esperanto ressemblerait dans votre langue à un participe présent, gardez-vous de lui donner la forme anta, si vous n’êtes en réalité qu’en face d’un simple adjectif marquant, comme tel, non pas une action en voie d’accomplissement, mais la qualité, l’état.

Ainsi dans les phrases : C’est un homme charmant. — On aime l’enfant obéissant. — Ce récit est très intéressant. — Qu’y a-t-il de plus réjouissant que… ? On ne doit pas traduire par la forme anta du participe présent, les adjectifs en ant qui s’y trouvent. Dites : Li estas homo ĉarma. — Oni amas la obeeman infanon. — Tiu ĉi rakonto estas tre interesa. — Kio estas pli ĝojiga ol… ?

Participe futur. — Pas plus au passif qu’à l’actif, ce participe ne marque l’obligation formelle. Il indique seulement qu’une chose future est projetée, attendue, espérée qu’elle se fera. Par conséquent, s’il y a devoir formel de faire une chose, il faut employer devi, comme nous le faisons en français.

Ainsi la konstruota domo signifie : la maison qu’on construira, qu’on a l’intention de construire, dont la construction est projetée, attendue, espérée. A cause du sens de notre verbe devoir français, qui à chaque instant marque un fait futur, projeté ou attendu, on pourrait traduire aussi par : la maison qu’on doit construire. Mais cette traduction n’implique pas l’idée d’obligation, à proprement parler. Si, au contraire, on voulait exprimer le devoir, l’obligation formelle de construire la maison, on dirait : La domo, kiun oni devas konstrui, la maison qu’on est dans l’obligation de construire, qu’on a le devoir de construire.

En définitive, l’obligation formelle de faire une chose doit être rendue par devi et non à l’aide d’un simple participe futur.

Remarque. — Les participes futurs ne servent pas à former de temps composés, comme on a pu le constater aux paradigmes de la voix active ou passive.

Dans la pratique, ils feraient double emploi avec les formes données pour les futurs de la conjugaison Esperanto. En effet, mi estas finonta équivaut à la forme beaucoup plus simple mi finos ; de même li estas amota rendrait d’une façon plus compliquée la même idée que li estos amata.

Ce que nous venons de dire fait entrevoir pourquoi l’Esperanto n’a pas d’infinitif futur. A quoi lui servirait cette forme, puisqu’il peut rendre l’idée d’une façon beaucoup plus simple et plus en harmonie avec l’évolution des langues ? Pourquoi dirait-il comme les Latins : Je crois lui devoir venir (mi kredas lin esti venontan), quand il peut, comme actuellement nos langues, rendre l’idée d’une façon bien moins entortillée à l’aide du futur indicatif : mi kredas, ke li venos, je crois qu’il viendra ?


LES TEMPS

Ce que nous avons dit de l’infinitif et des participes pages 94 et 101, de l’impératif-subjonctif pages 88 et 91, enfin du conditionnel dans la note qui concerne surtout l’impératif-subjonctif à la page 87 (note 1) restreint la question des temps au mode indicatif.

Le présent. — Comme dans toutes nos langues, il s’emploie pour exprimer non seulement une chose présente, mais encore une chose habituelle, une vérité de tous les temps.

Exemples. — Qui voyez-vous ? Kiun vi vidas ? — Je pars, car mon père m’attend. Mi foriras, ĉar mia patro atendas min. — Je me lève toujours de très bonne heure. Mi ĉiam leviĝas tre frue. — On ne fait rien sans peine. Nenion oni faras sen peno.

Le présent au lieu du passé ou du futur. — Comme dans nos langues, on peut substituer, en Esperanto, le présent au passé ou au futur pour donner plus de vivacité à l’expression.

Exemples. — Hier il m’aborde, me tend la main et me dit : je vous attends demain. Hieraŭ li aliras al mi, tendas al mi sian manon kaj diras : mi vin atendas morgaŭ. — Aujourd’hui pleins de vie, nous sommes demain la proie du tombeau. Hodiaŭ plenaj je vivo, ni estas morgaŭ la akiro de l’tombo.

Le présent au lieu de notre imparfait. — S’il s’agit d’une vérité de tous les temps ou d’un fait existant encore au moment où l’on parle, nous employons en français l’imparfait aussi bien que le présent de l’indicatif. En pareil cas, l’Esperanto n’emploie jamais que le présent.

Exemples. — Nous avons su que vous étiez à Lyon depuis huit jours. Ni eksciis, ke vi estas en Ljono de ok tagoj. — Il m’a dit que rien ne guérissait mieux que ce remède. Li diris al mi, ke nenio resanigas pli bone, ol tiu kuracilo. — Je croyais que vous étiez médecin. Mi kredis, ke vi estas kuracisto. — Il nous enseignait qu’il fallait toujours être indulgent. Li instruis nin, ke ĉiam oni devas esti indulga.

L’Esperanto suit sans dérogation aucune ce principe logique. Il emploie toujours le présent, même dans une phrase au passé, si l’action est présente relativement au temps en question.

Exemples. — Tous ceux qui la voyaient pouvaient penser qu’ils voyaient sa mère. Ĉiuj, kiuj ŝin vidis, povis pensi, ke illi vidas la patrinon.

Que pensaient-ils ? Je vois sa mère et non pas : J’ai vu sa mère. Dans leur pensée, le fait de cette vue était bien présent à ce moment, d’où vidas. Si nous mettions vidis, le fait serait donné comme passé : ils ne se diraient plus Je vois, mais j'ai vu. Comparez ceci à ce que nous disons, page 85, note 2.


Le passé. — Tant que le passé en question n’en précède pas un autre, il faut toujours employer la forme simple (is) à l’actif et éviter soigneusement de lui substituer une forme composée à l’imitation du français.

Ainsi j’ai lu, j’ai couru, nous avons dansé, il est arrivé, il est mort hier, nous sommes partis, etc., se traduisent par la forme simple du passé (is) ; mi legis, mi kuris, ni dancis, li alvenis, li mortis hieraŭ, ni foriris, etc.

Cependant, si l’on voulait marquer l’état qui résulte pour le sujet de l’action qu’il a faite il ya plus ou moins de temps, on rendrait le passé par estas… inta. Mais, retenez-le bien, uniquement pour marquer un état, car cette forme ne figure même pas dans les paradigmes de la conjugaison, comme étant le plus souvent inutile.

Exemples. — Il est arrivé depuis deux heures déjà. Li estas alveninta jam de du horoj. — Oh ! il y a déjà longtemps qu’ils sont morts. Ho ! jam de longe ili estas mortintaj.

Passé rapproché. — Quand l’action vient de se faire, c’est-à-dire quand, en français, nous employons les expressions je viens de…, je venais de…, l’Esperanto combine le passé avec l’adverbe justement, à l’instant, ĵus.

Exemples. — Je viens de lire un livre très étrange. Mi ĵus legis tre strangan libron. — Je venais de sortir quand vons êtes arrivé. Mi ĵus estis elirinta, kiam vi alvenis. (J’ai justement, à l’instant lu un livre. — J’étais sorti à l’instant, quand vous êtes arrivé.)

N’ayez jamais l’idée, en pareil cas, d’employer notre verbe venir, souverainement illogique dans ces expressions.

Remarque. — Quand on veut tout spécialement insister sur ce fait que le sujet était en train de faire l’action, on peut employer la tournure estis.… anta ; mais il faut bien se garder d’en abuser.

Exemples. — J’étais en train de vous écrire. Mi estis skribanta al vi. — Pendant que vous vous inquiétez à l’excès sur son sort, il vous oublie complètement. Dum vi troe maltrankviliĝas pri lia sorto, li forgesas vin tute.


Futur. — À part la faculté qu’on a d’employer le présent à sa place, dans le cas stipulé à la page 104, il faut toujours employer le futur, quand l’idée est future.

Exemples. — Que ferez-vous quand je serai dans la tombe ? Kion vi faros, kiam mi estos en mia tombo ? — J’écrirai la lettre pendant que vous vous reposerez. Mi skribos la leteron, dum vi ripozos.

Ne soyez jamais tenté d’imiter certaines langues, l’anglais notamment, qui diraient : « Que ferez-vous, quand je suis dans ma tombe ? — J’écrirai cette lettre, pendant que vous vous reposez ». Ces tournures sont illogiques, et, comme telles, ne peuvent s’employer en Esperanto.

Futur rapproché. — Quand nous voulons marquer, en français, un futur rapproché, nous employons les expressions je vais…, tu vas…, etc., ou je suis sur le point de…, tu es sur le point de…, etc. L’Esperanto rend cette idée à l’aide du futur précédé de tuj (tout de suite), baldaŭ (bientôt), tre baldaŭ (tout prochainement), selon la nuance à exprimer.

Exemples. — Asseyez-vous, je vais vous raconter la chose. Sidiĝu, mi tuj rakontos al vi la aferon. — Ayez patience, il va venir. Havu paciencon, li tuj ou tre baldaŭ venos. — Nous sommes sur le point de partir en Angleterre. Ni baldaŭ ou tre baldaŭ foriros Anglujon.

Il va de soi qu’on n’emploie ni tuj ni baldaŭ quand les expressions je vais…, tu vas…, etc., ne donnent au futur aucune proximité plus grande, mais sont simplement employées pour dire qu’on fera la chose en question.

Les expressions j’allais…, tu allais…, etc., ou J’étais sur le point de…, tu étais sur le point de…, etc., impliquant une idée future pour le temps dont on parle, se rendent en Esperanto à l’aide de estis et du participe futur actif ou passif (selon le cas), précédé de tuj, de baldaŭ ou de tre baldaŭ.

Exemples. — J’allais périr quand vous êtes venu à mon secours. Mi estis tuj pereonta, kiam vi venis helpi min. — Vous alliez réussir, si vous aviez eu encore un peu de patience. Vi estis baldaŭ sukcesontaj, se vi estus havintaj ankoraŭ iom da pacienco. — Nous étions sur le point d’entrer quand nous l’aperçûmes. Ni estis tuj enirontaj, kiam ni ekvidis lin[29].

Temps et formes d’antériorité. — Comme il a été dit à propos du passé antérieur, du futur antérieur, de l’impératif-subjonctif et du conditionnel, on emploie ces temps et ces formes pour marquer que le fait exposé par eux en a précédé ou doit en précéder un autre.

Exemples. — Quand j’avais amassé la somme suffisante, j’achetais un nouveau bibelot. Kiam mi estis kolektinta la sumon sufiĉan, mi aĉetis novan luksaĵeton. — Dès que j’aurai reçu votre lettre, je partirai. Tuj kiam mi estos ricevinta vian leteron, mi foriros. — Si je l’avais entendu, je vous le dirais. Se mi estus tion aŭdinta, mi ĝin dirus al vi. — Lorsque j’eus été prévenu de son arrivée, je… Kiam mi estis avertita pri lia alveno, mi… — Je ne céderai que lorsque j’aurai été expulsé. Mi cedos nur tiam, kiam mi estos elpelita. — Si j’avais été soutenu, j’aurais réussi. Se mi estus subtenita, mi estus sukcesinta.


LES INCHOATIFS

Ces verbes se rattachent à la rubrique des temps en ce qu’ils expriment cette idée qu’on commence, qu’on se met à faire une chose. Ils rendent sans périphrase nos expressions françaises commencer à… se mettre à… On les forme du verbe ordinaire en préfixant l’inchoatif ek.

Exemples. — Mettez-vous à écrire ce que je vais vous dicter. Ekskribu (tion) kion mi tuj diktos al vi. — Au lieu de m’écouter il se mit à danser. Anstataŭ aŭskulti min, li ekdancis. — Je commence à voir, j’aperçois la maison. Mi ekvidas la domon. — Commencez-vous à comprendre ? Ĉu vi ekkomprenas ?

Remarque. — Il ne faudrait pas conclure de ce principe que les inchoatifs suppriment, en Esperanto, l’emploi du verbe commencer, komenci. Cet emploi est toujours permis. Il faut même se garder d’abuser de la forme inchoative. A cet égard, la lecture attentive de bons textes Esperanto édifiera l’adepte mieux que de longues considérations.

En général, les Français feront bien de s’en tenir, pour la forme inchoative, aux cas où ils emploient l’expression se mettre à



Règle 12. — LA NÉGATION

Cette règle nous dit que la négation ne se supprime, conformément à la logique, si la propositon esperanto renferme un autre mot de sens négatif.

Exemples. — Je n’ai jamais vu. Mi neniam vidis. — Nous n’avons rencontré personne. Ni renkontis neniun.

Par une conséquence naturelle de ce principe, si ne est rendu dans la phrase esperanto, l’autre mot négatif de la phrase française doit être traduit par son correspondant affirmatif.

Exemples. — Je ne voudrais rester débiteur de personne. Mi ne volus restis ŝuldanto de iu (je ne voudrais pas rester débiteur de quelqu’un). — Sans aucune étude. Sen ia lerno (sans quelque étude). « Sans » est bien par nature un mot de sens négatif, comme le dit la règle.

Le principe exposé repose sur ce fait, qu’on observe en Esperanto la loi philosophique : deux négations valent une affirmation.

Les règles 9 et 10 sont commentées avec surabondance dans l’étude Prononciation de l’Esperanto, qu’on trouve ci-après à la page 122.

La règle 11 et la règle 15 sortent en réalité du cadre de la grammaire proprement dite. Elles relèvent du dictionnaire, puisqu’elles concernent la formation même des mots. Leur commentaire naturel et complet est donc le dictionnaire français-esperanto.

Les règles 13 et 14 ont été développées, envisagées sous toutes leurs faces, page 62 et suivantes. Nous n’avons pas à y revenir.

Reste la règle 16, relative à l’élision.


Règle 16. — ÉLISION

Seules, les terminaisons des substantifs et de l’article peuvent se supprimer et se remplacer par une apostrophe.

Exemples. — Al la mond’ eterne militanta, pour al la mondo. — De l’ mondo, pour de la mondo.

Pour l’élision de l’article, voyez à la page 9 dans quelles conditions on peut la pratiquer.

Pour celle du substantif, voyez ce qui en a été dit dans la note qui se trouve au bas de la page 12.

En dehors de ces deux espèces de mots, l’élision n’est pas admise en Esperanto, pas plus pour les adjectifs ou les prépositions que pour les autres mots.

Dans un idiome où la clarté et la facilité priment tout, il faut qu’on puisse toujours distinguer nettement la nature, le sexe, le nombre, le rôle, le mode et le temps dans les mots employés. Or, si l’élision des caractéristiques, des terminaisons grammaticales, se pratiquait sur une plus large échelle, il y aurait à chaque instant incertitude et méprise.



L’ORDRE DES MOTS

Ici nous ne pouvons donner de principes absolus d’autant que l’Esperanto possède une liberté d’allure que le français a connue, mais qu’il ne connaît plus.

En effet, grâce à l’n accusatif qui distingue nettement le complément direct du sujet, et aux diverses prépositions qui, en Esperanto, ne laissent aucun doute sur les autres fonctions des mots, la langue peut être infiniment plus inversive que le français. Aussi se prête-t-elle d’une façon remarquable à la traduction et à l’émission naturelle de la pensée. La lecture attentive de bons textes esperanto vous familiarisera vite avec la construction dans cette langue, et, cela fait, votre oreille vous mettra facilement en garde contre le voisinage peu euphonique de certains mots.

Cependant, gardez-vous bien de prendre, par une recherche exagérée d’euphonie, des dispositions peu naturelles qui vous feraient perdre une qualité cent fois plus importante : la clarté.

Laissons ce travers au latin, ne l’imitons pas.

Ce que nous venons de dire élimine a fortiori toute construction calquée sur la construction allemande, qui est vraiment trop spéciale pour pouvoir être imitée en Esperanto. D’ailleurs, nos voisins s’en rendent si bien compte que, pas plus en Esperanto que dans les autres langues, ils ne rangent les mots comme dans la leur.

Pour donner une idée de la souplesse et des ressources que l’Esperanto présente, au point de vue de la construction, sans rien perdre au point de vue de la clarté, nous allons examiner les différentes façons dont il peut ranger les mots de cette phrase française : J’ai rencontré Pierre auprès de l’église. Nous ne pouvons, en français, que lui laisser l’ordre qu’elle a. L’Esperanto en rangera les mots de trois façons différentes sans qu’elle perde rien de sa clarté, de sa légèreté, ni de son intelligibilité.

1o Mi renkontis Petron apud la preĝejo.

2o Apud la preĝejo mi renkontis Petron.

3o Petron mi renkontis apud la preĝejo.

Place de l’adjectif. — Le qualificatif précède ou suit à volonté le nom qu’il qualifie.

Exemple. — Via ĝentila letero ou via letero ĝentila. Votre aimable lettre.

Le déterminatif précède généralement.

Exemple. — Tiu ĉi homo. Cet homme. — Du soldatoj.

Deux soldats. — Kia patro, tia filo. Tel père, tel fils. — Mia amiko. Mon ami.

Cependant, si l’on veut donner au substantif une note caressante, on peut mettre le possessif après.

Exemples. — Filo mia. Mon (cher) fils. — Koro mia. Mon (cher) cœur. — Kara mia. Mon bien cher.

Place de l’adverbe. — Généralement à côté du mot sur lequel il porte, avant ou après[30].

Exemple. — Li afable respondis al mi ou li respondis afable al mi.

Il fait généralement mieux avant. C’est avant, dans tous les cas, qu’il faut mettre tre, pli, plej, malpli, sufiĉe, iom, multe et la négation ne. De même pour tiel, kiel, kiom.

Par conséquent la négation se place où, en français, se trouve ne.

Exemple. — Je ne veux pas. Mi ne volas.

Complément direct. — Il ne se trouve pas nécessairement après le verbe, comme en français. Si l’esprit est dominé par l’idée du complément, il peut très bien précéder le sujet.

Ainsi je puis dire tout aussi bien : Vian leteron mi ricevis que Mi ricevis vian leteron.

Le sujet. — Le sujet pourra très bien suivre le verbe dans une incidente.

Exemple. — Vous devez, me dit-il, tout supporter sans plainte. Vi devas, diris li al mi, ĉion elporti sen plendo.

Remarque. — Dans une question, laissez le sujet avant le verbe, l’adverbe interrogatif ĉu suffisant amplement à marquer l’interrogation.

Exemple. — Ĉu via patro venos kun vi ? Votre père viendra-t-il avec vous ? Ĉu li respondis ? A-t-il répondu ?

Prépositions. — Toujours avant leur complément.

Exemples. — Scribu al li. Écrivez-lui. — Li atendis antaŭ la pordo kun tri amikoj. Il attendait devant la porte avec trois amis.

Conjonctions. — Toujours avant les verbes, ce qui ne veut pas dire immédiatement.

Exemples. — Dum mi legos. Pendant que je lirai. — Se, antaŭ mia reveno, la juĝisto alvenus, vi dirus al li, ke mi ne forestos longe. Si, avant mon retour, le juge arrivait, vous lui diriez que je ne serai pas absent longtemps[31].


Liaison. — Sans tomber dans le travers d’une construction trop soucieuse de l’euphonie, nous ne devons pas négliger de prendre les dispositions qui, sans rien enlever à la compréhension facile de l’Esperanto, peuvent rendre la phrase plus coulante et plus harmonieuse. Nous disons cela surtout pour le style soigné.

Il va de soi, notamment, que si la liaison des mots entre eux se trouve facilitée par un arrangement spécial qui n’enlève rien à la clarté, nous aurions tort de ne pas le prendre.

Ainsi, à chaque instant, un accusatif pluriel peut faire liaison avec un mot commençant par une voyelle, à l’aide d’une construction parfaitement claire. Souvenons-nous-en à l’occasion. Si je dis : La libroj, kiujn li donis al mi, on a comme un peu de peine à bien articuler l’n de l’accusatif à cause de la lettre l qui suit. Au contraire, si je dis : La libroj, kiujn al mi li donis, il y a liaison harmonieuse et la clarté n’y perd rien. Inspirez-vous de cette remarque dans des cas analogues.

L’Esperanto visant avant tout à la facilité, à la clarté, ne recule pas devant l'hiatus. D’ailleurs, le choc des voyelles ne déplaisait pas au dialecte ionien, la plus douce langue, a-t-on dit, qu’aient parlée les hommes. En français, l’hiatus n’effraie qu’en vers, encore est-il constant dans le corps même des mots. Quoi qu’il en soit, en prose il ne nous fait pas peur. Ne disons-nous pas couramment : Il passera à Agen. Elle a à arranger, etc. L’hiatus a donc bien droit à l’indulgence dans une langue entravée, sous ce rapport, par le besoin autrement important de la facilité et de la clarté. Cependant, nous pouvons aisément éviter l’hiatus à chaque instant en changeant un mot de place. Si je dis : Bona amiko, j’ai un hiatus, les a se choquant. Mais ne puis-je dire tout aussi clairement : Amiko bona ? Inspirez-vous encore de cette remarque, pour éviter à l’occasion l’entre-choquement des mêmes voyelles.



Règle 16. — NOMINATIF OU ACCUSATIF DE CLARTÉ

Quand nous disons, en français : Je l’ai trouvé triste. — J’ai nommé mon fils Adolphe, et, dans une quantité de phrases analogues, il y a ambiguïté de sens.

En effet, on se demande s’il était réellement triste ou si, par erreur peut-être, vous l’avez trouvé tel. Voulez-vous dire que vous avez prononcé le nom de votre fils Adolphe, ou qu’à votre fils vous avez donné le nom d’Adolphe ? On ne le sait, et, pour fixer d’une façon précise, il nous faut une périphrase en français.

Dans ces cas-là, l’Esperanto met le qualificatif (triste, Adolphe ici) à l’accusatif, si vraiment la qualité appartient à l’objet. Au contraire, il met le qualificatif au nominatif, si on lui attribue cette qualité qu’auparavant il n’avait pas ou que peut-être même il n’a pas.

Ainsi, avec le qualificatif à l’accusatif, Mi trovis lin ĉagrenan, il est vraiment triste, chagrin et, dans la même hypothèse, Mi nomis mian filon Adolfon, le fils a vraiment le nom d’Adolphe. Le père ne vient pas de le donner, il l’a seulement prononcé.

Par contre, avec le nominatif, Mi trovis lin ĉagrena, on n’affirme pas qu’il était réellement triste, mais seulement qu’il vous a paru tel. De même pour Mi nomis mian filon Adolfo, on ne dit pas qu’il avait réellement le nom d’Adolphe, mais justement qu’on vient de le lui donner.

Si je dis : Mi trovis la vinon bonan, j’obtiens en français cette traduction : J’ai trouvé le bon vin. Mais si je dis : Mi trovis la vinon bona, j’ai un tout autre sens, car j’obtiens en français : J’ai trouvé le vin bon.

Enfin avec la phrase Mi juĝis tiun ĉi homon senkulpan j’ai en français : J’ai jugé cet homme innocent (il l’était). Tandis que avec Mi juĝis tiun ĉi homon senkulpa j’obtiens comme sens : À mon jugement cet homme était innocent (je l’ai trouvé tel). Le français rend d’ailleurs couramment ces deux idées par la même forme et dit pour l’une comme pour l’autre : j’ai jugé cet homme innocent.

Maintenant vous devez comprendre pourquoi l’Esperanto met le qualificatif au nominatif dans les phrases suivantes : Vi nomas min feliĉa, sed mi ne estas tia. Vous me dites heureux, mais je ne le suis pas. — Vous le croyez meilleur qu’il n’est. Vi kredas lin pli bona, ol li estas. — Je l’estime capable de tout. Mi juĝas lin kapabla por ĉio. — Ceci m’a rendu très prudent. Tio ĉi faris min tre prudenta. — Pour rendre le verre incassable on… Por fari la vitron nerompebla, oni

Dans le dernier exemple j’obtiendrais un sens tout autre, si je disais : Por fari la vitron nerompeblan, car alors il ne s’agirait plus de rendre incassable un verre qui ne l’était pas, mais bien des procédés employés pour fabriquer le verre incassable. Les traductions de ces deux phrases seraient différentes en français. En effet, la première (avec rompebla) donne : Pour rendre le verre incassable, on… et la seconde (avec rompeblan) donne : Pour fabriquer le verre incassable, on… sens tout autre, comme on le voit.

En résumé, mettez le qualificatif à l’accusatif, si vraiment l’objet possède la qualité en question ; mettez le qualificatif au nominatif, si on donne à l’objet cette qualité qu’auparavant il n’avait pas ou que peut-être même il n’a pas.

Grâce à ce choix entre le nominatif et l’accusatif, l’idée est rendue, en Esperanto, sans périphrase et avec une justesse absolue.



MOTS SIMPLES

Les mots du tableau qui suit, alors même qu’ils répondent à des adjectifs, à des pronoms ou à des adverbes français, ne sont pas considérés comme tels en Esperanto. Ce sont des mots simples n’ayant en réalité aucune terminaison grammaticale, comme les prépositions pri, por, etc., ou les conjonctions ke, dum, etc. Leurs finales n’ont d’autre but que de les différencier et de les classer dans une catégorie particulière, pour marquer la qualité, le motif, le temps, etc. Mais ni a, ni o, ni e, par exemple, n’y ont la valeur d’une caractéristique grammaticale en faisant des adjectifs, des substantifs ou des adverbes. D’ailleurs remarquez que ces finales restent toujours soudées aux racines i, ki, ti, ĉi, neni et que le dictionnaire esperanto ne les leur enlève jamais.

Tableau des mots simples.
QUALITÉ Ia
quelque, quelconque
Kia
quel
Tia
tel
Ĉia
chaque
Nenia
nul, aucun
MOTIF Ial
pour une raison quelconque
Kial
pourquoi
Tial
pour cela
Ĉial
pour toutes les raisons
Nenial
pour aucune raison
TEMPS Iam
un jour, une fois quelconque
Kiam
quand
Tiam
alors
Ĉiam
toujours
Neniam
jamais
LIEU Ie
quelque part
Kie
Tie
là, y
Ĉie
partout
Nenie
nulle part
MANIÈRE Iel
d'une manière quelconque
Kiel
comment
Tiel
ainsi, comme cela
Ĉiel
de toute manière
Neniel
nullement
PROPRIÉTAIRE Ies
à quelqu'un
Kies
à qui, de qui
Ties
à un tel
Ĉies
à chacun
Nenies
à personne
CHOSE Io
quelque chose
Kio
quoi
Tio
cela
Ĉio
tout
Nenio
rien
QUANTITÉ Iom
quelque peu
Kiom
combien
Tiom
autant, tant
Ĉiom
le tout
Neniom
rien du tout
INDIVIDUALITÉ Iu
quelqu'un
Kiu
qui, lequel
Tiu
celui-là
Ĉiu
chacun, tous
Neniu
personne

Pour vous assimiler les mots de ce tableau, apprenez-les plutôt dans leur disposition verticale, en observant que le dernier de chaque colonne verticale est le négatif du premier (ia quelque — nenia nul ; ie quelque part — nenie nulle part, etc.). La négation ordinaire ne reçoit ici un n euphonique et devient nen. Par suite de cette observation, vous n’avez en réalité que quatre mots à apprendre dans chaque colonne verticale.

Remarquez que la finale al implique une idée de motif ; — la finale am, une idée de temps ; — la finale e, une idée de lieu ; — la finale el, une idée de manière ; — la finale es, une idée de propriété ; — la finale o, une idée de chose ; — la finale om, une idée de quantité, comme nous l’indiquons au-dessus de leur colonne respective.

Pour bien saisir la différence qui existe entre les mots de la première colonne (ia, kia, tia, ĉia, nenia) et ceux de la dernière (iu, kiu, tiu, ĉiu, neniu) lisez les pages 17, 18 et 19. Les mots de la 1re et de la dernière colonne jouant le rôle de pronoms-adjectifs sont régis par les principes exposés à la page 17. — Les mots io, kio, tio, ĉio, nenio sont régis par le principe posé à la page 19. Les mots ie lie, lie, ĉie, nenie, marquant le lieu, prennent naturellement l’n accusatif, s’ils désignent le point vers lequel on se dirige. — Les autres mots du tableau n’ajoutent jamais rien à leur consonne finale et s’emploient toujours tels qu’ils sont, pour rendre les idées qu’ils expriment ici.

Si vous préférez apprendre les mots du tableau dans le sens horizontal, observez que les neuf mots de la première ligne donnent toute la clef du tableau.

Précédés de k, ils deviennent interrogatifs ou relatifs (seconde ligne).

Précédés de t, ils deviennent démonstratifs (pour telle raison, pour cela ; — en tel temps, alors ; — en tel lieu, là, y ; — de telle manière, ainsi, comme cela, etc. ; troisième ligne).

Précédés de ĉ, ils deviennent distributifs généraux (pour chaque raison, pour toutes les raisons ; — en chaque temps, toujours ; — en chaque lieu, partout, etc. ; quatrième ligne).

Précédés de nen, ils deviennent négatifs (en aucun temps, jamais ; — en aucun lieu, nulle part ; — aucune chose, rien, etc. ; cinquième ligne).


Enfin, si vous préférez vous assimiler peu à peu ces mots d’après leur importance, vous pourrez profiter du classement suivant :

1 tiu, 2 kiu ; 3 tio, 4 kio ; 5 tiel, 6 kiel ; 7 tiom, 8 kiom ; 9 tiam, 10 kiam ; 14 tie, 12 kie ; 13 tia, 14 kia ; 15 tial, 16 kial ; 17 kies ; — 18 ĉiu ; 19 ĉia ; 20 ĉio ; 21 ĉie ; 22 ĉiam ; — 23 iu, 24 neniu ; 25 ia, 26 nenia ; 27 io, 28 nenio ; 29 iom ; 30 iam, 31 neniam ; 32 ie, 33 nenie ; 34 iel, 35 neniel ; 36 ies, 37 nenies ; 38 ial, 39 nenial ; — 40 ĉiel ; 41 ĉies ; 42 neniom ; 43 ĉial 44 ties ; 45 ĉiom.



PRONONCIATION DE L’ESPERANTO





Bien que la prononciation de notre langue soit indiquée avec détail dans les manuels, quelques adhérents éprouvent parfois de l’incertitude sur telle ou telle lettre. Nous croyons donc utile de rappeler et de développer, sous une forme nouvelle, les principes invariables qui régissent la prononciation de chaque lettre Esperanto.

Consonnes.

1o D’abord b, d, f, i, l, m, n, p, r, s, t, v, z, se prononcent absolument comme en français. Seulement t sonne toujours comme dans thé, quelles que soient les voyelles qui le précèdent ou le suivent, et s siffle toujours, à quelque place qu’il se trouve dans le mot. Ex. : roso se prononce rôçô (rosée) ; resoni se prononce réçoni ; estas se prononce éss-tass, en faisant siffler l’s de la fin, aussi bien que celui de es. Gardez-vous donc bien de dire soit étace, soit éceta ; prononcez nettement éss-tâss. Vous ferez donc, partout et toujours, siffler l’s initial, médial ou final. En d’autres termes, vous le prononcerez toujours comme l’s de sot et jamais comme celui de rose.

Cette prononciation est déterminée par le principe invariable qui veut que toute lettre sonne, en Esperanto, et soit prononcée, où qu’elle se trouve, de la manière indiquée dans l’alphabet de nos manuels.

2o Par conséquent les mots foiro, trouzi, krei, balai, soifo se prononcent : fô-i-rô, trô-ou-zi, kré-i, bâ-lâ-i, sô-i-fô, chacune des lettres qui les composent devant garder le son qui lui est attribué dans l’alphabet.

3o De même dans tiu, mia, ie, iam, kiu, kie, ĉielo, mieno, et tous autres semblables, l’i ne se glisse pas comme dans nos mots français pied, liard, ciel, mien et autres. Il se prononce nettement et distinctement avec le son qui lui est propre. On doit l’entendre aussi clairement que s’il n’y avait aucune voyelle auprès de lui. Dites donc : ti-ou, mi-â, i-é, i-âme, ki-ou, ki-él, ĉi-é-lô, mi-é-nô. Si nous faisions glisser le son de l’i esperanto comme dans les mots français ci-dessus, nous le dépouillerions de sa valeur de voyelle et lui substituerions celle de la consonne j esperanto, dont nous parlerons tout à l’heure.

4o Toute lettre gardant partout le son qui lui est attribué dans l’alphabet, l’Esperanto n’a naturellement pas de nasale ; l’m ou l’n sonnent toujours, quelle que soit la voyelle dont ils se trouvent précédés. Ainsi am, an ; em, en ; im, in ; om, on ; um, un, devront toujours se prononcer : âme, âne ; éme, éne ; ime, ine ; ôme, ône ; oume, oune. Exemple : Amboso, angulo ; embaraso, entuziasmo ; impresi, infekti ; ombro, onklo ; umbiliko, ungo, doivent se prononcer âme-bôçô, âne-goulô ; éme-bârâçô, éne-tou-ziâss-mô ; ime-préci, ine-fékti ; ôme-brô, ône-klô ; oume-bilikô, oune-gô.

5o Gn, en conséquence du même principe, ne sonnent jamais comme dans le mot règne ; le g et l’n se séparent et font entendre chacun distinctement leur son. Regno, indigni, insigno doivent donc se prononcer : régue-nô, ine-digue-ni, ine-sigue-nô. (Voyez plus bas pour le g.)

6o Ph ne sonnent pas ensemble non plus et n’ont jamais la valeur de ph français dans philosophe. Chacune des deux lettres garde sa prononciation alphabétique. Exemple : lipharoj égale donc lip-haroj. (Voyez plus bas pour l’h et le j.)

Les remarques ci-dessus ne sont, au fond, que l’application constante de ce principe invariable en Esperanto : chaque lettre d’un mot se prononce et garde toujours le son qui lui est attribué dans l’alphabet.

Fixons maintenant la prononciation des consonnes esperanto qui différent, pour le son ou la forme, des lettres de l’alphabet français :

7o C a exactement la valeur de ts dans tsar, partout et toujours, quelle que soit la voyelle qui le suive. Exemple : cedi, certa, ciro, donaco, eco, diferenca, dancu qui se prononcent tsédi, tsértâ, tsirô, dônâ-tso, é-tso, diféréne-tsâ, dâne-tsou.

8o G se prononce partout et toujours avec le son de notre g dur français dans gant, quelle que soit la voyelle qui suive. Exemple : gado, ganto, gelateno, girafo, golfo, gudro, qui se prononcent gâdô, gâne-tô, gué-lâ-ténô, guirâfô, gôlfô, goudrô.

9o H répond exactement à l’h aspiré anglais ou allemand. Cette lettre n’est pas nulle du tout comme son, puisqu’elle frappe d’une aspiration légère la voyelle qui suit (pour être dans le vrai, mous devrions dire expiration, mais nous suivons l’habitude prise). Chassez donc le souffle légèrement en prononçant la voyelle qui suit cet h, comme font, mais très fortement, les gens qui fendent ou abattent du bois, en accompagnant chaque coup de cognée d’un hein très spécial. Ainsi donc, dans homo, honoro, humila, lipharo (lip-haro) par exemple, l’h n’est pas muet du tout, mais il doit être rendu comme nous venons de dire.

10o J ne répond pas au j français mais à l’y dans yeux, où au son final produit par les ll mouillés dans les mots paille, oseille, fouille. Exemple : Ja, jes, jam, jaro, jugo, justa, juna, buljono, boji, tajloro, qui se prononcent yâ, yéce, yâme, yârô, yougô, youstâ, younâ, boule-yônô, bô-yi, taille-lôrô. Dans les finales, comme dans les syllabes médiales, aj, ej, oj, uj, également toujours, par conséquent, â-ye, é-ye, ô-ye, ou-ye ; en d’autres termes, ces combinaisons font entendre le son de diphtongue perçu dans les syllabes soulignées des mots paille, oseille, Beldieu, fouille, à cette différence près que c’est le son de é fermé qu’on doit entendre dans ej, et le son de ô (hôte) qu’on doit entendre dans oj. Exemple : bonaj, plej, homoj, tuj, qui se prononcent bônâ-ye plé-ye, hômô-ye, tou-ye.

Le lecteur doit comprendre maintenant très clairement ce que nous avons dit à la remarque 3° sur la différence qu’il y a entre i voyelle et j consonne. Ainsi les mots ia, iam comptent pour deux syllabes, l’i constituant à lui seul une syllabe en sa qualité de voyelle. Tandis que ja et jam ne forment qu’une syllabe. De même buljono (boulyônô) ne compte que trois syllabes ; mais il en compterait quatre s’il était orthographié avec un i (buliono), car alors on prononcerait bou-li-ô-no.

11° Ĉ se prononce partout et toujours comme tch dans tchèque. Exemple : ĉar, ĉiu, maĉado, kaĉo, eĉ, ĉu qui sonnent tchâr, tchi-ou, mâte-châdô, kâ-tchô, ét-che, tchou. Cette lettre égale le ch anglais dans chair, le c italien dans cielo, le ch espagnol dans acheta.

12° Ĝ égale partout et toujours dj dans adjudant. Exemple : ĝardeno, ĝemi, aĝo, ĝoji, ĝui, ĝi, ĝis, qui se prononcent djârdénô, djémi, âdjô, djô-yi, djou-i, dji, djice. Cette lettre a la valeur du g italien dans giardino, du g anglais dans gem.

13° Ĵ égale partout et toujours le j français. Exemple : ĵurnalo, ĵuri, ĵeti, ĵus, ĵongli, infanaĵo, qui se prononcent journâlô, jouri, jéti, jouce, jônegli, ine-fânâjô. 14° Ŝ égale partout et toujours le son de ch dans chat. Exemple : ŝati, ŝelo, ŝovi, ŝuo, ŝtalo, ŝteli, ŝpini, ŝpruci, qui se prononcent châti, chélô, chôvi, chou-ô, che-tâlô, che-téli, che-pini, cheprou-tsi, mais en observant de ne pas faire entendre l’e muet de la figuration che dans les trois derniers mots figurés. Cette lettre ŝ répond au sh anglais dans shoe, au sch allemand dans schuh, au sc italien dans scia.

15° Ĥ lettre rare en Esperanto et qui égale une très forte aspiration ou plutôt expiration. On peut lui donner la valeur du ch allemand dans noch, ou de la j espagnole. L’important est de prononcer la voyelle qui suit avec une expiration beaucoup plus forte que pour h dont nous avons parlé à la remarque 9°. L’Esperanto est ainsi fait que, grâce à cette observation, aucune confusion n’est possible.

Remarque sur la combinaison SC. — Notons d’abord qu’elle est très rare, puisque le seul mot qui la présente d’une manière vraiment fréquente, c’est le verbe scii savoir.

Comment prononcer ces deux lettres ? Comme sc de science, en français ? Bien sûrement non, car alors nous violerions le principe immuable de la prononciation esperanto, qui veut que chaque lettre garde toujours, où qu’elle se trouve, le son qui lui est attribué dans l’alphabet même de la langue. Mais, direz-vous, faire entendre successivement le son de l’s, puis celui du c, tels qu’on les prononce en Esperanto, n’est pas facile. C’est une erreur. Dans tous les cas, nous allons vous donner le moyen de les faire entendre toutes deux bien comme il faut, et sans peine.

Observez que, le plus souvent, le verbe scii sera précédé d’un mot finissant par une voyelle. Exemples : mi scias, ni scios, li sciis, ŝi sciu, etc. Eh bien ! pour prononcer l’s, prenez votre point d’appui sur la voyelle i qui le précède. Dites d’abord mis, en faisant sonner l’s, puis prononcez cias, en faisant bien sonner le c, avec la valeur esperanto qui lui est propre. Ensuite réunissez bien, dans une prononciation plus rapide, ces deux syllabes mis et ci ; ce sera parfait.

Avez-vous à dire la scienco ? Faites de même ; prenez pour l’s du mot scienco votre point d’appui sur l’a du mot la, puis réunissez dans une prononciation rapide cette syllabe las à la syllabe ci ; la difficulté sera pleinement résolue. Est-ce le mot konscienco qu’il vous faut émettre ? Appuyez l’s sur l’n qui le précède et dites kons (cônce), puis prononcez de suite ci, en donnant bien toujours au c le son ts de tsar, et ce sera parfait. Vous voyez que la difficulté est plus apparente que réelle.

Une fois l’habitude prise, vous arriverez même à prononcer sans peine cette combinaison sc au commencement d’une phrase, sans point d’appui sur une lettre précédente. Dites maintenant : sciu, scienco, et vous verrez que nous avons raison.

Si ces deux sons sifflants ne se suivent pas en français, on les rencontre fréquemment côte à côte dans d’autres langues.

Voyelles.

16° A égale sa correspondante française. Donnez-lui partout et toujours, comme plus plein, plus perceptible et plus général, le son de â dans âme. Évitez celui de a dans ma.

17° E égale l’é fermé français. Laissez-lui ce son dans toutes les syllabes où il figure. Dites carrément yéce (jes) comme vous dites pour je de l’Esperanto. Dites éme-bârâço, ti-éle, yé-ne, téne-tô et non pas ème-bârâçô, ti-èle, yène, tène-tô, pour les mots embaraso, tiel, jen, tento et pour tous ceux où vous trouverez la voyelle e.

18° I a déjà été traité dès le début. Il ne donne lieu à aucune remarque spéciale, puisqu’il est impossible de lui donner deux nuances de son.

Observons seulement qu’il constitue toujours une syllabe, ce qui n’est pas le cas pour j consonne que nous avons vu plus haut.

19 O égale l’ô du français partout et toujours. Évitez de lui donner jamais le son de notre o dans hotte. C’est celui de o dans hôte qu’il doit prendre partout, et, par conséquent, tout aussi bien dans le pluriel des noms que dans leur singulier. Ainsi mondo, kronon, econ, ombro, korpo, koro, korespondo, mondoj, kronoj, ecoj, ombroj, korpoj, korojn, korespondojn doivent se prononcer mône-dô, krô-nône, étsône, ôme-brô, kôrpô, kôrô, kôréce-pône-dô, mône-dô-ye, krônô-ye, é-tsô-ye, ôme-brô-ye, kôr-pô-ye. Pour obtenir le son parfait de la syllabe finale ojn qui figure dans les deux mots korojn, korespondojn, il n’y a qu’à ajouter le son de l’n à la prononciation dipthonguée de oj qui précède.

Les accusatifs pluriels ojn, ajn de l’Esperanto se prononcent comme oin, ain des duels grecs, dans nos collèges français. Seulement a doit y sonner comme â ; o doit y sonner comme ô. Pour bien faire saisir ce son, nous supposerons, ce qui d’ailleurs arrive à chaque instant, les finales ojn, ajn et ujn suivies d’un mot commençant par une voyelle. Exemples : miajn al vi, amikojn altiri, tiujn alvoki, prononcés en liant, comme on le doit, l’n final à la voyelle qui suit, donnent : mi-â-ye-nâlvi ; âmi-kô-ye-nâl-tiri ; ti-ou-ye-nâlvôki. Prononcez ainsi, en liant l’n final à la voyelle suivante, vous acquerrez immédiatement l’articulation parfaite des finales ojn, ajn, ujn. Prononcez ensuite isolément les mêmes mots miajn, amikojn, tiujn en faisant sonner l’n qui les termine, et vous constaterez que leur émission parfaite n’offre aucune difficulté.

20° U égale partout et toujours le son ou. Ainsi ungo, plumbo, pumpo, plu, etc., se prononcent ounegô, ploume-bô, poume-pô, plou.

Quant à la durée du son pour chacune de ces cinq voyelles, restez dans un juste milieu. Prononcez-les toutes avec une durée égale et moyenne.

21° Ŭ, voyelle très brève dont le son égale ou et qui ne se rencontre que dans les combinaisons aŭ, eŭ. Le mot français Raoul nous donne une juste idée de la prononciation qui lui est attribuée. Nous prononçons ce mot en réunissant les sons a et ou en une seule émission de voix ; nous ne prononçons pas Ra-oul, mais Raoul. Faites de même pour les deux combinaisons ci-dessus et ce sera parfait. Ainsi, aŭdi, raŭka, ambaŭ, hodiaŭ, Eŭropo, leŭtenanto, se prononcent âou-di, râou-kâ, âme-bâou, hôdi-âou, Eourôpô, léouté-nâne-tô. Naturellement, aŭ, eŭ ne comptent chacun que pour une syllabe, puisqu’ils forment diphtongue et sont prononcés en une seule émission de voix.

Voulant épargner à tous l’ombre même d’une hésitation, nous avons préféré en dire trop que pas assez. Mais, en réalité, tout ce qui précède n’est qu’un commentaire très détaillé des principes de prononciation donnés succinctement dans notre ouvrage Grammaire et Exercices de la langue internationale Esperanto.

Au fond, rien de plus simple ni de plus fixe que la prononciation de l’Esperanto. Elle repose en réalité sur cette règle unique : donner toujours à chaque lettre exactement la valeur qui lui est attribuée dans l’alphabet. C’est d’ailleurs ce que nous avons déjà dit. Si la prononciation de nos langues était régie par la même loi, elle ne nous imposerait pas autant d’efforts et une étude aussi longue.

L’accent tonique.

Reste l’accent tonique, source de grosses difficultés dans la plupart des langues. L’Esperanto résout encore cette question d’une manière extrêmement simple :

Invariablement, l’accent tonique repose, en Esperanto, sur l’avant-dernière syllabe du mot. Exemples : mia, tiu, Dio, kie, tiel, io, iam, patro, fenestro, parolo, vaporŝipo, etc., mots dans lesquels l’accent tonique se trouve sur la syllabe en caractères gras.

Par une conséquence naturelle du principe posé ci-dessus, à la remarque 21°, les mots hodiaŭ, ambaŭ, antaŭe, di, morgaŭ, ont l’accent tonique sur la syllabe en caractères gras, qui est bien la pénultième. Prononcer hodiaŭ, ambaŭ, antaŭe, aŭdi, morgaŭ, serait violer du même coup la règle absolument invariable de l’accent tonique, et faire de un mot de deux syllabes et non pas une diphtongue, contrairement à ce qui a été dit à la remarque 21°.

Tout en faisant bien sentir l’accent tonique, il faut prononcer d’une façon très nette, très perceptible la syllabe finale des mots. En d’autres termes, il faut soigneusement se garder de manger cette finale.

La recommandation a d’autant plus d’importance, en Esperanto, que la finale y est révélatrice de l’espèce, du rôle, du nombre, du mode et du temps. Par conséquent, si elle est pour ainsi dire avalée, si elle devient indistincte ou confuse, il peut en résulter une incertitude nuisible à l’intelligibilité. C’est assurément à la prononciation de l’italien que ressemble le plus celle de l’Esperanto, tant au point de vue de l’accent tonique que du son éclatant des voyelles. Mais, observons-le bien, nous parlons ici du bon italien, de l’italien de Rome, et non du Piémontais, par exemple, où les finales disparaissent le plus souvent dans un avalement général.

En résumé, l’accent tonique doit être bien senti, mais les finales, quelles qu’elles soient, ne doivent pas moins être clairement perçues, et chacune avec le son spécial de sa voyelle.

Remarquons-le bien, en conseillant de donner toujours à l’a le son de â, à l’e le son de é, à l’o le son de ô, nous ne prétendons pas qu’il y aurait un gros inconvénient à procéder autrement, c’est-à-dire à passer pour chacune de ces voyelles à la nuance que a reçoit dans ma, à celle que e reçoit dans dès et à celle que o reçoit dans dot. En effet, l’Esperanto est ainsi constitué qu’il n’en résulterait aucune méprise et qu’on vous comprendrait fort bien, à l’inverse de ce qui se passe dans nos langues, quand nous n’attribuons pas exactement à chacune de ces voyelles la nuance de son qu’elle doit recevoir.

Mais pourquoi irions-nous leur donner deux nuances différentes, selon le caprice ou l’occasion ? Puisqu’il est plus facile de nous en tenir à une seule, prenons celle qui est le plus communément répandue dans les langues, celle qui est plus naturelle et qui, dans l’ensemble, donne à la prononciation de l’Esperanio plus de clarté, de sonorité et d’harmonie.

Prononçons donc toujours a comme â, e comme é, o comme ô, au commencement, au milieu et à la fin des mots, monosyllabes ou polysyllabes[32].

L’accent tonique prête à une remarque analogue. Dans nos langues, si on l’omet ou si on le déplace, bien souvent on cesse d’être compris et l’on peut faire passer le mot d’un sens à un autre très différent, parfois même opposé. Rien de semblable ne se produit en Esperanto, et l’accent tonique omis ou déplacé n’y cause aucune méprise. Mais, franchement, il est si facile à faire avec la place immuable qu’il occupe sur l’avant-dernière syllabe du mot, qu’il faudrait mettre de la mauvaise volonté pour le déplacer ou le manquer. D’autre part, le négliger priverait assurément l’Esperanto d’une grande partie de son charme et de son harmonie.

CONSTRUCTION DE LA PHRASE
EN ESPERANTO

Ce que nous allons dire n’est que le développement des conseils donnés aux pages 112, 113 et 114. Il faut y voir une direction très utile, mais non des règles rigoureuses dont il n’est jamais permis de s’écarter. Point n’est besoin d’ajouter que ces conseils ne concernent que la prose.

Pour obtenir plus d’ordre et de clarté, nous envisagerons d’abord les mots dans leurs fonctions, puis dans leur nature, et nous déterminerons leur place dans la phrase à ce double point de vue.

Ordre d’après la fonction.

Place du sujet. — On le met ordinairement avant le verbe.

Ex. : Mia patro venos hodiaŭ. — Li respondis al mi. — Tio ĉi estas tro kara.

Il est à remarquer que l’Esperanto, en donnant cette place au sujet, du moins ordinairement, se conforme à l’habitude générale des langues flexionnelles. Celles-lä même qui jouissent de la plus grande liberté pour l’ordre des mots mettent le plus souvent le sujet avant le verbe.

Évitez donc, sous prétexte de faire un arrangement plus agréable à l’oreille, de construire des phrases dans le goût suivant : Venos hodiaŭ mia patro. — Al mi respondis li. — Estas tio ĉi tro kara. Elles offrent quelque chose d’antinaturel. L’esprit ne s’explique pas pourquoi on le laisse dans le doute ou mieux dans l’ignorance, pendant un temps plus ou moins long, sur l’être ou l’objet qui joue le principal rôle dans la phrase, le sujet. Il se l’explique d’autant moins que rien ne justifie ici l’importance donnée aux mots venos, al mi, estas, qui commencent la phrase, comme si l’esprit était particulièrement frappé de l’idée qu’ils expriment. On verra plus loin la raison pour laquelle nous faisons cette dernière remarque.

Place de l’attribut. — Sa place ordinaire est après le verbe. Ex. : Li estos kontenta, se li atingos lian rezultaton. — Vi fariĝos malsana, se vi ne estos pli prudenta. — Li mortis turmentata de tiu ĉi penso, ke

Après le mot kiel, il est plus naturel et par conséquent préférable de mettre l’attribut avant le verbe de la manière suivante. Ex. : Kiel bona vi estas ! Cette construction, qui peut étonner des Français, est à coup sûr plus juste et meilleure que l’arrangement : Kiel vi estas bona !

Nous aurons plus loin l’occasion de faire une remarque analogue à propos de l’adverbe.

Place des compléments directs.Le pronom complément direct précède ou suit le verbe à volonté. Ex. : Mi lin vidismi vidis lin.

Le nom le suit le plus souvent dans le langage de la vie quotidienne.

Ex. : Mi renkontis sinjoron N. en mia promenado.

Pourtant, même dans le langage usuel, nous ne devons pas oublier que l’Esperanto jouit d’une liberté de construction plus grande que beaucoup de nos langues. N’hésitons donc pas à mettre le nom, qui est complément direct, avant le verbe et le sujet, si notre esprit en est particulièrement occupé, ou si nous voulons attirer l’attention sur ce complément d’une manière spéciale.

Ex. : Vian afablan leteron mi tre bone ricevis. — Gloron, riĉecon, honoron, ĉion li havis. — Tiajn kuraĝajn amikojn ni bezonas por la triumfo de nia ideo.

Place des compléments indirects. — On les met ordinairement après le verbe et ils suivent le complément direct, quand celui-ci a lui-même été mis après le verbe.

Ex : Mi respondis al vi. — Ŝi estas amata de ĉiuj. — Pensu pri tio ĉi. — Vi alkondukos lin al mi. — Petro donis inkujon al sia patro. — Li estas tre estimata de sia mastro. — Tion ĉi mi donas al vi por via filineto.

Remarque. — Quand le complément direct qui suit le verbe est un accusatif pluriel, on obtient une émission plus agréable et plus coulante, en liant avec l’n de cet accusatif la préposition al du complément indirect.

Ex. : La libroj, kiujn al mi vi donis, estas vere tre interesaj. (Voir ce que nous disons aux pages 114 et 115.)

Dans ce cas, le complément indirect se trouve transposé de sa place ordinaire, puisqu’il doit naturellement suivre sa préposition.

Si notre esprit en est particulièrement occupé, ou si nous voulons attirer d’une manière spéciale l’attention sur le complément indirect, nous avons toujours le droit de le changer de place. Il faut seulement bien veiller à ce que ce changement ne donne pas à la phrase une clarté moins grande ou une physionomie trop recherchée. Mais nous dirons très bien : Al mi, via patro, vi maltimas respondi tion ĉi!

À plus juste titre pouvons-nous changer la place ordinaire du complément indirect, quand il en résulte plus de liaison et de clarté dans l’expression de la pensée. Sur ce point, la phrase suivante de notre maître à tous, le docteur Zamenhof, nous offre un excellent modèle à imiter : El la dirita regulo sekvas, ke se ni pri ia verbo ne scias ĉu ĝi postulas post si, etc. Grâce au complément indirect el la dirita regulo, l’idée présentée se trouve reliée logiquement à la règle même dont on vient de parler. D’autre part, rien, après le mot sekvas, ne détourne l’esprit de l’idée suivante : ke se ni pri ia verbo ne scias. Les deux parties de la phrase sont donc plus intimement unies, sans rien perdre en clarté. Enfin la place donnée au complément indirect pri ia verbo a permis de mettre ce que nous ignorons immédiatement après le mot lui-même qui parle de notre ignorance. Là encore l’esprit n’a pas été arrêté pendant un certain temps entre la chose ignorée et l’idée même de l’ignorance. La pensée y a gagné plus de liaison logique, et les idées sont restées aussi claires que si el la dirita regulo avait été placé après sekvas et pri ia verbo après ne scias.

Place des compléments circonstantiels. — Ces compléments marquent le lieu, le temps, la manière, l’instrument, la cause, etc., de l’action, tandis que le complément indirect indique seulement à qui ou à quoi va l’action, de qui ou de quoi elle vient.

Les compléments de temps ou de lieu peuvent très bien commencer la phrase : Ex. : En la printempo la glacio kaj la neĝo fluidiĝas. — Post infekta malsano oni ofte bruligas la vestojn de la malsanulo. — En varmega tago mi amas promeni en arbaro. — Sur krutan ŝtuparon li levis sin al la tegmento de la domo. — En la ĉambro sidis nur kelke da homoj.

Pour les exemples qui précèdent, nous pouvons remarquer que, dans chaque phrase, la clarté et le sens resteraient absolument les mêmes, si le complément de lieu ou de temps se trouvait à la fin et si nous disions : La glacio kaj la neĝo fluidiĝas en la printempo. — Oni ofte bruligas la vestojn de la malsanulo post infekta malsano. — Mi amas promeni en arbaro en varmega vetero. — Li levis sin al la tegmento de la domo sur krutan ŝtuparon. — Sidis nur kelke da homoj en la ĉambro.

Mais quiconque a l’oreille délicate trouvera certainement une grande différence entre les premières et les dernières. Aussi préférera-t-il imiter celles-là, surtout dans le style soigné,

En dehors des cas analogues à ceux que nous venons de voir, les compléments de temps ou de lieu suivent le verbe auquel ils se rapportent. Ex. : Apenaŭ ŝi venis al la fonto, ŝi vidis sinjorinon, kiu eliris el la arbaro. — La soldatoj kondukis la arestitojn tra la stratoj de l’urbo. — Li staras supre sur la monto kaj rigardas malsupren sur la kampon. — Li venos dum la monato proksima.

Tous les autres compléments circonstantiels suivent également le verbe auquel ils se rapportent, à moins que, pour leur donner plus de relief, on ne les mette en tête de la phrase. Nous allons le constater dans les exemples suivants : Mia onklo ne mortis per natura morto. — Mi eksaltis de surprizo. — Se vi legos la libron po dek kvin paĝoj ĉiutage, vi… — Li eniris kun longa bastono. — Kiu okupas sin je fiziko, estas fizikisto. — Kun sia malsana mieno kaj sia voĉo tremanta de timo la infaneto ŝajnis al ni tiel kompatinda ke

Place du complément d’un nom, d’un adjectif ou d’un participe-adjectif. — Le complément d’un nom, d’un adjectif ou d’un participe-adjectif les suit toujours, Ex. : La amo al ou por Dio. — La amo de Dio. — La honto pri ou pro lia faro. — Ĝoja de la venko, li… — Timigita de tiu apero, mi forkuris.

Place de l’infinitif. — L’infinitif est en réalité un nom verbal. Aussi joue-t-il le même rôle que le nom : il est sujet, attribut ou complément. Quand l’infinitif est sujet, il suit naturellement la règle du sujet, c’est-à-dire qu’il précède ordinairement le verbe.

Ex. Voli, ke mi venu en tia vetero, estas vere pretendo tro forta. — Mi neas absolute, ke agiti tiun ĉi demandon estus malsaĝe.

Cependant il peut suivre le verbe si, à cause de l’importance qu’on leur donne, d’autres mots ont commencé la phrase.

Ex. : Honte estas mensogi. — Noble kaj glore estas morti en tiaj kondiĉoj.

Quand l’infinitif est attribut, il suit la règle de l’attribut, c’est-à-dire qu’il vient après le verbe.

Ex. : Tiel agi estus kondami vian patron.

Quand l’infinitif est complément, il suit toujours le mot dont il est complément.

Ex. : Mi volus promeni kun vi. — Oni devas manĝi por vivi, sed ne vivi por manĝi. — Li daŭrigas pretendi, ke vi... — Li devigis min kuri. — Iru kuŝiĝi. — La deziro morti. — Mi estas tre feliĉa vidi vin, sinjoro, — La inklino kontraŭdiri. — Tedita vojaĝi.

Ordre d’après la nature.

Place du nom. — Elle est assignée par le rôle qu’il joue. Selon qu’il est sujet, attribut, complément direct, indirect ou circonstantiel, on lui donne la place attribuée aux mots remplissant cet office. Nous l’avons fixée ci-dessus avec assez de détails pour n’avoir plus besoin d’y revenir.

Place de l’adjectif. — Ce mot renferme une double catégorie : les démonstratifs, les qualificatifs.

Les adjectifs démonstratifs précèdent toujours le mot qu’ils déterminent.

Ex. : Unu franko ne sufiĉas por pagi tiun ŝuldon, — Ĉiu homo povas erari. — Tian ofendon vi ne povas toleri.

Seuls les adjectifs possessifs peuvent suivre le mot qu’ils déterminent, quand on veut donner au substantif une note caressante, Ainsi une mère parlant de son fils dira mia filo, mais pour lui parler elle dira plutôt filo mia.

Les adjectifs qualificatifs précèdent ou suivent à volonté le mot qu’ils déterminent, Logique et souple, l’Esperanto ne peut imiter le principe rigide et illogique de certaines langues qui placent l’adjectif qualificatif toujours avant son substantif. Aucune raison de bon sens ne défend cette habitude, car il n’est pas plus naturel de parler de la qualité d’un être ou d’une chose avant de les nommer qu’après l’avoir fait. Dans bien des cas même toutes sortes de raisons exigeraient qu’on les nommât d’abord. Nous avons donc le droit en Esperanto de mettre l’adjectif qualificatif avant ou après son substantif, selon le plus ou moins d’importance et d’euphonie.

Ex. : La malriĉa homo meritas subtenon, ou la homo malriĉa. — Ĝentila knabeto estas servema por la maljunuloj, ou knabeto ĝentila. — Tre grandan servon vi faris al mi. — Mi vidas blankan muron tre altan kaj kovritan de musko sur ĝia supro.

Quand on veut attirer l’attention sur l’idée rendue par l’adjectif, on le met en tête du membre de phrase auquel il appartient.

Ex. : Bela, spirita, kaj aminda li plaĉis al ĉiuj. — Feliĉa vi estas, ke vi povis eviti tiun danĝeron.— Nobla sed malofta faro. — Kadukaj estaĵoj ni ne havas certecon pri unu tago de ekzisto.

Remarque. — Quand l’adjectif qualificatif cesse d’être épithète et devient attribut, sa place est fixée par son rôle. (Voir page 136.)

Place du pronom. — Qu’il soit personnel ou autre, la place du pronom est fixée par le rôle qu’il joue. Il faut donc examiner s’il est sujet, complément direct ou indirect, et lui donner la place que nous avons attribuée à ces mots.

Place du verbe. — Il se met le plus souvent après le sujet, et cette place est toujours bonne. Mais ceci ne signifie pas qu’il doit suivre immédiatement le sujet. Il peut en être séparé notamment par les qualificatifs et les compléments de ce mot et aussi par l’adverbe, comme nous le verrons ci-après.

Ex. : La lingvo internacia Esperanto, kreita de doktoro Zamenhof, estas jam uzata en la tuta mondo civilizita.

Dans une phrase incise, on peut, si on le veut, mettre le verbe avant le sujet.

Ex. : Kiam vi revenos, diris li al mi, vi finos tiun ĉi laboron.

Beaucoup de langues agissent ainsi dans les cas semblables. D’ailleurs cela ne peut donner naissance à aucune surprise ni à aucun doute pour l’esprit.

D’une façon générale, on peut encore mettre le verbe avant le sujet, quand on veut attirer tout spécialement l’attention sur l’idée qu’il exprime et lui donner du relief.

Ex. : Jen alvenas la horo de l’sukceso por la lingvo internacia. — Staris antaŭ mi pala, malgrasega, mizera knabeto.

Remarque. — Dans les phrases dépendantes, évitez de reculer le verbe régulièrement et systématiquement à la fin, comme le font les Allemands. Évitez de dire : Se via frato eliri kun mi kaj miaj amikoj ne volas, mi ne atendos pli longe, ĉar la kapricajn homojn mi ne amas. Dites plutôt : Se via frato ne volas eliri kun mi kaj miaj amikoj, mi ne atendos pli longe, ĉar mi ne amas la kapricajn homojn.

N. B. — La place du verbe à l’infinitif a été assignée plus haut, page 140.

Place du participe. — S’il forme un temps composé, soit à la voix active, soit à la voix passive, il suit le verbe être.

Ex. : Kiam vi eniris, mi estis fininta mian laboron. — Li revenos, kiam via patro estos foririnta. — Si estas amata de ĉiuj.

N’ayez jamais l’idée de renverser cet ordre, en prose, et de dire : fininta mi estis, foririnta estos via patro, amata estas de ĉiuj. Vous seriez compris quand même; mais cet arrangement bizarre et peu logique n’est certainement pas conseillable.

Si le participe est seul et joue le rôle d’adjectif qualificatif à l’égard d’un nom ou d’un pronom, il suit ordinairement ce nom ou ce pronom.

Ex. : Mi trovis lin dormantan kaj ronkantan sur la kanapo. — Rigardu tiun infanon kurantan post papilio. Homo suferanta ne aŭskultas facile.

Mais si l’on veut attirer l’attention sur le participe et lui donner plus de relief, on le met en tête du membre de phrase où il figure. Nous avons fait une remarque analogue sur l’adjectif qualificatif.

Ex. : Tedita vojaĝi mi decidis fiksi min en via lando kaj tie loĝadi ĝis mia morto. — Pikitaj kaj ofenditaj de mia riproĉo ili eĉ ne respondis al mi.

Place de l’adverbe.— A l’instar de l’adjectif dont il est, surtout en Esperanto, comme une forme invariable, l’adverbe peut se mettre avant ou après le mot qu’il détermine.

Ex. : Li severe rigardis min, ou li rigardis min severe. — La soldato tre respekte salutis la generalon kaj diris…, ou la soldato salutis tre respekte salutis la generalon.

Mais il faut éviter avec soin que la place donnée à l’adverbe soit cause d’amphibologie. Ainsi, Mi deziras ekstreme riĉigi n’est pas bon, car on ne sait à quel mot s’applique l’adverbe ekstreme. Il faut dire mi ekstreme deziras riĉigi, si c’est le désir qui est extrême, et mi deziras riĉigi ekstreme, si c’est la richesse qu’on souhaite extrême.

L’adverbe fait souvent très bon effet entre le sujet et le verbe, surtout quand le sujet est un pronom.

Ex. : Li delikate prenis la knabeton.

Les adverbes tre, tro, sufiĉe, pli, malpli, plej, iom, multe, malmulte, tiel, kiel, tiom, kiom, se placent logiquement toujours avant le mot qu’ils déterminent,

Ex. : Li tre volus veni. — Vi tro laboras. — Plimalpli frue. — Plej saĝe vi agos, se… — Iom, multe, malmulte instruita. — Tiel malavare kiel afable. — Tiom da vino kiom da akvo.

L’adverbe négatif ne doit toujours précéder le mot auquel il se rapporte ; il en est de même de nek et de nur.

Ex. : Mi ne volas. — Tion ĉi mi ne faros plu. — Li ne sole deziras sed postulas, ke vi venu. — Nur tion ĉi mi povas respondi al vi.

Comme l’adjectif et comme le participe, l’adverbe se place en tête du membre de phrase où il figure, quand on veut donner plus de force à l’idée qu’il exprime.

Ex. : Bele, noble kaj glore estas morti pro la defendo de l’justeco.

Le participe-adverbe commence le membre de phrase où il se trouve ; mais s’il a un complément direct, il peut très bien en être précédé.

Ex. : Starante ekstere, li povis vidi nur… — Ferminte la pordon, li… ou la pordon ferminte, li… — Batate de la mastro li ĵuris… — Elpelite de la domo, la knabino… — Ironte promeni, ŝi

Place de la préposition. — La logique exige qu’elle précède toujours immédiatement le complément.

Ex. : Skribu al li. — Dek sen tri faras sep. — Ili staris antaŭ la pordo kun tri amikoj.

Place de la conjonction. — La conjonction précède toujours le verbe auquel elle se rapporte, mais elle en est séparée par les mots que la logique intercale entre elle et ce dernier.

Ex. : Kiam vi foriros, kunportu tion ĉi kun vi. — Se, post la festo, iu volos viziti min, diru al ĝi, ke mi ne estas hejme.

Place des mots interrogatifs ou exclamatifs. — Tout mot interrogatif ou exclamatif commence le membre de phrase où il figure.

Ex. : Ĉu vi respondos al li ? — Kiun mi vidas tie ? — Kia malfeliĉo ! — Kiel vi povas toleri tion ĉi ?

Celui qui aura attentivement examiné notre étude sur l’ordre des mots en Esperanto ne pourra manquer de conclure avec nous que la langue du Docteur Zamenhof a triomphé d’une façon tout à fait remarquable de la difficulté qu’elle avait à résoudre. Elle rejette la construction allemande et toute autre analogue, parce que cette construction, pour ainsi dire mécanique, gêne et ralentit continuellement la pensée. Elle repousse la construction française, qu’elle trouve à bon droit peu logique et beaucoup trop rigide. Soucieuse de donner à la pensée humaine la plus grande liberté possible d’expression, elle ne va pas cependant jusqu’à imiter sur ce point les erreurs du latin, en sacrifiant la clarté de l’idée à certains effets scéniques ou à des recherches exagérées d’euphonie. Elle se contente d’être, grâce surtout à son accusatif, plus libre et plus souple dans sa marche que l’italien lui-même.


SUPPLÉMENT

Compléments des participes-substantifs. — Ces participes étant, comme l’indique leur finale caractéristique o, de véritables substantifs suivent en tout la règle générale des noms. Par conséquent leurs compléments sont toujours précédés de la préposition voulue par l’idée à rendre et, pas plus que n’importe quel autre complément de nom, ils ne se mettent à l’accusatif sans préposition. On ne peut donc dire la konsilanto mian patron, la tradukinto tiun libron ; il faut absolument la konsilanto de mia patro, la tradukinto de tiu libro.

Note sur POR, ANSTATAŬ, ANTAŬ OL.

Pourquoi les prépositions por, anstataŭ, antaŭ ol, se rencontrent-elles devant l’infinitif présent, en Esperanto, quand, d’après tous les exemples fournis par le docteur Zamenhof, ni sen, ni post, pas plus d’ailleurs qu’aucune autre préposition, ne figurent jamais devant aucun infinitif de cette langue ?

Por, anstataŭ, antaŭ ol précèdent, selon les cas, l’infinitif présent de l’Esperanto, parce que l’idée qu’elles servent à exprimer ne peut être rendue par aucune forme particulière du verbe. Il n’y a en effet, dans la conjugaison esperanto, aucune forme spéciale exprimant à elle seule l’idée de pour faire telle ou telle chose, au lieu de faire telle ou telle chose, avant de faire telle ou telle chose. Force est donc de dire por, anstataŭ, antaŭ ol dormi, manĝi, trinki, etc., pour au lieu de, avant de dormir, manger, boire, etc.

Mais il n’en est pas de même pour sen et post. L’idée qu’exprimerait leur combinaison avec l’infinitif se trouve logiquement rendue par le participe adverbe présent ou passé, actif ou passif. Ex. : Ne timante en ne craignant pas = sans craindre ; ne timinte en n’ayant pas craint = sans avoir craint ; ne amate en n’étant pas aimé = sans être aimé ; ne amite en n’ayant pas été aimé = sans avoir été aimé ; ferminte ayant fermé = après avoir fermé ; salutite ayant été salué = après avoir été salué ; ne salutite n’ayant pas été salué = sans avoir éié salué. Si l’anglais dit after eating et le français après avoir mangé et si d’autres langues agissent de même, c’est parce qu’il leur est impossible d’exprimer l’idée d’une manière plus simple. Ces langues imiteraient certainement l’Esperanto, si leur conjugaison possédait comme la sienne une forme spéciale les dispensant d’employer sen et post devant le participe présent comme en anglais, ou l’infinitif passé comme en français. Si nous les imitions en Esperanto, nous y ferions passer sans aucune raison de vrais idiotismes de nos langues.

INDEX

Accusatif :
Sa caractéristique : 14
Mots qui le reçoivent : 14, : 16,  : 17,  : 23,  : 24,  : 33
L’accusatif de direction : 65
L’accusatif au lieu de je : 70
L’accusatif avec les verbes dont on ignore au juste la nature : 71
L’accusatif à la place d’une préposition : 72
L’accusatif pour marquer le temps que dure une chose : 72
L’accusatif pour marquer le moment où un fait se passe : 72
L’accusatif de clarté : 115

Adjectif :
Sa caractéristique au nominatif singulier : 16
Son pluriel : 16
Quand il est complément direct : 16
Comment il s’accorde avec le nom : 16
Quand il faut le rendre par l’adverbe : 58
Participes-adjectifs : 17
Pronoms-adjectifs (tia, kia, etc., — tiu, kiu, etc) : 17
Différence entre tia et tiu : 17
— — ĉia et ĉiu : 18
— — kia et kiu : 18
Les formes tiela, kiela (à éviter) : 18
Les indéfinis (io, kio, tio, ĉio, nenio) : 19
Les invariables ies, kies, nenies : 19
Comparatif de supériorité : 20
— d’infériorité : 21
— d'égalité : 21
Superlatif de supériorité : 22
— d’infériorité : 22
— absolu : 22
Numéraux cardinaux. Leur invariabilité : 22
— ordinaux. Leur accord : 23
Pour assigner leur ordre aux pages, jours, heures, etc. : 24
Pour questionner sur le numéro d’ordre : 24
Multiplicatifs : 24
Fractionnaires : 24
Collectifs : 25
Distributifs : 25
Réitératifs : 26
Tel que tia kia ou tia ke : 76
Ce qui, ce que : 76
Ce C’ dans c’est, ce sont, etc : 31

Avoir :
Se conjugue sur le modèle général. N’est pas auxiliaire en Esperanto : 50
Il y a, il y avait, etc : 51

Adverbe :
Racines adverbiales de nature : 52
Liste : 52
Leur influence sur le cas : 56
Adverbes dérivés : 57
préposition : 72
Quels cas ils imposent : 73
Participes-adverbes : 59
Adverbes de quantité : 60
Leur complément : 61
L’adverbe au lieu de l’adjectif : 58
En signifiant de là : 61
Y signifiant  : 62
Expressions diverses (en plus, en moins, etc., rien de nouveau, etc. quelque chose de beau, etc., par ici, par là) : 61
Interrogatif ĉu : 53
Comparatif et superlatif : 58

Article :
Défini (le, la, les). Façon de le rendre : 1
Quand on l’emploie : 3
— Devant les noms propres : 7
— Devant les noms de peuple : 8
— Sous-entendu : 8
— Son élision : 9
Indéfini (un, une, des). Ne se rend pas : 1
Partitif (du, de la, des). Façon de le rendre : 2

Compléments :
Direct : 14
D’un verbe dont on ne sait au juste la nature : 71
Marqué par de ou par après un passif : 38
Marquant le point vers lequel on va : 65
Marquant le temps que dure une chose : 72
Marquent le moment où le fait s’accomplit : 72
Des adjectifs haut, long, profond, large, épais, âgé : 71
Infinitif complément d’un nom, d’un adjectif ou d’un participe-adjectif : 96

Conjonctions et locutions conjonctives :
Liste : 74
La conjonction ke ne peut remplacer kiu : 76
Que signifiant si : 87
Locutions diverses avec que : autant que, aussi… que ; — si… que, tant ou tellement… que ; — plus…que ; — moins… que ; — aussitôt que ;que exclamatif : 76

Construction ou ordre des mots :
Place de l'adjectif : 112
Place de l’adverbe : 113
Place du sujet : 113
Place du complément direct : 113
Place des prépositions : 114
Place des conjonctions : 114
Étude complète de la question : 135

Élision :
Dans l'article : 9
Dans les noms : 12

Étre (esti) :
Se conjugue sur le modèle général. Sert comme unique auxiliaire. Remplace logiquement notre verbe avoir dans il y a, il y avait, etc : 36, 50, 51
Quand il remplace se trouver : 49

Être de  : 51

Liaison : 114

Négation :
Est simple en Esperanto et non pas composée de deux mots : 109
Sans est négatif par nature : 110

Nom ou substantif :
Sa caractéristique au singulier : 12
Son pluriel : 13
Sujet ou précédé d’une préposition : 12
Complément direct : 14
Des êtres féminins par nature : 13

Nominatif de clarté : 115

Obligation formelle. Comment on la rend : 102

Prépositions :
Liste : 63
Quel cas elles gouvernent par elles-mêmes : 63
Quand on laisse le nominatif, même s’il y a direction vers le point en question : 66
Choix des prépositions : 67
Je et l’accusatif : 70
Adverbes-prépositions : 72
Quel cas ils gouvernent : 73
Prépositions à, de devant un infinitif : 95
Locutions pour, au lieu de, avant de, précédant l’infinitif présent : 94
Préposition de signifiant que : 97
Préposition sans devant l’infinitif : 98
Prépositions précédant un infinitif complément d’un nom, d’un adjectif ou d’un participe-adjectif : 96
Les expressions à la maison, au foyer domestique, à terre, quand il y a direction vers : 67
Note sur por, anstataŭ, antaŭ ol : 148

Pronoms :
Adjectifs (tia, kia, etc., tiu, kiu, etc.) : 17
Personnels. Peut-on les sous-entendre ? : 27, : 37
Quand ils prennent l’accusatif : 27
Précédés de prépositions : 27
Emploi de vi : 28
— de ĝi : 28
— de si : 29
Relatif-interrogatif kiu (qui, que) : 18, : 76
Ce, C’ dans les expressions c’est, ce sont, etc. : 31
Le, l’ représentant une idée ou signifiant tel. Façon de les rendre : 30
En signifiant de lui, d’elle, d’eux, de cela : 32
Il sujet apparent : 32
Y signifiant à lui, à eux, à elles, à cela : 32
Possessifs :
— Comment ils se forment : 32
— Quand ils prennent l’accusatif : 33
Emploi de sia et de la sia : 33

Prononciation de l’Esperanto : 122

Tableau de mots simples : 118

Temps (compléments de) :
Le temps que dure une chose : 72
Le moment où elle se passe : 72
Il y a tant de temps : 62

Verbe :
Ne change ni pour les personnes ni pour les nombres : 36
Ses douze formes ou caractéristiques : 37
Voix active : 39
Voix passive : 42
— sa composition : 38
— le de ou le par du complément : 38
Ata ou Ita? : 45
Pronominal. Triple façon de le rendre : 47
Réciproque. Double façon de le rendre : 50
Impersonnel ou unipersonnel : 50
D’interrogation : 85
Inchoatif : 108
Esti auxiliaire unique : 50
— se conjugue sur le modèle général : 51

Modes (emplois) :
Indicatif : 81
Conditionnel : 86
Impératif-subjonctif : 88
Infinitif présent : 94
— — passé : 99
L’Infinitif sujet et complément : 94
L’Infinitif complément d’un nom, d’un adjectif où d’un participe-adjectif : 96
L’Infinitif présent et les prépositions : 94
L’Infinitif présent rendu par un participe : 97
L’infinitif présent rendu par le futur indicatif : 98
L’infinitif passé remplacé par un mode personnel : 99
L’Infinitif passé rendu par le participe passé : 100

Participes : 101
— adjectifs : 17
— adverbes : 59

Participes dans la conjugaison : 37, 39, 42, 45
Le participe présent pour l’action. L’adjectif pour la qualité : 101
Le participe futur : 102
Choix entre ata et ita : 45
Compléments des participes-substantifs : 148

Temps:
Présent : 103
— Le présent au lieu du passé ou du futur français : 103
— Le présent au lieu de notre imparfait : 104
Passé : 105
— Passé rapproché : 105
Futur : 106
— Futur rapproché : 107
Temps et formes d’antériorité : 93


  1. Pour l’orthographe des noms propres, voir dans l’Espérantiste, année 1898, numéro d’août-septembre, l’article « des noms propres en Esperanto ».
  2. L’élision de l’o dont il est parlé à la règle 16 ne se pratique que dans les vers et pour les noms propres. On peut cependant dire : sinjor’profesoro, sinjor’doktoro, sinjor’admiralo, etc.
  3. Po n’est jamais suivi de l’accusatif, par la raison très simple que c’est en réalité une préposition et que, d’après la règle 8 de nos Manuels, toutes les prépositions de l’Esperanto veulent par elles-mêmes le nominatif.
  4. L’anglais, l’allemand, et d’autres langues encore prouvent qu’on n’a pas besoin de pronom personnel spécial pour la 3e personne du féminin pluriel. Les circonstances ou le contexte indiquent fort bien s’il s’agit d’hommes ou de femmes.
  5. Nous verrons comment l’Esperanto leur assigne l’office propre et exclusif rationnellement déterminé par la nature même de chacun d’eux.
  6. La traduction la plus ordinaire de ce temps est celle de notre passé indéfini. L’anglais, l’allemand et d’autres langues rendent par la même forme l’imparfait et le passé défini. Certaines emploient le passé défini où nous employons le passé indéfini, ce qui fait qu’elles traduisent par la même forme, comme l’Esperanto, notre imparfait, notre passé défini et notre passé indéfini. La pensée n’y perd rien, car ces trois temps peuvent confondre leurs nuances dans une tonalité commune, sans plus d’inconvénient qu’il n’y en a à dire en français : j’ai vu votre frère hier, ou je vis votre frère hier.
    L’anglais, l’allemand et d’autres langues n’ayant qu’une forme pour l’imparfait et le passé défini, n’en ont qu’une, par ricochet, pour le plus-que-parfait et le passé antérieur, comme l’Esperanto.
    Rappelons que le latin n’a qu’une forme pour le passé défini, le passé indéfini, le passé antérieur.
    En réalité, pour que l’idée du passé soit bien rendue dans une langue, il suffit qu’il y ait un passé général et un passé antérieur, comme nous le disons à la note 2.
  7. Nous préférons cette appellation à celle de plus-que-parfait, comme plus simple et plus logique. Que font les deux passés qui y sont compris, sinon montrer l’antériorité du passé qu’ils représentent sur un autre passé ? Ils constituent donc bien un passé antérieur à un autre qui les a suivis, comme le futur antérieur constitue un temps antérieur au futur simple qui le suivra.
    La langue internationale doit pouvoir marquer cette antériorité d’un passé où d’un futur sur un autre, parce qu’elle est fondée en raison. En effet, de deux passés ou de deux futurs en question, il faut qu’on sache lequel des deux a précédé ou précédera l’autre. Autrement, on verrait simultanéité où il y a succession.
    Mais, si la langue internationale doit posséder, dans la conjugaison comme ailleurs, les formes nécessaires à l'expression juste de la pensée, elle n'a nullement pour programme de réunir toutes les variétés inutiles que présentent certaines langues pour les modes et les temps. D'ailleurs, à côté du superflu qu'elles possèdent sur certains points, ces langues ne manquent-elles pas souvent du nécessaire? L'Esperanto garde une sage mesure; il a tout ce qu'il faut pour une conjugaison complète et souple, mais il rejette les richesses inutiles qui feraient perdre à son verbe la simplicité et la facilité qui le caractérisent.
  8. Pour le nom de cette forme voir à la page 93, note 1.
  9. Ce mode remplace souvent notre subjonctif, tout à fait inutile, comme nous le démontrerons en traitant de l'emploi des modes et des temps.
  10. Comme on le voit par toute la conjugaison de ami et de fini, l’Esperanto n’emploie jamais que le verbe être (esti), pour former ses temps composés. Mi estis aminta, j’étais ayant aimé, donc : j’avais aimé.
  11. Il est de toute évidence qu’il ne s’agit ici que des verbes pronominaux. Pour les verbes intransitifs, dans lesquels le second pronom figure à titre de complément indirect, il faut traduire par al suivi du pronom au nominatif. Exemples : Il se dit, Li diras al si ; Je me suis dit, Mi diris al mi.
  12. Cette forme est la plus concise et peut toujours logiquement s’employer dans le cas traité par ce principe. Mais, quand le sens le permet, on peut aussi souder igi faire, rendre… à la racine et retomber alors dans le principe 2°. Exemple : Sidigi sin, kusigi sin ; s’asseoir, se coucher (Faire, rendre soi assis, couché).
    Mas on ne dirait pas : la glaso rompigis sin, car le verre ne se casse pas lui-même. Puis, d’une façon générale, on ne peut employer la forme ig avec une racine verbale à sens transitif (actif) pour traduire un verbe à la voix pronominale.
  13. Cette forme peut toujours logiquement s’employer dans le cas traité par ce principe. Mais, quand le sens le permet, on peut très bien lui substituer la forme indiquée au principe 3°. Ainsi, on peut dire : esti konstruata ou konstruiĝi, esti trovatatroviĝi, esti vidata ou vidiĝi, esti prezentata ou prezentiĝi, etc.
    Mais on ne dirait pas : mi honoriĝas. mi nomiĝas, par exemple, au lieu de mi estas honorata ou oni honoras min ; mi estas nomata ou oni nomas min, car les premières expressions n’équivalent nullement aux dernières.
  14. De la remarque que nous venons de faire découle cette constatation que le verbe esti se conjugue avec lui-même en Esperanto, comme en italien et en allemand, sans rien emprunter au verbe avoir pour ses temps composés.
    ExemplesMi estis estinta (j’avais été), mi estos estinta (j’aurais été, mi estus estinta (j’aurais été), esti estinta (avoir été), ke mi estu estinta (que j’aie été),
  15. Dans ces expressions désignant le grade ou la profession, la préposition de est logiquement employée parce qu’il y a dépendance par destination, où mieux consécration : le docteur, le professeur, le commerçant, le fabricant, le marchand, l’étudiant. s’étant voués et comme donnés à la profession qu’ils exercent, celui-ci à la médecine, celui-là à la littérature, etc. Par le fait, ils lui appartiennent.
    Quant à l’absence de l’article avant les mots medicino, literaturo, leĝoscienco, lingvo franca, filozofio, elle tient à ce que nous sommes ici en face d’un titre, et que l’Esperanto, comme toutes les langues qui emploient l’article, l’omet en pareil cas. D’ailleurs, il y aurait parfois inconvénient à l’employer. En effet, si je dis. par exemple : professeur de littérature de mon frère, profesoro de literaturo de mia frato, on ne peut croire que la littérature appartient à mon frère, profesoro de la literaturo de mia frato, on comprendra (et il en serait ainsi) que la littérature est celle de mon frère.
    Ceci ne détruit nullement le principe général posé à la page 2 sur l’emploi de l’article. Ainsi, je dirais avec l’article, en Esperanto : Li estas tre lerta en la filozofio, il est très habile en philosophie ; mi kredas, ke li estas tre kapabla en la medicino, je le crois très capable en médecine. Ici nous ne sommes plus en présence d’un titre, mais d’une phrase, et nous exprimons en quelle sphère s’exerce l’habileté et la capacité du sujet.
  16. Les prépositions à, de, pour. avant, après, sans, qui précèdent à tout instant l’infinitif en français, seront traitées quand nous étudierons ce mode. On verra comment et dans quel cas on doit, ou au contraire on ne doit pas les rendre.
  17. C’est par je ou par l’accusatif qu’il faut rendre la préposition précédant le complément des adjectifs haut, profond, long, large, épais.
    Exemples : Haut de 5 mètres et large de 3. Alta je 5 metroj kaj larĝa je tri, ou alta 5 metrojn kaj larĝa tri. — Épais de dix centimètres. Dika je 10 centimetroj ou dika 10 centimetrojn.
    Avoir l’âge de, être âgé de se rendent de la manière suivante :
    Quel âge avez-vous ? Kian aĝon vi havas ? J’ai 22 ans. Mi havas dudek-du jarojn ou mi estas dudek-du jara. — Il est mort à 30 ans. Li mortis havanta tridek jarojn ou li mortis tridek jara. — Dans sa 15e année. En sia dek-kvina jaro ou estante dek-kvin jara.
  18. Si on voulait traduire « pour la dernière fois », on dirait : por la lasta fojo, de même qu’on dit : por la unua, por la dua fojo, etc., pour a première, pour la deuxième fois.
  19. Remarquez la traduction : « un dimanche », car il s’agit d’un dimanche quelconque : s’il s’agissait du dimanche suivant, il faudrait absolument spécifier et dire : ni venos la proksiman dimanĉon.
  20. Cette longue remarque a pour but de mettre l’adepte bien en garde contre l’emploi irrégulier de la conjonction ke. Nous l’engageons vivement à bien noter toutes les expressions où elle n’est pas admise en Esperanto et à ne pas prendre le français pour guide à cet égard. Cette précaution est d’autant plus nécessaire que le français emploie le même mot (que) comme pronom et comme conjonction, ce qui est passablement illogique, et que, de plus, il s’en sert dans une multitude de cas où il faudrait rationnellement un autre mot. Tenez donc bien compte de cette remarque et relevez en outre, dans la liste des conjonctions, les cas où le que du français est logiquement rendu par un autre mot, car, pas plus en Esperanto que dans une autre langue, le français ne doit être imité dans cet emploi abusif et faux du mot que.
  21. Nos listes d’adverbes, de prépositions et de conjonctions présentent certains mots sous deux rubriques différentes. Le fait est bien intentionnel et vise souvent la commodité pratique. Nous étions d’autant plus fondé à agir ainsi que l’Esperanto regarde ces divers vocables comme des mots simples, destinés à rendre les idées qu’expriment tel adverbe, telle préposition ou telle conjonction de nos langues, mais qu’il ne prétend pas les classer dans une catégorie grammaticale exclusive. Aucune de nos langues n’a d’ailleurs cette prétention, et les grammairiens y enseignent à l’envi que tel mot, rangé dans les adverbes, peut être préposition, et que tel autre, classé dans les conjonctions, peut très bien être adverbe. En réalité, ces mots prennent la nature grammaticale que leur donne leur rôle dans la proposition. Quant à la nature essentielle de certains d’entre eux, qui peut le dire ? Langue de simplicité et de pratique, l’Esperanto n’a pas à nous l’apprendre et à trancher cette question oiseuse qui exerce depuis des siècles — sans résultat d’ailleurs — la sagacité des grammairiens.
  22. L’emploi du mode indicatif, après un verbe marquant la crainte, étonnera plus d’un Français et tout spécialement ceux que le latin a confirmés dans l’idée qu’après ces verbes il faut le subjonctif avec au moins un bout de négation (ne), si on craint que la chose n’arrive, et une négation complète (ne… pas), si au contraire on craint qu’elle n’arrive pas.
    Un peu de réflexion leur montrera vite que la logique est du côté de l’Esperanto.
    Et d’abord on peut dire que, dans ces sortes de phrases, le verbe craindre est comme l’opposé d’espérer. Mais diriez-vous : « J’espère qu’il ne vienne », au lieu de « j’espère qu’il viendra » ? Eh bien, la crainte est une chose aussi positive que l’espérance. Pourquoi donc nuancer de doute les verbes qui l’expriment par l’emploi du subjonctif après eux ? Est-ce à cause de la chose redoutée ? Mais cette chose est elle-même positive, et vous l’affirmez ; la preuve, c’est que, sous une autre forme, vous diriez : Je crains sa venue. Alors que font donc dans la phrase : « Je crains qu’il ne vienne », le subjonctif et la négation ?
    Ici encore, en dépit de la grammaire, la logique reprend chez beaucoup de gens une partie de ses droits. N’entendons-nous pas dire à chaque instant : Je crains qu’il vienne ?
  23. L’emploi de la conjonction si dans notre interrogation, en français, est des plus illogiques. Il est irrationnel, en effet, que le même mot interroge et pose la condition, Or, si a ce double office dans notre langue. Par le fait, cette conjonction équivaut à est-ce que, dans une question, et à supposé que, à condition que, dans les autres cas.
    Il est à remarquer d’ailleurs que le français est une des très rares langues qui emploient le même mot pour des offices si différents.
    Après les verbes d’interrogation, l’anglais se sert d’un adverbe interrogatif spécial, l’allemand en fait autant, et toutes les langues en général, tant les vivantes que les mortes.
  24. Pour bien comprendre l’emploi de ce futur, considérez d’abord qu’il n’y a rien de conditionnel dans la question que se pose le malheureux. Il ne se demande pas s’il mourrait, mais s’il mourra. Le conditionnel serait donc illogique en Esperanto. Pour vous rendre encore mieux compte de la nécessité du futur, mettez la question dans la bouche même du sujet. Il se disait assurément mourrai-je et non pas mourrais-je.
    Mais, s’il y avait vraiment une condition posée, il faudrait le conditionnel (us) dont nous parlerons tout à l’heure.
    Exemple : Le malheureux se demandait s’il mourrait ainsi, abandonné de tous, s’il avait mieux vécu. La malfeliĉulo demandis sin, ĉu li mortus tiel, forlasita de ĉiuj, se li estus pli saĝe vivinta. En lui mettant la question dans la bouche, j’obtiendrais « mourrais-je » et non pas « mourrai-je ». Il faudrait donc bien ici le conditionnel.
  25. Remarquez cette traduction de « que » par se (si) et imitez-la dans les cas analogues.
    Exemples : Il est préférable que vous partiez demain. Estas preferinde, se vi foriros (si vous partirez) morgaŭ. — Il nous serait plus utile qu’on n’acceptât pas notre offre. Estus al ni pli utile, se oni ne akceptus (si on n’accepterait pas) nian proponon.
  26. Afin de prévenir toute erreur, faisons bien remarquer qu’il ne s’agit nullement du temps auquel se trouve le verbe de la proposition principale, mais uniquement du moment de la durée où se place le fait rendu par l’impératif-subjonctif. Ainsi, dans la phrase : Dieu a voulu que tous des ans la terre produise des moissons, le verbe de la proposition principale est au passé, et le fait de la production des moissons a lieu dans un continuel présent avec lequel il coïncide. D’où, en Esperanto, la première forme de l’impératif-subjonctif pour le verbe produise. De même, dans la phrase  : Je défends qu’il soit reçu passé 3 heures, le verbe de la proposition principale est au présent, et le fait de la réception doit se produire dans un temps futur avec lequel il coïncidera. On le voit donc, la concomitance dont parle le principe ne s’établit nullement avec le temps du verbe de la proposition principale, mais avec le moment de la durée, exprimé ou non, dans lequel se place le fait marqué par l’impératif-subjonctif.
  27. Dorénavant nous emploierons comme seules justes, pour l’impératif-subjonctif, les appellations « forme de concomitance » et « forme d’antériorité ». La première s’appliquera naturellement à : u dans la voix active, à estu… ata dans la voix passive ; la seconde s’’appliquera à estu… inta dans la voix active, à estu… ita dans la voix passive.
    Nous ferons de même pour les deux formes du conditionnel. La première (.. us dans la voix active et estus….. ata dans la voix passive) se nommera donc « forme de concomitance » ; la seconde (estus… inta dans la voix active et estus… ita dans la voix passive) se nommera « forme d’antériorité ». En effet, le conditionnel, pas plus que l’impératif subjonctif, ne présente par lui-même, en Esperanto, l’idée de présent, de passé ou de futur. Il serait donc illogique d’employer, pour distinguer ces deux formes, une dénomination qui le ferait croire.
  28. Ces deux derniers exemples nous fournissent l’occasion de faire remarquer que l’Esperanto, tout en supprimant complètement les règles relatives à l’accord des participes, arrive à rendre l’idée, non seulement pour les yeux, mais encore pour l’oreille, d’une façon plus juste qu’en français : kantantan, kantatan fixent bien autrement, à l’audition, que les participes vue et vu.
  29. Gardez-vous bien toujours d’imiter le français en pareil cas, et de traduire je vais etc., par iri. Ce serait grotesque, et on ne comprendrait pas.
  30. Seulement, il faut bien faire attention à ce qu’il n’y ait pas amphibologie. Ainsi la phrase : Li desiras ekstreme riĉiĝi, car on ne sait si ekstreme porte sur desiras ou sur riĉiĝi. Veut-un dire : Il desire extrêmement devenir riche, ou bien : Il désire devenir extrêmenent riche ? Dans le premier cas, il faut : Li ekstreme desiras riĉiĝi. Dans le second, il faut : Li desiras riĉiĝi ekstreme.
  31. Pour plus de détails sur ce point. voir page 135 : Construction de la phrase en Esperanto.
  32. Nous appelons tout spécialement l’attention des Russes sur la parfaite netteté que doit avoir partout, et spécialement dans les finales, en Esperanto, le son a et le son o, et sur l’impossibilité de faire rimer en Esperanto a ou aj avec o ou oj.