Commentaire sur Des Délits et des Peines/Édition Garnier/2



II.
des supplices.

Ce malheur et cette loi si dure, dont j’ai été sensiblement frappé, m’ont fait jeter les yeux sur le code criminel des nations. L’auteur humain Des Délits et des Peines n’a que trop raison de se plaindre que la punition soit trop souvent au-dessus du crime, et quelquefois pernicieuse à l’État, dont elle doit faire l’avantage.

Les supplices recherchés, dans lesquels on voit que l’esprit humain s’est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice.

Le supplice de la roue fut introduit en Allemagne dans les temps d’anarchie, où ceux qui s’emparaient des droits régaliens voulaient épouvanter, par l’appareil d’un tourment inouï, quiconque oserait attenter contre eux. En Angleterre on ouvrait le ventre d’un homme atteint de haute trahison, on lui arrachait le cœur, on lui en battait les joues, et le cœur était jeté dans les flammes. Mais quel était souvent ce crime de haute trahison ? c’était, dans les guerres civiles, d’avoir été fidèle à un roi malheureux, et quelquefois de s’être expliqué sur le droit douteux du vainqueur. Enfin les mœurs s’adoucirent ; il est vrai qu’on a continué d’arracher le cœur, mais c’est toujours après la mort du condamné. L’appareil est affreux, mais la mort est douce, si elle peut l’être.