Commentaire sur Des Délits et des Peines/Édition Garnier/18



XVIII.
du vol domestique.

Dans les pays où un petit vol domestique est puni par la mort, ce châtiment disproportionné n’est-il pas très-dangereux à la société ? n’est-il pas une invitation même au larcin ? car s’il arrive qu’un maître livre son serviteur à la justice pour un vol léger, et qu’on ôte la vie à ce malheureux, tout le voisinage a ce maître en horreur ; on sent alors que la nature est en contradiction avec la loi, et que par conséquent la loi ne vaut rien.

Qu’arrive-t-il donc ? les maîtres volés, ne voulant pas se couvrir d’opprobre, se contentent de chasser leurs domestiques, qui vont voler ailleurs, et qui s’accoutument au brigandage. La peine de mort étant la même pour un petit larcin que pour un vol considérable, il est évident qu’ils chercheront à voler beaucoup. Ils pourront même devenir assassins quand ils croiront que c’est un moyen de n’être pas découverts.

Mais si la peine est proportionnée au délit, si le voleur domestique est condamné à travailler aux ouvrages publics, alors le maître le dénoncera sans scrupule ; il n’y aura plus de honte attachée à la dénonciation ; le vol sera moins fréquent. Tout prouve cette grande vérité, qu’une loi rigoureuse produit quelquefois les crimes.