Commentaire de la logique d’Aristote/9
Librairie Louis Vivès (5p. 216-256).
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TRAITÉ IX. DE L’INTERPRÉTATION OU ÉNONCIATION.

Chapitre I : Ce que c’est que le nom suivant l’intention logique.

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Après avoir parlé des choses qui, quant à l’objet de la signification, appartiennent à l’opération première de l’intellect, laquelle est l’intelligence des choses indivisibles, comme il est dit dans le liv. III de l’âme: "Parce qu’une chose est connue par sa quiddité; n nous allons traiter maintenant des choses qui appartiennent à la seconde opération de l’intellect, laquelle est appelée ici composition ou division, et par le moyen de laquelle notre intellect compose une chose avec une autre, ou la sépare d’une autre par l’être ou le non être. Ce traité est appelé de l’énonciation ou de la proposition prise dans un sens large; car si elle était prise dans un sens strict, l‘énonciation serait son genre. En effet, la proposition ne se dit que des prémisses du syllogisme, tandis que l’énonciation se dit tant des prémisses que de la pré-conclusion. Pour connaître ce que c’est que l’énonciation il faut parler d’abord avec Aristote de ses parties, à savoir du nom, du verbe et de son genre, qui est le discours. Le nom est une voix intentionnellement significative sans mesure de temps, dont aucune partie ne signifie des choses séparées, limitées et droites. Dans cette définition du nom le mot voix est mis pour le genre. Il faut observer, ainsi qu’il est dit dans le liv. II de la Métaphysique, que c’est là la différence qui existe entre la définition des suppôts et la définition des formes soit substantielles, soit accidentelles. Car dans la définition des suppôts on ne met rien qui soit eh dehors de l’essence du défini, et toutes les particules de la définition sont de l’essence de la chose définie. Les formes ne pouvant exister par elles-mêmes, mais bien dans un sujet ou dans la matière, demandent dans leur définition un sujet ou de la matière, lesquels néanmoins ne sont pas de l’essence des choses, aussi leurs définitions sont dites faites par additamenta, c’est pourquoi les formes accidentelles veulent un sujet dans leurs définitions, c’est là la différence qui se trouve dans leurs définitions. Car les formes abstraites demandent un sujet dans leurs définitions d’une autre manière que les formes prises au concret, les formes abstraites veulent un sujet à la place de la différence, comme lorsque nous disons: La crépitude est la contraction des cheveux, définition où les cheveux, qui sont le sujet de la crépitude, sont mis à la place de la différence; au concret, au contraire, elles veulent le sujet à la place du genre, comme lorsque nous disons, crépu, c’est le cheveu contracté. Cela posé, il faut savoir que le nom, le verbe et le discours sont des choses artificielles, et par conséquent des accidents; leur sujet est la voix qui est quelque chose de na En effet, l’art dans la voix comme dans un sujet forme les noms, les verbes et les discours, c’est pourquoi dans leurs définitions on doit mettre la voix comme sujet; et comme ce sont des êtres concrets on doit mettre la voix pour le genre. Or la voix est dite significative pour la distinguer des voix non significatives, quelles qu’elles soient, qui sont proférées pour rien. On dit intentionnellement, à l’en contre des voix significatives naturellement, comme sont les aboiements des chiens, qui signifient la colère, d’après l’impulsion de la nature, parce qu’ils ne sont pas significatifs par institution humaine.

On dit sans mesure de temps pour faire connaître le verbe et le participe. Remarquez ici, comme nous l’avons dit dans un autre traité, que l’action, la passion et le mouvement sont une seule chose; or le verbe signifie par manière d’action ou de passion, et par conséquent par manière de mutation. Or la première chose à mesurer par le temps c’est le mouvement, mais le v signifie avec mesure de temps. Il faut savoir que l’action et la passion peuvent être signifiées de deux manières, ou par un mode abstrait, comme sont certaines choses, e-t alors elles ne signifient pas avec mesure de temps, car elles signifient par mode d’habitus, de repos, c’est-à-dire sans mouvement, et ainsi elles sont signifiées par le nom. Elles sont signifiées d’une autre manière par mode d’action en tant qu’elles sortent du sujet, et elles sont signifiées comme mouvements ou mutations et par conséquent comme étant mesurées par le temps, et elles le sont par les verbes pris formellement et non matériellement et même par les participes, mais non par le nom; donc le nom signifie sans mesure de temps. On dit ensuite qu’aucune partie du nom n’est significative séparément pour faire connaître le discours dont les parties sont significative séparément. Remarquez que la signification est au nom comme sa forme, tandis que la lettre ou les syllabes en sont la matière ou les parties intégrales. Mais comme il n’y a dans le tout aucune partie qui ait la forme du tout, aussi nulle partie séparée n’aura d’autre signification par elle-même que celle du tout. C’est pourquoi dans les noms composés, comme terre-neuve, contra-Joannis, si la chose signifiée était divisée, si par exemple on entendait de la terre qu’elle est neuve, ce ne serait plus alors un nom, mais un discours; mais si la chose signifiée était une seule chose, comme une villa ou autre chose semblable, alors ce sera des noms. On dit ensuite limitée, à la différence des noms infinis, comme le nom homme. Sur quoi il faut observer que tout nom, en prenant même le pronom pour le nom, ou signifie une nature déterminée, comme l’homme, ou une personne déterminée, comme vous et moi, ou une nature déterminée et un personne, comme Socrate, Platon. Or comme le nom infini ne signifie rien, de tout cela, il ne pourra pas vraiment être appelé nom. Qu’il ne signifie rien de tout cela, c’est évident, car le nom qui est imposé par la privation demande au moins un sujet existant, car aveugle ne se dit du nom d’animal, mais suppose que ce qui est aveugle possède l’aptitude à avoir des yeux. Mais le nom infini étant imposé par la négation, ne suppose rien, car il peut se dire de l’être comme du non être. Nous disons que la chimère est un non homme, comme le cheval est un non homme; d’où il résulte que ces choses ne signifient que par mode de nom, parce que c’est au moins un suppôt en compréhension. On dit ensuite droite à la différence des cas obliques qui viennent du droit ou nominatif par une certaine origine de déclinaison. Car le nominatif seul est appelé nom principalement, parce que c’est par lui que s’est faite l’imposition du nom pour une autre signification. Or les cas obliques n’appartiennent pas directement à la logique qui s’occupe du vrai et du faux, parce que ces cas avec le verbe je suis, tu es, il est, dans lequel tous les autres se confondent, ne disent pas le vrai et le faux. Rien n’empêche cependant de les joindre avec quelques autres verbes impersonnels et ils signifieront alors ou la vérité ou la fausseté, comme je m’ennuie de la lecture; telle est l’explication du nom, etc.

Chapitre II : Ce que c’est formellement que le verbe suivant la description logique.

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Le verbe est une voix significative intentionnellement, dont aucune partie ne signifie des choses séparées, limitées et droites; il est toujours significatif des choses affirmées d choses. La première partie de cette définition est entendue dans le même sens que pour le nom. Elle est appelée limitée à la différence des verbes infinis, comme sont, il ne court pas, il n’aime pas, qui ne sont pas proprement des verbes. Sur quoi il faut observer que c’est le propre du verbe de signifier quelque chose par manière d’action et de passion, comme il a été dit. Or les locutions susdites ne le sont pas, bien plus elles écartent l’action ou la passion, plutôt qu’elles signifient quelque action ou passion déterminée; donc ce ne sont pas proprement des verbes. Il faut savoir que bien que ce ne soit pas proprement des verbes, cependant il y a quelque chose dans la définition du verbe qui leur convient, d’abord parce qu’elles signifient avec mesure de temps. Comme agir et souffrir sont dans le temps, il en est de même de la privation de l’action et de la passion, d’où il résulte que le repos est mesuré par le temps; or ces locutions signifient la privation d’action et de passion, comme on l’a dit. Secondement, parce qu’il y a dans la définition du verbe e qui se trouve toujours du côté du prédicat, d’être significatif des choses qui s’affirment d’autres choses, ce qui s’entend ainsi. Comme, en effet, le sujet de l’énonciation est signifié, comme une chose à laquelle une autre chose est inhérente, et que le verbe signifie l’action par manière d’action dont la nature est d’être inhérente; il s’ensuit qu’on le trouve toujours du côté du prédicat, parce que même il faut qu’il y ait un verbe dans toute prédication, puisque le verbe emporte la composition u moyen de laquelle le prédicat se combine avec le sujet. C’est pourquoi, comme les verbes en signifiant l’action ou la passion, signifient quelque chose comme existant dans une autre, en raison de quoi ils sont toujours placés du côté du prédicat, de même aussi les susdits verbes indéfinis, signifiant exclusion d’action ou de passion, sont toujours mis du côté du prédicat. Car la négation se ramène au genre d’affirmation. Il faut savoir que les verbes du mode infinitif sont quelquefois mis du côté du sujet, comme lorsque nous disons courir c’est se mouvoir, et la raison de cela c’est qu’ils ont la force d’un nom. C’est pourquoi les Grecs leur adjoignent des articles comme aux noms, ce que nous faisons nous aussi dans la logique vulgaire. Car nous disons, el corere mio ou el est article pour ly. En effet, notre intelligence saisit la manifestation de l’action ou de la passion ou son inhérence dans le sujet, et elle la produit comme étant une chose quel-. conque, ce qui lui donne la force d’un nom. Mais si les verbes des autres modes sont mis quelquefois du côté du sujet, comme lorsque nous disons, je cours, est un verbe, le v alors n’est pas pris formellement, mais matériellement en tant qu’il signifie la voix elle- même qui est prise comme une certaine chose; c’est pourquoi les verbes, le discours et toutes les parties du discours, ainsi posés matériellement, se prennent dans la force du nom. On dit ensuite dans la définition droite, à cause de la différence des verbes obliques, c’est-à-dire, du prétérit et du futur, qui ne sont pas simplement des verbe En effet, les verbes proprement dits, signifiant l’action ou la passion, il n’y aura proprement de verbe que ce qui signifie l’action ou la passion en acte, ce qui est agir ou souffrir simplement; c’est là la signification des verbes du temps présent, tandis que agir ou souffrir dans le passé ou dans le futur ce n'est que secundum quid, aussi les verbes du passé ou du futur ne sont pas simplement des verbes, mais bien secundum quid. Mais ils sont dits des cas du verbe du présent, parce qu’ils signifient en quelque manière le temps présent. Car on dit le prétérit et le futur par rapport au présent, car le passé est ce qui a été présent et le futur ce qui sera présent, et de même les verbes des autres modes, tout en étant des verbes du mode indicatif, sont appelés les cas du verbe, parce que leur variation regarde l’action ou la passion, comme la différence des temps; et comme la variation des verbes dans le nombre et la personne ne regarde ni l’action, ni la passion, mais seulement le sujet auquel est inhérente l’action ou la passion, c’est pour cela qu’ils ne font pas des cas du verbe, etc.

Chapitre III : Ce que c’est que le discours, et quelles sont ses espèces.

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Le discours est une voix intentionnellement significative dont les parties sont significatives séparément. Nous avons dit dans la définition du nom comment il faut entendre les parties de cette définition. Le discours se divise en parfait et imparfait. On appelle discours imparfait celui qui ne produit qu’un sens imparfait dans l’esprit de l’auditeur, sur quoi il faut remarquer, comme il est dit de la Métaphysique: « Cela est parfait à quoi il ne manque rien dans son genre.

Or, il manque quelque chose au sens que le discours imparfait pro duit dans l’esprit de l’auditeur, la composition ou la division. En effet, si je dis, l’homme blanc, ce qui est un discours imparfait, je ne dis pas qu’il a ou qu’il n’a pas quelque chose, et par conséquent le sens de ce discours tient l’esprit en suspens, parce qu’il lui manque quelque chose, c’est pour cela qu’il est imparfait. Il faut savoir cependant que ce n’est pas sans raison qu’on détermine la perfection ou l’imperfection du discours par la production d’un sens. Sur quoi il faut observer que, bien que le discours et chacune de ses parties soient des choses artificielles et non quelque chose de naturel, ils ne sont pas non plus des instruments de la vertu interprétative, comme disait Platon. Car les instruments naturels de cette vertu sont le poumon, le gosier, le palais, la langue, les dents et les lèvres, ce sont cependant les instruments de l’intellect lui-même, qui n’est pas une force matérielle, mais bien au-dessus de toute nature corporelle. Or l’instrument se définit par fin, laquelle est l’usage, et l’usage de la. voix significative est de faire connaître à celui qui écoute les conceptions de l’intelligence de celui qui parle. C’est donc à bon droit qu’on définit le discours par fait et le discours imparfait par la production d’un sens ou par la signification. C’est pourquoi on appelle parfait le discours qui produit un sens parfait dans l’esprit de l’auditeur à cause de la complexion qu’il exprime. Or, il y a cinq espèces de discours parfaits, à savoir l’espèce énonciative, la vocative, l’interrogative, l’impérative et la déprécative. Il faut savoir que non seulement la raison conçoit les choses elles-mêmes, mais qu’elle dirige et ordonne autre chose par sa conception; en concevant les choses en elles-mêmes elle forme le discours indicatif ou énonciatif, en ordonnant les autres choses, elle forme les autres discours. On est dirigé et coordonné par quelqu’un à trois choses d’abord à appliquer son esprit, et à cela appartient le discours vocatif; secondement, à répondre de la voix, et à cela appartient le discours interrogatif; troisièmement, à faire une œuvre, et à cela appartient, pour les inférieurs, le discours impératif, et pour les supé rieurs le discours déprécatif, auquel se rapporte le discours optatif, car l’homme n’a point de force naturelle vis-à-vis de son supérieur, si ce n’est par l’expression de son désir le discours suppositif, c’est dire conditionnel, et le dubitatif rentrent dans l’interrogatif. Et comme ces quatre espèces de discours ne signifient pas le vrai et le faux, mais un certain ordre qui y tend, elles n’appartiennent point par conséquent au sujet présent qui a un rapport direct avec la science démonstrative, dans laquelle l’oreille de l’homme est amenée à considérer le vrai d’après ce qui est propre à la chose. Elles appartiennent plutôt à la rhétorique ou à la poétique qui produisent l’as sentiment par la disposition de l’auditeur. Il n’y a que le discours énonciatif qui signifie le vrai ou le faux, qui appartienne à l’objet qui nous occupe, aussi bien que les autres discours qui peuvent s’y rattacher.

Chapitre IV : Ce que c’est que l’énonciation, ce que c’est que le vrai et le faux.

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L’énonciation est un discours qui signifie le vrai et le faux. Pour comprendre cette définition il faut d’abord considérer ce que c’est que le vrai et le faux, en second lieu pourquoi il ne convient qu’à l’énonciation de signifier le vrai et le faux. Relativement au premier point, il faut savoir que, comme l’on dit communément, la vérité est l’adéquation de la chose à l’intellect, suivant Isaac, le vrai est dit adéquat, et le faux inadéquat. Or cette adéquation, ou conformité, ne peut pas être une relation réelle, autrement le vrai ne pourrait se convertir avec l’être. Car ce qui n’est que dans un prédicament n’appartient pas aux transcendantaux. C’est donc une relation de raison, et ainsi le vrai est relatif suivant la raison, ce qui n’empêche pas qu’il soit dans plusieurs prédicaments et même dans tous, pour ce qui est de cette conformité, je dis que certaines choses sont subjectivement dans l’intellect, comme les actes de l’intellection et autres de ce genre; d’autres choses y sont objectivement, comme celles que conçoit l’intellect, Donc, quand la chose qui se trouve objectivement dans l’intellect est conforme à elle-même, suivant ce qu’elle est dans la nature des choses, alors cette conformité s’appelle vérité. C’est pourquoi la vérité consiste en ce qu’une chose est perçue par l’intellect telle qu’elle est dans la nature des chose et au contraire la fausseté consiste dans la non conformité de la chose telle qu’elle est conçue par l’intellect dans sa nature, e c’est pour cela qu’Aristote dit dans le liv. IV de la Métaphysique, « que le vrai consiste à être ce qu’il est et à ne pas être ce qu’il n’est pas, le faux à être ce qu’ pas et âne pas être ce qu’il est. Aussi quand l’intellect comprend qu’une chose est ce qu’elle est réellement dans la nature des choses, ou qu’elle n’est pas ce qu’elle n’est réellement pas, cette conformité c’est la vérité. Quand au contraire, l’intellect conçoit qu’une chose est ce qu’elle n’est pas ou n’est pas ce qu’elle est, c’est la fausseté. Il faut savoir que dans cette conformité qui s’appelle vérité, il y a quatre choses à considérer, la chose telle qu’elle est conçue ou telle qu’elle est objectivement dans l’intellect, et l’intellect qui la conçoit et l’acte de l’intellection qui est subjectivement dans l’intellect et la chose telle qu’elle est dans sa nature. Or la vérité se trouve dans la chose telle qu’elle est conçue ou telle qu’elle est objectivement dans l’intellect avant d’être dans l’intellect, ou dans l’acte de l’intellection ou dans la chose telle qu’elle est dans sa nature. Car l’intellect et l’acte de l’intellection ne sont dits vrais qu’en tant qu’ils s’appliquent à un objet vrai. En effet, l’intellect est appelé vrai, parce qu’il saisit le vrai, et l’acte de l’intellection est appelé vrai, parce qu’il est la conception de quelque vérité, et une chose dans sa nature est appelée vraie, parce qu’elle est propre à déterminer dans l’intellect une conception conforme à son entité. Remarquez que cette conformité d’une chose en tant que conçue relativement à elle-même et telle qu’elle est dans sa nature, peut se trouver ou dans un intellect pratique ou dans un intellect spéculatif. Dans un intellect pratique, quand la chose est réellement par sa forme telle que l’artisan l’a conçue dans son art. Or, comme toutes les choses naturelles sont par leurs formes conformes à elles-mêmes et qu’elles ont été conçues par l’art divin, en conséquence chaque chose est appelée vraie, suivant qu’elle a sa forme propre, et c’est ainsi que le vrai et l’être se convertissent réciproquement. Cette conformité se trouve dans l’intellect spéculatif, parce que l’intellect conçoit la chose telle qu’elle est. Car l’intellect ne conçoit pas la chose comme elle est dans l’intellect pratique, mais il la conçoit telle qu’elle est réellement; c’est pourquoi l’intellect pratique se compare aux choses artificielles, comme la mesure à la chose mesurée au contraire l’intellect spéculatif se compare aux choses qu’il conçoit comme la chose mesurée à la me sure. Il faut observer qu’il en a qui pensent que la vérité est la conformité de la chose avec l’intellect informé par la similitude de la chose; la fausseté au contraire est la non conformité de l’intellect ainsi informé avec la chose. Cette opinion est probable. Voilà ce que c’est que la vérité et la fausseté.

Chapitre V : La vérité et la fausseté ne sont que dans l’énonciation, et pourquoi?

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Pour ce qui est du second point, c’est-à-dire, pourquoi la vérité et la fausseté ne sont que dans l'énonciation, il faut savoir que la vérité n’est dans une voix significative, soit que ce soit un nom, un verbe ou un discours, que comme dans n signe; or il y a de ces signes des conceptions de l’intellect. Donc, suivant que le vrai ou le faux se trouveront dans les conceptions de l’intellect, on dira qu’ils sont dans les signes eux-mêmes, Il faut savoir, comme on le dit en troisième lieu l’âme, qu’il y a deux opérations de l’intellect, à savoir l’intelligence des indivisibles, quand l’intellect conçoit la quiddité d’une chose en elle-même, et la composition et la division, c’est-à-dire quand il compose par l’être une chose conçue, ou la division quand il la divise par le non être, et la vérité se trouve dans l’une et l’autre de ces opérations de l’intellect. Sur quoi il faut remarquer, ainsi qu’il a été dit, que la Vérité est une relation de raison; or les êtres de raison ne se trouvent jamais subjectivement, si ce n’est dans un sens large, suivant ce à quoi la rai attribue ce rapport de raison; donc la vérité n’a l’être qu’objectivement, j’en dis autant de la fausseté. Donc si nous considérons ce qui est vrai en premier lieu, c’est-à-dire la chose telle qu’elle est conçue, et que nous l’appelions vrai, je dis que ce vrai peut se trouver dans la première opération de l’intellect. Car l’intellect conçoit la chose même telle qu’elle est en soi, et il conçoit ainsi le vrai: or l’intellect ne conçoit point le vrai dans sou opération première, parce que, ou il atteint la nature de la chose, et alors il conçoit le vrai, ou il ne l’atteint pas, et alors il l’ignore, et il n’y a pas là proprement une non conformité de la chose conçue avec sa nature, parce que cette chose n’a pas été conçue, mais bien quelque autre; c’est pourquoi il n’y a point là la fausseté qui emporte proprement la déception et non pas l’ignorance seule. C’est la raison pour laquelle Aristote dit dans le livre Tu de l’âme, que l’intellect qui comprend la quiddité d’une chose est toujours vrai. Or ce n’est pas là comprendre parfaitement la Vérité qui est la conformité de l’une et l’autre choie, à savoir, de la chose telle qu’elle a été conçue et de la chose dans sa nature, mais c connaître une chose conforme ou vraie. Mais objectivement la vérité se trouve parfaitement et complétivement dans la seconde opération de l’intellect. Car saisir la vérité, c’est saisir la conformité de la chose conçue avec elle-même, suivant sa nature, comme on l’a dit. Or cela se fait en comparant une chose à l’autre, ou la même chose à elle-même, suivant une autre chose et un autre être, ce qui ne peut se faire que par la seconde opération de l’intellect. Donc la vérité ne se trouve parfaitement que dans l’intellect composant ou divisant, j’en dis autant de la fausseté. Mais les choses seront plus claires en suivant la seconde opinion dont nous avons parlé. Car si la vérité est la conformité de la chose avec l’intellect informé par la similitude de cette chose, le vrai se trouvera dans la première opération de l’intellect, parce qu’il s’y trouvera cette conformité, mais alors le vrai ne sera pas dans l’intellect comme dans un sujet connaissant le vrai. En effet l’intellect ne connaît le vrai qu’en composant ou en divisant, suivant son jugement, et si ce juge ment est d’accord avec les choses, il sera vrai, c’est-à-dire, lorsque l’intellect juge qu’il est informé par la similitude de la chose telle qu’elle est. C’est tout le contraire par rapport au faux, et tout cela appartient à la seconde opération de l’intellect, et non à la première. D’après ce que nous venons de dire, on peut voir clairement que la vérité ou la fausseté ne se trouvent que dans l’énonciation, comme dans un signe. En effet, si la seule énonciation est le signe des choses qui sont objectivement dans la seconde opération de l’intellect, et si le vrai et le faux ne sont que là, le vrai ou le faux ne se trouveront que dans l’énonciation, et non dans toute autre voix, soit locution, soit discours. Telle est l’énonciation.

Chapitre VI : De l’énonciation catégorique, hypothétique, affirmative ou négative.

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Aristote divise l’énonciation de trois manières, d’abord comme l’analogue dans son analogue. Car il dit qu’il y a une énonciation simplement une, et une autre une par conjonction. L’énonciation simple ment une est l’énonciation catégorique ou prédicative. L’énonciation catégorique est celle qui a un sujet et un prédicat comme principales parties d’elle-même, comme l’homme est un animal, homme est sujet, animal est prédicat, comme le troisième adjacent est affirmé, ce verbe est appelé conjonction ou copule verbale. L’énonciation hypothétique ou suppositive est appelée une par conjonction, comme si l’homme est il est animal. Cette division de l’énonciation se fait aussi de l’ana logue en son analogue, dont il est dit par priorité ou par postériorité, car une chose est simplement antérieure à une autre par conjonction. Secondement il divise l’énonciation comme un genre en ses espèces; car il la divise en affirmation et négation, qui sont des espèces de l’énonciation. En effet, quoique l’affirmation soit antérieure à la négation, ce n’est pas néanmoins pour cela que l’énonciation se dit d’elles analogiquement, comme il a été dit qu’elle s’affirme d’une chose simplement une, et d’une chose une par conjonction. li faut observer qu’une des choses qui divisent quelque chose de commun peut être antérieure à l’autre de deux manières. La première, suivant les caractères ou natures propres des diviseurs, la seconde suivant la majeure partie de l’objet commun qui est divisé en elle. Or la première n’enlève pas l’univocation de genre, comme c’est évident dans les nombres dans lesquels le nombre deux est naturellement, suivant sa propre nature, antérieur au nombre trois, néanmoins ils participent également à la nature commune, c’est-à-dire à la nature du nombre. Car ainsi le nombre trois comme le nombre deux, c’est la multiplicité mesurée par l’unité. Or la seconde priorité empêche l’univocation de genre, et à cause de cela l’être ne peut pas être le genre de la substance ni de l’accident, car la substance qui est l’être par soi a, dans la nature de l’être, l’existence avant l’accident qui est l’être dans un autre ou dans une autre chose. De même dans la proposition; quoique l’affirmation de la première manière, c’est-à-dire suivant sa nature, soit antérieure à la négation, il n’en est pas de même de la seconde manière, bien plus, elles participent également à la nature de l’énonciation, car l’une et l’autre est un discours signifiant le vrai ou le faux. Or, suivant sa nature, l’affirmation est antérieure à la négation Car l’affirmation est l’énonciation d’une chose à l’égard d’une autre, comme l’homme est un animal et la négation est l’énonciation d’une chose par une autre, comme l’homme n’est pas une pierre. Or l’énonciation, ainsi qu’il a été dit, étant une voix significative, ne signifie pas une chose immédiatement, mais au moyen de la conception de l’intelligence. C’est pourquoi il faut considérer trois choses dans toute énonciation, à savoir, la voix elle-même, qui est le signe de la conception de l’intelligence, et la conception elle-même de l’intelligence, qui est la similitude de la chose, et enfin la chose même. Relativement à la voix, l’affirmation est antérieure à la négation, parce qu’elle a moins de la composition que la négation; car il y a plus de mots dans Socrate ne court pas, qu dans Socrate court, et, par conséquent, elle est plus composée. Du côté de l’intellect, l’affirmation qui signifie composition est antérieure à la négation qui signifie division. Car la division est postérieure à la composition comme il n’y a de corruption que dans les êtres engendrés, il n’y a de division que dans les êtres composés. Du côté même de la chose, l’affirmation qui signifie l’être est antérieure à la négation qui signifie le non être, comme l’habitus est naturellement antérieur à la négation. La troisième division de l’énonciation se fait en universelle, particulière, indéfinie et singulière. Or la suffisance de ces divisions peut être prise ainsi. En effet, dans l’énonciation il faut considérer toute son entité qui vient du sujet et du prédicat avec leur conjonction. Et comme tout ce qui est existe, parce que c’est un numériquement’, c’est pour cela que l’on considère si elle est simplement une, ou une par conjonction, et on dit que cette division appartient à la substance de l’énonciation. Secondement, il faut considérer en elle le prédicat, en tant qu’il est combiné avec le sujet sans négation ou avec négation; et comme le prédicat est la partie formelle de l’énonciation, c’est pour cela qu’on dit que cette division appartient à la qualité de l’énonciation, qualité essentielle, suivant que la différence signifie quale quid, comme il a été dit. En troisième lieu, il faut considérer en elle le sujet lui-même, en tant que prédicable de plusieurs choses ou d’une, et ainsi se fait la troisième division, que l’on dit appartenir à la quantité de l’énonciation, car la quantité suit la matière. D’où le vers:

Quae vel hyp. qualis, ne. vel aff. u. quanta par. in sin.

Ce vers s’explique ainsi. Il y a trois noms interrogatifs, à savoir, quœ, qui questionne sur la substance, qualis, qui le fait de la qualité, et quanta, qui interroge sur la quantité. C’est pourquoi quand l’interrogation se fait par quœ, en s’informant de la substance de l’énonciation, on répond par la catégorique ou l’hypothétique. Quand l’interrogation se fait par qualis, la réponse est négative ou affirmative; quand elle se fait par quanta, la réponse est universelle, parti culière, indéfinie ou singulière. Nous parlerons de la première division de l’énonciation dans le traité des énonciations hypothétiques. Nous avons assez parlé de sa seconde division.

Chapitre VII : De la quantité des propositions catégoriques sur l’inesse, à savoir de l’universelle, de la particulière, de l’indéfinie et de la singulière.

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Il nous reste à parler de la troisième division qui est suivant la quantité. Remarquez bien que parmi les énonciations catégoriques, il y en a qui sont de inesse, et d’autres modales. L’énonciation est dite de inesse, lorsqu’elle offre une simple inhérence du prédicat au sujet; comme l’homme est un animal. L’énonciation modale est celle dans laquelle l’inhérence du prédicat au sujet est modifiée, comme, il est possible que Socrate coure, l’homme est nécessairement un animal. C’est pourquoi nous allons parler d’abord de la quantité, des équipollences, des oppositions qui suivent la quantité dans les énonciations de inesse, et secondement dans les énonciations modales. Pour connaître la qualité de ces énonciations de inesse, il faut savoir que dans les choses que l’intellect conçoit, il en est d’universelles, c’est-à-dire, qui sont propres à se trouver dans plusieurs, d’autres singulières, qui ne peuvent se trouver que dans une seule chose. Or on peut considérer ce est universel de deux manières; première ment, comme séparé des choses singulières, c’est-à-dire, suivant l’être qu’il a objectivement dans l’intellect, secondement, suivant l'être qu’il a dans les choses singulières. L’universel étant considéré sous le premier point de vue, une chose peut être énoncée de lui de deux manières encore; la première, quand on lui attribue quelque chose qui n’appartient qu’à l’action de l’intellect, comme lorsque nous disons, l’homme est prédicable de plusieurs, ou l’homme est universel, ou l’homme est une espèce. Car l’intellect forme ces sortes d’intentions et les attribue à la nature conçue, comme à l’homme, suivant qu’il la compare aux choses qui sont hors de l’âme. En second lieu, on énonce quelque chose de l’universel ainsi pris, quand on lui ‘attribue quelque chose, selon que la nature conçue est saisie par l’intellect comme une unité, néanmoins ce qui lui est attribué n’appartient pas à l’acte de l’intellect, mais à l’être qu’a la nature conçue elle-même dans ]es choses qui sont hors de l’âme, comme si l’on disoit, l’homme est la plus digne des créatures, car cela convient à la nature humaine en tant qu’elle se trouve dans les singuliers. Chaque homme en particulier est en effet plus digne que les autres créatures privées de raison néanmoins tous les hommes en particulier ne sont pas un homme hors de l’âme, comme il est dit dans la précédente énonciation, l’homme est la plus digne des créatures, dans laquelle homme est pris pour chacun en particulier; mais il n’est qu’un dans l’acception de l’intellect. Et comme on ne comprend pas communément que les universels subsistent hors des singuliers, le langage commun n’a pas de terme ou de signe pour l’ajouter à l’universel, suivant les différents modes par lesquels une chose est affirmée de lui. Mais Platon qui a enseigné que les universels subsistaient hors des singuliers, imagine certains termes, qu’il appliquait aux universels dans ces modes de prédication. Car il disoit, par soi l’homme est une espèce, ou l’homme prédicable est une espèce. Secondement, une chose est énoncée de l’universel, suivant qu’il se trouve dans les singuliers, et cela de deux façons; la première, quand on lui attribue quelque chose à raison de l’universel lui-même, laquelle chose appartient à son essence, ou suit ses principes essentiels, comme lorsqu’on dit, l’homme est un animal, ou l’homme est risible; la seconde manière, c’est quand on lui attribue quelque chose à raison du singulier où il se trouve, c’est-à-dire quand on lui attribue quelque accident individuel, comme lorsqu’on dit, il ne se promène pas. Et comme cette manière d’énoncer quelque chose de l’universel est à la portée de l’intelligence de tous les hommes, on a imaginé certains ternies pour désigner la manière d’attribuer quelque chose à l’universel ainsi pris. C’est pourquoi si on lui attribue quelque chose de la première manière, c’est-à-dire à raison de lui-même en tant qu’universel, parce que c’est lui attribuer quelque chose universellement, on a trouvé ce signe tout, qui exprime que le prédicat est attribué universellement au sujet, suivant tout ce qui est contenu dans le sujet. Dans les prédications négatives, on a inventé pour la même fin ce terme nul, qui signifie que le prédicat est exclu du sujet universellement, suivant tout ce qui est contenu en lui. Si, au contraire, on lui attribue quelque chose de la seconde manière, c’est-à-dire à raison du singulier, pour le désigner dans les affirmatives, on a trouvé un signe particulier, à savoir, quelque, qui désigne que le prédicat est attribué universellement au sujet, à raison du particulier. Mais comme il désigne d’une manière indéterminée la forme d’un singulier il désigne de même l’universel avec un sorte d’indétermination. Aussi s’appelle-t-il un individu vague. Pour les négations, on n’a pas trouvé d’autre terme ou d’autre signe, mais nous disons, quelque homme ne court pas. Ainsi donc, il y a trois genres d’affirmations dans lesquelles une chose se dit de l’universel; l’une par laquelle une chose se dit universellement de l’universel, comme tout homme est animal; la seconde par laquelle une chose se dit en parti culier de l’universel, comme quelque homme est blanc. La troisième par laquelle quelque chose se dit de l’universel sans détermination universelle ou particulière, comme l’homme est animal. La première énonciation s’appelle universelle, la seconde particulière, la troisième indéfinie; si à ces trois on ajoute la singulière, par laquelle une chose se dit d singulier, comme Socrate court, il y aura quatre modes d’énonciations, susceptibles d’être négatives comme elles sont affirmatives. Tel est, etc.

Chapitre VIII : De l’opposition des propositions catégoriques existant en figure, relativement aux énonciations de inesse.

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Nous allons dire maintenant quelle est l’opposition de ces énonciations, universelles, particulières et indéfinies. Remarquez qu’une chose peut être opposée à une autre de quatre manières, 1° relative ment, comme le père et le fils; 2° contradictoirement, comme Socrate court, Socrate ne court pas; 3° privativement, comme la vue et la cécité; 4° contrairement, comme la blancheur et la noirceur. Nous avons parlé des oppositions relatives dans le prédicament de relation. La contradiction est une opposition qui n’admet par elle-même aucun milieu. Pour qu’il y ait contradiction entre certaines choses, sept conditions sont requises.

  • 1° D’abord il faut deux propositions opposées, dont l’une affirmative et l’autre négative;
  • 2° que ces énonciations regardent le même sujet;
  • 3° qu’elles se rapportent au même prédicament;
  • 4° que la prédication ne se fasse pas par rapport à diverses parties du sujet, comme quand on dit, Socrate a les dents blanches, et Socrate n’a pas la main blanche;
  • 5° qu’il n’y ait pas une manière différente du côté du prédicat, comme lorsqu’on dit, Socrate court lentement et Socrate ne court pas rapidement;
  • 6° qu’il n’y ait pas de différence du côté de la mesure du lieu et du temps;
  • 7° qu’il n’y ait pas de diversité dans l’habitus, relativement à quelque chose d’extrinsèque, comme lorsqu’on dit, dix hommes font un grand nombre dans une maison, et ne font pas un grand nombre dans un théâtre. La privation est négative dans un sujet doué d’une aptitude propre. En effet, quoique la cécité exclue la vision, elle ne le fait pas simplement, mais bien dans un sujet susceptible naturellement de voir. Car on dit bien un animal aveugle, mais non pas une pierre aveugle. Il y a contrariété d’opposition dans les choses qui, placées dans le même genre, sont très éloignées les unes des autres, et se trouvent tour-à-tour dans le même sujet. Car la blancheur n’est pas opposée à la blancheur, mais bien la noirceur, choses qui sont très distantes l’une de l’autre. Il faut savoir que l’opposition ne se dit pas des susdites oppositions, comme le genre de ses espèces, mais bien comme l’analogue de son analogue. La vraie opposition, en effet, est l’opposition simpliciter, qui s’appelle contradiction. Les autres oppositions sont des oppositions secundum, quid, et ne sont des oppositions qu’en tant qu’elles expriment en quelque sorte contradiction, à savoir, l’être et le non être. Il faut savoir aussi que dans la contradiction la négation est opposée à l’affirmation, de telle sorte qu’elle ne suppose rien. Mais dans la privation, la privation est opposée à l’habitus, de manière à supposer le sujet. Dans la contrariété, l’opposition est telle qu’il y a supposition du sujet et de quelque forme; en effet, la blancheur est opposée à la noirceur, de telle manière qu’elle suppose quelque sujet à raison de quoi l’on dit qu’elles se succèdent tour à tour, et la blancheur produit une forme que ne constituent ni la négation, ni la privation. Il faut savoir que l’universelle affirmative est opposée à l’universelle négative du même sujet et prédicat contrairement. C’est pourquoi, tout homme est blanc et nul homme n’est blanc, sont des propositions contraires. La raison en est en ce que les choses très distantes entre elles ont une opposition contraire. Car on n’appelle pas mie chose noire par cela seul qu’elle n’est pas blanche, mais parce qu’à la privation de blancheur qui exprime l’exclusion du blanc, elle ajoute le noir, suprême exclusion du blanc. Donc ce qui est affirmé par cette énonciation, tout homme court, doit être exclu par cette négation, tout homme ne court pas; car il faut que la négation écarte le mode dont le prédicat se dit du sujet désigné par ce signe tout; mais à cette exclusion cette proposition, nul homme ne court, ajoute l’exclusion la plus extrême. C’est donc à bon droit qu’on appelle contraires ces propositions, tout homme court, nul homme ne court. La particulière affirmative et la particulière négative ne sont nullement opposées contrairement, c’est-à-dire d’une opposition contraire. Car les choses contraires sont séparées par une grande distance, et la particulière affirmative et la particulière négative se trouvent être des milieux entre les contraires; or les milieux ne sont pas contraires, et n’offrent même pas une opposition contradictoire. En effet, ainsi qu’il a été dit, ce signe quelque, qui constitue une proposition parti culière, désigne l’universel ou le terme commun d’une manière in déterminée; c’est pourquoi il ne le détermine pas à telle ou telle chose singulière. Et pour cette raison l’affirmation et la négation ne se trouveront pas dans le même sujet singulier, ce qui est requis, comme on l’a dit plus haut; aussi il n’y aucune opposition. Elles s’appellent cependant sous-contraires, parce qu’elles sont renfermées sous des contraires. L’universelle affirmative et la particulière négative, l’universelle négative et la particulière affirmative sont opposées contradictoirement. La raison en est que la contradiction consiste dans la exclusion de l’affirmation par la négation; or l’universelle affirmative est exclue par la seule négation particulière, et il ne faut rien de plus. Comme par cette proposition, quelque homme ne court pas, est exclue celle-ci, tout homme court. Mais la particulière affirmative ne peut être exclue par la particulière négative, parce qu’elle ne lui est pas opposée, comme il a été dit; il faut donc qu’elle le soit par l’universelle négative. Ainsi donc ces propositions, tout homme court, quelque homme ne court pas, et nul homme ne court, quelque homme court, sont contradictoires. Toute particulière est subalterne de son universelle. Telles sont les oppositions des propositions, où se trouvent des signes et des singulières. Les indéfinies suivent la règle des particulières.

Chapitre IX : Des équipollences des énonciations catégoriques de inesse.

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Il nous reste maintenant à parler des équipollences de ces énonciations, en quoi il faut observer que la négation mise avant le signe et par conséquent avant toute l’énonciation, est équivalente à sa contradictoire, placée au contraire après le signe dans la composition de l’énonciation, elle la rend équivalente à sa contraire, avant et après elle la rend équivalente à sa subalterne; voici la cause de ces équipollences. En effet, dans les énonciations il faut considérer la quantité, c’est-à-dire, l’univers la particularité et la qualité, c’est-à-dire, la négation et l’affirmation; il est de la nature de la négation de nier et d’exclure tout ce qui se trouve après elle. Ainsi donc cette énonciation, tout homme court, est universelle et affirmative, si on la fait précéder par la négation, c’est tout homme ne court pas, cette négation détruit l’universalité et ainsi elle reste particulière ou indéfinie, c’est-à-dire sans signe, elle équivaut à la particulière, elle enlève l’affirmation et par conséquent reste négative. Elle est donc équivalente à celle-ci, quelque homme ne court pas, qui était sa contradictoire. De même soit cette énonciation, nul homme ne court, il est certain que si à cette proposition universelle et négative on ajoute la négation et on dit, quelque homme court, la négation détruit l’universalité; ce sera donc une particulière: elle détruit aussi la négation et elle sera ainsi affirmative, quelque homme court, ce qui était sa contradictoire, il en sera de même des particulières. En effet, cette proposition, non quidam homo currit, équivaut à celle-ci, nullus homo currit, et pour la même raison celle-ci, non quidam homo non currit, équivaut à celle-ci, quilibet homo currit. De même en prenant cette énonciation, munis homo currit, et mettant la négation après le signe universel de cette manière, omnis homo non currit, la négation ne trouvant pas le signe après elle, ne le nie pas, et par conséquent l’énon ciation reste universelle: niais la négation détruit l’affirmation et de cette façon l’énonciation devient négative et universelle, elle équivaut donc à sa contraire, c’est-à-dire à celle-ci, nullus homo currit. De même celle-ci, nullus homo currit, est universelle et négative, car le signe négatif nie la composition de l’énonciation.

Que l’on mette donc après la négation et qu’on dise, nullus homo non currit, la négation n’ayant pas de signe après elle reste une énonciation universelle, et comme elle était négative dans la composition, elle détruit la négation et reste affirmative, omnis homo currit, ce qui était sa contraire. Qu’on prenne également celle-ci, omnis homo currit, qui est universelle et affirmative, qu’on la fasse précéder et suivre de la négation, de cette manière, non omnis homo non currit, il est certain que la seconde négation nie sa composition. C’est pourquoi en supposant qu’elle fût négative, omnis homo non currit, il s’ensuit que la négation précédente trouve après elle l’universalité qu’elle détruit et la rend ainsi particulière, elle trouve également la négation qu’elle détruit et la rend affirmative, et elle devient celle-ci, quidam homo currit, qui était sa subalterne. Il en est de même de toutes les autres en les faisant précéder et suivre de la négation, parce qu’elles équivalent à leur subalterne qu’il soit universel ou particulier. Il faut observer qu’il arrive quelquefois qu’il se rencontre dans la même énonciation deux signes universels négatifs, l’un dans le sujet et l’autre dans le prédicat, comme dans celle-ci, nullus homo nullum animal est, je dis que cette proposition équivaut à cette autre, omnis homo aliquod animal est. La raison en est que chacun de ces signes est universel et renferme en soi la négation; et comme la négation ne précède pas le pr&nier signe, l’énonciation reste universelle. Donc la négation renfermée dans le premier signe qui est un signe universel et négatif précède la négation ou le second signe qui est un signe universel et un signe négatif; et comme elle trouve l’universalité, il s’ensuit qu’elle détruit cette universalité et reste particulière; elle détruit aussi la négation et de cette manière elle reste une énonciation affirmative, omnis homo aliquod animal est. Que l’on dise, comme on le fait communé ment, que nullus non équivaut à omnis, et je dis que non est la négation renfermée dans le second signe, tandis que non nullus équivaut à quoddam, et je prends nullus non pour la négation qui est dans le premier signe, et il reste ainsi cette proposition, omnis homo aliquod animal est. On fait de toutes ces équipollences le vers suivant

Prœ contradic. post contra. prae postque subalter.

lequel s’explique ainsi; prœ, c’est-à-dire la négation précédente, le contradic., fait équivaloir à son contradictoire; post, la négation mise après fait équivaloir à son contraire, prœ post que, la négation qui précède et qui suit fait équivaloir à son subalterne. Telles sont les équipollences des énonciations catégoriques.

Chapitre X : Comment les énonciations catégoriques d inesse se rapportent à la vérité et à la fausseté.

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Nous allons dire maintenant quels sont les rapports de ces énonciations à la vérité et à la fausseté. Remarquez bien, ainsi qu’il a été dit, qu’une chose peut-être énoncée de l’universel en tant qu’il se trouve dans les singuliers de deux manières, affirmativement, et être écartée négativement, la première quand on lui attribue quelque chose à raison de l’universel même, soit que cela appartienne à son essence ou suive ses principes essentiels, comme lorsqu’on dit homo est animal risibile, et c’est ce qu’on appelle la matière naturelle ou nécessaire. Ce qui est exclu de l’universel de cette manière à raison de la nature même, c’est-à-dire de l’universel, est appelé matière éloignée ou impossible, comme homo est asinus. En second lieu, quand on lui attribue quelque chose à raison de quelque singulier où se trouve cette nature de l’universel, comme lorsqu’on dit, homo currit, et c’est ce qu’on appelle matière contingente. Il faut savoir que dans la matière naturelle et dans la matière éloignée, si une des contraires est vraie, l’autre est fausse et réciproquement. La raison en est que si la matière qui se trouve en rapport avec la nature de l’universel est appelée matière naturelle, il s’ensuit qu’elle convient à tout ce qui est contenu en lui, de telle façon que l’universelle affirmative sera vraie, et l’universelle négative qui exclut cette matière de tout ce qui est contenu en lui, sera nécessairement fausse. Car elle dit que ce qui est n’est pas, et c’est là la fausseté, dire que ce qui est n’est pas ou que ce qui n’est pas est. De même dans la matière éloignée l’universelle négative est vraie, parce qu’elle écarte tel prédicat de tout ce qui est contenu sous tel universel. Donc l’universelle affirmative sera aussi alors dite fausse, parce qu’elle dit que ce qui n’est pas est, et il en sera de même par rapport à elle pour ses subalternes particulières. Comme en effet, la matière naturelle convient à tout ce qui est contenu sous l’universel, il en résulte que dans cette matière la particulière affirmative sera vraie, et la négative fausse le contraire aura lieu dans la matière éloignée, au contraire dans la matière contingente les deux contraires peuvent être fausses; on peut en trouver la raison dans ce que nous avons dit. Si, en effet, dans cette matière on n’attribue quelque chose à l’universel qu’à raison de quelque particulier contenu en lui, il est faux de l’affirmer de tous les particuliers, parce qu’on dit être ce qui n’est pas; il est également faux de le nier de tous les particuliers ou singuliers, parce qu’on dit que ce qui est n’est pas. Elles sont donc toutes deux fausses, les particulières, au Contraire, sont toutes deux vraies, parce que chacune peut se conserver dans une singulière. Aristote en donne une autre raison Les contraires, dit-il, s’excluent mutuellement. Ces deux contraires ne pourront donc pas subsister ensemble, ce qui est vrai, néanmoins rien n’empêche que leurs exclusions subsistent ensemble ; de même que le blanc et le noir ne peuvent subsister ensemble, cependant rien n’empêche que leurs exclusions subsistent ensemble, car le faux est l’exclusion des deux qualités. Dans toute matière soit naturelle, soit éloignée, soit contingente, si une des contradictoires est vraie, l’autre est fausse et réciproquement. En effet, ou les énonciations contradictoires sont singulières, comme il a été dit, ou l'une est universelle et l’autre particulière et sont telles que l’une exclue l’autre. C’est pourquoi si l’une est négative, l’autre est affirmative, et si l’affirmative est vraie, elle dit que "ce qui est" est réellement, ce qui est le vrai, comme il est dit au liv. IV de la Métaphysique: Car le vrai est que ce qui est soit réellement, et que ce qui n’est pas ne soit réellement pas. Le faux, au contraire, est que ce qui est ne soit pas, et que ce qui n’est pas soit. La négative contradictoire sera fausse parce qu’elle dit que ce qui est n’est pas, pareille ment si la négative est vraie, elle dit que ce qui est n’est pas, et l’affirmative dit alors que ce qui n’est pas est réellement, ce qui est faux. Et comme il n’y a pas de milieu entre être et ne pas être et que l’un exclut l’autre, parce qu’on ne peut dire du même sujet des choses impossibles et que l’être et le non être ne peuvent être vrais en même temps, il en est de même des contradictoires, parce que l’une attribue l’être et l’autre le non être au même sujet; c’est pour cela que l’une exclut toujours l’autre. Comme le vrai et le faux consistent dans cet être et ce non être, comme il a été dit, il n’y a donc pas de milieu, si l’une est vraie, l’autre est fausse et réciproquement. Voilà en quoi consiste la vérité ou la fausseté des propositions de inesse, etc.

Chapitre XI : Ce que c’est que la proposition modale et de sa quantité.

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Nous allons parler maintenant des propositions modales. Le mode, dans le sens Où il est pris ici, est une détermination adjacente à la chose, c’est-à-dire une détermination faite par un adjectif. Or il y a deux sortes d’adjectif, l’adjectif de nom, comme blanc et noir, et l’adjectif de verbe, tels que les adverbes. Comme l’adverbe est joint au verbe et s’appuie toujours sur lui, il s’appelle pour cette raison adjectif du verbe. Il y aura donc ainsi deux modes, le mode nominal, comme lorsqu’on dit une course rapide; et le mode adverbial, comme lorsqu’on dit il court rapidement. Il faut observer que les adverbes peuvent déterminer les verbes de plusieurs manières: quelques-uns les déterminent à raison de l’action ou de la passion qui signifie le verbe, comme je cours rapidement, ou j’agis courageusement, et t’est ce que font les adverbes qualificatifs. Quelques-uns à raison du temps, comme les adverbes temporaux; d’autres à raison du mode, comme les adverbes vocatifs ou optatifs. D’autres déterminent le verbe à raison de la composition qu’il opère dans le discours, et ceux-ci sont au nombre de six, à savoir: necessario, impossibiliter, possibiliter, contingenter, vero et falso. En effet, lorsqu’on dit: Socrate court rapidement, on exprime que sa course est rapide; mais lorsqu’on dit: Socrate court nécessairement, on ne veut pas dire que sa course soit nécessaire, mais bien que cette composition, Socrate court, est nécessaire, et de même des cinq autres adverbes précités. II faut savoir que ces six adverbes sont de vraies énonciations modales, parce qu’ils peuvent faire des propositions modales pris adverbialement, comme lorsqu’on dit: Socrate court nécessairement, et nominalement, comme lorsqu’on dit qu’il est nécessaire que Socrate coure, et ainsi des autres. Il est vrai que deux de ces modes, à savoir: vero et falso ne diversifient pas l’énonciation relativement aux oppositions, aux équipollences et autres choses de ce genre, mais ils ont les mêmes rapports ou sont pris ici comme dans les catégoriques de inesse, aussi nous n’en dirons rien. Mais nous allons parler des quatre autres ad verbes, à savoir: possibiliter, impossibiliter, necessario, contingenter, parce qu’ils diversifient les susdites énonciations. Nous nous occuperons pour le, moment de quatre choses à ce sujet, de la quantité, de la qualité, des oppositions et équipollences, parce qu’il sera question de leur conversion dans le traité des syllogismes où l’on parlera égale ment de la conversion des énonciations de inesse. Or, pour connaître leur quantité, il faut observer qu’il y a des propositions modales de diction, comme Sortem currere est necesse, dans lesquelles la diction est sousajoutée et le mode énoncé: et celles-ci sont vraiment modales, parce qu’ici le mode détermine le verbe à raison de la composition, comme il a été dit plus haut. Il en est d’autres qui sont modales de re, dans lesquelles le mode est interposé à la diction, comme Sortem necesse est currere. En effet, le sens n’est pas que cette diction est nécessaire, je veux dire sortem currere, mais le sens est qu’il y a dans Socrate la nécessité de courir. La chose est plus claire dans le possible, car lorsqu’on dit Sortem currere est possibile, le sens est que cette diction Sortem currere est possible; mais lorsqu’on dit Sortem possibile est currere, le sens est qu’il y a dans Socrate la possibilité de courir. Il y a encore d’autres énonciations qui paraissent modales et qui ne le sont pas, quand le mode est sous-ajouté et la diction énoncée, comme possibile est Sortem currere. La raison en est que la dénomination doit se tirer de la forme; or dans l’énonciation le formel est le prédicat et doit par conséquent être dénommé par le prédicat: donc, quand dans l’énonciation la prédication tombe sur le mode, elle est modale, quand c’est sur la diction, elle ne l’est pas. Il faut savoir que toutes les énonciations modales de dicto sont singulières, quel que soit en elles le signe universel. C’est pour celle-ci, omnem hominem currere, est singulière, et ainsi de toutes les autres. La raison, c’est que, comme il a été dit, l’énonciation est appelée singulière, parce qu’il y a en elle un singulier, ou un terme singulier comme Socrate court. Mais dans ces énonciations ou insère cette diction déterminée, omnem hominem currere, qui est prise tout entière pour un terme dé terminé. Donc touts ces énonciations sont singulières. Mais dans les modales de re et dans celles qui paroissent modales sans l’être, la quantité est prise suivant qu’il y a dans la diction des termes et des signes. C’est pourquoi celle-ci, possibile est omnem hominem currere, est universelle; et celle-ci, possibile est aliquem hominem currere, est particulière; ainsi en est-il des modales de re. Telle est leur quantité.

Chapitre XII : De la qualité des propositions modales quant à l’affirmation et à la négation.

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Quant à leur qualité, il faut noter que dans les énonciations d'inesse, il y a trois choses à considérer, à savoir, le sujet, le prédicat et la combinaison de l’un et de l’autre, qui quelquefois ont des rapports, comme dans les choses naturelles. Dans l’homme il faut considérer le corps, l’âme et l’humanité. Le corps est la matière, l’âme est la forme qui est une partie du composé, c’est pourquoi elle est forme par rapport au corps, et l’humanité est forme par rapport à l’un et à l’autre, c’est-à-dire au corps et à l’âme. Ainsi, dans la proposition ci-dessus, dans l’énonciation, le sujet est comme la matière, le prédicat comme la forme qui est une partie du composé. C’est pourquoi il est comme forme à l’égard du sujet, tandis que la composition est forme à l’égard de l’un et de l’autre. Aussi l’affirmation et la négation y sont-elles prises suivant la compo ou la division, lorsqu’il y a négation. C’est pourquoi lorsqu’il n’y a pas de négation dans la composition, l’énonciation est affirmative, mais s’il y a négation, l’énonciation est négative. Le mode est pour les modales ce qu’est le prédicat pour celles de inesse, parce qu’il est comme la forme par rapport à la diction; aussi, si le mode se combine avec la phrase d’une manière affirmative, la modale sera affirmative, si c’est négativement, la pro position sera négative. Celle-ci, en effet, Sortem non currere est pos- sibile, est affirmative, parce que la combinaison est quelque peu affirmée par la phrase. Mais cette autre, Sortem currere non est possibile, est négative parce que cette composition est niée. On le voit clairement dans leur Vérité et leur fausseté. En effet, l’affirmation sur le même singulier est opposée contradictoirement à la négation, et par conséquent, si l’une est vraie, l’autre est fausse. Mais celles-ci, Sortem currere est possibile, Sortem non currere est possibile, sont toutes deux vraies, parce que Socrate peut courir et peut ne pas courir, et la possibilité est vraie à l’égard de l’une et l’autre phrase. Donc l’une n’est pas affirmative et l’autre négative. Il faut savoir que, bien que l’énonciation modale soit dite affirmative ou négative du mode affirmé et nié, chacune peut néanmoins se diversifier de quatre manières, parce qu’elle aura et la diction affirmée, comme, Sortem currere est possibile, ou l’un et l’autre nié, comme, Sortem non currere non est possibile, ou la diction niée et le mode affirmé, comme, Sortem non currere est possibile, ou la diction affirmée et le mode nié, comme, Sortem currere non est possibile. Telle est la qualité.

Chapitre XIII : De l’opposition et de l’équipollence des énonciations modales.

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Nous allons parler maintenant de leur opposition. Notez bien que les modales de cette espèce sont différentes suivant l’affirmation et la négation dans la diction et dans le mode comme on vient de le dire, et c’est ainsi qu’elles produisent des oppositions entre elles. Mais comme les différents modes sont opposés les uns aux autres, nous allons d’abord nous occuper des oppositions des modales suivant les différents modes, ensuite nous ramènerons un mode à un autre, et l’on verra ainsi clairement les oppositions. Il faut observer que le possible peut se prendre de deux manières; ou dans son tout signifié, et alors il comprend le nécessaire et le contingent, et ainsi ce qui a la nécessité d’être a la possibilité d’être, et ce qui est contingent dans l’être a la possibilité d’être. De la seconde manière il n’est pris que pour le contingent, et c’est ainsi qu’il est pris dans ces oppositions. C’est pourquoi, quoiqu’il y ait quatre énonciations modales, il n’y en a que trois qui opèrent une diversité dans les oppositions et les équipollences, parce qu’on prend pour la même une chose du contingent, et une autre chose du possible. Disons donc quelque chose de ces trois modes, à savoir, le nécessaire, le possible, l’impossible. Et quoique, quand la prédication se fait substantiellement de la diction et du mode, l’énonciation ne soit point modale, elle est néanmoins ramenée promptement à la modale, et c’est ainsi que nous nous servirons bientôt de ces énonciations. Il faut savoir que, comme ou l’a dit dans les énonciations de inesse, ce signe tout signifie que le prédicat de l’énonciation est attribué au sujet, suivant tout ce qui est contenu en lui. Au contraire, ce signe nul exclut du sujet tout ce qui est contenu en lui, et c’est pour cela que l’universelle affirmative et l’universelle négative sont contraires. De même, dans ces énonciations modales, ce mode necesse fait signifier toute l’inhérence du sujet au prédicat, parce que ce qui est nécessairement inhérent est inhérent à telle chose tout entière, et tient par conséquent la même place, c’est-à-dire la modale affirmative de necessario, et l’universelle affirmative de inesse. Et comme aucun n’exclut le tout, il en est de même de l’impossible, parce que ce qui inest impossibiliter, nuili tali inest, et par conséquent la proposition de l’impossible tient lieu de l’universelle négative. Et comme en affirmant on ne met pas toute l’inhérence, de même en niant on n’exclut pas tout ce qui est contenu sous le sujet; ainsi ce mode possibile, parce que ce qui possibiliter inest, n’est pas inhérent à tout, et ce qui possibiliter non inest, non inest nulli, aussi le possible en affirmant tient la place de la particulière affirmative, et le possible eu niant tient lieu de la particulière négative. Donc, suivant ce que nous venons de dire, ces énonciations, il est nécessaire d’être, et il est impossible d’être sont contraires; - il est nécessaire d’être et il est possible de ne pas être sont contradictoires; - il est impossible d’être et il est possible d’être sont contradictoires; il est possible d’être et il est possible de ne pas être sont sous-contraires; il est nécessaire d’être et il est possible d’être sont subalternes; - il est impossible d’être et il est possible de ne pas être sont subalternes, comme on le voit dans la figure suivante:

rer par les négations placées dans la diction ou dans le mode. Car les équipollences des modales s’opèrent de la même manière que dans les énonciations de inesse, suivant ce vers

Prae contradic. Post contra, prae postque subalter

En effet la négation préposée au mode le rend équipollent à son contradictoire, d’où cette proposition, non necesse est esse, est équivalente à celle-ci, possibite est non esse, et cette autre, non impossibile est esse, est équivalente à celle-ci, possibile est esse. Mais la négation placée après le mode le rend équipollent à son contraire, d’où cette proposition necesse est non esse, équivaut à celle-ci, impossibile est esse; et cette autre, impossibile est non esse, équivant à celle-ci, necesse est esse, prae post que subalter, c’est-à-dire, la négation placée avant et après le mode le rend équipollent à son subalterne. D’où cette proposition, non necesse est non esse, équivaut à celle-ci, possibile est esse, et de même cette autre, non impossibile est non esse, équivant à celle-ci, possibile est non esse. D’après ce que l’on vient de dire on peut voir de quelle manière les oppositions des propositions de même mode sontvariées par les négations. Par exemple dans les énonciations de neeessario, celle-ci, necesse est esse, et cette autre, non necesse est esse, sont contradictoires: et celle-ci, non necesse est non esse, et, necesse est esse, sont subalternes, et il en est de même de chacune des autres énonciations modales, par ce vers

Amabimus edentuli: illiace, purpurea.

Chapitre XIV : De l’énonciation hypothétique et de ses trois espèces.

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Il nous reste maintenant à parler des énonciations hypothétiques ou suppositives, ce qui est la même chose. L’énonciation hypothétique se définit ainsi: L’énonciation hypothétique est celle qui a deux de ses parties principales catégoriques comme si l’homme court, l’homme se meut; il est évident que celle-ci, l’homme court, est une énonciation catégorique, et celle-là, l’homme se meut, en est une autre. Je dis parties principales, parce que les termes

sont les parties principales de la proposition catégorique, et ne sont pas cependant les parties principales de la proposition hypothétique, mais des parties éloignées, comme les pierres sont les parties éloignées de la maison, et c’est en quoi l’énonciation hypothétique diffère de l’énonciation catégorique. Car les parties principales de l’énonciation catégorique sont les termes, et les parties principales de l’hypothétique sont les deux catégoriques. Il y a aussi une autre différence entre les propositions catégoriques et les propositions hypothétiques. Car dans la proposition catégorique le sujet prend le nom de prédicat. En effet lorsqu’on dit, l’homme est un animal, l’homme reçoit le nom d’animal, puisque on dit que l’homme est un animal. Il n’en est pas de même dans les hypothétiques, parce que l’un ne se dit pas de l’autre, on dit seulement qu’une chose est si une autre chose est également. Par exemple, lorsqu’on dit, si elle a enfanté, elle a eu des relations avec un homme; le sens n’est pas que, enfanter c’est avoir des relations avec un homme, mais bien que l’enfantement n’aurait pu avoir lien, s’il n’y avait pas eu de relations avec un homme.

De même lorsque nous disons, s’il est homme, il est animal, le sens n’est pas que l’homme est animal, mais bien que si une chose est h il est nécessaire que cette chose soit animal. Or la proposition hypothétique se divise en trois espèces, l’une conditionnelle, l’autre disjonctive et la troisième copulative. La conditionnelle est celle dans laquelle deux propositions catégoriques sont unies par cette conjonction si, comme, s’il est homme, il est animal; or cette conditionnelle peut s’opérer tant du côté du sujet que du côté du prédicat. Du côté du sujet, comme si l’on dit, si l’homme ne court pas, et du côté du prédicat, comme si l’on dit, si l’homme court, l’homme se meut. La première proposition ou énonciation catégorique qui se trouve dans ces énonciations hypothétiques, s’appelle antécédent; la seconde con séquent, et pour cette raison, conséquence. Les rationnelles sont amenées à la conditionnelle, comme, Socrate est homme, donc Socrate est animal. Il en est de même de la causale, comme, parce que Socrate est homme, Socrate est animal; de toute proposition temporelle, comme, quand Socrate est homme, Socrate est animal, et toutes les autres de ce genre. Il faut observer que Hamonius établit une double hypothèse, l’une quand on suppose quelque chose d’impossible, laquelle entraîne nécessairement quelque autre chose impossible. Par exemple, supposé que quatre soit trois, le nombre quatre sera un nombre impair. Il est constant, en effet, que l’hypothèse suppose l’impossible, et amène l’impossible, et l’impossible est une conséquence nécessaire pendant la durée de l’hypothèse. On peut comprendre par là que la conditionnelle peut être vraie et ses deux parties fausses néanmoins. C’est pour quoi cette proposition est vraie, si l’homme est un âne, l’homme est susceptible de braire, cependant chacune des catégoriques est fausse. La seconde hypothèse a lieu quand on dit qu’une chose est ou n’est pas, si une autre chose a été ou n’a pas été, comme s’il est homme, il est animal ou s’il est homme, il n’est pas une pierre. Ou peut comprendre par ce que nous venons de dire que la vérité de l’énonciation hypothétique se trouve dans la conséquence des termes qui sont dans le conséquent, relativement aux termes qui sont dans l’antécédent, parce que en effet animal suit nécessairement de l’homme: il est certain que tout ce qui sera homme sera animal. Et si se mouvoir est une suite de courir, il s’ensuit que tout ce qui court se meut. Si donc il est homme, il est animal, et s’il court, il se meut. Donc le mouvement sera attribué à tout ce à quoi on attribuera la course avec vérité ou avec fausseté. C’est pourquoi cette proposition est vraie, si l’immobile court, l’immobile se meut. C’est pour cela que l’on dit que pour qu’elle soit vraie il faut que l’antécédent ne puisse être vrai sans le conséquent, parce qu’il y a des rapports tellement nécessaires entre l’antécédent et le conséquent, qu’il en est du conséquent comme de l’antécédent. S’il en était autrement, si par exemple l’antécédent était vrai et le conséquent faux, la conséquence serait fausse, parce que le terme placé dans le conséquent n’aurait pas une liaison nécessaire avec le terme placé dans l’antécédent, comme ici, si l’homme est blanc, l’homme est musicien, il est certain que cette proposition est fausse; car la qualité de musicien ne suit pas de la qualité de blanc, Il s’en suit de là que toute conditionnelle vraie est nécessaire, et que toute conditionnelle fausse est impossible, parce que, comme il a été dit, le terme du conséquent suit nécessairement le terme de l’antécédent. Nous dirons de quelle manière la conditionnelle est diversifiée par l’affirmation et la négation, lorsque nous traiterons des syllogismes hypothétiques. La distinctive est celle dans laquelle deux énonciations catégoriques sont unies par les conjonctions de l’espèce distinctive, comme ici, l’animal ou est sain, ou il est malade. La vérité de cette énonciation consiste en ce que si on met une chose, il faut exclure l’autre, et que si l’on exclut une chose on prenne l’autre. D’où l’on voit que cette proposition, ou il est malade, a la même valeur que cette conditionnelle, s’il n’est pas sain il est malade. Et quoique ce soit vrai dans la matière précédente, -ces deux propositions ne sont pas également vraies dans toute matière, car la conditionnelle niée d’une part et affirmée de l’autre se trouve sauve dans les contradictoires, les contraires et les disparates, et elle sera toujours vraie. En effet, celle-ci est vraie, s’il est blanc, il n’est pas noir, néanmoins celle-ci est fausse, ou il est blanc ou il est noir, car il pourrait y avoir quel que chose qui ne serait ni blanc ni noir. Il en est de même des propositions disparates. En effet la disjonctive diffère de telle conditionnelle; c’est pourquoi afin que la disjonctive soit vraie, il faut qu’elle soit de telle matière dans laquelle une chose est posée d’une manière absolue et une autre exclue de la même manière, ou vice ver c’est pour cela qu’il est nécessaire pour qu’elle soit vraie que son autre partie soit vraie. Et si l’une et l’autre de ces deux parties était vraie, ou fausse, l’énonciation disjonctive serait fausse. L’énonciation copulative est celle dans laquelle deux énonciations catégoriques sont unies par la conjonction copulative, comme Socrate court et se meut; dans cette énonciation il n’est mis aucune condition, mais seulement une conjonction de l’énonciation; et comme une conjonction copulative doit toujours unir des choses semblables, si l’antécédent est vrai, il faut nécessairement que le conséquent le soit, et réciproquement. On voit ainsi quels sont les rapports des énonciations hypothétiques à la vérité. Car la conditionnelle peut être vraie quoique ses deux parties soient fausses. La disjonctive est vraie quoique une de ses parties soit fausse. Quant à la copulative, par cela même qu’elle est vraie, ses deux parties doivent l’être nécessairement; tel est ce qui regarde les énonciations hypothétiques. On parlera en traitant des syllogismes hypothétiques de ce qui aura été omis à leur sujet.

Fin du traité de l’énonciation.