Collections d’histoire naturelle dans les écoles en Allemagne

Collections d’histoire naturelle dans les écoles en Allemagne
Revue pédagogique, premier semestre 18817 (p. 49-58).

COLLECTIONS D’HISTOIRE NATURELLE DANS LES ÉCOLES EN ALLEMAGNE



L’enseignement élémentaire des sciences physiques et naturelles n’est pas encore obligatoire dans nos écoles ; mais, de toutes parts, s’élèvent des voix autorisées qui en proclament l’importance et la nécessité, et qui, nous en avons le ferme espoir, ne tarderont pas à être entendues. Dans cette prévision, nous pensons qu’il ne serait peut-être pas inutile de rechercher, dès à présent, dans quel esprit et suivant quelle méthode cet enseignement est pratiqué chez les nations voisines, qui lui ont fait depuis longtemps une large part dans leurs programmes d’études.

Nous retrouvons ici, et plus marquée encore que partout ailleurs, la tendance générale qui domine aujourd’hui toute la pédagogie : mettre les choses à la place des mots, faire comprendre au lieu de faire apprendre, ou plutôt faire apprendre en faisant comprendre, et, pour atteindre ce but, placer sous les yeux des enfants les objets mêmes qu’ils étudient, leur enseigner à les bien voir et à les bien décrire et exercer ainsi leur faculté d’observation et d’analyse. L’histoire naturelle, en particulier, se prête merveilleusement à l’application de cette méthode, puisqu’elle s’occupe des réalités qui nous entourent et qui peuvent être soumises, en tout ou en partie, à l’examen direct des enfants. Aussi les collections d’histoire naturelle sont-elles en grand honneur chez nos voisins. Et leurs instituteurs ne se contentent pas de collections toutes faites, qui seraient d’ailleurs trop dispendieuses : ils les font eux-mêmes, eux et leurs élèves, et ils ne s’en trouvent pas plus mal. « Le meilleur genre de collections, dit M. Buisson, est celui qui se compose d’objets en nature. On ne saurait inculquer trop tôt aux élèves les habitudes d’observation, de comparaison et de classement méthodique qui sont le véritable fruit à retirer de l’étude et surtout de la confection de n’importe quelle collection, des herbiers par exemple. C’est pour cela que nul herbier ne vaut, à nos yeux, celui que les élèves se sont fait à eux-mêmes sous la direction du maître : fût-il informe et incomplet, il fait plus apprendre que la meilleure collection achetée toute faite. »

L’Allgemeine Schul-Zeitung, journal pédagogique qui paraît à Iéna, vient de publier une étude de M. Piltz sur cette question des collections scolaires d’histoire naturelle, Nous pensons être agréable aux lecteurs de la Revue en leur faisant connaître ce travail, qui n’a d’ailleurs que des prétentions modestes, et qui a simplement pour but de fournir des indications sommaires aux instituteurs et de leur présenter une sorte de programme tracé à grands traits.

Nous résumerons rapidement les considérations générales, en nous réservant d’insister particulièrement sur les conseils pratiques donnés par l’auteur.

L’utilité des collections scolaires est évidente. Elles sont indispensables aux maîtres et aux élèves ; sans elles, l’enseignement de l’histoire naturelle n’est plus que du verbiage ; avec elles, l’enseignement devient facile, intéressant et efficace. Ni le livre, ni la dictée, ni même la rédaction, ne peuvent les remplacer. Elles servent à aiguiser l’œil et l’esprit, elles font comprendre aux enfants la beauté et la variété infinie de la nature et contribuent à la leur faire aimer. Enfin, elles donnent des renseignements exacts sur les caractères physiques d’une contrée et viennent ainsi en aide à l’enseignement de la géographie.

L’instituteur encouragera les enfants à faire des collections personnelles, ainsi qu’à augmenter la collection générale de l’école, qui pourra s’enrichir, grâce à leurs recherches, d’un certain nombre de produits rares, de monstruosités, de fossiles, etc. Il organisera des promenades d’herborisation, qui seront fort goûtées des élèves, si elles sont bien conduites. Il leur indiquera avec précision les objets à recueillir et à observer. Il leur fera faire connaissance avec les ustensiles du collectionneur, filets, boîtes, bocaux, etc., et leur enseignera la manière de s’en servir ; il expliquera de même, en dehors des heures de classe, l’usage du petit mobilier destiné à conserver les objets recueillis, les presses pour les plantes, les planchettes à fixer les insectes, etc.

La collection de l’école doit comprendre tous les objets dont le maître entretiendra ses élèves. — Les pièces dont elle se compose peuvent être classées de bien des manières différentes : elles peuvent être groupées, par exemple, en vue de faciliter l’intelligence des mots techniques employés en histoire naturelle (collection terminologique), ou bien en vue de faire connaître les propriétés et les usages des substances utiles, ou bien encore d’étudier les rapports des corps les uns avec les autres, leurs influences réciproques, l’existence des parasites, etc. — Un autre mode de groupement, qui a aussi sa valeur en botanique, surtout pour les herborisations, c’est le classement des plantes suivant leurs stations : plantes aquatiques, plantes des marais, des prairies, des champs, des forêts ; plantes des terrains calcaires, des sables, des marais salants, des tourbières, etc.

La collection de l’école doit être l’objet des soins les plus attentifs. L’instituteur en confiera l’entretien aux élèves qui se distinguent par leur propreté, leur exactitude et leur goût pour les sciences naturelles. On voit sans peine l’importance de cette recommandation, non pas seulement au point de vue pratique, mais surtout au point de vue pédagogique. L’aspect extérieur de la collection doit répondre. à sa valeur intérieure. « Ayez soin de donner aux armoires, aux casiers, aux inscriptions, une apparence qui plaise aux yeux, et faites en sorte qu’on vous reproche plutôt votre pédantisme que votre désordre et votre manque de goût. Sous tous les rapports, la collection de l’école doit servir de modèle aux élèves pour leur propre collection, présente ou future. »

Enfin, à côté du catalogue, méthodiquement dressé et indiquant le nom de l’objet, l’endroit où il a été recueilli et son numéro d’ordre, l’instituteur fera bien d’établir un livre-Journal, où seront inscrits le jour de l’entrée et le nom du donateur. En outre de son intérêt historique, cet agenda aura une valeur pédagogique non moins précieuse : ce sera un moyen de récompenser et d’encourager les élèves et de les attirer de plus en plus à l’école.

COLLECTIONS POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA BOTANIQUE

I. Herbiers.

On fera bien d’installer tout d’abord un herbier complet. On y classera les plantes suivant la méthode naturelle, et l’on adoptera une disposition telle qu’il soit possible et facile de compléter la collection. Chaque espèce sera représentée dans toutes ses parties, quand même celles-ci ne se développeraient qu’à des époques différentes : c’est ce qui arrive particulièrement pour les fruits et pour les graines, qui ont souvent tant d’importance pour la détermination des genres (chez les ombellifères, par exemple). Un certain nombre de familles végétales renferment des plantes à fruits volumineux, qu’il est impossible de fixer sur les feuilles d’un herbier : on disposera donc des cases complémentaires spéciales pour les semences. On fera aussi une collection séparée pour les bois.

À côté de l’herbier général, on établira des herbiers partiels et gradués, pour les espèces, les genres et les familles ; ils correspondront aux divers degrés d’enseignement.

II. Collection terminologique.

Cette collection se compose de parties de végétaux, mises sous presse ou simplement séchées, fixées sur des tableaux de carton, rangées dans des casiers ou à l’air libre et groupées au point de vue de la terminologie.

1° Racines. — Racines primitives, se divisant : d’après la direction (racine pivotante : Pastinaca), la forme (racine cylindrique : Daucus carota), le degré de ramification (racine simple : Zea maïs), la nature du tissu (racine ligneuse : Prunus domestica). — Racines secondaires : racines à crampons, aériennes, absorbantes.

2° Tiges. — Elles se divisent : d’après le degré de ramification (tige simple : Tulipa silvestris ; ramifiée : Prunus spinosa ; fourchue : Viscum album) ; d’après les caractères que présente la circonférence (tige sillonnée : Chærophyllum bulbosum) ; d’après l’aspect général (tige ligneuse : Quercus pedunculata ; hampe : Primula elatior).

La collection des tiges doit comprendre une collection de coupes transversales et de coupes longitudinales pratiquées sur le tronc des végétaux ligneux, ainsi qu’une collection d’écorces.

3° Feuilles. — On choisit des feuilles types, on les met sous presse et on les réunit sur des tableaux, que l’on suspend au mur. Ces tableaux indiquent : la disposition des feuilles (feuilles opposées : Lamium album) ; la nervation (feuilles à nervures convergentes, digitinerviées : Majanthemum bifolium) ; le mode d’attache (feuilles sessiles : Sedum maximum) ; la forme générale (feuilles ovales : Stellaria media) ; la forme de l’extrémité (feuilles aiguës : Salix fragilis) ; la forme des bords (feuilles entières : Aristolochia clematis) ; celle de la surface médiane (feuilles à nervure médiane : Plantago major) ; la composition (feuilles simples : Fagus silvatica ; feuilles composées : Trifolium pratense).

4° Pétales. Inflorescences. — Placer dans un herbier, mettre sous presse et faire sécher des objets aussi délicats que les pétales, ce n’est pas un travail sans difficulté ; mais on y arrive en se servant de papier de soie et de papier à lettres.

La collection doit représenter : les variétés de corolles suivant leur composition et leur forme (corolle monopétale, tubuleuse : Anthemis arvensis ; infundibuliforme : Convolvulus arvensis ; corolle composée, papilionacée : Coronilla varia) ; — les variétés de calices (calice gamosépale : Centaurea cyanus ; calice persistant : Fragaria vesca) ; — les inflorescences (inflorescences en épis : Triticum vulgare ; en grappes : Ribes alpinum ; en panicules : Avena sativa ; en capitules : Trifolium pratense).

5° Fruits et graines. — Les fruits charnus ne se conservent pas ; il faudra donc les remplacer fréquemment par des spécimens naturels ou les représenter par des imitations. Quant aux fruits secs, ils se conservent aisément et se prêtent mieux à des groupements faciles à saisir, instructifs et agréables à la fois. — Fruits secs simples (indéhiscents : caryopse de l’Avena sativa, akène du Carduus acanthoides ; — déhiscents : gousse du Pisum sativum, follicule du Delphinium consolida) ; fruits secs composés (silique : Brassica napus ; capsule : Geranium pratense).

Graine bilobée ou unilobée : Phaseolus vulgaris, Tulipa silvestris.

III. Collection pour enseigner les usages des végétaux.

Cette partie de la collection doit comprendre à la fois les substances végétales à l’état brut et les produits qu’on en retire. Suivant les nécessités de l’enseignement dans les divers établissements scolaires, elle se bornera simplement aux productions les plus importantes, ou bien elle sera plus ou moins complète et servira en même temps à l’enseignement de la chimie.

On trouvera facilement une classification, celle-ci, par exemple : aliments, médicaments, substances végétales employées pour la fabrication des meubles, des vêtements ; — celles qui ne subissent, pour être utilisées, qu’une modification mécanique et celles qui sont soumises à des modifications chimiques.

IV. Collection servant à montrer l’action des êtres vivants sur les substances végétales.

Encore une collection qui peut être installée de bien des manières différentes, et qui mérite une attention toute particulière. Elle servira à faire comprendre certaines maladies ou certains effets nuisibles, en montrant les parasites animaux ou végétaux que les plantes logent et nourrissent. Il va sans dire qu’on laissera la plante affectée en contact avec l’organisme étranger qui la détrui-, ou qu’on les placera l’un à côté de l’autre.

Végétaux et parasites végétaux : le gui, avec un fragment de la branche qui le nourrit, le parasite du lin, du trèfle ; les parasites cryptogames : charbon des graminées, rouille, nielle, oïdium.

Végétaux et animaux. — Effets produits par les insectes sur les arbres fruitiers et les arbres des forêts, sur les plantes de la campagne et des jardins : sillons, bien connus, produits par les larves, taches bariolées, excroissances et galles se présentant sur les parties les plus diverses des plantes, feuille du noisetier enroulée en cornet (effet causé par l’Apoderus coryli et autres). — Détermination des xylophages (Bostrychus, Hylesinus, etc.) par les caractères de leurs sillons, — des insectes qui produisent les galles par ces galles elles-mêmes. — On peut encore réunir facilement des pièces, bien choisies, destinées à montrer les excrétions végétales (écoulement de résine), les cicatrisations à la suite de lésions mécaniques, les crevasses produites par la gelée, etc. — Incrustations de végétaux par dés sels calcaires (tuf calcaire). — Deux ou trois échantillons de fossiles végétaux, enfermés dans leur gangue de pierre.

COLLECTIONS POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA ZOOLOGIE

M. Piltz reconnaît que ces collections sont plus difficiles à réunir et à conserver que les collections de botanique, qu’elles sont plus coûteuses et demandent plus de temps et de peine. Il ne croit pas pourtant que l’installation d’un petit musée zoologique soit absolument irréalisable pour un instituteur qui aurait le goût des sciences naturelles, qui ne laisserait échapper aucune occasion de se procurer quelques représentants caractéristiques des différentes espèces animales, qui serait en relation constante avec des chasseurs, des bouchers, des marchands de poisson, des conservateurs de musée, et qui saurait donner une bonne direction aux recherches de ses élèves. Il arriverait ainsi à rassembler en grand nombre coquillages, écrevisses, hannetons, abeilles, mouches, etc. Il ne manquerait pas de faire entrer dans sa collection des plumes d’oiseaux, des dents de mammifères (sauvages ou domestiques). Il ferait en sorte que, à l’heure de la leçon, chaque enfant eût entre les mains, soit un exemplaire entier (s’il s’agit, par exemple, du hanneton), soit une partie de l’animal qui fait l’objet de cette leçon.

Quant à la disposition de la collection zoologique, on pourra la partager, comme la collection de botanique, entre les quatre parties que nous avons indiquées. Mais on aura, de plus, à s’occuper particulièrement : 1° de l’habitation des animaux (nids abandonnés, ruche, guêpier) ; 2° du développement des insectes aux diverses périodes de leurs métamorphoses.

COLLECTIONS POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA MINÉRALOGIE

Les minéraux conservent indéfiniment et sans demander beaucoup de soin leur état naturel : cette collection est donc la plus facile à former. La minéralogie peut et doit être étudiée à l’école primaire ; l’enseignement de la géographie physique comprend, en effet, l’étude des minéraux aussi bien que l’étude des plantes et des animaux, et une série d’échantillons des principales variétés de roches qui existent dans le pays aidera les élèves à comprendre les particularités du sol, et leur servira autant pour la géographie que pour l’histoire naturelle,

Une collection locale complète doit renfermer : 1° les minéraux ; 2° les variétés de roches ; 3° les fossiles végétaux et les fossiles animaux. — Ici encore il y aurait intérêt à former une collection terminologique (couleur, éclat, cassure), et à y joindre une collection des minéraux utiles les plus importants avec les produits qu’on en retire. Ce résultat peut être obtenu n’importe où et sans grandes difficultés. Une autre collection, faite au point de vue de la formation des terrains, serait encore fort utile pour faire comprendre la structure géologique d’un pays.

Dr E. Darin,
Licencié ès lettres.