Code civil des Français 1804/Livre III, Titre XVIII

Décrété le 28 Ventôse an XII.
Promulgué le 8 Germinal suivant.

Titre XVIII.
des priviléges et hypothèques.


Chapitre I.er
dispositions générales.

2092.

Quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présens et à venir.

2093.

Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.

2094.

Les causes légitimes de préférence sont les priviléges et hypothèques.

Chapitre II.
des priviléges.

2095.

Le privilége est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires.

2096.

Entre les créanciers privilégiés, la préférence se règle par les différentes qualités des priviléges.

2097.

Les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang, sont payés par concurrence.

2098.

Le privilége, à raison des droits du trésor public, et l’ordre dans lequel il s’exerce, sont réglés par les lois qui les concernent.

Le trésor public ne peut cependant obtenir de privilége au préjudicie des droits antérieurement acquis à des tiers.

2099.

Les priviléges peuvent être sur les meubles ou sur les immeubles.

Section I.re
Des Priviléges sur les meubles.
2100.

Les priviléges sont ou généraux, ou particuliers sur certains meubles.

§. I.er
Des priviléges généraux sur les meubles.
2101.

Les créances privilégiées sur la généralité des meubles sont celles ci-après exprimées, et s’exercent dans l’ordre suivant :

1.o Les frais de justice ;

2.o Les frais funéraires ;

3.o Les frais quelconques de la dernière maladie, concurremment entre ceux à qui ils sont dus ;

4.o Les salaires des gens de service, pour l’année échue et ce qui est dû sur l’année courante ;

5.o Les fournitures de subsistances faites au débiteur et à sa famille ; savoir, pendant les six derniers mois, par les marchands en détail, tels que boulangers, bouchers et autres ; et pendant la dernière année, par les maîtres de pension et marchands en gros.

§. II.
Des priviléges sur certains meubles.
2102.

Les créances privilégiées sur certains meubles sont,

1.o Les loyers et fermages des immeubles, sur les fruits de la récolte de l’année, et sur le prix de tout ce qui garnit la maison louée ou la ferme, et de tout ce qui sert à l’exploitation de la ferme ; savoir, pour tout ce qui est échu, et pour tout ce qui est à échoir, si les baux sont authentiques, ou si, étant sous signature privée, ils ont une date certaine ; et, dans ces deux cas, les autres créanciers ont le droit de relouer la maison ou la ferme pour le restant du bail, et de faire leur profit des baux ou fermages, à la charge toutefois de payer au propriétaire tout ce qui lui serait encore dû ;

Et, à défaut de baux authentiques, ou lorsqu’étant sous signature privée ils n’ont pas une date certaine, pour une année à partir de l’expiration de l’année courante ;

Le même privilége a lieu pour les réparations locatives, et pour tout ce qui concerne l’exécution du bail ;

Néanmoins les sommes dues pour les semences ou pour les frais de la récolte de l’année, sont payées sur le prix de la récolte, et celles dues pour ustensiles, sur le prix de ces ustensiles, par préférence au propriétaire, dans l’un et l’autre cas ;

Le propriétaire peut saisir les meubles qui garnissent sa maison ou sa ferme, lorsqu’ils ont été déplacés sans son consentement, et il conserve sur eux son privilége, pourvu qu’il ait fait la revendication ; savoir, lorsqu’il s’agit du mobilier qui garnissait une ferme, dans le délai de quarante jours ; et dans celui de quinzaine, s’il s’agit des meubles garnissant une maison ;

2.o La créance sur le gage dont le créancier est saisi ;

3.o Les frais faits pour la conservation de la chose ;

4.o Le prix d’effets mobiliers non payés, s’ils sont encore en la possession du débiteur, soit qu’il ait acheté à terme ou sans terme ;

Si la vente a été faite sans terme, le vendeur peut même revendiquer ces effets tant qu’ils sont en la possession de l’acheteur, et en empêcher la revente, pourvu que la revendication soit faite dans la huitaine de la livraison, et que les effets se trouvent dans le même état dans lequel cette livraison a été faite ;

Le privilége du vendeur ne s’exerce toutefois qu’après celui du propriétaire de la maison ou de la ferme, à moins qu’il ne soit prouvé que le propriétaire avait connaissance que les meubles et autres objets garnissant sa maison ou sa ferme n’appartenaient pas au locataire ;

Il n’est rien innové aux lois et usages du commerce sur la revendication ;

5.o Les fournitures d’un aubergiste, sur les effets du voyageur qui ont été transportés dans son auberge ;

6.o Les frais de voiture et les dépenses accessoires, sur la chose voiturée ;

7.o Les créances résultant d’abus et prévarications commis par les fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions, sur les fonds de leur cautionnement, et sur les intérêts qui en peuvent être dus.

Section II.
Des Priviléges sur les immeubles.
2103.

Les créanciers privilégiés sur les immeubles sont,

1.o Le vendeur, sur l’immeuble vendu, pour le paiement du prix ;

S’il y a plusieurs ventes successives dont le prix soit dû en tout ou en partie, le premier vendeur est préféré au second, le deuxième au troisième, et ainsi de suite ;

2.o Ceux qui ont fourni les deniers pour l’acquisition d’un immeuble, pourvu qu’il soit authentiquement constaté, par l’acte d’emprunt, que la somme était destinée à cet emploi, et, par la quittance du vendeur, que ce paiement a été fait des deniers empruntés ;

3.o Les cohéritiers, sur les immeubles de la succession, pour la garantie des partages faits entre eux, et des soulte ou retour de lots ;

4.o Les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtimens, canaux, ou autres ouvrages quelconques, pourvu néanmoins que, par un expert nommé d’office par le tribunal de première instance dans le ressort duquel les bâtimens sont situés, il ait été dressé préalablement un procès-verbal, à l’effet de constater l’état des lieux relativement aux ouvrages que le propriétaire déclarera avoir dessein de faire, et que les ouvrages aient été, dans les six mois au plus de leur perfection, reçus par un expert également nommé d’office ;

Mais le montant du privilége ne peut excéder les valeurs constatées par le second procès-verbal, et il se réduit à la plus-value existante à l’époque de l’aliénation de l’immeuble et résultant des travaux qui y ont été faits.

5.o Ceux qui ont prêté les deniers pour payer ou rembourser les ouvriers, jouissent du même privilége, pourvu que cet emploi soit authentiquement constaté par l’acte d’emprunt, et par la quittance des ouvriers, ainsi qu’il a été dit ci-dessus pour ceux qui ont prêté les deniers pour l’acquisition d’un immeuble.

Section III.
Des Priviléges qui s’étendent sur les meubles et les immeubles.
2104.

Les priviléges qui s’étendent sur les meubles et les immeubles sont ceux énoncés en l’article 2101.

2105.

Lorsqu’à défaut de mobilier les privilégiés énoncés en l’article précédent se présentent pour être payés sur le prix d’un immeuble en concurrence avec les créanciers privilégiés sur l’immeuble, les paiemens se font dans l’ordre qui suit :

1.o Les frais de justice et autres énoncés en l’art. 2101 ;

2.o Les créances désignées en l’article 2103.

Section IV.
Comment se conservent les Priviléges.
2106.

Entre les créanciers, les priviléges ne produisent d’effet à l’égard des immeubles qu’autant qu’ils sont rendus publics par inscription sur les registres du conservateur des hypothèques, de la manière déterminée par la loi, et à compter de la date de cette inscription, sous les seules exceptions qui suivent.

2107.

Sont exceptées de la formalité de l’inscription les créances énoncées en l’article 2101.

2108.

Le vendeur privilégié conserve son privilége par la transcription du titre qui a transféré la propriété à l’acquéreur, et qui constate que la totalité ou partie du prix lui est due ; à l’effet de quoi, la transcription du contrat faite par l’acquéreur vaudra inscription pour le vendeur et pour le prêteur qui lui aura fourni les deniers payés, et qui sera subrogé aux droits du vendeur par le même contrat : sera néanmoins le conservateur des hypothèques tenu, sous peine de tous dommages et intérêts envers les tiers, de faire d’office l’inscription sur son registre, des créances résultant de l’acte translatif de propriété, tant en faveur du vendeur qu’en faveur des prêteurs, qui pourront aussi faire faire, si elle ne l’a été, la transcription du contrat de vente, à l’effet d’acquérir l’inscription de ce qui leur est dû sur le prix.

2109.

Le cohéritier ou copartageant conserve son privilége sur les biens de chaque lot ou sur le bien licité, pour les soulte et retour de lots, ou pour le prix de la licitation, par l’inscription faite à sa diligence, dans soixante jours, à dater de l’acte de partage ou de d’adjudication par licitation ; durant lequel temps aucune hypothèque ne peut avoir lieu sur le bien chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice du créancier de la soulte ou du prix.

2110.

Les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtimens, canaux, ou autres ouvrages, et ceux qui ont, pour les payer et rembourser, prêté les deniers dont l’emploi a été constaté, conservent, par la double inscription faite, 1.o du procès-verbal qui constate l’état des lieux, 2.o du procès-verbal de réception, leur privilége à la date de l’inscription du premier procès-verbal.

2111.

Les créanciers et légataires qui demandent la séparation du patrimoine du défunt, conformément à l’article 878 au titre des Successions conservent, à l’égard des créanciers des héritiers ou représentans du défunt, leur privilége sur les immeubles de la succession, par les inscriptions faites sur chacun de ces biens, dans les six mois à compter de l’ouverture de la succession.

Avant l’expiration de ce délai, aucune hypothèque ne peut être établie avec effet sur ces biens par les héritiers ou représentans au préjudice de ces créanciers ou légataires.

2112.

Les cessionnaires de ces diverses créances privilégiées exercent tous les mêmes droits que les cédans, en leur lieu et place.

2113.

Toutes créances privilégiées soumises à la formalité de l’inscription, à l’égard desquelles les conditions ci-dessus prescrites pour conserver le privilége n’ont pas été accomplies, ne cessent pas néanmoins d’être hypothécaires ; mais l’hypothèque ne date, à l’égard des tiers, que de l’époque des inscriptions qui auront dû être faites ainsi qu’il sera ci-après expliqué.

Chapitre III.
des hypothèques.

2114.

L’hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation.

Elle est, de sa nature, indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles.

Elle les suit dans quelques mains qu’ils passent.

2115.

L’hypothèque n’a lieu que dans les cas et suivant les formes autorisés par la loi.

2116.

Elle est ou légale, ou judiciaire, ou conventionnelle.

2117.

L’hypothèque légale est celle qui résulte de la loi.

L’hypothèque judiciaire est celle qui résulte des jugemens ou actes judiciaires.

L’hypothèque conventionnelle est celle qui dépend des conventions, et de la forme extérieure des actes et des contrats.

2118.

Sont seuls susceptibles d’hypothèques,

1.o Les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs accessoires réputés immeubles ;

2.o L’usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée.

2119.

Les meubles n’ont pas de suite par hypothèque.

2120.

Il n’est rien innové par le présent Code aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtimens de mer.

Section I.re
Des Hypothèques légales.
2121.

Les droits et créances auxquels l’hypothèque légale est attribuée, sont,

Ceux des femmes mariées, sur les biens de leur mari ;

Ceux des mineurs et interdits, sur les biens de leur tuteur ;

Ceux de la nation, des communes et des établissemens publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables.

2122.

Le créancier qui a une hypothèque légale, peut exercer son droit sur tous les immeubles appartenant à son débiteur et sur ceux qui pourront lui appartenir dans la suite, sous les modifications qui seront ci-après exprimées.

Section II.
Des Hypothèques judiciaires.
2123.

L’hypothèque judiciaire résulte des jugemens, soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus. Elle résulte aussi des reconnaissances ou vérifications, faites en jugement, des signatures apposées à un acte obligatoire sous seing privé.

Elle peut s’exercer sur les immeubles actuels du débiteur et sur ceux qu’il pourra acquérir, sauf aussi les modifications qui seront ci-après exprimées.

Les décisions arbitrales n’emportent hypothèque qu’autant qu’elles sont revêtues de l’ordonnance judiciaire d’exécution.

L’hypothèque ne peut pareillement résulter des jugemens rendus en pays étranger, qu’autant qu’ils ont été déclarés exécutoires par un tribunal français ; sans préjudice des dispositions contraires qui peuvent être dans les lois politiques ou dans les traités.
Section III.
Des Hypothèques conventionnelles.
2124.

Les hypothèques conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d’aliéner les immeubles qu’ils y soumettent.

2125.

Ceux qui n’ont sur l’immeuble qu’un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peuvent consentir qu’une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision.

2126.

Les biens des mineurs, des interdits, et ceux des absens, tant que la possession n’en est déférée que provisoirement, ne peuvent être hypothéqués que pour les causes et dans les formes établies par la loi, ou en vertu de jugemens.

2127.

L’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique devant deux notaires, ou devant un notaire et deux témoins.

2128.

Les contrats passés en pays étranger ne peuvent donner d’hypothèque sur les biens de France, s’il n’y a des dispositions contraires à ce principe dans les lois politiques ou dans les traités.

2129.

Il n’y a d’hypothèque conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre authentique constitutif de la créance, soit dans un acte authentique postérieur, déclare spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles actuellement appartenant au débiteur, sur lesquels il consent l’hypothèque de la créance. Chacun de tous ses biens présens peut être nominativement soumis à l’hypothèque.

Les biens à venir ne peuvent pas être hypothéqués.

2130.

Néanmoins, si les biens présens et libres du débiteur sont insuffisans pour la sûreté de la créance, il peut, en exprimant cette insuffisance, consentir que chacun des biens qu’il acquerra par la suite, y demeure affecté à mesure des acquisitions.

2131.

Pareillement, en cas que l’immeuble ou les immeubles présens, assujettis à l’hypothèque, eussent péri, ou éprouvé des dégradations, de manière qu’ils fussent devenus insuffisans pour la sûreté du créancier, celui-ci pourra ou poursuivre dès-à-présent son remboursement, ou obtenir un supplément d’hypothèque.

2132.

L’hypothèque conventionnelle n’est valable qu’autant que la somme pour laquelle elle est consentie, est certaine et déterminée par l’acte : si la créance résultant de l’obligation est conditionnelle pour son existence, ou indéterminée dans sa valeur, le créancier ne pourra requérir l’inscription dont il sera parlé ci-après, que jusqu’à concurrence d’une valeur estimative par lui déclarée expressément, et que le débiteur aura droit de faire réduire, s’il y a lieu.

2133.

L’hypothèque acquise s’étend à toutes les améliorations survenues à l’immeuble hypothéqué.

Section IV.
Du rang que les Hypothèques ont entre elles.
2134.

Entre les créanciers, l’hypothèque, soit légale, soit judiciaire, soit conventionnelle, n’a de rang que du jour de l’inscription prise par le créancier sur les registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites par la loi ; sauf les exceptions portées en l’article suivant.

2135.

L’hypothèque existe, indépendamment de toute inscription,

1.o Au profit des mineurs et interdits, sur les immeubles appartenant à leur tuteur, à raison de sa gestion, du jour de l’acceptation de la tutelle ;

2.o Au profit des femmes, pour raison de leurs dot et conventions matrimoniales, sur les immeubles de leur mari, et à compter du jour du mariage.

La femme n’a hypothèque pour les sommes dotales qui proviennent de successions à elle échues, ou de donations à elle faites pendant le mariage, qu’à compter de l’ouverture des successions, ou du jour que les donations ont eu leur effet.

Elle n’a hypothèque pour l’indemnité des dettes qu’elle a contractées avec son mari, et pour le remploi de ses propres aliénés, qu’à compter du jour de l’obligation ou de la vente.

Dans aucun cas, la disposition du présent article ne pourra préjudicier aux droits acquis à des tiers avant la publication du présent titre.

2136.

Sont toutefois les maris et les tuteurs tenus de rendre publiques les hypothèques dont leurs biens sont grevés, et, à cet effet, de requérir eux-mêmes, sans aucun délai, inscription aux bureaux à ce établis, sur les immeubles à eux appartenant, et sur ceux qui pourront leur appartenir par la suite.

Les maris et les tuteurs qui, ayant manqué de requérir et de faire faire les inscriptions ordonnées par le présent article, auraient consenti ou laissé prendre des priviléges ou des hypothèques sur leurs immeubles, sans déclarer expressément que lesdits immeubles étaient affectés à l’hypothèque légale des femmes et des mineurs, seront réputés stellionataires, et comme tels contraignables par corps.

2137.

Les subrogés tuteurs seront tenus, sous leur responsabilité personnelle, et sous peine de tous dommages et intérêts, de veiller à ce que les inscriptions soient prises sans délai sur les biens du tuteur, pour raison de sa gestion, même de faire faire lesdites inscriptions.

2138.

À défaut par les maris, tuteurs, subrogés tuteurs, de faire faire les inscriptions ordonnées par les articles précédens, elles seront requises par le commissaire du Gouvernement près le tribunal civil du domicile des maris et tuteurs, ou du lieu de la situation des biens.

2139.

Pourront les parens, soit du mari, soit de la femme, et les parens du mineur, ou, à défaut de parens, ses amis, requérir lesdites inscriptions ; elles pourront aussi être requises par la femme et par les mineurs.

2140.

Lorsque, dans le contrat de mariage, les parties majeures seront convenues qu’il ne sera pris d’inscription que sur un ou certains immeubles du mari, les immeubles qui ne seraient pas indiqués pour l’inscription resteront libres et affranchis de l’hypothèque pour la dot de la femme et pour ses reprises et conventions matrimoniales. Il ne pourra pas être convenu qu’il ne sera pris aucune inscription.

2141.

Il en sera de même pour les immeubles du tuteur lorsque les parens, en conseil de famille, auront été d’avis qu’il ne soit pris d’inscription que sur certains immeubles.

2142.

Dans le cas des deux articles précédens, le mari, le tuteur et le subrogé tuteur, ne seront tenus de requérir inscription que sur les immeubles indiqués.

2143.

Lorsque l’hypothèque n’aura pas été restreinte par l’acte de nomination du tuteur, celui-ci pourra, dans le cas où l’hypothèque générale sur ses immeubles excéderait notoirement les sûretés suffisantes pour sa gestion, demander que cette hypothèque soit restreinte aux immeubles suffisans pour opérer une pleine garantie en faveur du mineur.

La demande sera formée contre le subrogé tuteur, et elle devra être précédée d’un avis de famille.

2144.

Pourra pareillement le mari, du consentement de sa femme, et après avoir pris l’avis des quatre plus proches parens d’icelle réunis en assemblée de famille, demander que l’hypothèque générale sur tous ses immeubles, pour raison de la dot, des reprises et conventions matrimoniales, soit restreinte aux immeubles suffisans pour la conservation entière des droits de la femme.

2145.

Les jugemens sur les demandes des maris et des tuteurs ne seront rendus qu’après avoir entendu le commissaire du Gouvernement, et contradictoirement avec lui.

Dans le cas où le tribunal prononcera la réduction de l’hypothèque à certains immeubles, les inscriptions prises sur tous les autres seront rayées.

Chapitre IV.
du mode de l’inscription des priviléges et hypothèques.

2146.

Les inscriptions se font au bureau de conservation des hypothèques dans l’arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilége ou à l’hypothèque. Elles ne produisent aucun effet si elles sont prises dans le délai pendant lequel les actes faits avant l’ouverture des faillites sont déclarés nuls.

Il en est de même entre les créanciers d’une succession, si l’inscription n’a été faite par l’un d’eux que depuis l’ouverture, et dans le cas où la succession n’est acceptée que par bénéfice d’inventaire.

2147.

Tous les créanciers inscrits le même jour exercent en concurrence une hypothèque de la même date, sans distinction entre l’inscription du matin et celle du soir, quand cette différence serait marquée par le conservateur.

2148.

Pour opérer l’inscription, le créancier représente, soit par lui-même, soit par un tiers, au conservateur des hypothèques, l’original en brevet ou une expédition authentique du jugement ou de l’acte qui donne naissance au privilége ou à l’hypothèque.

Il y joint deux bordereaux écrits sur papier timbré, dont l’un peut être porté sur l’expédition du titre ; ils contiennent,

1.o Les nom, prénom, domicile du créancier, sa profession s’il en a une, et l’élection d’un domicile pour lui dans un lieu quelconque de l’arrondissement du bureau ;

2.o Les nom, prénom, domicile du débiteur, sa profession s’il en a une connue, ou une désignation individuelle et spéciale, telle, que le conservateur puisse reconnaître et distinguer dans tous les cas l’individu grevé d’hypothèque ;

3.o La date et la nature du titre ;

4.o Le montant du capital des créances exprimées dans le titre, ou évaluées par l’inscrivant, pour les rentes et prestations, ou pour les droits éventuels, conditionnels ou indéterminés, dans les cas où cette évaluation est ordonnée ; comme aussi le montant des accessoires de ces capitaux, et l’époque de l’exigibilité ;

5.o L’indication de l’espèce et de la situation des biens sur lesquels il entend conserver son privilége ou son hypothèque.

Cette dernière disposition n’est pas nécessaire dans le cas des hypothèques légales ou judiciaires : à défaut de convention, une seule inscription, pour ces hypothèques, frappe tous les immeubles compris dans l’arrondissement du bureau.

2149.
Les inscriptions à faire sur les biens d’une personne décédée, pourront être faites sous la simple désignation du défunt, ainsi qu’il est dit au numéro 2 de l’article précédent.
2150.

Le conservateur fait mention, sur son registre, du contenu aux bordereaux, et remet au requérant, tant le titre ou l’expédition du titre, que l’un des bordereaux, au pied duquel il certifie avoir fait l’inscription.

2151.

Le créancier inscrit pour un capital produisant intérêt ou arrérages, a droit d’être colloqué pour deux années seulement, et pour l’année courante, au même rang d’hypothèque que pour son capital ; sans préjudice des inscriptions particulières à prendre, portant hypothèque à compter de leur date, pour les arrérages autres que ceux conservés par la première inscription.

2152.

Il est loisible à celui qui a requis une inscription, ainsi qu’à ses représentans, ou cessionnaires par acte authentique, de changer sur le registre des hypothèques le domicile par lui élu, à la charge d’en choisir et indiquer un autre dans le même arrondissement.

2153.

Les droits d’hypothèque purement légale de la nation, des communes et des établissemens publics sur les biens des comptables, ceux des mineurs ou interdits sur les tuteurs, des femmes mariées sur leurs époux, seront inscrits sur la représentation de deux bordereaux, contenant seulement,

1.o Les nom, prénom, profession et domicile réel du créancier, et le domicile qui sera par lui, ou pour lui, élu dans l’arrondissement ;

2.o Les nom, prénom, profession, domicile, ou désignation précise du débiteur ;

3.o La nature des droits à conserver, et le montant de leur valeur quant aux objets déterminés, sans être tenu de le fixer quant à ceux qui sont conditionnels, éventuels ou indéterminés.

2154.

Les inscriptions conservent l’hypothèque et le privilége pendant dix années, à compter du jour de leur date : leur effet cesse, si ces inscriptions n’ont été renouvelées avant l’expiration de ce délai.

2155.

Les frais des inscriptions sont à la charge du débiteur, s’il n’y a stipulation contraire ; l’avance en est faite par l’inscrivant, si ce n’est quant aux hypothèques légales, pour l’inscription desquelles le conservateur a son recours contre le débiteur. Les frais de la transcription, qui peut être requise par le vendeur, sont à la charge de l’acquéreur.

2156.

Les actions auxquelles les inscriptions peuvent donner lieu contre les créanciers, seront intentées devant le tribunal compétent, par exploits faits à leur personne, ou au dernier des domiciles élus sur le registre ; et ce, nonobstant le décès soit des créanciers, soit de ceux chez lesquels ils auront fait élection de domicile.

Chapitre V.
de la radiation et réduction des inscriptions.

2157.

Les inscriptions sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet, ou en vertu d’un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.

2158.

Dans l’un et l’autre cas, ceux qui requièrent la radiation déposent au bureau du conservateur l’expédition de l’acte authentique portant consentement, ou celle du jugement.

2159.

La radiation non consentie est demandée au tribunal dans le ressort duquel l’inscription a été faite, si ce n’est lorsque cette inscription a eu lieu pour sûreté d’une condamnation éventuelle ou indéterminée, sur l’exécution ou liquidation de laquelle le débiteur et le créancier prétendu sont en instance ou doivent être jugés dans un autre tribunal ; auquel cas la demande en radiation doit y être portée ou renvoyée.

Cependant la convention faite par le créancier et le débiteur, de porter, en cas de contestation, la demande à un tribunal qu’ils auraient désigné, recevra son exécution entre eux.
2160.

La radiation doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l’inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu’elle l’a été en vertu d’un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits de privilége ou d’hypothèque sont effacés par les voies légales.

2161.

Toutes les fois que les inscriptions prises par un créancier qui, d’après la loi, aurait droit d’en prendre sur les biens présens ou sur les biens à venir d’un débiteur, sans limitation convenue, seront portées sur plus de domaines différens qu’il n’est nécessaire à la sûreté des créances, l’action en réduction des inscriptions, ou en radiation d’une partie en ce qui excède la proportion convenable, est ouverte au débiteur. On y suit les règles de compétence établies dans l’article 2159.

La disposition du présent article ne s’applique pas aux hypothèques conventionnelles.

2162.

Sont réputées excessives les inscriptions qui frappent sur plusieurs domaines, lorsque la valeur d’un seul ou de quelques-uns d’entre eux excède de plus d’un tiers en fonds libres le montant des créances en capital et accessoires légaux.

2163.

Peuvent aussi être réduites comme excessives, les inscriptions prises d’après l’évaluation faite par le créancier, des créances qui, en ce qui concerne l’hypothèque à établir pour leur sûreté, n’ont pas été réglées par la convention, et qui par leur nature sont conditionnelles, éventuelles ou indéterminées.

2164.

L’excès, dans ce cas, est arbitré par les juges, d’après les circonstances, les probabilités des chances et les présomptions de fait, de manière à concilier les droits vraisemblables du créancier avec l’intérêt du crédit raisonnable à conserver au débiteur ; sans préjudice des nouvelles inscriptions à prendre avec hypothèque du jour de leur date, lorsque l’événement aura porté les créances indéterminées à une somme plus forte.

2165.
La valeur des immeubles dont la comparaison est à faire avec celle des créances et le tiers en sus, est déterminée par quinze fois la valeur du revenu déclaré par la matrice du rôle de la contribution foncière, ou indiqué par la cote de contribution sur le rôle, selon la proportion qui existe dans les communes de la situation entre cette matrice ou cette cote et le revenu, pour les immeubles non sujets à dépérissement, et dix fois cette valeur pour ceux qui y sont sujets. Pourront néanmoins les juges s’aider, en outre, des éclaircissemens qui peuvent résulter des baux non suspects, des procès-verbaux d’estimation qui ont pu être dressés précédemment à des époques rapprochées, et autres actes semblables, et évaluer le revenu au taux moyen entre les résultats de ces divers renseignemens.

Chapitre VI.
de l’effet des priviléges et hypothèques contre les tiers détenteurs
.

2166.

Les créanciers ayant privilége ou hypothèque inscrite sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu’il passe, pour être colloqués et payés suivant l’ordre de leurs créances ou inscriptions.

2167.

Si le tiers détenteur ne remplit pas les formalités qui seront ci-après établies, pour purger sa propriété, il demeure, par l’effet seul des inscriptions, obligé comme détenteur à toutes les dettes hypothécaires, et jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire.

2168.

Le tiers détenteur est tenu, dans le même cas, ou de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, à quelque somme qu’ils puissent monter, ou de délaisser l’immeuble hypothéqué, sans aucune réserve.

2169.
Faute par le tiers détenteur de satisfaire pleinement à l’une de ces obligations, chaque créancier hypothécaire a droit de faire vendre sur lui l’immeuble hypothéqué, trente jours après commandement fait au débiteur originaire, et sommation faite au tiers détenteur de payer la dette exigible ou de délaisser l’héritage.
2170.

Néanmoins le tiers détenteur qui n’est pas personnellement obligé à la dette, peut s’opposer à la vente de l’héritage hypothéqué qui lui a été transmis, s’il est demeuré d’autres immeubles hypothéqués à la même dette dans la possession du principal ou des principaux obligés, et en requérir la discussion préalable selon la forme réglée au titre du Cautionnement : pendant cette discussion, il est sursis à la vente de l’héritage hypothéqué.

2171.

L’exception de discussion ne peut être opposée au créancier privilégié ou ayant hypothèque spéciale sur l’immeuble.

2172.

Quant au délaissement par hypothèque, il peut être fait par tous les tiers détenteurs qui ne sont pas personnellement obligés à la dette, et qui ont la capacité d’aliéner.

2173.

Il peut l’être même après que le tiers détenteur a reconnu l’obligation ou subi condamnation en cette qualité seulement : le délaissement n’empêche pas que, jusqu’à l’adjudication, le tiers détenteur ne puisse reprendre l’immeuble en payant toute la dette et les frais.

2174.

Le délaissement par hypothèque se fait au greffe du tribunal de la situation des biens, et il en est donné acte par ce tribunal.

Sur la pétition du plus diligent des intéressés, il est créé à l’immeuble délaissé un curateur sur lequel la vente de l’immeuble est poursuivie dans les formes prescrites pour les expropriations.

2175.

Les détériorations qui procèdent du fait ou de la négligence du tiers détenteur au préjudice des créanciers hypothécaires ou privilégiés, donnent lieu contre lui à une action en indemnité ; mais il ne peut répéter ses impenses et améliorations que jusqu’à concurrence de la plus-value résultant de l’amélioration.

2176.

Les fruits de l’immeuble hypothéqué ne sont dus par le tiers détenteur qu’à compter du jour de la sommation de payer ou de délaisser, et, si les poursuites commencées ont été abandonnées pendant trois ans, à compter de la nouvelle sommation qui sera faite.

2177.

Les servitudes et droits réels que le tiers détenteur avait sur l’immeuble avant sa possession, renaissent après le délaissement ou après l’adjudication faite sur lui.

Ses créanciers personnels, après tous ceux qui sont inscrits sur les précédens propriétaires, exercent leur hypothèque à leur rang, sur le bien délaissé ou adjugé.

2178.

Le tiers détenteur qui a payé la dette hypothécaire, ou délaissé l’immeuble hypothéqué, ou subi l’expropriation de cet immeuble, a le recours en garantie, tel que de droit, contre le débiteur principal.

2179.

Le tiers détenteur qui veut purger sa propriété en payant le prix, observe les formalités qui sont établies dans le chapitre VIII du présent titre.

Chapitre VII.
de l’extinction des priviléges et hypothèques.

2180.

Les priviléges et hypothèques s’éteignent,

1.o Par l’extinction de l’obligation principale,

2.o Par la renonciation du créancier à l’hypothèque,

3.o Par l’accomplissement des formalités et conditions prescrites aux tiers détenteurs pour purger les biens par eux acquis,

4.o Par la prescription.

La prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l’hypothèque ou le privilége.

Quant aux biens qui sont dans la main d’un tiers détenteur, elle lui est acquise par le temps réglé pour la prescription de la propriété à son profit : dans le cas où la prescription suppose un titre, elle ne commence à courir que du jour où il a été transcrit sur les registres du conservateur.

Les inscriptions prises par le créancier n’interrompent pas le cours de la prescription établie par la loi en faveur du débiteur ou du tiers détenteur.

Chapitre VIII.
du mode de purger les propriétés des priviléges et hypothèques
.

2181.

Les contrats translatifs de la propriété d’immeubles ou droits réels immobiliers, que les tiers détenteurs voudront purger de priviléges et hypothèques, seront transcrits en entier par le conservateur des hypothèques dans l’arrondissement duquel les biens sont situés.

Cette transcription se fera sur un registre à ce destiné, et le conservateur sera tenu d’en donner reconnaissance au requérant.

2182.

La simple transcription des titres translatifs de propriété sur le registre du conservateur, ne purge pas les hypothèques et priviléges établis sur l’immeuble.

Le vendeur ne transmet à l’acquéreur que la propriété et les droits qu’il avait lui-même sur la chose vendue : il les transmet sous l’affectation des mêmes priviléges et hypothèques dont il était chargé.

2183.

Si le nouveau propriétaire veut se garantir de l’effet des poursuites autorisées dans le chapitre VI du présent titre, il est tenu, soit avant les poursuites, soit dans le mois, au plus tard, à compter de la première sommation qui lui est faite, de notifier aux créanciers, aux domiciles par eux élus dans leurs inscriptions,

1.o Extrait de son titre, contenant seulement la date et la qualité de l’acte, le nom et la désignation précise du vendeur ou du donateur, la nature et la situation de la chose vendue ou donnée ; et, s’il s’agit d’un corps de biens, la dénomination générale seulement du domaine et des arrondissemens dans lesquels il est situé, le prix et les charges faisant partie du prix de la vente, ou l’évaluation de la chose, si elle a été donnée ;

2.o Extrait de la transcription de l’acte de vente ;

3.o Un tableau sur trois colonnes, dont la première contiendra la date des hypothèques et celle des inscriptions ; la seconde, le nom des créanciers ; la troisième, le montant des créances inscrites.

2184.

L’acquéreur ou le donataire déclarera, par le même acte, qu’il est prêt à acquitter, sur-le-champ, les dettes et charges hypothécaires, jusqu’à concurrence seulement du prix, sans distinction des dettes exigibles ou non exigibles.

2185.

Lorsque le nouveau propriétaire a fait cette notification dans le délai fixé, tout créancier dont le titre est inscrit, peut requérir la mise de l’immeuble aux enchères et adjudications publiques ; à la charge,

1.o Que cette réquisition sera signifiée au nouveau propriétaire dans quarante jours, au plus tard, de la notification faite à la requête de ce dernier ; en y ajoutant deux jours par cinq myriamètres de distance entre le domicile élu et le domicile réel de chaque créancier requérant ;

2.o Qu’elle contiendra soumission du requérant, de porter ou faire porter le prix à un dixième en sus de celui qui aura été stipulé dans le contrat, ou déclaré par le nouveau propriétaire ;

3.o Que la même signification sera faite dans le même délai au précédent propriétaire, débiteur principal ;

4.o Que l’original et les copies de ces exploits seront signés par le créancier requérant, ou par son fondé de procuration expresse, lequel, en ce cas, est tenu de donner copie de sa procuration ;

5.o Qu’il offrira de donner caution jusqu’à concurrence du prix et des charges.

Le tout à peine de nullité.

2186.

À défaut, par les créanciers, d’avoir requis la mise aux enchères dans le délai et les formes prescrits, la valeur de l’immeuble demeure définitivement fixée au prix stipulé dans le contrat, ou déclaré par le nouveau propriétaire, lequel est, en conséquence, libéré de tout privilége et hypothèque, en payant ledit prix aux créanciers qui seront en ordre de recevoir, ou en le consignant.

2187.

En cas de revente sur enchère, elle aura lieu suivant les formes établies pour les expropriations forcées, à la diligence soit du créancier qui l’aura requise, soit du nouveau propriétaire.

Le poursuivant énoncera dans les affiches le prix stipulé dans le contrat, ou déclarés, et la somme en sus à laquelle le créancier s’est obligé de la porter ou faire porter.

2188.

L’adjudicataire est tenu, au-delà du prix de son adjudication, de restituer à l’acquéreur ou au donataire dépossédé les frais et loyaux coûts de son contrat, ceux de la transcription sur les registres du conservateur, ceux de notification, et ceux faits par lui pour parvenir à la revente.

2189.

L’acquéreur ou le donataire qui conserve l’immeuble mis aux enchères, en se rendant dernier enchérisseur, n’est pas tenu de faire transcrire le jugement d’adjudication.

2190.

Le désistement du créancier requérant la mise aux enchères, ne peut, même quand le créancier paierait le montant de la soumission, empêcher l’adjudication publique, si ce n’est du consentement exprès de tous les autres créanciers hypothécaires.

2191.

L’acquéreur qui se sera rendu adjudicataire, aura son recours tel que de droit contre le vendeur, pour le remboursement de ce qui excède le prix stipulé par son titre, et pour l’intérêt de cet excédant, à compter du jour de chaque paiement.

2192.

Dans le cas où le titre du nouveau propriétaire comprendrait des immeubles et des meubles, ou plusieurs immeubles, les uns hypothéqués, les autres non hypothéqués, situés dans le même ou dans divers arrondissemens de bureaux, aliénés pour un seul et même prix, ou pour des prix distincts et séparés, soumis ou non à la même exploitation, le prix de chaque immeuble frappé d’inscriptions particulières et séparées sera déclaré dans la notification du nouveau propriétaire, par ventilation, s’il y a lieu, du prix total exprimé dans le titre.

Le créancier surenchérisseur ne pourra, en aucun cas, être contraint d’étendre sa soumission ni sur le mobilier, ni sur d’autres immeubles que ceux qui sont hypothéqués à sa créance et situés dans le même arrondissement ; sauf le recours du nouveau propriétaire contre ses auteurs, pour l’indemnité du dommage qu’il éprouverait, soit de la division des objets de son acquisition, soit de celle des exploitations.

Chapitre IX.
du mode de purger les hypothèques, quand il n’existe pas d’inscription sur les biens des maris et des tuteurs.

2193.

Pourront les acquéreurs d’immeubles appartenant à des maris ou à des tuteurs, lorsqu’il n’existera pas d’inscription sur lesdits immeubles à raison de la gestion du tuteur, ou des dot, reprises et conventions matrimoniales de la femme, purger les hypothèques qui existeraient sur les biens par eux acquis.

2194.

À cet effet, ils déposeront copie dûment collationnée du contrat translatif de propriété au greffe du tribunal civil du lieu de la situation des biens, et ils certifieront par acte signifié, tant à la femme ou au subrogé tuteur, qu’au commissaire civil près le tribunal, le dépôt qu’ils auront fait. Extrait de ce contrat, contenant sa date, les noms, prénoms, professions et domiciles des contractans, la désignation de la nature et de la situation des biens, le prix et les autres charges de la vente, sera et restera affiché pendant deux mois dans l’auditoire du tribunal ; pendant lequel temps les femmes, les maris, tuteurs, subrogés tuteurs, mineurs, interdits, parens ou amis, et le commissaire du Gouvernement, seront reçus à requérir s’il y a lieu, et à faire faire au bureau du conservateur des hypothèques, des inscriptions sur l’immeuble aliéné, qui auront le même effet que si elles avaient été prises le jour du contrat de mariage, ou le jour de l’entrée en gestion du tuteur ; sans préjudice des poursuites qui pourraient avoir lieu contre les maris et les tuteurs, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, pour hypothèques par eux consenties au profit de tierces personnes sans leur avoir déclaré que les immeubles étaient déjà grevés d’hypothèques, en raison du mariage ou de la tutelle.

2195.

Si, dans le cours des deux mois de l’exposition du contrat, il n’a pas été fait d’inscription du chef des femmes, mineurs ou interdits, sur les immeubles vendus, ils passent à l’acquéreur sans aucune charge, à raison des dot, reprises et conventions matrimoniales de la femme, ou de la gestion du tuteur, et sauf le recours, s’il y a lieu, contre le mari et le tuteur.

S’il a été pris des inscriptions du chef desdites femmes, mineurs ou interdits, et s’il existe des créanciers antérieurs qui absorbent le prix en totalité ou en partie, l’acquéreur est libéré du prix ou de la portion du prix par lui payée aux créanciers placés en ordre utile ; et les inscriptions du chef des femmes, mineurs ou interdits, seront rayées, ou en totalité ou jusqu’à due concurrence.

Si les inscriptions du chef des femmes, mineurs ou interdits, sont les plus anciennes, l’acquéreur ne pourra faire aucun paiement du prix au préjudice desdites inscriptions, qui auront toujours, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la date du contrat de mariage, ou de l’entrée en gestion du tuteur ; et, dans ce cas, les inscriptions des autres créanciers qui ne viennent pas en ordre utile, seront rayées.

Chapitre X.
de la publicité des registres et de la responsabilité des conservateurs.

2196.

Les conservateurs des hypothèques sont tenus de délivrer à tous ceux qui le requièrent, copie des actes transcrits sur leurs registres et celle des inscriptions subsistantes, ou certificat qu’il n’en existe aucune.

2197.

Ils sont responsables du préjudice résultant,

1.o De l’omission sur leurs registres, des transcriptions d’actes de mutation, et des inscriptions requises en leurs bureaux ;

2.o Du défaut de mention dans leurs certificats, d’une ou de plusieurs des inscriptions existantes, à moins, dans ce dernier cas, que l’erreur ne provînt de désignations insuffisantes qui ne pourraient leur être imputées.

2198.

L’immeuble à l’égard duquel le conservateur aurait omis dans ses certificats une ou plusieurs des charges inscrites, en demeure, sauf la responsabilité du conservateur, affranchi dans les mains du nouveau possesseur, pourvu qu’il ait requis le certificat depuis la transcription de son titre ; sans préjudice néanmoins du droit des créanciers de se faire colloquer suivant l’ordre qui leur appartient, tant que le prix n’a pas été payé par l’acquéreur, ou tant que l’ordre fait entre les créanciers n’a pas été homologué.

2199.

Dans aucun cas, les conservateurs ne peuvent refuser ni retarder la transcription des actes de mutation, l’inscription des droits hypothécaires, ni la délivrance des certificats requis, sous peine des dommages et intérêts des parties ; à l’effet de quoi, procès-verbaux des refus ou retardemens seront, à la diligence des requérans, dressés sur-le-champ, soit par un juge de paix, soit par un huissier audiencier du tribunal, soit par un autre huissier ou un notaire assisté de deux témoins.

2200.

Néanmoins les conservateurs seront tenus d’avoir un registre sur lequel ils inscriront, jour par jour, et par ordre numérique, les remises qui leur seront faites d’actes de mutation pour être transcrits, ou de bordereaux pour être inscrits ; ils donneront au requérant une reconnaissance sur papier timbré, qui rappellera le numéro du registre sur lequel la remise aura été inscrite, et ils ne pourront transcrire les actes de mutation ni inscrire les bordereaux sur les registres à ce destinés, qu’à la date et dans l’ordre des remises qui leur en auront été faites.

2201.

Tous les registres des conservateurs sont en papier timbré, cotés et paraphés à chaque page par première et dernière, par l’un des juges du tribunal dans le ressort duquel le bureau est établi. Les registres seront arrêtés chaque jour comme ceux d’enregistrement des actes.

2202.

Les conservateurs sont tenus de se conformer, dans l’exercice de leurs fonctions, à toutes les dispositions du présent chapitre, à peine d’une amende de deux cents à mille francs pour la première contravention, et de destitution pour la seconde ; sans préjudice des dommages et intérêts des parties, lesquels seront payés avant l’amende.

2203.

Les mentions de dépôts, les inscriptions et transcriptions, sont faites sur les registres, de suite, sans aucun blanc ni interligne, à peine, contre le conservateur, de mille à deux mille francs d’amende, et des dommages et intérêts des parties, payables aussi par préférence à l’amende.