Code civil des Français 1804/Livre III, Titre XIII


Décrété le 19 Ventôse an XII.
Promulgué le 29 du même mois.

Titre XIII.
du mandat.


Chapitre I.er
de la nature et de la forme du mandat.

1984.

Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire.

1985.

Le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement ; mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre des Contrats ou des Obligations conventionnelles en général.

L’acceptation du mandat peut n’être que tacite, et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire.

1986.

Le mandat est gratuit, s’il n’y a convention contraire.

1987.

Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant.

1988.

Le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’administration.

S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès.

1989.

Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre.

1990.

Les femmes et les mineurs émancipés peuvent être choisis pour mandataires ; mais le mandant n’a d’action contre le mandataire mineur que d’après les règles générales relatives aux obligations des mineurs, et contre la femme mariée et qui a accepté le mandat sans autorisation de son mari, que d’après les règles établies au titre du Contrat de mariage et des Droits respectifs des époux.

Chapitre II.
des obligations du mandataire.
1991.

Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.

Il est tenu de même d’achever la chose commencée au décès du mandant, s’il y a péril en la demeure.
1992.

Le mandataire répond non-seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion.

Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire.

1993.

Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant.

1994.

Le mandataire répond de celui qu’il s’est substitué dans la gestion, 1.o quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un ; 2.o quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d’une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable.

Dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s’est substituée.

1995.

Quand il y a plusieurs fondés de pouvoir ou mandataires établis par le même acte, il n’y a de solidarité entre eux qu’autant qu’elle est exprimée.

1996.
Le mandataire doit l’intérêt des sommes qu’il a employées à son usage, à dater de cet emploi ; et de celles dont il est reliquataire, à compter du jour qu’il est mis en demeure.
1997.

Le mandataire qui a donné à la partie avec laquelle il contracte en cette qualité, une suffisante connaissance de ses pouvoirs, n’est tenu d’aucune garantie pour ce qui a été fait au-delà, s’il ne s’y est personnellement soumis.

Chapitre III.
des obligations du mandant.

1998.

Le mandant est tenu d’exécuter les engagemens contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement.

1999.

Le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu’il en a été promis.

S’il n’y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursement et paiement, lors même que l’affaire n’aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu’ils pouvaient être moindres.

2000.
Le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l’occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable.
2001.

L’intérêt des avances faites par le mandataire lui est dû par le mandant, à dater du jour des avances constatées.

2002.

Lorsque le mandataire a été constitué par plusieurs personnes pour une affaire commune, chacune d’elles est tenue solidairement envers lui de tous les effets du mandat.

Chapitre IV.
des différentes manières dont le mandat finit.

2003.

Le mandat finit,

Par la révocation du mandataire,

Par la renonciation de celui-ci au mandat,

Par la mort naturelle ou civile, l’interdiction ou la déconfiture, soit du mandant, soit du mandataire.

2004.

Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble, et contraindre, s’il y a lieu, le mandataire à lui remettre, soit l’écrit sous seing privé qui la contient, soit l’original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l’expédition, s’il en a été gardé minute.

2005.

La révocation notifiée au seul mandataire ne peut être opposée aux tiers qui ont traité dans l’ignorance de cette révocation, sauf au mandant son recours contre le mandataire.

2006.

La constitution d’un nouveau mandataire pour la même affaire, vaut révocation du premier, à compter du jour où elle a été notifiée à celui-ci.

2007.

Le mandataire peut renoncer au mandat, en notifiant au mandant sa renonciation.

Néanmoins, si cette renonciation préjudicie au mandant, il devra en être indemnisé par le mandataire, à moins que celui-ci ne se trouve dans l’impossibilité de continuer le mandat sans en éprouver lui-même un préjudice considérable.

2008.

Si le mandataire ignore la mort du mandant, ou l’une des autres causes qui font cesser le mandat, ce qu’il a fait dans cette ignorance est valide.

2009.

Dans les cas ci-dessus, les engagemens du mandataire sont exécutés à l’égard des tiers qui sont de bonne foi.

2010.

En cas de mort du mandataire, ses héritiers doivent en donner avis au mandant, et pourvoir, en attendant, à ce que les circonstances exigent pour l’intérêt de celui-ci.