Code civil des Français 1804/Livre III, Titre I

Décrété le 29 Germinal an XI.
Promulgué le 9 Floréal suivant.

Titre premier.
des successions.


Chapitre premier.
de l’ouverture des successions, et de la saisine des héritiers.

718.

Les successions s’ouvrent par la mort naturelle et par la mort civile.

719.

La succession est ouverte par la mort civile, du moment où cette mort est encourue, conformément aux dispositions de la section II du chapitre II du titre de la Jouissance et de la Privation des Droits civils.

720.

Si plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l’une de l’autre, périssent dans un même événement sans qu’on puisse reconnaître laquelle est décédée la première, la présomption de survie est déterminée par les circonstances du fait, et, à leur défaut, par la force de l’âge ou du sexe.

721.

Si ceux qui ont péri ensemble, avaient moins de quinze ans, le plus âgé sera présumé avoir survécu.

S’ils étaient tous au-dessus de soixante ans, le moins âgé sera présumé avoir survécu.

Si les uns avaient moins de quinze ans, et les autres plus de soixante, les premiers seront présumés avoir survécu.

722.

Si ceux qui ont péri ensemble, avaient quinze ans accomplis et moins de soixante, le mâle est toujours présumé avoir survécu, lorsqu’il y a égalité d’âge, ou si la différence qui existe n’excède pas une année.

S’ils étaient du même sexe, la présomption de survie qui donne ouverture à la succession dans l’ordre de la nature, doit être admise ; ainsi le plus jeune est présumé avoir survécu au plus âgé.

723.
La loi règle l’ordre de succéder entre les héritiers légitimes : à leur défaut, les biens passent aux enfans naturels, ensuite à l’époux survivant ; et s’il n’y en a pas, à la République.
724.

Les héritiers légitimes sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, sous l’obligation d’acquitter toutes les charges de la succession : les enfans naturels, l’époux survivant et la République, doivent se faire envoyer en possession par justice dans les formes qui seront déterminées.

Chapitre II.
des qualités requises pour succéder.

725.

Pour succéder, il faut nécessairement exister à l’instant de l’ouverture de la succession.

Ainsi, sont incapables de succéder,

1.o Celui qui n’est pas encore conçu ;

2.o L’enfant qui n’est pas né viable ;

3.o Celui qui est mort civilement.

726.

Un étranger n’est admis à succéder aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le territoire de la République, que dans les cas et de la manière dont un Français succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet étranger, conformément aux dispositions de l’article 11, au titre de la Jouissance et de la Privation des Droits civils.

727.

Sont indignes de succéder, et comme tels exclus des successions,

1.o Celui qui serait condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt ;

2.o Celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse ;

3.o L’héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l’aura pas dénoncé à la justice.

728.

Le défaut de dénonciation ne peut être opposé aux ascendans et descendans du meurtrier, ni à ses alliés au même degré, ni à son époux ou à son épouse, ni à ses frères ou sœurs, ni à ses oncles et tantes, ni à ses neveux et nièces.

729.

L’héritier exclu de la succession pour cause d’indignité, est tenu de rendre tous les fruits et les revenus dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

730.
Les enfans de l’indigne, venant à la succession de leur chef, et sans le secours de la représentation, ne sont pas exclus pour la faute de leur père ; mais celui-ci ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, l’usufruit que la loi accorde aux pères et mères sur les biens de leurs enfans.

Chapitre III.
des divers ordres de succession
.


Section I.re
Dispositions générales.
731

Les successions sont déférées aux enfans et descendans du défunt, à ses ascendans et à ses parens collatéraux, dans l’ordre et suivant les règles ci-après déterminés.

732

La loi ne considère ni la nature ni l’origine des biens pour en régler la succession.

733

Toute succession échue à des ascendans ou à des collatéraux, se divise en deux parts égales ; l’une pour les parens de la ligne paternelle, l’autre pour les parens de la ligne maternelle.

Les parens utérins ou consanguins ne sont pas exclus par les germains ; mais ils ne prennent part que dans leur ligne, sauf ce qui sera dit à l’article 752. Les germains prennent part dans les deux lignes.

Il ne se fait aucune dévolution d’une ligne à l’autre, que lorsqu’il ne se trouve aucun ascendant ni collatéral de l’une des deux lignes.
734.

Cette première division opérée entre les lignes paternelle et maternelle, il ne se fait plus de division entre les diverses branches ; mais la moitié dévolue à chaque ligne appartient à l’héritier ou aux héritiers les plus proches en degrés, sauf le cas de la représentation ainsi qu’il sera dit ci-après.

735.

La proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré.

736.

La suite des degrés forme la ligne : on appelle ligne directe la suite des degrés entre personnes qui descendent l’une de l’autre ; ligne collatérale, la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres, mais qui descendent d’un auteur commun.

On distingue la ligne directe, en ligne directe descendante et ligne directe ascendante.

La première est celle qui lie le chef avec ceux qui descendent de lui ; la deuxième est celle qui lie une personne avec ceux dont elle descend.

737.

En ligne directe, on compte autant de degrés qu’il y a de générations entre les personnes : ainsi le fils est, à l’égard du père, au premier degré ; le petit-fils, au second ; et réciproquement du père et de l’aïeul à l’égard des fils et petits-fils.

738.

En ligne collatérale, les degrés se comptent par les générations, depuis l’un des parens jusques et non compris l’auteur commun, et depuis celui-ci jusqu’à l’autre parent.

Ainsi, deux frères sont au deuxième degré ; l’oncle et le neveu sont au troisième degré ; les cousins germains au quatrième ; ainsi de suite.

Section II.
De la Représentation.
739.

La représentation est une fiction de la loi, dont l’effet est de faire entrer les représentans dans la place, dans le degré et dans les droits du représenté.

740.

La représentation a lieu à l’infini dans la ligne directe descendante.

Elle est admise dans tous les cas, soit que les enfans du défunt concourent avec les descendans d’un enfant prédécédé, soit que tous les enfans du défunt étant morts avant lui, les descendans desdits enfans se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux.

741.

La représentation n’a pas lieu en faveur des ascendans ; le plus proche, dans chacune des deux lignes, exclut toujours le plus éloigné.

742.

En ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfans et descendans de frères ou sœurs du défunt, soit qu’ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères et sœurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendans en degrés égaux ou inégaux.

743.

Dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche : si une même souche a produit plusieurs branches, la subdivision se fait aussi par souche dans chaque branche, et les membres de la même branche partagent entre eux par tête.

744.

On ne représente pas les personnes vivantes, mais seulement celles qui sont mortes naturellement ou civilement.

On peut représenter celui à la succession duquel on a renoncé.

Section III.
Des Successions déférées aux Descendans.
745.

Les enfans ou leurs descendans succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendans, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu’ils soient issus de différens mariages.

Ils succèdent par égales portions et par tête, quand ils sont tous au premier degré et appelés de leur chef : ils succèdent par souche, lorsqu’ils viennent tous ou en partie par représentation.
Section IV.
Des Successions déférées aux Ascendans.
746.

Si le défunt n’a laissé ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendans d’eux, la succession se divise par moitié entre les ascendans de la ligne paternelle et les ascendans de la ligne maternelle.

L’ascendant qui se trouve au degré le plus proche, recueille la moitié affectée à sa ligne, à l’exclusion de tous autres.

Les ascendans au même degré succèdent par tête.

747.

Les ascendans succèdent, à l’exclusion de tous autres, aux choses par eux données à leurs enfans ou descendans décédés sans postérité, lorsque les objets donnés se retrouvent en nature dans la succession.

Si les objets ont été aliénés, les ascendans recueillent le prix qui peut en être dû. Ils succèdent aussi à l’action en reprise que pouvait avoir le donataire.

748.

Lorsque les père et mère d’une personne morte sans postérité lui ont survécu, si elle a laissé des frères, sœurs, ou des descendans d’eux, la succession se divise en deux portions égales, dont moitié seulement est déférée au père et à la mère, qui la partagent entre eux également.

L’autre moitié appartient aux frères, sœurs ou descendans d’eux, ainsi qu’il sera expliqué dans la section V du présent chapitre.

749.

Dans le cas où la personne morte sans postérité laisse des frères, sœurs, ou des descendans d’eux, si le père ou la mère est prédécédé, la portion qui lui aurait été dévolue conformément au précédent article, se réunit à la moitié déférée aux frères, sœurs ou à leurs représentans, ainsi qu’il sera expliqué à la section V du présent chapitre.

Section V.
Des Successions collatérales.
750.

En cas de prédécès des père et mère d’une personne morte sans postérité, ses frères, sœurs ou leurs descendans sont appelés à la succession, à l’exclusion des ascendans et des autres collatéraux.

Ils succèdent, ou de leur chef, ou par représentation, ainsi qu’il a été réglé dans la section II du présent chapitre.

751.

Si les père et mère de la personne morte sans postérité lui ont survécu, ses frères, sœurs ou leurs représentans ne sont appelés qu’à la moitié de la succession. Si le père ou la mère seulement a survécu, ils sont appelés à recueillir les trois quarts.

752.

Le partage de la moitié ou des trois quarts dévolus aux frères ou sœurs, aux termes de l’article précédent, s’opère entre eux par égales portions, s’ils sont tous du même lit ; s’ils sont de lits différens, la division se fait par moitié entre les deux lignes paternelle et maternelle du défunt ; les germains prennent part dans les deux lignes, et les utérins et consanguins chacun dans leur ligne seulement : s’il n’y a de frères ou sœurs que d’un côté, ils succèdent à la totalité, à l’exclusion de tous autres parens de l’autre ligne.

753.

À défaut de frères ou sœurs ou de descendans d’eux, et à défaut d’ascendans dans l’une ou l’autre ligne, la succession est déférée pour moitié aux ascendans survivans ; et pour l’autre moitié, aux parens les plus proches de l’autre ligne.

S’il y a concours de parens collatéraux au même degré, ils partagent par tête.

754.

Dans le cas de l’article précédent, le père ou la mère survivant a l’usufruit du tiers des biens auxquels il ne succède pas en propriété.

755.

Les parens au-delà du douzième degré ne succèdent pas.

À défaut de parens au degré successible dans une ligne, les parens de l’autre ligne succèdent pour le tout.

Chapitre IV.
des successions irrégulières
.


Section I.re
Des Droits des Enfans naturels sur les biens de leur père ou mère, et de la succession aux Enfans naturels décédés sans postérité.
756.

Les enfans naturels ne sont point héritiers ; la loi ne leur accorde de droits sur les biens de leur père ou mère décédés que lorsqu’ils ont été légalement reconnus. Elle ne leur accorde aucun droit sur les biens des parens de leur père ou mère.

757.

Le droit de l’enfant naturel sur les biens de ses père ou mère décédés, est réglé ainsi qu’il suit :

Si le père ou la mère a laissé des descendans légitimes, ce droit est d’un tiers de la portion héréditaire que l’enfant naturel aurait eue s’il eût été légitime : il est de la moitié lorsque les père ou mère ne laissent pas de descendans, mais bien des ascendans ou des frères ou sœurs ; il est des trois quarts lorsque les père ou mère ne laissent ni descendans ni ascendans, ni frères ni sœurs.

758.

L’enfant naturel a droit à la totalité des biens, lorsque ses père ou mère ne laissent pas de parens au degré successible.

759.

En cas de prédécès de l’enfant naturel, ses enfans ou descendans peuvent réclamer les droits fixés par les articles précédens.

760.

L’enfant naturel ou ses descendans sont tenus d’imputer sur ce qu’ils ont droit de prétendre, tout ce qu’ils ont reçu du père ou de la mère dont la succession est ouverte, et qui serait sujet à rapport, d’après les règles établies à la section II du chapitre VI du présent titre.

761.

Toute réclamation leur est interdite, lorsqu’ils ont reçu, du vivant de leur père ou de leur mère, la moitié de ce qui leur est attribué par les articles précédens, avec déclaration expresse, de la part de leur père ou mère, que leur intention est de réduire l’enfant naturel à la portion qu’ils lui ont assignée.

Dans le cas où cette portion serait inférieure à la moitié de ce qui devrait revenir à l’enfant naturel, il ne pourra réclamer que le supplément nécessaire pour parfaire cette moitié.

762.

Les dispositions des articles 757 et 758 ne sont pas applicables aux enfans adultérins ou incestueux.

La loi ne leur accorde que des alimens.

763.

Ces alimens sont réglés, eu égard aux facultés du père ou de la mère, au nombre et à la qualité des héritiers légitimes.

764.

Lorsque le père ou la mère de l’enfant adultérin ou incestueux lui auront fait apprendre un art mécanique, ou lorsque l’un d’eux lui aura assuré des alimens de son vivant, l’enfant ne pourra élever aucune réclamation contre leur succession.

765.

La succession de l’enfant naturel décédé sans postérité, est dévolue au père ou à la mère qui l’a reconnu ; ou par moitié à tous les deux, s’il a été reconnu par l’un et par l’autre.

766.

En cas de prédécés des père et mère de l’enfant naturel, les biens qu’il en avait reçus, passent aux frères ou sœurs légitimes, s’ils se retrouvent en nature dans la succession : les actions en reprise, s’il en existe, ou le prix de ces biens aliénés, s’il est encore dû, retournent également aux frères et sœurs légitimes. Tous les autres biens passent aux frères et sœurs naturels, ou à leurs descendans.

Section II.
Des Droits du Conjoint survivant et de la République.
767.

Lorsque le défunt ne laisse ni parens au degré successible, ni enfans naturels, les biens de sa succession appartiennent au conjoint non divorcé qui lui survit.

768.

À défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à la République.

769.

Le conjoint survivant et l’administration des domaines qui prétendent droit à la succession, sont tenus de faire apposer les scellés, et de faire faire inventaire dans les formes prescrites pour l’acceptation des successions sous bénéfice d’inventaire.

770.

Ils doivent demander l’envoi en possession au tribunal de première instance dans le ressort duquel la succession est ouverte. Le tribunal ne peut statuer sur la demande qu’après trois publications et affiches dans les formes usitées, et après avoir entendu le commissaire du Gouvernement.

771.

L’époux survivant est encore tenu de faire emploi du mobilier, ou de donner caution suffisante pour en assurer la restitution, au cas où il se présenterait des héritiers du défunt, dans l’intervalle de trois ans : après ce délai, la caution est déchargée.

772.

L’époux survivant ou l’administration des domaines qui n’auraient pas rempli les formalités qui leur sont respectivement prescrites, pourront être condamnés aux dommages et intérêts envers les héritiers, s’il s’en représente.

773.

Les dispositions des articles 769, 770, 771 et 772, sont communes aux enfans naturels appelés à défaut de parens.

Chapitre V.
de l’acceptation et de la répudiation des successions
.


Section I.re
De l’Acceptation.
774.

Une succession peut être acceptée purement et simplement, ou sous bénéfice d’inventaire.

775.

Nul n’est tenu d’accepter une succession qui lui est échue.

776.

Les femmes mariées ne peuvent pas valablement accepter une succession sans l’autorisation de leur mari ou de justice, conformément aux dispositions du chapitre VI du titre du Mariage.

Les successions échues aux mineurs et aux interdits, ne pourront être valablement acceptées que conformément aux dispositions du titre de la Minorité, de la Tutelle et de l’Émancipation.

777.

L’effet de l’acceptation remonte au jour de l’ouverture de la succession.

778.

L’acceptation peut être expresse ou tacite ; elle est expresse, quand on prend le titre ou la qualité d’héritier dans un acte authentique ou privé ; elle est tacite, quand l’héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d’accepter, et qu’il n’aurait droit de faire qu’en sa qualité d’héritier.

779.

Les actes purement conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire, ne sont pas des actes d’adition d’hérédité, si l’on n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier.

780.

La donation, vente ou transport que fait de ses droits successifs un des cohéritiers, soit à un étranger, soit à tous ses cohéritiers, soit à quelques-uns d’eux, emporte de sa part acceptation de la succession.

Il en est de même, 1.o de la renonciation, même gratuite, que fait un des héritiers au profit d’un ou de plusieurs de ses cohéritiers ;

2.o De la renonciation qu’il fait même au profit de tous ses cohéritiers indistinctement, lorsqu’il reçoit le prix de sa renonciation.

781.

Lorsque celui à qui une succession est échue, est décédé sans l’avoir répudiée ou sans l’avoir acceptée expressément ou tacitement, ses héritiers peuvent l’accepter ou la répudier de son chef.

782.

Si ces héritiers ne sont pas d’accord pour accepter ou pour répudier la succession, elle doit être acceptée sous bénéfice d’inventaire.

783.

Le majeur ne peut attaquer l’acceptation expresse ou tacite qu’il a faite d’une succession, que dans le cas où cette acceptation aurait été la suite d’un dol pratiqué envers lui : il ne peut jamais réclamer sous prétexte de lésion, excepté seulement dans le cas où la succession se trouverait absorbée ou diminuée de plus de moitié, par la découverte d’un testament inconnu au moment de l’acceptation.

Section II.
De la Renonciation aux Successions.
784.

La renonciation à une succession ne se présume pas : elle ne peut plus être faite qu’au greffe du tribunal de première instance dans l’arrondissement duquel la succession s’est ouverte, sur un registre particulier tenu à cet effet.

785.

L’héritier qui renonce, est censé n’avoir jamais été héritier.

786.

La part du renonçant accroît à ses cohéritiers ; s’il est seul, elle est dévolue au degré subséquent.

787.

On ne vient jamais par représentation d’un héritier qui a renoncé : si le renonçant est seul héritier de son degré, ou si tous ses cohéritiers renoncent, les enfans viennent de leur chef et succèdent par tête.

788.

Les créanciers de celui qui renonce au préjudice de leurs droits, peuvent se faire autoriser en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place.

Dans ce cas, la renonciation n’est annullée qu’en faveur des créanciers, et jusqu’à concurrence seulement de leurs créances : elle ne l’est pas au profit de l’héritier qui a renoncé.

789.

La faculté d’accepter ou de répudier une succession, se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers.

790.

Tant que la prescription du droit d’accepter n’est pas acquise contre les héritiers qui ont renoncé, ils ont la faculté d’accepter encore la succession, si elle n’a pas été déjà acceptée par d’autres héritiers ; sans préjudice néanmoins des droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession, soit par prescription, soit par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante.

791.
On ne peut, même par contrat de mariage, renoncer à la succession d’un homme vivant, ni aliéner les droits éventuels qu’on peut avoir à cette succession.
792.

Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d’une succession, sont déchus de la faculté d’y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recelés.

Section III.
Du Bénéfice d’inventaire, de ses effets, et des Obligations de l’héritier bénéficiaire.
793.

La déclaration d’un héritier, qu’il entend ne prendre cette qualité que sous bénéfice d’inventaire, doit être faite au greffe du tribunal civil de première instance dans l’arrondissement duquel la succession s’est ouverte : elle doit être inscrite sur le registre destiné à recevoir les actes de renonciation.

794.

Cette déclaration n’a d’effet qu’autant qu’elle est précédée ou suivie d’un inventaire fidèle et exact des biens de la succession, dans les formes réglées par les lois sur la procédure, et dans les délais qui seront ci-après déterminés.

795.

L’héritier a trois mois pour faire inventaire, à compter du jour de l’ouverture de la succession.

Il a de plus, pour délibérer sur son acceptation ou sur sa renonciation, un délai de quarante jours, qui commencent à courir du jour de l’expiration des trois mois donnés pour l’inventaire, ou du jour de la clôture de l’inventaire s’il a été terminé avant les trois mois.

796.

Si cependant il existe dans la succession, des objets susceptibles de dépérir ou dispendieux à conserver, l’héritier peut, en sa qualité d’habile à succéder, et sans qu’on puisse en induire de sa part une acceptation, se faire autoriser par justice à procéder à la vente de ces effets.

Cette vente doit être faite par officier public, après les affiches et publications réglées par les lois sur la procédure.

797.

Pendant la durée des délais pour faire inventaire et pour délibérer, l’héritier ne peut être contraint à prendre qualité, et il ne peut être obtenu contre lui de condamnation : s’il renonce lorsque les délais sont expirés, ou avant, les frais par lui faits légitimement jusqu’à cette époque, sont à la charge de la succession.

798.

Après l’expiration des délais ci-dessus, l’héritier, en cas de poursuite dirigée contre lui, peut demander un nouveau délai, que le tribunal saisi de la contestation accorde ou refuse suivant les circonstances.

799.

Les frais de poursuite, dans le cas de l’article précédent, sont à la charge de la succession, si l'héritier justifie, ou qu’il n’avait pas eu connaissance du décès, ou que les délais ont été insuffisans, soit à raison de la situation des biens, soit à raison des contestations survenues : s’il n’en justifie pas, les frais restent à sa charge personnelle.

800.

L’héritier conserve néanmoins, après l’expiration des délais accordés par l’article 795, même de ceux donnés par le juge conformément à l’article 798, la faculté de faire encore inventaire et de se porter héritier bénéficiaire, s’il n’a pas fait d’ailleurs acte d’héritier, ou s’il n’existe pas contre lui de jugement passé en force de chose jugée, qui le condamne en qualité d’héritier pur et simple.

801.

L’héritier qui s’est rendu coupable de recélé, ou qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l’inventaire, des effets de la succession, est déchu du bénéfice d’inventaire.

802.

L’effet du bénéfice d’inventaire est de donner à l’héritier l’avantage,

1.o De n’être tenu du paiement des dettes de la succession que jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il a recueillis, même de pouvoir se décharger du paiement des dettes en abandonnant tous les biens de la succession aux créanciers et aux légataires ;

2.o De ne pas confondre ses biens personnels avec ceux de la succession, et de conserver contre elle le droit de réclamer le paiement de ses créances.

803.

L’héritier bénéficiaire est chargé d’administrer les biens de la succession, et doit rendre compte de son administration aux créanciers et aux légataires.

Il ne peut être contraint sur ses biens personnels qu’après avoir été mis en demeure de présenter son compte, et faute d’avoir satisfait à cette obligation.

Après l’apurement du compte, il ne peut être contraint sur ses biens personnels que jusqu’à concurrence seulement des sommes dont il se trouve reliquataire.

804.

Il n’est tenu que des fautes graves dans l’administration dont il est chargé.

805.

Il ne peut vendre les meubles de la succession que par le ministère d’un officier public, aux enchères, et après les affiches et publications accoutumées.

S’il les représente en nature, il n’est tenu que de la dépréciation ou de la détérioration causée par sa négligence.

806.

Il ne peut vendre les immeubles que dans les formes prescrites par les lois sur la procédure ; il est tenu d’en déléguer le prix aux créanciers hypothécaires qui se sont fait connaître.

807.

Il est tenu, si les créanciers ou autres personnes intéressées l’exigent, de donner caution bonne et solvable de la valeur du mobilier compris dans l’inventaire, et de la portion du prix des immeubles non déléguée aux créanciers hypothécaires.

Faute par lui de fournir cette caution, les meubles sont vendus, et leur prix est déposé, ainsi que la portion non déléguée du prix des immeubles, pour être employés à l’acquit des charges de la succession.

808.

S’il y a des créanciers opposans, l’héritier bénéficiaire ne peut payer que dans l’ordre et de la manière réglés par le juge.

S’il n’y a pas de créanciers opposans, il paye les créanciers et les légataires à mesure qu’ils se présentent.

809.

Les créanciers non opposans qui ne se présentent qu’après l’apurement du compte et le paiement du reliquat, n’ont de recours à exercer que contre les légataires.

Dans l’un et l’autre cas, le recours se prescrit par le laps de trois ans, à compter du jour de l’apurement du compte, et du paiement du reliquat.

810.

Les frais de scellés, s’il en a été apposé, d’inventaire et de compte, sont à la charge de la succession.

Section IV.
Des Successions vacantes.
811.
Lorsqu’après l’expiration des délais pour faire inventaire et pour délibérer, il ne se présente personne qui réclame une succession, qu’il n’y a pas d’héritier connu, ou que les héritiers connus y ont renoncé, cette succession est réputée vacante.
812.

Le tribunal de première instance dans l’arrondissement duquel elle est ouverte, nomme un curateur sur la demande des personnes intéressées, ou sur la réquisition du commissaire du Gouvernement.

813.

Le curateur à une succession vacante est tenu, avant tout, d’en faire constater l’état par un inventaire : il en exerce et poursuit les droits ; il répond aux demandes formées contre elle ; il administre, sous la charge de faire verser le numéraire qui se trouve dans la succession, ainsi que les deniers provenant du prix des meubles ou immeubles vendus, dans la caisse du receveur de la régie nationale, pour la conservation des droits, et à la charge de rendre compte à qui il appartiendra.

814.

Les dispositions de la section III du présent chapitre, sur les formes de l’inventaire, sur le mode d’administration et sur les comptes à rendre de la part de l’héritier bénéficiaire, sont au surplus communes aux curateurs à successions vacantes.

Chapitre VI.
du partage et des rapports
.

Section I.re
De l’Action en partage, et de sa forme.
815.

Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ; et le partage peut être toujours provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires.

On peut cependant convenir de suspendre le partage pendant un temps limité : cette convention ne peut être obligatoire au-delà de cinq ans ; mais elle peut être renouvelée.

816.

Le partage peut être demandé, même quand l’un des cohéritiers aurait joui séparément de partie des biens de la succession, s’il n’y a eu un acte de partage, ou possession suffisante pour acquérir la prescription.

817.

L’action en partage, à l’égard des cohéritiers mineurs ou interdits, peut être exercée par leurs tuteurs, spécialement autorisés par un conseil de famille.

À l’égard des cohéritiers absens, l’action appartient aux parens envoyés en possession.

818.

Le mari peut, sans le concours de sa femme, provoquer le partage des objets meubles ou immeubles à elle échus qui tombent dans la communauté : à l’égard des objets qui ne tombent pas en communauté, le mari ne peut en provoquer le partage sans le concours de sa femme ; il peut seulement, s’il a le droit de jouir de ses biens, demander un partage provisionnel.

Les cohéritiers de la femme ne peuvent provoquer le partage définitif qu’en mettant en cause le mari et la femme.

819.

Si tous les héritiers sont présens et majeurs, l’apposition de scellés sur les effets de la succession n’est pas nécessaire, et le partage peut-être fait dans la forme et par tel acte que les parties intéressées jugent convenable.

Si tous les héritiers ne sont pas présens, s’il y a parmi eux des mineurs ou des interdits, le scellé doit être apposé dans le plus bref délai, soit à la requête des héritiers, soit à la diligence du commissaire du Gouvernement près le tribunal de première instance, soit d’office par le juge de paix dans l’arrondissement duquel la succession est ouverte.

820.

Les créanciers peuvent aussi requérir l’apposition des scellés, en vertu d’un titre exécutoire ou d’une permission du juge.

821.

Lorsque le scellé a été apposé, tous créanciers peuvent y former opposition, encore qu’ils n’aient ni titre exécutoire ni permission du juge.

Les formalités pour la levée des scellés et la confection de l’inventaire, sont réglées par les lois sur la procédure.

822.

L’action en partage, et les contestations qui s’élèvent dans le cours des opérations, sont soumises au tribunal du lieu de l’ouverture de la succession.

C’est devant ce tribunal qu’il est procédé aux licitations, et que doivent être portées les demandes relatives à la garantie des lots entre copartageans et celles en rescision du partage.

823.

Si l’un des cohéritiers refuse de consentir au partage, ou s’il s’élève des contestations soit sur le mode d’y procéder, soit sur la manière de le terminer, le tribunal prononce comme en matière sommaire, ou commet, s’il y a lieu, pour les opérations du partage, un des juges, sur le rapport duquel il décide les contestations.

824.

L’estimation des immeubles est faite par experts choisis par les parties intéressées, ou, à leur refus, nommés d’office.

Le procès-verbal des experts doit présenter les bases de l’estimation : il doit indiquer si l’objet estimé peut être commodément partagé ; de quelle manière ; fixer enfin, en cas de division, chacune des parts qu’on peut en former, et leur valeur.

825.

L’estimation des meubles, s’il n’y a pas eu de prisée faite dans un inventaire régulier, doit être faite par gens à ce connaissant, à juste prix et sans crue.

826.

Chacun des cohéritiers peut demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession : néanmoins, s’il y a des créanciers saisissans ou opposans, ou si la majorité des cohéritiers juge la vente nécessaire pour l’acquit des dettes et charges de la succession, les meubles sont vendus publiquement en la forme ordinaire.

827.

Si les immeubles ne peuvent pas se partager commodément, il doit être procédé à la vente par licitation devant le tribunal. Cependant les parties, si elles sont toutes majeures, peuvent consentir que la licitation soit faite devant un notaire, sur le choix duquel elles s’accordent.

828.

Après que les meubles et immeubles ont été estimés et vendus, s’il y a lieu, le juge commissaire renvoie les parties devant un notaire dont elles conviennent, ou nommé d’office, si les parties ne s’accordent pas sur le choix.

On procède devant cet officier, aux comptes que les copartageans peuvent se devoir, à la formation de la masse générale, à la composition des lots, et aux fournissemens à faire à chacun des copartageans.

829.

Chaque cohéritier fait rapport à la masse, suivant les règles qui seront ci-après établies, des dons qui lui ont été faits, et des sommes dont il est débiteur.

830.

Si le rapport n’est pas fait en nature, les cohéritiers à qui il est dû, prélèvent une portion égale sur la masse de la succession.

Les prélèvemens se font, autant que possible, en objets de même nature, qualité et bonté que les objets non rapportés en nature.

831.

Après ces prélèvemens, il est procédé, sur ce qui reste dans la masse, à la composition d’autant de lots égaux qu’il y a d’héritiers copartageans, ou de souches copartageantes.

832.

Dans la formation et composition des lots, on doit éviter, autant que possible, de morceler les héritages et de diviser les exploitations ; et il convient de faire entrer dans chaque lot, s’il se peut, la même quantité de meubles, d’immeubles, de droits ou de créances de même nature et valeur.

833.

L’inégalité des lots en nature se compense par un retour, soit en rente, soit en argent.

834.

Les lots sont faits par l’un des cohéritiers, s’ils peuvent convenir entre eux sur le choix, et si celui qu’ils avaient choisi accepte la commission : dans le cas contraire, les lots sont faits par un expert que le juge commissaire désigne.

Ils sont ensuite tirés au sort.

835.

Avant de procéder au tirage des lots, chaque copartageant est admis à proposer ses réclamations contre leur formation.

836.

Les règles établies pour la division des masses à partager, sont également observées dans la subdivision à faire entre les souches copartageantes.

837.

Si, dans les opérations renvoyées devant un notaire, il s’élève des contestations, le notaire dressera procès-verbal des difficultés et des dires respectifs des parties, les renverra devant le commissaire nommé pour le partage ; et, au surplus, il sera procédé suivant les formes prescrites par les lois sur la procédure.

838.

Si tous les cohéritiers ne sont pas présens, ou s’il y a parmi eux des interdits, ou des mineurs, même émancipés, le partage doit être fait en justice, conformément aux règles prescrites par les articles 819 et suivans, jusques et compris l’article précédent. S’il y a plusieurs mineurs qui aient des intérêts opposés dans le partage, il doit leur être donné à chacun un tuteur spécial et particulier.

839.

S’il y a lieu à licitation, dans le cas du précédent article, elle ne peut être faite qu’en justice avec les formalités prescrites pour l’aliénation des biens des mineurs. Les étrangers y sont toujours admis.

840.

Les partages faits conformément aux règles ci-dessus prescrites, soit par les tuteurs, avec l’autorisation d’un conseil de famille, soit par les mineurs émancipés, assistés de leurs curateurs, soit au nom des absens ou non présens, sont définitifs : ils ne sont que provisionnels, si les règles prescrites n’ont pas été observées.

841.

Toute personne, même parente du défunt, qui n’est pas son successible, et à laquelle un cohéritier aurait cédé son droit à la succession, peut être écartée du partage, soit par tous les cohéritiers, soit par un seul, en lui remboursant le prix de la cession.

842.

Après le partage, remise doit être faite à chacun des copartageans, des titres particuliers aux objets qui lui seront échus.

Les titres d’une propriété divisée restent à celui qui a la plus grande part, à la charge d’en aider ceux de ses copartageans qui y auront intérêt, quand il en sera requis.

Les titres communs à toute l’hérédité sont remis à celui que tous les héritiers ont choisi pour en être le dépositaire, à la charge d’en aider les copartageans, à toute réquisition. S’il y a difficulté sur ce choix, il est réglé par le juge.

Section II.
Des Rapports.
843.

Tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donation entre-vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons ni réclamer les legs à lui faits par le défunt, à moins que les dons et legs ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense du rapport.

844.

Dans le cas même où les dons et legs auraient été faits par préciput ou avec dispense du rapport, l’héritier venant à partage ne peut les retenir que jusqu’à concurrence de la quotité disponible : l’excédant est sujet à rapport.

845.

L’héritier qui renonce à la succession, peut cependant retenir le don entre-vifs, ou réclamer le legs à lui fait, jusqu’à concurrence de la portion disponible.

846.

Le donataire qui n’était pas héritier présomptif lors de la donation, mais qui se trouve successibles au jour de l’ouverture de la succession, doit également le rapport, à moins que le donateur ne l’en ait dispensé.

847.

Les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l’époque de l’ouverture de la succession, sont toujours réputés faits avec dispense du rapport.

Le père venant à la succession du donateur, n’est pas tenu de les rapporter.

848.

Pareillement, le fils venant de son chef à la succession du donateur, n’est pas tenu de rapporter le don fait à son père, même quand il aurait accepté la succession de celui-ci : mais si le fils ne vient que par représentation, il doit rapporter ce qui avait été donné à son père, même dans le cas où il aurait répudié sa succession.

849.

Les dons et legs faits au conjoint d’un époux successible, sont réputés faits avec dispense du rapport.

Si les dons et legs sont faits conjointement à deux époux, dont l’un seulement est successible, celui-ci en rapporte la moitié ; si les dons sont faits à l’époux successible, il les rapporte en entier.

850.

Le rapport ne se fait qu’à la succession du donateur.

851.

Le rapport est dû de ce qui a été employé pour l’établissement d’un des cohéritiers, ou pour le paiement de ses dettes.

852.

Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et présens d’usage, ne doivent pas être rapportés.

853.

Il en est de même des profits que l’héritier a pu retirer de conventions passées avec le défunt, si ces conventions ne présentaient aucun avantage indirect, lorsqu’elles ont été faites.

854.

Pareillement, il n’est pas dû de rapport pour les associations faites sans fraude entre le défunt et l’un de ses héritiers, lorsque les conditions en ont été réglées par un acte authentique.

855.
L’immeuble qui a péri par cas fortuit et sans la faute du donataire, n’est pas sujet à rapport.
856.

Les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport, ne sont dus qu’à compter du jour de l’ouverture de la succession.

857.

Le rapport n’est dû que par le cohéritier à son cohéritier ; il n’est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession.

858.

Le rapport se fait en nature ou en moins prenant.

859.

Il peut être exigé en nature, à l’égard des immeubles, toutes les fois que l’immeuble donné n’a pas été aliéné par le donataire, et qu’il n’y a pas, dans la succession, d’immeubles de même nature, valeur et bonté, dont on puisse former des lots à-peu-près égaux pour les autres cohéritiers.

860.

Le rapport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le donataire a aliéné l’immeuble avant l’ouverture de la succession ; il est dû de la valeur de l’immeuble à l’époque de l’ouverture.

861.

Dans tous les cas, il doit être tenu compte au donataire, des impenses qui ont amélioré la chose, eu égard à ce dont sa valeur se trouve augmentée au temps du partage.

862.

Il doit être pareillement tenu compte au donataire, des impenses nécessaires qu’il a faites pour la conservation de la chose, encore qu’elles n’aient point amélioré le fonds.

863.

Le donataire, de son côté, doit tenir compte des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur de l’immeuble, par son fait ou par sa faute et négligence.

864.

Dans le cas où l’immeuble a été aliéné par le donataire, les améliorations ou dégradations faites par l’acquéreur doivent être imputées conformément aux trois articles précédens.

865.

Lorsque le rapport se fait en nature, les biens se réunissent à la masse de la succession, francs et quittes de toutes charges créées par le donataire ; mais les créanciers ayant hypothèque peuvent intervenir au partage, pour s’opposer à ce que le rapport se fasse en fraude de leurs droits.

866.

Lorsque le don d’un immeuble fait à un successible avec dispense du rapport, excède la portion disponible, le rapport de l’excédant se fait en nature, si le retranchement de cet excédant peut s’opérer commodément.

Dans le cas contraire, si l’excédant est de plus de moitié de la valeur de l’immeuble, le donataire doit rapporter l’immeuble en totalité, sauf à prélever sur la masse la valeur de la portion disponible : si cette portion excède la moitié de la valeur de l’immeuble, le donataire peut retenir l’immeuble en totalité, sauf à moins prendre, et à récompenser ses cohéritiers en argent ou autrement.

867.

Le cohéritier qui fait le rapport en nature d’un immeuble, peut en retenir la possession jusqu’au remboursement effectif des sommes qui lui sont dues pour impenses ou améliorations.

868.

Le rapport du mobilier ne se fait qu’en moins prenant. Il se fait sur le pied de la valeur du mobilier lors de la donation, d’après l’état estimatif annexé à l’acte ; et, à défaut de cet état, d’après une estimation par experts, à juste prix et sans crue.

869.

Le rapport de l’argent donné se fait en moins prenant dans le numéraire de la succession.

En cas d’insuffisance, le donataire peut se dispenser de rapporter du numéraire, en abandonnant, jusqu’à due concurrence, du mobilier, et à défaut de mobilier, des immeubles de la succession.

Section III.
Du Paiement des Dettes.
870.

Les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu’il y prend.

871.

Le légataire à titre universel contribue avec les héritiers, au prorata de son émolument ; mais le légataire particulier n’est pas tenu des dettes et charges, sauf toutefois l’action hypothécaire sur l’immeuble légué.

872.

Lorsque des immeubles d’une succession sont grevés de rentes par hypothèque spéciale, chacun des cohéritiers peut exiger que les rentes soient remboursées et les immeubles rendus libres avant qu’il soit procédé à la formation des lots. Si les cohéritiers partagent la succession dans l’état où elle se trouve, l’immeuble grevé doit être estimé au même taux que les autres immeubles ; il est fait déduction du capital de la rente sur le prix total ; l’héritier dans le lot duquel tombe cet immeuble, demeure seul chargé du service de la rente, et il doit en garantir ses cohéritiers.

873.

Les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part et portion virile, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours, soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer.

874.

Le légataire particulier qui a acquitté la dette dont l’immeuble légué était grevé, demeure subrogé aux droits du créancier contre les héritiers et successeurs à titre universel.

875.

Le cohéritier ou successeur à titre universel, qui, par l’effet de l’hypothèque, a payé au-delà de sa part de la dette commune, n’a de recours contre les autres cohéritiers ou successeurs à titre universel, que pour la part que chacun d’eux doit personnellement en supporter, même dans le cas où le cohéritier qui a payé la dette se serait fait subroger aux droits des créanciers ; sans préjudice néanmoins des droits d’un cohéritier qui, par l’effet du bénéfice d’inventaire, aurait conservé la faculté de réclamer le paiement de sa créance personnelle, comme tout autre créancier.

876.

En cas d’insolvabilité d’un des cohéritiers ou successeurs à titre universel, sa part dans la dette hypothécaire est répartie sur tous les autres, au marc le franc.

877.

Les titres exécutoires contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l’héritier personnellement ; et néanmoins les créanciers ne pourront en poursuivre l’exécution que huit jours après la signification de ces titres à la personne ou au domicile de l’héritier.

878.

Ils peuvent demander, dans tous les cas, et contre tout créancier, la séparation du patrimoine du défunt d’avec le patrimoine de l’héritier.

879.

Ce droit ne peut cependant plus être exercé, lorsqu’il y a novation dans la créance contre le défunt, par l’acceptation de l’héritier pour débiteur.

880.

Il se prescrit, relativement aux meubles, par le laps de trois ans.

À l’égard des immeubles, l’action peut être exercée tant qu’ils existent dans la main de l’héritier.

881.

Les créanciers de l’héritier ne sont point admis à demander la séparation des patrimoines contre les créanciers de la succession.

882.

Les créanciers d’un copartageant, pour éviter que le partage ne soit fait en fraude de leurs droits, peuvent s’opposer à ce qu’il y soit procédé hors de leur présence : ils ont le droit d’y intervenir à leurs frais ; mais ils ne peuvent attaquer un partage consommé, à moins toutefois qu’il n’y ait été procédé sans eux et au préjudice d’une opposition qu’ils auraient formée.

Section IV.
Des effets du Partage, et de la garantie des Lots.
883.

Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.

884.

Les cohéritiers demeurent respectivement garans, les uns envers les autres, des troubles et évictions seulement qui procèdent d’une cause antérieure au partage.

La garantie n’a pas lieu, si l’espèce d’éviction soufferte a été exceptée par une clause particulière et expresse de l’acte de partage ; elle cesse, si c’est par sa faute que le cohéritier souffre l’éviction.

885.

Chacun des cohéritiers est personnellement obligé, en proportion de sa part héréditaire, d’indemniser son cohéritier de la perte que lui a causée l’éviction.

Si l’un des cohéritiers se trouve insolvable, la portion dont il est tenu doit être également répartie entre le garanti et tous les cohéritiers solvables.

886.

La garantie de la solvabilité du débiteur d’une rente ne peut être exercée que dans les cinq ans qui suivent le partage. Il n’y a pas lieu à garantie à raison de l’insolvabilité du débiteur, quand elle n’est survenue que depuis le partage consommé.

Section V.
De la Rescision en matière de partage.
887.

Les partages peuvent être rescindés pour cause de violence ou de dol.

Il peut aussi y avoir lieu à rescision, lorsqu’un des cohéritiers établit, à son préjudice, une lésion de plus du quart. La simple omission d’un objet de la succession ne donne pas ouverture à l’action en rescision, mais seulement à un supplément à l’acte de partage.

888.

L’action en rescision est admise contre tout acte qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore qu’il fût qualifié de vente, d’échange et de transaction, ou de toute autre manière.

Mais après le partage, ou l’acte qui en tient lieu, l’action en rescision n’est plus admissible contre la transaction faite sur les difficultés réelles que présentait le premier acte, même quand il n’y aurait pas eu à ce sujet de procès commencé.

889.

L’action n’est pas admise contre une vente de droit successif faite sans fraude à l’un des cohéritiers, à ses risques et périls, par ses autres cohéritiers, ou par l’un d’eux.

890.

Pour juger s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.

891.

Le défendeur à la demande en rescision peut en arrêter le cours et empêcher un nouveau partage, en offrant et en fournissant au demandeur le supplément de sa portion héréditaire, soit en numéraire, soit en nature.

892.

Le cohéritier qui a aliéné son lot en tout ou partie, n’est plus recevable à intenter l’action en rescision pour dol ou violence, si l’aliénation qu’il a faite est postérieure à la découverte du dol, ou à la cessation de la violence.