Code civil des Français 1804/Livre I, Titre X


Décrété le 5 Germinal an XI.
Promulgué le 15 du même mois.

Titre X.
de la minorité, de la tutelle et de l’émancipation.


Chapitre premier.
de la minorité.

388.

Le mineur est l’individu de l’un ou de l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de vingt-un ans accomplis.

Chapitre II.
de la tutelle.


Section I.re
De la Tutelle des Père et Mère.
389.

Le père est, durant le mariage, administrateur des biens personnels de ses enfans mineurs.

Il est comptable, quant à la propriété et aux revenus, des biens dont il n’a pas la jouissance ; et, quant à la propriété seulement, de ceux des biens dont la loi lui donne l’usufruit.

390.

Après la dissolution du mariage arrivée par la mort naturelle ou civile de l’un des époux, la tutelle des enfans mineurs et non émancipés appartient de plein droit au survivant des père et mère.

391.

Pourra néanmoins le père nommer à la mère survivante et tutrice, un conseil spécial, sans l’avis duquel elle ne pourra faire aucun acte relatif à la tutelle.

Si le père spécifie les actes pour lesquels le conseil sera nommé, la tutrice sera habile à faire les autres sans son assistance.

392.

Cette nomination de conseil ne pourra être faite que de l’une des manières suivantes :

1.o Par acte de dernière volonté ;

2.o Par une déclaration faite ou devant le juge de paix assisté de son greffier, ou devant notaires.

393.

Si, lors du décès du mari, la femme est enceinte, il sera nommé un curateur au ventre par le conseil de famille.

À la naissance de l’enfant, la mère en deviendra tutrice, et le curateur en sera de plein droit le subrogé tuteur.

394.

La mère n’est point tenue d’accepter la tutelle ; néanmoins, et en cas qu’elle la refuse, elle devra en remplir les devoirs jusqu’à ce qu’elle ait fait nommer un tuteur.

395.

Si la mère tutrice veut se remarier, elle devra, avant l’acte de mariage, convoquer le conseil de famille, qui décidera si la tutelle doit lui être conservée.

À défaut de cette convocation, elle perdra la tutelle de plein droit ; et son nouveau mari sera solidairement responsable de toutes les suites de la tutelle qu’elle aura indûment conservée.

396

Lorsque le conseil de famille, dûment convoqué, conservera la tutelle à la mère, il lui donnera nécessairement pour cotuteur le second mari, qui deviendra solidairement responsable, avec sa femme, de la gestion postérieure au mariage.

Section II.
De la Tutelle déférée par le Père ou la Mère.
397

Le droit individuel de choisir un tuteur parent, ou même étranger, n’appartient qu’au dernier mourant des père et mère.

398.

Ce droit ne peut être exercé que dans les formes prescrites par l’article 392, et sous les exceptions et modifications ci-après.

399

La mère remariée et non maintenue dans la tutelle des enfans de son premier mariage, ne peut leur choisir un tuteur.

400.

Lorsque la mère remariée, et maintenue dans la tutelle, aura fait choix d’un tuteur aux enfans de son premier mariage, ce choix ne sera valable qu’autant qu’il sera confirmé par le conseil de famille.

401.

Le tuteur élu par le père ou la mère, n’est pas tenu d’accepter la tutelle, s’il n’est d’ailleurs dans la classe des personnes qu’à défaut de cette élection spéciale le conseil de famille eût pu en charger.

Section III.
De la Tutelle des Ascendans.
402.

Lorsqu’il n’a pas été choisi au mineur un tuteur par le dernier mourant de ses père et mère, la tutelle appartient de droit à son aïeul paternel ; à défaut de celui-ci, à son aïeul maternel, et ainsi en remontant, de manière que l’ascendant paternel soit toujours préféré à l’ascendant maternel du même degré.

403.

Si, à défaut de l’aïeul paternel et de l’aïeul maternel du mineur, la concurrence se trouvait établie entre deux ascendans du degré supérieur qui appartinssent tous deux à la ligne paternelle du mineur, la tutelle passera de droit à celui des deux qui se trouvera être l’aïeul paternel du père du mineur.

404.

Si la même concurrence a lieu entre deux bisaïeuls de la ligne maternelle, la nomination sera faite par le conseil de famille, qui ne pourra néanmoins que choisir l’un de ces deux ascendans.

Section IV.
De la Tutelle déférée par le Conseil de famille.
405.

Lorsqu’un enfant mineur et non émancipé restera sans père ni mère, ni tuteur élu par ses père ou mère, ni ascendans mâles, comme aussi lorsque le tuteur de l’une des qualités ci-dessus exprimées se trouvera ou dans le cas des exclusions dont il sera parlé ci-après, ou valablement excusé, il sera pourvu, par un conseil de famille, à la nomination d’un tuteur.

406.

Ce conseil sera convoqué soit sur la réquisition et à la diligence des parens du mineur, de ses créanciers ou d’autres parties intéressées, soit même d’office et à la poursuite du juge de paix du domicile du mineur. Toute personne pourra dénoncer à ce juge de paix le fait qui donnera lieu à la nomination d’un tuteur.

407.

Le conseil de famille sera composé, non compris le juge de paix, de six parens ou alliés, pris tant dans la commune où la tutelle sera ouverte que dans la distance de deux myriamètres, moitié du côté paternel, moitié du côté maternel, et en suivant l’ordre de proximité dans chaque ligne.

Le parent sera préféré à l’allié du même degré ; et, parmi les parens de même degré, le plus âgé, à celui qui le sera le moins.

408.

Les frères germains du mineur et les maris des sœurs germaines sont seuls exceptés de la limitation de nombre posée en l’article précédent.

S’ils sont six, ou au-delà, ils seront tous membres du conseil de famille, qu’ils composeront seuls, avec les veuves d’ascendans et les ascendans valablement excusés, s’il y en a.

S’ils sont en nombre inférieur, les autres parens ne seront appelés que pour compléter le conseil.

409.

Lorsque les parens ou alliés de l’une ou de l’autre ligne se trouveront en nombre insuffisant sur les lieux, ou dans la distance désignée par l’article 407, le juge de paix appellera, soit des parens ou alliés domiciliés à de plus grandes distances, soit, dans la commune même, des citoyens connus pour avoir eu des relations habituelles d’amitié avec le père ou la mère du mineur.

410.

Le juge de paix pourra, lors même qu’il y aurait sur les lieux un nombre suffisant de parens ou alliés, permettre de citer, à quelque distance qu’ils soient domiciliés, des parens ou alliés plus proches en degrés ou de mêmes degrés que les parens ou alliés présens ; de manière toutefois que cela s’opère en retranchant quelques-uns de ces derniers, et sans excéder le nombre réglé par les précédens articles.

411.

Le délai pour comparaître sera réglé par le juge de paix à jour fixe mais de manière qu’il y ait toujours, entre la citation notifiée et le jour indiqué pour la réunion du conseil, un intervalle de trois jours au moins, quand toutes les parties citées résideront dans la commune, ou dans la distance de deux myriamètres.

Toutes les fois que, parmi les parties citées, il s’en trouvera de domiciliées au-delà de cette distance, le délai sera augmenté d’un jour par trois myriamètres.

412.

Les parens, alliés ou amis, ainsi convoqués, seront tenus de se rendre en personne, ou de se faire représenter par un mandataire spécial.

Le fondé de pouvoir ne peut représenter plus d’une personne.

413.

Tout parent, allié ou ami, convoqué, et qui, sans excuse légitime, ne comparaîtra point, encourra une amende qui ne pourra excéder cinquante francs, et sera prononcée sans appel par le juge de paix.

414.

S’il y a excuse suffisante, et qu’il convienne, soit d’attendre le membre absent, soit de le remplacer ; en ce cas, comme en tout autre où l’intérêt du mineur semblera l’exiger, le juge de paix pourra ajourner l’assemblée ou la proroger.

415.

Cette assemblée se tiendra de plein droit chez le juge de paix, à moins qu’il ne désigne lui-même un autre local. La présence des trois quarts au moins de ses membres convoqués, sera nécessaire pour qu’elle délibère.

416.

Le conseil de famille sera présidé par le juge de paix, qui y aura voix délibérative, et prépondérante en cas de partage.

417.

Quand le mineur, domicilié en France, possédera des biens dans les colonies, ou réciproquement, l’administration spéciale de ses biens sera donnée à un protuteur.

En ce cas, le tuteur et le protuteur seront indépendans, et non responsables l’un envers l’autre pour leur gestion respective.

418.

Le tuteur agira et administrera, en cette qualité, du jour de sa nomination, si elle a lieu en sa présence ; sinon, du jour qu’elle lui aura été notifiée.

419.

La tutelle est une charge personnelle qui ne passe point aux héritiers du tuteur. Ceux-ci seront seulement responsables de la gestion de leur auteur ; et s’ils sont majeurs, ils seront tenus de la continuer jusqu’à la nomination d’un nouveau tuteur.

Section V.
Du subrogé Tuteur.
420.

Dans toute tutelle il y aura un subrogé tuteur, nommé par le conseil de famille. Ses fonctions consisteront à agir pour les intérêts du mineur, lorsqu’ils seront en opposition avec ceux du tuteur.

421.

Lorsque les fonctions du tuteur seront dévolues à une personne de l’une des qualités exprimées aux sections I, II et III du présent chapitre, ce tuteur devra, avant d’entrer en fonctions, faire convoquer, pour la nomination du subrogé tuteur, un conseil de famille composé comme il est dit en la section IV.

S’il s’est ingéré dans la gestion avant d’avoir rempli cette formalité, le conseil de famille, convoqué soit sur la réquisition des parens, créanciers ou autres parties intéressées, soit d’office par le juge de paix, pourra, s’il y a eu dol de la part du tuteur, lui retirer la tutelle, sans préjudice des indemnités dues au mineur.

422.

Dans les autres tutelles, la nomination du subrogé tuteur aura lieu immédiatement après celle du tuteur.

423.

En aucun cas le tuteur ne votera pour la nomination du subrogé tuteur, lequel sera pris, hors le cas de frères germains, dans celle des deux lignes à laquelle le tuteur n’appartiendra point.

424.

Le subrogé tuteur ne remplacera pas de plein droit le tuteur, lorsque la tutelle deviendra vacante, ou qu’elle sera abandonnée par absence ; mais il devra, en ce cas, sous peine des dommages-intérêts qui pourraient en résulter pour le mineur, provoquer la nomination d’un nouveau tuteur.

425.

Les fonctions du subrogé tuteur cesseront à la même époque que la tutelle.

426.

Les dispositions contenues dans les sections VI et VII du présent chapitre, s’appliqueront aux subrogés tuteurs.

Néanmoins le tuteur ne pourra provoquer la destitution du subrogé tuteur, ni voter dans les conseils de famille qui seront convoqués pour cet objet.

Section VI.
Des Causes qui dispensent de la Tutelle.
427.

Sont dispensés de la tutelle,

Les membres des autorités établies par les titres II, III et IV de l’acte constitutionnel ;

Les juges au tribunal de cassation, commissaire et substituts près le même tribunal ;

Les commissaires de la comptabilité nationale ;

Les préfets ;

Tous citoyens exerçant une fonction publique dans un département autre que celui où la tutelle s’établit.

428.

Sont également dispensés de la tutelle,

Les militaires en activité de service, et tous autres citoyens qui remplissent, hors du territoire de la République, une mission du Gouvernement.
429.

Si la mission est non authentique, et contestée, la dispense ne sera prononcée qu’après que le Gouvernement se sera expliqué par la voie du Ministre dans le département duquel se placera la mission articulée comme excuse.

430.

Les citoyens de la qualité exprimée aux articles précédens, qui ont accepté la tutelle postérieurement aux fonctions, services ou missions qui en dispensent, ne seront plus admis à s’en faire décharger pour cette cause.

431.

Ceux, au contraire, à qui lesdites fonctions, services ou missions, auront été conférés postérieurement à l’acceptation et gestion d’une tutelle, pourront, s’ils ne veulent la conserver, faire convoquer, dans le mois, un conseil de famille, pour y être procédé à leur remplacement.

Si, à l’expiration de ces fonctions, services ou missions, le nouveau tuteur réclame sa décharge, ou que l’ancien redemande la tutelle, elle pourra lui être rendue par le conseil de famille.

432.

Tout citoyen non parent ni allié ne peut être forcé d’accepter la tutelle, que dans le cas où il n’existerait pas, dans la distance de quatre myriamètres, des parens ou alliés en état de gérer la tutelle.

433.

Tout individu âgé de soixante-cinq ans accomplis, peut refuser d’être tuteur. Celui qui aura été nommé avant cet âge, pourra, à soixante-dix ans, se faire décharger de la tutelle.

434.

Tout individu atteint d’une infirmité grave et dûment justifiée, est dispensé de la tutelle.

Il pourra même s’en faire décharger, si cette infirmité est survenue depuis sa nomination.

435.

Deux tutelles sont, pour toutes personnes, une juste dispense d’en accepter une troisième.

Celui qui, époux ou père, sera déjà chargé d’une tutelle, ne pourra être tenu d’en accepter une seconde, excepté celle de ses enfans.

436.

Ceux qui ont cinq enfans légitimes, sont dispensés de toute tutelle autre que celle desdits enfans.

Les enfans morts en activité de service dans les armées de la République, seront toujours comptés pour opérer cette dispense.

Les autres enfans morts ne seront comptés qu’autant qu’ils auront eux-mêmes laissé des enfans actuellement existans.

437.

La survenance d’enfans pendant la tutelle ne pourra autoriser à l’abdiquer.

438.

Si le tuteur nommé est présent à la délibération qui lui défère la tutelle, il devra sur-le-champ, et sous peine d’être déclaré non recevable dans toute réclamation ultérieure, proposer ses excuses, sur lesquelles le conseil de famille délibérera.

439.

Si le tuteur nommé n’a pas assisté à la délibération qui lui a déféré la tutelle, il pourra faire convoquer le conseil de famille pour délibérer sur ses excuses.

Ses diligences à ce sujet devront avoir lieu dans le délai de trois jours, à partir de la notification qui lui aura été faite de sa nomination ; lequel délai sera augmenté d’un jour par trois myriamètres de distance du lieu de son domicile à celui de l’ouverture de la tutelle : passé ce délai, il sera non recevable.

440.

Si ses excuses sont rejetées, il pourra se pourvoir devant les tribunaux pour les faire admettre ; mais il sera, pendant le litige, tenu d’administrer provisoirement.

441.

S’il parvient à se faire exempter de la tutelle, ceux qui auront rejeté l’excuse, pourront être condamnés aux frais de l’instance.

S’il succombe, il y sera condamné lui-même.

Section VII.
De l’Incapacité, des Exclusions et Destitutions de la Tutelle.
442.

Ne peuvent être tuteurs, ni membres des conseils de famille, 1.o Les mineurs, excepté le père ou la mère ;

2.o Les interdits ;

3.o Les femmes, autres que la mère et les ascendantes ;

4.o Tous ceux qui ont ou dont les père ou mère ont avec le mineur un procès dans lequel l’état de ce mineur, sa fortune, ou une partie notable de ses biens, sont compromis.

443.

La condamnation à une peine afflictive ou infamante emporte de plein droit l’exclusion de la tutelle. Elle emporte de même la destitution, dans le cas où il s’agirait d’une tutelle antérieurement déférée.

444.

Sont aussi exclus de la tutelle, et même destituables, s’ils sont en exercice,

1.o Les gens d’une inconduite notoire ;

2.o Ceux dont la gestion attesterait l’incapacité ou l’infidélité.

445.

Tout individu qui aura été exclu ou destitué d’une tutelle, ne pourra être membre d’un conseil de famille.

446.

Toutes les fois qu’il y aura lieu à une destitution de tuteur, elle sera prononcée par le conseil de famille, convoqué à la diligence du subrogé tuteur, ou d’office par le juge de paix.

Celui-ci ne pourra se dispenser de faire cette convocation, quand elle sera formellement requise par un ou plusieurs parens ou alliés du mineur, au degré de cousin germain ou à des degrés plus proches.

447.

Toute délibération du conseil de famille qui prononcera l’exclusion ou la destitution du tuteur, sera motivée, et ne pourra être prise qu’après avoir entendu ou appelé le tuteur.

448.

Si le tuteur adhère à la délibération, il en sera fait mention, et le nouveau tuteur entrera aussitôt en fonctions.

S’il y a réclamation, le subrogé tuteur poursuivra l’homologation de la délibération devant le tribunal de première instance, qui prononcera sauf l’appel.

Le tuteur exclu ou destitué peut lui-même, en ce cas, assigner le subrogé tuteur pour se faire déclarer maintenu en la tutelle.

449.

Les parens ou alliés qui auront requis la convocation, pourront intervenir dans la cause, qui sera instruite et jugée comme affaire urgente.

Section VIII.
De l’Administration du Tuteur.
450.

Le tuteur prendra soin de la personne du mineur, et le représentera dans tous les actes civils.

Il administrera ses biens en bon père de famille, et répondra des dommages-intérêts qui pourraient résulter d’une mauvaise gestion. Il ne peut ni acheter les biens du mineur, ni les prendre à ferme, à moins que le conseil de famille n’ait autorisé le subrogé tuteur à lui en passer bail, ni accepter la cession d’aucun droit ou créance contre son pupille.

451.

Dans les dix jours qui suivront celui de sa nomination, dûment connue de lui, le tuteur requerra la levée des scellés, s’ils ont été apposés, et fera procéder immédiatement à l’inventaire des biens du mineur, en présence du subrogé tuteur.

S’il lui est dû quelque chose par le mineur, il devra le déclarer dans l’inventaire, à peine de déchéance, et ce sur la réquisition que l’officier public sera tenu de lui en faire, et dont mention sera faite au procès-verbal.

452.

Dans le mois qui suivra la clôture de l’inventaire, le tuteur fera vendre, en présence du subrogé tuteur, aux enchères reçues par un officier public, et après des affiches ou publications dont le procès-verbal de vente fera mention, tous les meubles autres que ceux que le conseil de famille l’aurait autorisé à conserver en nature.

453.

Les père et mère, tant qu’ils ont la jouissance propre et légale des biens du mineur, sont dispensés de vendre les meubles, s’ils préfèrent de les garder pour les remettre en nature.

Dans ce cas, ils en feront faire, à leurs frais, une estimation à juste valeur, par un expert qui sera nommé par le subrogé tuteur et prêtera serment devant le juge de paix. Ils rendront la valeur estimative de ceux des meubles qu’ils ne pourraient représenter en nature.

454.

Lors de l’entrée en exercice de toute tutelle, autre que celle des père et mère, le conseil de famille réglera par aperçu, et selon l’importance des biens régis, la somme à laquelle pourra s’élever la dépense annuelle du mineur, ainsi que celle d’administration de ses biens.

Le même acte spécifiera si le tuteur est autorisé à s’aider, dans sa gestion, d’un ou plusieurs administrateurs particuliers, salariés, et gérant sous sa responsabilité.

455.

Ce conseil déterminera positivement la somme à laquelle commencera, pour le tuteur, l’obligation d’employer l’excédant des revenus sur la dépense : cet emploi devra être fait dans le délai de six mois, passé lequel le tuteur devra les intérêts à défaut d’emploi.

456.

Si le tuteur n’a pas fait déterminer par le conseil de famille la somme à laquelle doit commencer l’emploi, il devra, après le délai exprimé dans l’article précédent, les intérêts de toute somme non employée, quelque modique qu’elle soit.

457.

Le tuteur, même le père ou la mère, ne peut emprunter pour le mineur, ni aliéner ou hypothéquer ses biens immeubles, sans y être autorisé par un conseil de famille. Cette autorisation ne devra être accordée que pour cause d’une nécessité absolue, ou d’un avantage évident.

Dans le premier cas, le conseil de famille n’accordera son autorisation qu’après qu’il aura été constaté, par un compte sommaire présenté par le tuteur, que les deniers, effets mobiliers et revenus du mineur sont insuffisans.

Le conseil de famille indiquera, dans tous les cas, les immeubles qui devront être vendus de préférence, et toutes les conditions qu’il jugera utiles.

458.

Les délibérations du conseil de famille relatives à cet objet, ne seront exécutées qu’après que le tuteur en aura demandé et obtenu l’homologation devant le tribunal civil de première instance, qui y statuera en la chambre du conseil, et après avoir entendu le commissaire du Gouvernement.

459.

La vente se fera publiquement, en présence du subrogé tuteur, aux enchères qui seront reçues par un membre du tribunal civil, ou par un notaire à ce commis, et à la suite de trois affiches apposées, par trois dimanches consécutifs, aux lieux accoutumés dans le canton.

Chacune de ces affiches sera visée et certifiée par le maire des communes où elles auront été apposées.

460.

Les formalités exigées par les articles 457 et 458 pour l’aliénation des biens du mineur, ne s’appliquent point au cas où un jugement aurait ordonné la licitation sur la provocation d’un copropriétaire par indivis. Seulement, et en ce cas, la licitation ne pourra se faire que dans la forme prescrite par l’article précédent : les étrangers y seront nécessairement admis.

461.

Le tuteur ne pourra accepter ni répudier une succession échue au mineur, sans une autorisation préalable du conseil de famille. L’acceptation n’aura lieu que sous bénéfice d’inventaire.

462.

Dans le cas où la succession répudiée au nom du mineur n’aurait pas été acceptée par un autre, elle pourra être reprise soit par le tuteur, autorisé à cet effet par une nouvelle délibération du conseil de famille, soit par le mineur devenu majeur, mais dans l’état où elle se trouvera lors de la reprise, et sans pouvoir attaquer les ventes et autres actes qui auraient été légalement faits durant la vacance.

463.

La donation faite au mineur ne pourra être acceptée par le tuteur qu’avec l’autorisation du conseil de famille.

Elle aura, à l’égard du mineur, le même effet qu’à l’égard du majeur.

464.

Aucun tuteur ne pourra introduire en justice une action relative aux droits immobiliers du mineur, ni acquiescer à une demande relative aux mêmes droits, sans l’autorisation du conseil de famille.

465.

La même autorisation sera nécessaire au tuteur pour provoquer un partage ; mais il pourra, sans cette autorisation, répondre à une demande en partage dirigée contre le mineur.

466.

Pour obtenir à l’égard du mineur tout l’effet qu’il aurait entre majeurs, le partage devra être fait en justice, et précédé d’une estimation faite par experts nommés par le tribunal civil du lieu de l’ouverture de la succession.

Les experts, après avoir prêté, devant le président du même tribunal ou autre juge par lui délégué, le serment de bien et fidèlement remplir leur mission, procéderont à la division des héritages et à la formation des lots, qui seront tirés au sort, et en présence soit d’un membre du tribunal, soit d’un notaire par lui commis, lequel fera la délivrance des lots.

Tout autre partage ne sera considéré que comme provisionnel.

467.

Le tuteur ne pourra transiger au nom du mineur, qu’après y avoir été autorisé par le conseil de famille, et de l’avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire du Gouvernement près le tribunal civil.

La transaction ne sera valable qu’autant qu’elle aura été homologuée par le tribunal civil, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement.

468.

Le tuteur qui aura des sujets de mécontentement graves sur la conduite du mineur, pourra porter ses plaintes à un conseil de famille, et, s’il y est autorisé par ce conseil, provoquer la réclusion du mineur, conformément à ce qui est statué à ce sujet au titre de la Puissance paternelle.

Section IX.
Des Comptes de la Tutelle.
469.

Tout tuteur est comptable de sa gestion lorsqu’elle finit.

470.

Tout tuteur, autre que le père et la mère, peut être tenu, même durant la tutelle, de remettre au subrogé tuteur des états de situation de sa gestion, aux époques que le conseil de famille aurait jugé à propos de fixer, sans néanmoins que le tuteur puisse être astreint à en fournir plus d’un chaque année.

Ces états de situation seront rédigés et remis, sans frais, sur papier non timbré, et sans aucune formalité de justice.

471.

Le compte définitif de tutelle sera rendu aux dépens du mineur, lorsqu’il aura atteint sa majorité ou obtenu son émancipation. Le tuteur en avancera les frais.

On y allouera au tuteur toutes dépenses suffisamment justifiées, et dont l’objet sera utile.

472.
Tout traité qui pourra intervenir entre le tuteur et le mineur devenu majeur, sera nul, s’il n’a été précédé de la reddition d’un compte détaillé, et de la remise des pièces justificatives ; le tout constaté par un récépissé de l’oyant-compte, dix jours au moins avant le traité.
473.

Si le compte donne lieu à des contestations, elles seront poursuivies et jugées comme les autres contestations en matière civile.

474.

La somme à laquelle s’élèvera le reliquat dû par le tuteur, portera intérêt, sans demande, à compter de la clôture du compte.

Les intérêts de ce qui sera dû au tuteur par le mineur, ne courront que du jour de la sommation de payer qui aura suivi la clôture du compte.

475.

Toute action du mineur contre son tuteur, relativement aux faits de la tutelle, se prescrit par dix ans, à compter de la majorité.

Chapitre III.
de l’émancipation.

476.

Le mineur est émancipé de plein droit par le mariage.

477.

Le mineur, même non marié, pourra être émancipé par son père, ou, à défaut de père, par sa mère, lorsqu’il aura atteint l’âge de quinze ans révolus.

Cette émancipation s’opérera par la seule déclaration du père ou de la mère, reçues par le juge de paix assisté de son greffier.
478.

Le mineur resté sans père ni mère pourra aussi, mais seulement à l’âge de dix-huit ans accomplis, être émancipé, si le conseil de famille l’en juge capable.

En ce cas, l’émancipation résultera de la délibération qui l’aura autorisée, et de la déclaration que le juge de paix, comme président du conseil de famille, aura faite dans le même acte, que le mineur est émancipé.

479.

Lorsque le tuteur n’aura fait aucune diligence pour l’émancipation du mineur dont il est parlé dans l’article précédent, et qu’un ou plusieurs parens ou alliés de ce mineur, au degré de cousin germain ou à des degrés plus proches, le jugeront capable d’être émancipé, ils pourront requérir le juge de paix de convoquer le conseil de famille pour délibérer à ce sujet.

Le juge de paix devra déférer à cette réquisition.

480.

Le compte de tutelle sera rendu au mineur émancipé, assisté d’un curateur qui lui sera nommé par le conseil de famille.

481.
Le mineur émancipé passera les baux dont la durée n’excédera point neuf ans ; il recevra ses revenus, en donnera décharge, et fera tous les actes qui ne sont que de pure administration, sans être restituable contre ces actes dans tous les cas où le majeur ne le serait pas lui-même.
482.

Il ne pourra intenter une action immobilière, ni y défendre, même recevoir et donner décharge d’un capital mobilier, sans l’assistance de son curateur, qui, au dernier cas, surveillera l’emploi du capital reçu.

483.

Le mineur émancipé ne pourra faire d’emprunts, sous aucun prétexte, sans une délibération du conseil de famille, homologuée par le tribunal civil, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement.

484.

Il ne pourra non plus vendre ni aliéner ses immeubles, ni faire aucun acte autre que ceux de pure administration, sans observer les formes prescrites au mineur non émancipé.

À l’égard des obligations qu’il aurait contractées par voie d’achats ou autrement, elles seront réductibles en cas d’excès : les tribunaux prendront, à ce sujet, en considération, la fortune du mineur, la bonne ou mauvaise foi des personnes qui auront contracté avec lui, l’utilité ou l’inutilité des dépenses.

485.

Tout mineur émancipé dont les engagemens auraient été réduits en vertu de l’article précédent, pourra être privé du bénéfice de l’émancipation, laquelle lui sera retirée en suivant les mêmes formes que celles qui auront eu lieu pour la lui conférer.

486.

Dès le jour où l’émancipation aura été révoquée, le mineur rentrera en tutelle, et y restera jusqu’à sa majorité accomplie.

487.

Le mineur émancipé qui fait un commerce, est réputé majeur pour les faits relatifs à ce commerce.