Claire d’Albe (Maradan 1799)/Texte entier

Chez Maradan, libraire (p. 1-294).
D’une main vigoureuse il saisit l’animal par les Cornes, ils se débatent ;
D’une main vigoureuse il saisit l’animal par les Cornes, ils se débatent ;
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PRÉFACE DE L’AUTEUR.


Le dégoût, le danger ou l’effroi du monde ayant fait naître en moi le besoin de me retirer dans un monde idéal, déjà j’embrassais un vaste plan qui devait m’y retenir long-temps, lorsqu’une circonstance imprévue, m’arrachant à ma solitude et à mes nouveaux amis, me transporta sur les bords de la Seine, aux environs de Rouen, dans une superbe campagne, au milieu d’une société nombreuse.

Ce n’est pas là où je pouvais travailler, je le savais ; aussi avais-je laissé derrière moi tous mes essais. Cependant la beauté de l’habitation, le charme puissant des bois et des eaux, éveillèrent mon imagination et remuèrent mon cœur ; il ne me fallait qu’un mot pour tracer un nouveau plan ; ce mot me fut dit par une personne de la société, et qui a joué elle-même un rôle assez important dans cette histoire. Je lui demandai la permission d’écrire son récit, elle me l’accorda ; j’obtins celle de l’imprimer, et je me hâte d’en profiter. Je me hâte est le mot ; car ayant écrit tout d’un trait, et en moins de quinze jours, l’ouvrage qu’on va lire, je ne me suis donné ni le temps, ni la peine d’y retoucher. Je sais bien que pour le public le temps ne fait rien à l’affaire, aussi il fera bien de dire du mal de mon ouvrage s’il l’ennuie ; mais s’il m’ennuyait encore plus de le corriger, j’ai bien fait de le laisser tel qu’il est.

Quant à moi, je sens si bien tout ce qui lui manque, que je ne m’attends pas que mon âge, ni mon sexe me mettent à l’abri des critiques, et mon amour-propre serait assez mal à son aise, s’il n’avait une sorte de pressentiment que l’histoire que je médite le dédommagera peut-être de l’anecdote qui vient de m’échapper.

CLAIRE D’ALBE.



LETTRE PREMIÈRE.

Claire d’Albe à Élise de Biré.


Non, mon Élise, non, tu ne doutes pas de la peine que j’ai éprouvée en te quittant ; tu l’as vue, elle a été telle que M. d’Albe proposait de me laisser avec toi, et que j’ai été prête à y consentir ; mais alors le charme de notre amitié n’eût-il pas été détruit ? Aurions-nous pu être contentes d’être ensemble, en ne l’étant plus de nous-mêmes ? Aurais-tu osé parler de vertu, sans craindre de me faire rougir, et remplir des devoirs qui eussent été un reproche tacite pour celle qui abandonnait son époux, et séparait un père de ses enfans ? Élise, j’ai dû te quitter, et je ne puis m’en repentir ; si c’est un sacrifice, la reconnaissance de M. d’Albe m’en a dédommagée, et les sept années que j’ai passées dans le monde depuis mon mariage, ne m’avaient pas obtenu autant de confiance de sa part, que la certitude que je ne te préfère pas à lui ; tu le sais, cousine, depuis mon union avec M. d’Albe, il n’a été jaloux que de mon amitié pour toi ; il étoit donc essentiel de le rassurer sur ce point, et c’est à quoi j’ai parfaitement réussi ; Élise, gronde-moi și tu veux, mais malgré ton absence je suis heureuse, oui, je suis heureuse de la satisfaction de M. d’Albe ; enfin, me disait-il ce matin, j’ai acquis la plus entière sécurité sur votre attachement ; il a fallu long-temps, sans doute, mais pouvez vous vous en étonner, et la disproportion de nos âges ne vous rendra-t-elle pas indulgente là-dessus ? Vous êtes belle et aimable ; je vous ai vue dans le tourbillon du monde et des plaisirs, recherchée, adulée ; trop sage pour qu’on osât vous adresser des vœux, trop simple pour être flattée des hommages ; votre esprit n’a point été éveillé à la coquetterie, ni votre cœur à l’intérêt, et dans tous les momens j’ai reconnu en vous le desir sincère de glisser dans le monde sans y être apperçue ; c’étoit-là votre première épreuve, avec des principes comme les vôtres, ce n’était pas la plus difficile. Mais bientôt je vous réunis à votre amie, je vous donne l’espérance de vivre avec elle, déjà vos plans sont formés, vous confondez vos enfans, le soin de les élever double de charme en vous en occupant ensemble, et c’est du sein de cette jouissance que je vous arrache pour vous mener dans un pays nouveau, dans une terre éloignée ; vous voilà seule à vingt-deux ans, sans autre compagnie que deux enfans en bas âge et un mari de soixante ; eh bien ! je vous retrouve la même, toujours tendre, toujours empressée ; vous êtes la première à remarquer les agrémens de ce séjour ; vous cher chez à jouir de ce que je vous donne, pour me faire oublier ce que je vous ộte ; mais le mérite unique, inappréciable de votre complaisance, c’est d’être si naturelle et si abandonnée, que j’ignore moi-même si le lieu que je préfère, n’est pas celui qui vous plaît toujours davantage. C’était ma seconde épreuve ; après celle-ci, il ne m’en reste plus à faire ; peut-être étais-je né soupçonneux, et vous aviez dans vos charmes tout ce qu’il fallait pour accroître cette disposition ; mais heureusement pour tous deux, vous aviez plus encore de vertus que de charmes, et ma confiance est désormais illimitée comme votre mérite. — Mon ami lui ai-je répondu, vos éloges me pénètrent et me ravissent ; ils m’assurent que vous êtes heureux, car le bonheur voit tout en beau ; vous me peignez comme parfaite, et mon cœur jouit de votre illusion, puisque vous m’aimez comme telle : mais, ai- je ajouté en souriant, ne faites pas à ce que vous nommez ma complaisance tout l’honneur de ma gaité ; vous n’avez pas oublié qu’Élise nous a promis de venir se joindre à nous, puisque nous n’avions pu rester avec elle, et cette espérance n’est pas pour moi le moins beau point de vue de ce séjour-ci. — En effet, mon amie, tu ne l’oublieras pas cette promesse si nécessaire à toutes deux, tu profiteras de ton indépendance pour ne pas laisser divisé ce que le ciel créa pour être uni, tu viendras rendre à mon cœur la plus chère portion de lui-même ; nous retrouverons ces instans si doux, et dont l’existence fugitive a laissé de si profondes traces dans ma mémoire ; nous reprendrons ces éternelles conversations que l’amitié savait rendre si courtes ; nous jouirons de ce sentiment unique et cher, qui éteint la rivalité et enflamme l’émulation ; enfin l’instant heureux où Claire te reverra, sera celui où il lui sera permis de dire, pour toujours : et puisse le génie tutélaire qui naître à notre naissance et nous fit naître au même moment, afin que nous nous aimassions davantage, mettre le sceau à ses bien faits, en n’envoyant qu’une seule mort pour toutes deux !



LETTRE II.

CLAIRE À ÉLISE.


J’ai tort, en effet, mon amie, de ne t’avoir rien dit de l’asyle qui bientôt doit êtrele tien, et qui d’ailleurs mérite qu’on le décrive ; mais que veux— tu, quand je prends la plume je ne puis m’occuper que de toi, et peut-être pardonneras-tu un oubli dont mon amitié est là cause. L’habitation où nous sommes est située à quelques lieues de Tours, au milieu d’un mélange heureux de coteaux et de plaines, dont les uns sont couverts de bois et de vignes, et les autres de moissons dorées et de riantes maisons ; la rivière du Cher embrasse le pays de ses replis, et va se jeter dans la Loire ; les bords du Cher, couverts de bocages et de prairies, sont rians et champêtres ; ceux de la Loire, plus majestueux, s’ombragent de hauts peupliers, de bois épais et de riches guérets ; du haut d’un roc pittoresque qui domine le château, on voit ces deux rivières, rouler leurs eaux étincelantes des feux du jour dans une longueur de sept à huit lieues, et, se réunir au pied du château en murmurant ; quelques îles verdoyantes s’élèvent de leurs lits, un grand nombre, de ruisseaux grossissent leur cours ; de tous côtés on découvre une vaste étendue de terre riche de fruits, parée de fleurs, animée par les troupeaux qui paissent dans les pâturages. Le laboureur courbé sur la charrue, les berlines roulant sur le grand chemin, les bateaux glissant sur les fleuves, et les villes, bourgs et villages surmontés de leurs clochers, déploient la plus magnifique vue que l’on puisse imaginer.

Le château est vaste et commode, les bâtimens dépendans de la manufacture que M. d’Albe vient d’établir sont immenses ; je m’en suis approprié une aile, afin d’y fonder un hospice de santé, où les ouvriers malades et les pauvres paysans des environs puissent trouver un asyle ; j’y ai attaché un chirurgien et deux gardes-malades, et quant à la surveillance je me la suis réservée ; car il est peut-être plus nécessaire qu’on ne croit, de s’imposer l’obligation d’être tous les jours utile à ses semblables ; cela tient en haleine, et même pour faire le bien, nous avons besoin souvent d’une force qui nous pousse.

Tu sais que cette vaste propriété appartient depuis long-temps à la famille de M. d’Albe ; c’est là que, dans sa jeunesse, il connut mon père et se lia avec lui ; c’est là qu’enchantés d’une amitié qui les avaient rendus si heureux, ils se jurent d’y venir finir leurs jours, et d’y déposer leurs cendres ; c’est là enfin, ô mon Élise ! qu’est le tombeau du meilleur des pères ; sous l’ombre des cyprès et des peupliers repose son urne sacrée ; un large ruisseau l’entoure, et forme comme une île où les élus seuls ont droit d’entrer : combien je me plais à parler de lui avec M. d’Albe, combien nos cœurs s’entendent et se répondent sur un pareil sujet ! — Le dernier bienfait de votre père fut de m’unir à vous, me disait mon mari ; jugez combien je dois chérir sa mémoire. — Et moi, Elise, en considérant le monde, et les hommes que j’y ai connus, ne dois-je pas bénir aussi mon père de m’avoir choisi un si digne époux ?

Adolphe se plaît beaucoup plus ici que chez toi ; tout y est nouveau, et le mouvement continuel des ouvriers lui paraît plus gai que le tête-à-tête des deux amies : il ne quitte point son père, celui-ci le gronde et lui obéit ; mais qu’importe, quand l’excès de sa complaisance rendrait son fils mutin et volontaire dans son enfance, ne suis-je pas sûre que ses exemples le rendront bienfaisant et juste dans sa jeunesse ?

Laure ne jouit point, comme son frère, de tout ce qui l’entoure ; elle ne distingue que sa mère, et encore veut-on lui disputer cet éclair d’intelligence ; M. d’Albe m’assure qu’aussi-tôt qu’elle a tété,’elle ne me connaît pas plus que sa bonne, et je n’ai pas voulu encore en faire l’expérience, de peur de trouver qu’il n’eût raison.

M. d’Albe part demain ; il va au-devant d’un jeune parent qui arrive du Dauphiné ; uni à sa mère par les liens du sang, il lui jura, à son lit de mort, de servir de guide et de père à son fils, et tu sais si mon mari sait tenir ses sermens ; d’ailleurs il compte le mettre à la tête de sa manufacture, et se soulager ainsi d’une surveillance trop fatigante pour son âge ; sans ce motif, je ne sais si je verrais avec plaisir l’arrivée de Frédéric ; dans le monde, un convive de plus n’est pas même une différence ; dans la solitude, c’est un événement.

Adieu, mon Elise ; il règne ici un air de prospérité, de mouvement et de joie qui te fera plaisir, et pour moi je crois bien qu’il ne me manque que toi pour y être heureuse.



LETTRE III.

CLAIRE À ÉLISE.


Je suis seule, il est vrai, mon Elise, mais non pas, ennuyée ; je trouve assez d’occupation auprès de mes enfans et de plaisir dans mes promenades, pour remplir tout mon temps : d’ailleurs M. d’Albe devant trouver son cousin à Lyon, sera de retour ici ayant dix jours ; et puis comment me croire seule, quand je vois la terre s’embellir chaque jour d’un nouveau charme ? Déjà le premier né de la nature s’avance, déjà j’éprouve ses douces influences, tout mon sang se porte vers mon cœur qui bat plus violemment à l’approche du printemps ; à cette sorte de création nouvelle, tout s’éveille et s’anime ; le desir naît, parcourt l’univers et effleure tous les êtres de son aile légère ; tous sont atteints et le suivent ; il leur ouvre la route du plaisir, tous enchantés s’y précipitent ; l’homme seul attend encore, et différent sur ce point des êtres vivans, il ne sait marcher dans cette route que guidé par l’amour. Dans ce temple de l’union des êtres, où les nombreux enfans de la nature se réunissent, desirer et jouir étant tout ce qu’ils veulent, ils s’arrêtent et sacrifient sans choix sur l’autel du plaisir ; mais l’homme dédaigne ces biens faciles entre le desir qui l’appelle, et la jouissance qui l’excite ; il languit fièrement s’il ne pénètre au sanctuaire ; c’est là seulement qu’est le bonheur, et l’amour seul peut y conduire… Ô mon Élise ! je ne le tromperai pas, et tu m’as devinée ; oui, il est des momens où ces images me font faire des retours sur moi-même, et où je soupçonne que mon sort n’est pas rempli comme il aurait pu l’être : ce sentiment, qu’on dit être le plus délicieux de tous, et dont le germe était peut-être dans mon cœur, ne s’y développera jamais et y mourra vierge ; sans doute, dans ma position, m’y livrer serait un crime, y penser est même un tort ; mais crois-moi, Élise, il est rare, très-rare que je m’appuie d’une manière déterminée sur ce sujet ; la plupart du temps je n’ai, à cet égard, que des idées vagues et générales, et auxquelles je ne m’abandonne jamais ; tu aurais tort de croire qu’elles reviennent plus fréquemment à la campagne ; au contraire, c’est là que les occupations aimables et les soins utiles donnent plus de moyens d’échapper à soi-même. Élise, le monde m’ennuie, je n’y trouve rien qui me plaise ; mes yeux sont fatigués de ces êtres nuls qui s’entrechoquent dans leur petite sphère pour se dépasser d’une ligne ; qui a vu un homme n’a plus rien de nouveau à voir, c’est toujours le même cercle d’idées, de sensations et de phrases, et le plus aimable de tous ne sera jamais qu’un homme aimable : ah ! laisse-moi sous mes ombrages ; c’est là qu’en rêvant un mieux idéal, je trouve le bonheur que le ciel m’a refusé ; ne pense pas pourtant que je me plaigne de mon sort, Élise, je serais bien coupable ; mon mari n’est-il pas le meilleur des hommes ? il me chérit, je le révère, je donnerais mes jours pour lui ; d’ailleurs n’est-il pas le père d’Adolphe, de Laure ? que de droits à ma tendresse ! Si tu savais comme il se plaît ici, tu conviendrais que ce seul motif devrait m’y retenir ; chaque jour il se félicite d’y être, et me remercie de m’y trouver bien ; dans tous les lieux, dit-il, il serait heureux par sa Claire ; mais ici il l’est par tout ce qui l’entoure ; le soin de sa manufacture, la conduite de ses ouvriers, sont des occupations selon ses goûts ; c’est un moyen d’ailleurs de faire prospérer son village ; par-là il excite les paresseux et fait vivre les pauvres ; les femmes, les enfans, tout travaille ; les malheureux se rattachent à lui ; il est comme le centre et la cause de tout le bien qui se fait à dix lieues à la ronde, et cette vue le rajeunit : ah, mon amie ! eussé-je autant d’attrait pour le monde qu’il m’inspire d’aversion, je resterais encore ici ; car une femme qui aime son mari, compte les jours où elle a du plaisir comme des jours ordinaires, et ceux où elle lui en fait comme des jours de fêtes.


LETTRE IV.

Claire à Élise.


J’ai passé bien des jours sans t’écrire, mon amie, et au moment où j’allais prendre la plume, voilà M. d’Albe qui arrive avec son parent. Il l’a rencontré bien en-deçà de Lyon ; c’est pourquoi leur retour a été plus prompt que je ne comptais. Je n’ai fait qu’embrasser mon mari, et entrevoir Frédéric. Il n’a paru bien, très-bien. Son maintien est noble, sa physionomie ouverte ; il est timide, et non pas embarrassé. J’ai mis dans mon accueil toute l’affabilité possible, autant pour l’encourager que pour plaire à mon mari. Mais, j’entends celui-ci qui m’appelle, et je me hâte de l’aller rejoindre, afin qu’il ne me reproche pas que même au moment de son arrivée, ma première idée soit pour toi. Adieu, chère amie.



LETTRE V.

Claire à Élise.


Combien j’aime mon mari, Élise ! combien je suis touchée du plaisir qu’il trouve à faire le bien ! Toute son ambition est d’entreprendre des actions louables, comme son bonheur est d’y réussir. Il aime tendrement Frédéric, parce qu’il voit en lui un heureux à faire. Ce jeune homme, il est vrai, est bien intéressant. Il a toujours habité les Cévennes, et le séjour des montagnes a donné autant de souplesse et d’agilité à son corps, que d’originalité à son esprit et de candeur à son caractère. Il ignore jusqu’aux moindres usages. Si nous sommes à une porte, et qu’il soit pressé, il passe le premier. À table, s’il a faim, il prend ce qu’il desire, sans attendre qu’on lui en offre. Il interroge librement surtout ce qu’il veut savoir, et ses questions seraient même souvent indiscrètes, s’il n’était pas clair qu’il ne les fait que parce qu’il ignore qu’on ne doit pas tout dire. Pour moi, j’aime ce caractère neuf, qui se montre sans voile et sans détour ; cette franchise crue qui le fait manquer de politesse, et jamais de complaisance, parce que le plaisir d’autrui est un besoin pour lui, En voyant un desir si vrai d’obliger tout ce qui l’entoure, une reconnaissance si vive pour mon mari, je souris de ses naïvetés, et je m’attendris sur son bon cœur. Je n’ai point encore vu une physionomie plus expressive. Ses moindres sensations s’y peignent comme dans une glace. Je suis sûre qu’il en est encore à savoir qu’on peut mentir. Pauvre jeune homme ! Si on le jetait ainsi dans le monde, à dix-neuf ans, sans guide, sans ami, avec cette disposition à tout croire et ce besoin de tout dire, que deviendrait-il ? Mon mari lui servira sans doute de soutien ; mais, sais-tu que M. d’Albe exige presque que je lui en serve aussi ? Je suis un peu brusque, me disait-il ce matin, et la bonté de mon cour ne rassure pas toujours sur la rudesse de mes manières. Frédéric aura besoin de conseils. Une femme s’entend mieux à les donner, et puis votre âge vous y autorise. Trois ans de plus entre vous font beaucoup. D’ailleurs, vous êtes mère de famille, et ce titre inspire le respect. J’ai promis à mon mari de faire ce qu’il voudrait. Ainsi, Élise, me voilà érigée en grave précepteur d’un jeune homme de dix neuf ans. N’es tu pas toute émerveillée de ma nouvelle dignité ? Mais, pour revenir aux choses plus à ma portée, je te dirai que ma fille a i commencé hier à marcher. Elle s’est tenue seule pendant quelques minutes. J’étais fière de ses mouvemens. Il me semblait que c’était moi qui les avais créés. Pour Adolphe, il est toujours avec les ouvriers. Il examine les mécaniques, n’est content que lorsqu’il les comprend, les imite quelquefois, et les brise plus souvent, saute au cou de son père quand celui-ci le gronde, et se fait aimer de chacun en faisant enrager tout le monde. Il plaît beaucoup à Frédéric, mais ma fille n’a pas tant de bonheur. Je lui demandais s’il ne la trouvait pas charmante, s’il n’avait de plaisir à baiser sa peau douce et fraîche : non, m’a-t-il répondu naïvement, elle est laide, et elle sent le lait aigre.

Adieu, mon Élise. Je me fie à ton amitié pour rapprocher ces jours charmans que nous devons passer ici. Je sais que l’état d’une veuve qui a le bien de ses enfans à conserver, demande beaucoup de sacrifices ; mais si le plaisir d’être en semble est un aiguillon pour ton indolence, il doit nécessairement accélérer tes affaires. Mon ange M. d’Albe me disait ce matin, que si l’établissement de sa manufacture, et l’instruction de Frédéric, ne nécessitaient pas impérieusement sa présence, il quitterait femme et enfans pendant trois mois, pour aller expédier tes affaires, et te ramener ici trois mois plutôt. Excellent homme ! il ne voit de bonheur que dans celui qu’il donne aux autres, et je sens que son exemple me rend meilleure. Adieu, cousine.



LETTRE V.

Claire à Élise.


Ce matin, comme nous déjeûnions, Frédéric est accouru tout essouflé. Il venait de jouer avec mon fils ; mais, prenant tout-à-coup un air grave ; il a prié mon mari de vouloir bien, dès aujourd’hui, lui donner les premières instructions relatives à l’emploi qu’il lui destine dans sa manufacture. Ce passage subit de l’enfance à la raison m’a paru si plaisant, que je me suis mise à rire immodérément. Frédéric m’a regardée avec surprise. — Ma cousine, m’a-t-il dit, si j’ai tort, reprenez moi ; mais il est mal de se moquer. — Frédéric a raison, a repris mon mari ; vous êtes trop bonne pour être moqueuse, Claire ; mais vos ris inattendus, qui contrastent avec votre caractère habituel, vous en donnent souvent l’air. C’est la votre seul défaut ; et ce défaut est grave parce qu’il fait autant de mal aux autres que s’ils étaient réellement les objets de votre raillerie. — Ce reproche m’a touchée. J’ai tendrement embrassé mon mari, en l’assurans deux fois un tort qui l’afflige. Il m’a serrée dans ses bras. J’ai vu des larmes dans les yeux de Frédéric ; cela m’a émue. Je lui ai tendu la main en lui demandant pardon ; il l’a saisie avec vivacité, il l’a baisée, j’ai senti ses pleurs… En vérité, Élise, ce n’était pas là un mouvement de politesse. M. d’Albe a souri. Pauvre enfant, m’a-t-il dit, comment se défendre de l’aimer, si naïf et si caressant ! Allons, ma Claire, pour cimenter votre paix, menez-le promener vers ces forêts qui dominent la Loire. Il retrouvera là un site de son pays. D’ailleurs, il faut bien qu’il connaisse le séjour qu’il doit habiter. Pour aujourd’hui, j’ai des lettres à écrire. Nous travaillerons demain jeune homme.

Je suis partie avec mes enfans. Frédéric portait ma fille, quoiqu’elle sentît le lait aigre. Arrivés dans la forêt, nous avons causé… Cause n’est pas le mot, car il a parlé seul. Le lieu qu’il voyait, en lui rappelant sa patrie, lui a inspiré une sorte d’enthousiasme. J’ai été surprise que les grandes idées lui fussent aussi familières, et de l’éloquence avec laquelle il les exprimait. Il semblait s’élever avec elles. Je n’avais point vu encore autant de feu dans son regard. Ensuite, revenant à d’autres sujets, j’ai reconnu qu’il avait une instruction solide, et une aptitude singulière à toutes les sciences. Je crains que l’état qu’on lui destine ne lui plaise ni ne lui convienne. Une chose purement mécanique, une surveillance exacte, des calculs arides, doivent nécessairement lui devenir insupportables, ou éteindre son imagination, et cela serait bien dommage. Je crois, Élise, que je m’accoutumerai à la société de Frédéric. C’est un caractère neuf, qui n’a point été émoussé encore par le frottement des usages. Aussi présente-t-il toute la piquante originalité de la nature. On y retrouve ces touches larges et vigoureuses dont l’homme dut être formé en sortant des mains de la divinité ; on y pressent ces nobles et grandes passions qui peuvent égarer sans doute, mais qui, seules, élèvent à la gloire et à la vertu. Loin de lui ces petits caractères sans vie et sans couleur, qui ne savent agir et penser que comme les autres, dont les yeux délicats sont blessés par un contraste, et qui, dans la petite sphère où ils se remuent, ne sont pas même capables d’une grande faute.


LETTRE VII.

Claire à Élise


J’aurais été bien surprise si l’éloge très-mérité que j’ai fait de Frédéric, ne m’eût attiré le reproche d’enthousiaste de la part de ma très. judicieuse amie ; car je ne puis dire les choses telles que je les vois, ni les exprimer comme je les sens, que sa censure ne vienne aussi-tột mettre le veto sur mes jugemens. Il se peut, mon Elise, que je n’aie vu en core que le côté favorable du caractère de Frédéric ; et, pour ne lui avoir point trouvé de défauts, je ne prétends pas affirmer qu’il en soit exempt ; mais je veux, par le récit suivant, te prouver qu’il n’y a du moins aucun intérêt personnel dans ma manière de le juger.

Hier, nous nous promenions en semble assez loin de la maison. Tout-à-coup, Adolphe lui demande étourdiment : — Mon cousin, qui aimes-tu mieux, mon papa ou maman ? Je t’assure que dest sans hésiter qu’il a donné la préférence à mon mari, Adolphe a voulu en savoir la raison. — Ta maman est beaucoup plus aimable, a-t-il répondu, mais je crois ton papa meilleur, et à mes yeux, un simple mouvement de bonté l’emporte sur toutes les graces de l’esprit. — Hé bien ! mon cousin, tu dis tout comme maman ; elle ne m’embrasse qu’une fois quand j’ai bien étudié, et me caresse longtemps quand j’ai fait plaisir à quelqu’un, parce qu’elle dit que je ressemblerai à mon papa… — Frédéric m’a regardée d’un air que je ne saurais trop définir ; puis mettant la main sur son cœur : C’est singulier, a-t-il dit à part soi, cela m’a porté là. — Alors, sans ajouter un mot ni me faire une excuse, il m’a quittée, et s’en est allé tout seul à la maison. À dîner, je l’ai plaisanté sur son peu de civilité, et j’ai prié M. d’Albe de le gronder de me laisser ainsi seule sur les grands chemins. — Auriez-vous eu peur ? a interrompu Frédéric ; il fallait me le dire, je serais resté ; mais je croyais que vous aviez l’habitude de vous promener seule. — Il est vrai, ai-je répondu ; mais votre procédé doit me faire croire que je vous ennuie, et voilà ce qu’il ne fallait pas me laisser voir. Vous auriez tort de le penser. J’éprouvais au contraire, en vous écoutant, une sensation agréable, mais qui me faisait mal ; c’est pourquoi je vous ai quittée. — M. d’Albe a souri. Vous aimez donc beaucoup ma femme, Frédéric ? lui a-t-il dit. — Beaucoup ? Non. — La quitteriez-vous sans regret ? — Elle me plaît, mais je crois qu’au bout de peu de jours, je n’y penserais plus. — Et moi, mon ami ? Vous ! s’est-il écrié en se levant vivement, et courant se jeter dans ses bras, je ne m’en consolerais jamais. — C’est bien, c’est bien, mon Frédéric, lui a dit M. d’Albe tout ému ; mais je veux pourtant qu’on aime ma Claire comme moi-même. — Non, mon père, a repris l’autre en me regardant, je ne le pourrais pas.

Tu vois, Élise, que je suis un objet très-secondaire dans les affections de Frédéric. Cela doit être. Je ne lui pardonnerais pas d’aimer un autre à l’égal de son bienfaiteur. Je crains de t’ennuyer en te parlant Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/52 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/53 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/54 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/55 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/56 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/57 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/58 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/59 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/60 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/61 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/62 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/63 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/64 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/65 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/66 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/67 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/68 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/69 Page:Cottin - Claire d Albe (Maradan 1799).pdf/70 Page:Cottin - 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Qu’il fut terrible ! quel gouffre il présenta à celle qui vient de rêver le ciel ! Elle a violé la foi conjugale ! Elle a souillé le lit de son époux ! La noble Claire n’est plus qu’une infâme adultère ! Des années d’une vertu sans tache, des mois de combats et de victoires sont effacés par ce seul instant ! Elle le voit, et n’a plus de larmes pour son malheur ; le sentiment de son crime l’a dénaturée ; ce n’est plus cette femme douce et tendre, dont l’accent pénétrant maîtrisait l’ame des êtres sensibles, et en créait une aux indifférens ; c’est une femme égarée, furieuse, qui ne peut se cacher sa perfidie, et qui ne peut la supporter. Elle s’éloigne de Frédéric avec horreur, et élevant ses mains tremblantes vers le ciel : — Éternelle justice ! s’écrie-t-elle, s’il te reste quelque pitié pour la vile créature qui ose t’implorer encore, punis le lâche artisan de mon malheur ; qu’errant, isolé dans le monde, il y soit toujours poursuivi par l’ignominie de Claire et les cris de son bienfaiteur. Et toi, homme perfide et cruel, contemple ta victime, mais écoute les derniers cris de son cœur ; il te hait ce cœur plus encore qu’il ne t’a aimé ; ton approche le fait frémir, et ta vue est son plus grand supplice ; éloigne-toi, va, ne me souille plus de tes indignes regards. — Frédéric embrasé d’amour et dévoré de remords, veut fléchir son amante : prosterné à ses pieds, il l’implore, la conjure, elle n’écoute rien ; le crime a anéanti l’amour, et la voix de Frédéric ne va plus à son cœur. Il fait un mouvement pour se rapprocher d’elle ; effrayée, elle s’élance auprès de l’autel divin, et l’entourant de ses bras, elle dit : Ta main sacrilége osera-t-elle m’atteindre jusqu’ici ? Si ton ame basse et rampante n’a pas craint de profaner tout ce qu’il y a de saint sur la terre, respecte au moins le ciel, et que ton impiété ne vienne pas m’outrager jusques dans ce dernier asyle. C’est ici, ajouta-t-elle dans un transport prophétique, que je jure que cet instant où je te vois est le dernier où mes yeux s’ouvriront sur toi ; si tu demeures encore, je saurai trouver une mort prompte, et que le ciel m’anéantisse à l’instant où tu oserais reparaître devant moi. —

Frédéric terrassé par cette horrible imprécation, et frémissant que le moindre délai n’assassine son amante, s’éloigne avec impétuosité. Mais à peine est-il hors de sa vue, qu’il s’arrête ; il ne peut sortir du bois épais qui les couvre, sans l’a voir entendue encore une fois, et élevant la voix, il s’écrie : — Ô toi que je ne dois plus revoir ! toi qui d’accord avec le ciel viens de maudire l’infortuné qui t’adorait ! toi qui pour prix d’un amour sans exemple, le condamnes à un exil éternel ! toi enfin dont la haine l’a proscrit de la surface du monde ; ô Claire ! avant que l’immensité nous sépare à jamais, avant que le néant soit entre nous deux, que j’entende encore ton accent, et au nom du tourment que j’endure, que ce soit un accent de pitié… Il se tait, il ne respire pas, il étouffe les horribles battemens de son cœur pour mieux écouter, il attend la voix de Claire… Enfin, ces mots faibles, tremblans, et qui percent à peine le repos universel de la nature, viennent frapper ses oreilles et calmer ses sens : Va, malheureux, je te pardonne.

L’indignation avait ranimé les forces de Claire, l’attendrissement les anéantit ; subjuguée par l’ascendant de Frédéric, à l’instant où en lui pardonnant, elle sentit qu’elle l’aimait encore, elle tomba sans mouvement sur les degrés de l’autel.

Cependant M. d’Albe qui n’avait point reçu la lettre d’Élise, et qui était sorti pour quelques heures, apprend à son retour que Frédéric a paru dans la maison ; il frémit, et demande sa femme ; on lui dit qu’elle est allée, selon son usage, se recueillir près du tombeau de son père. Il dirige ses pas de ce côté ; la lune éclairait faiblement les objets, il appelle Claire, elle ne répond point ; sa première idée est qu’elle a fui avec Frédéric ; la seconde, plus juste mais plus terrible encore, est qu’elle a cessé d’exister. Il se hâte d’arriver ; enfin, à la lueur des rayons argentés qui percent à travers les tremblans peupliers, il apperçoit un objet…, une robe blanche… il approche… c’est Claire étendue sur le marbre et aussi froide que lui. À cette vue il jette des cris perçans ; ses gens l’entendent et accourent. Ah ! comment peindre la consternation universelle ! Cette femme céleste n’est plus, cette maîtresse adorée, cet ange de bienfaisance n’est plus qu’une froide poussière ! La désolation s’empare de tous les cœurs : cependant un mouvement a ranimé l’espérance, on se hâte, on la transporte, les secours volent de tous côtés. La nuit entière se passe dans l’incertitude, mais le lendemain une ombre de chaleur renaît, et ses yeux se rouvrent au jour, au moment même où Élise arrivait auprès d’elle.

Cette tendre amie avait suivi sa lettre de près, mais sa lettre n’était point arrivée ; un mot de M. d’Albe l’instruit de tout, elle entre éperdue. Claire ne la méconnaît point, elle lui tend les bras, Élise se précipite, Claire la presse sur son cœur déjà atteint des glaces de la mort. Elle veut que l’amitié la ranime et lui rende la force d’exprimer ses dernières volontés : son œil mourant cherche son époux ; sa voix éteinte l’appelle, elle prend sa main, et l’unissant à celle de son amie, elle les regarde tous deux avec tristesse et dit : — Le ciel n’a pas voulu que je meure innocente, l’infortunée que vous voyez devant vous s’est couverte du dernier opprobre ; mes sens égarés m’ont trahie, et un ingrat abusant de ma faiblesse, a brisé les nœuds sacrés qui m’attachaient à mon époux. Je ne demande point d’indulgence, ni lui ni moi n’avons droit d’y prétendre ; il est des crimes que la passion n’excuse pas, et que le pardon ne peut atteindre… Elle se tait ; en l’écoutant l’ame d’Elise se ferme à toute espérance, elle est sûre que son amie ne survivra pas à sa honte.

M. d’Albe consterné de ce qu’il entend, ne repousse pas néanmoins la main qui l’a trahi. — Claire, lui dit-il, votre faute est grande sans doute, mais il vous reste encore assez de vertus pour faire mon bonheur, et le seul tort que je ne vous pardonne pas est de souhaiter une mort qui me laisserait seul au monde. — À ces mots, sa femme lève sur lui un œil attendri et reconnaissant : — Cher et respectable ami, lui dit — elle, croyez que c’est pour vous seul que je voudrais vivre, et que mourir indigne de vous est ce qui rend ma dernière heure si amère. Mais je sens que mes forces diminuent, éloignez-vous l’un et l’autre, j’ai besoin de me recueillir quelques momens, afin de vous parler encore. Élise ferme doucement le rideau et ne profère pas une parole ; elle n’a rien à dire, rien à demander, rien à attendre : l’aveu de son amie lui a appris que tout était fini, que l’arrêt du sort était irrévocable, et que Claire était perdue pour elle.

M. d’Albe qui la connaît moins s’agite et se tourmente ; plus heureux qu’Élise, il craint, car il espère ; il s’étonne de la tranquillité de celle-ci, sa muette consternation lui paraît de la froideur, il le dit et s’en irrite. Élise sans s’émouvoir de sa colère, se léve doucement, et l’entraînant hors de la chambre : — Au nom de Dieu ! lui dit-elle, ne troublez pas la solemnité de ces momens par de vains secours qui ne la sauveront point, et calmez un emportement qui peut rompre le dernier fil qui la retient à la vie, Craignez qu’elle ne s’éteigne avant de nous avoir parlé de ses enfans ; sans doute son dernier vœu sera pour eux ; tel qu’il soit, fût-il de lui survivre, je jure de le remplir. Quant à son existence terrestre, elle est finie ; du moment que Claire fut coupable, elle a dû renoncer au jour ; je l’aime trop pour vouloir qu’elle vive, et je la connais trop pour l’espérer. L’air imposant et assuré dont Élise accompagna ces mots, fut un coup de foudre pour M. d’Albe ; il lui apprit que sa femme était morte.

Élise se rapprocha du lit de son amie ; assise à son chevet, toujours immobile et silencieuse, il semblait qu’elle attendît le dernier souffle de Claire pour exhaler le sien.

Au bout de quelques heures Claire étendit la main, et prenant celle d’Élise : — Je sens que je m’éteins, dit-elle, il faut me hâter de parler ; fais sortir tout le monde, et que M. d’Albe reste seul avec toi. — Élise fait un signe ; chacun se retire ; le malheureux époux s’avance, sans avoir le courage de jeter les yeux sur celle qu’il va perdre ; il se reproche intérieurement d’avoir peut être causé sa mort en la trompant. Claire devine son repentir, et croit que son amie le partage ; elle se hâte de les rassurer. — Ne vous reprochez point, leur dit-elle, de m’avoir déguisé la vérité, votre motif fut bon, et ce moyen pouvait seul réussir ; sans doute il m’eût guérie, ‫ و‬si l’effrayante fatalité qui me poursuit n’eût renversé tous vos projets. Élise ne répond rien, elle sait que Claire ne dit cela que pour calmer leur conscience agitée, et elle ne se justifie pas d’un tort qui retomberait en entier sur M. d’Albe ; mais celui-ci s’accuse, il rend à Élise la justice qui lui est due, en apprenant à Claire qu’elle n’a cédé qu’à sa volonté. — Élise est dédommagée de sa droiture, un léger serrement de main que M. d’Albe n’apperçoit pas, la récompense sans le punir. Claire reprend la parole. — O mon ami ! dit-elle, en regardant tendrement son mari, nul n’est ici coupable que moi ; vous qui n’eûtes jamais de pensées que pour mon bonheur, et que j’offensai avec tant d’ingratitude, est-ce à vous à vous repentir ? — M. d’Albe prend la main de sa femme, et la couvre de larmes ; elle continue : — Ne pleurez point, mon amie, ce n’est pas à présent que vous me perdez ; mais quand par une honteuse faiblesse jE’au. torisai Fré l’ raiasmoonur de sdéric ; quand par un nement pécieux je manquai con

de

fiance en vous pour la pre

mière fois de ma vie , ce fut alors

que cessant d’être moi - même , je cessai d’exister pour vous ; dès l’ins tant où je m’écartai de mes prin cipe le anneau sacr qu le liaiesnt, enssemble se xbrisèreéns , eit mes t laissèr s ent ans appui dans le vague l’

d

incerti

s’eempa

tude ; alors la séduction

d mo fasci me ye obscur ra e sai , flanmab s ux , cit le cré eau de la

vertu , et s’insinua dans tous mes sens ; au lieu de m’arracher à l’at Irait qui m’entraînait , je l’excusai , dès - lors la chute deyint inévi tet able . O toi , mon Elise ! continua t - elle avec un accent plus élevé , toi qui vas devenir rlea cmoère de mes en mmande point fans , je ne te mon fils, il aura les exemples de son père ; mais veille sur ma Laure, que son intérêt l’emporte sur ton amitié. Si quelques vertus honorèrent ma vie, dis-lui que ma faute les effaça toutes ; en lui racontant la cause de ma mort, garde-toi bien de l’excuser, car dès-lors tu l’intéresserais à mon crime : qu’elle sache que ce qui m’a perdue, est d’avoir coloré le vice des charmes de la vertu ; dis lui bien que celui qui la déguise est plus coupable encore que celui qui la méconnaît ; car en la faisant servir de voile à son hideux ennemi, on nous trompe, on nous égare, et on nous approche de lui quand nous croyons n’aimer qu’elle… Enfin, Élise, ajouta-t-elle en s’affaiblissant, répète souvent à ma Laure que si une main courageuse et sévère avait dépouillé le prestige dont j’entourais mon amour, et qu’on n’eût pas craint de me dire que celle qui compose avec l’honneurl’a déjà perdu, et que ja mais il n’y eut de nobles effets d’une cause vicieuse alors sans doute j’eusse foulé aux pieds le sentiment dont j’expire aujourd’hui… — Ici Claire fut forcée de s’interrompre, en vain elle voulut achever sa pensée, ses idées se troublèrent, et sa langue glacée ne put articuler que des mots entrecoupés… Au bout de quelques instans, elle demanda la bénédiction de son époux ; en la recevant un éclair de joie ranima ses yeux. — À présent je meurs en paix, dit-elle, je peux paraître devant Dieu… Je vous offensai plus que lui, il ne sera pas plus sévère que vous. — Alors jetant sur lui un dernier regard, et serrant la main de son amie, elle prononça le nom de Frédéric, soupira, et mourut.

Quelques jours après, M. d’Albé reçut ce billet écrit par Elise et dicté par Claire.


CLAIRE à M. D’ALBE.

Je ne veux point faire rougir mon époux, en prononçant devant lui un

nom qu’il déteste peut — être ; mais pourra — t —iloublier que cet infortuné voulait fuir cet asyle, et que mon or. dre seul l’y a retenu ; que dans notre situation mutuelle, ses devoirs étant moindres, ses torts le sont aussi, et que mon amour fut un crime quand le sien n’était qu’une fai blesse. Il est errant sur la terre, il a vos malheurs à se reprocher, il croira avoir causé ma mort, et son cœur est né pour aimer la vertu. Ô mon époux ! mon digne époux ! la pitié ne vous dit-elle rien pour lui, et n’obtiendra-t-il pas une miséricorde que vous ne m’avez pas refusée ?

Pour remplir les dernières volontés de sa femme, M. d’Albe s’informa de Frédéric dans tous les environs, il fit faire les perquisitions les plus exactes dans le lieu de sa naissance ; tout fut inutile, ses recherches furent infructueuses ; jamais on n’a pu découvrir où il avait traîné sa déplorable existence, ni quand il l’avait terminée. Jamais nul être vivant n’a su ce qu’il était de venu ; on dit seulement qu’aux funérailles de Claire, un homme in connu, enveloppé d’une épaisse redingotte, et couvert d’un large chapeau, avait suivi le convoi dans un profond silence, qu’au moment où l’on avait posé le cercueil dans la terre, il avait tressailli, et s’était prosterné la face dans la poussière, et qu’aussi-tôt que la fosse avait été comblée, il s’était enfui impétueusement en s’écriant : — À présent je suis libre, tu n’y seras pas long-temps seule.


FIN.

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)


Lettre première. Claire d’Albe à Élise Biré 
 1
Lettre II. Claire à Élise 
 7
Lettre III. Claire à Élise 
 137
Lettre IV. Claire à Élise 
 141
Lettre V. Claire à Élise 
 142
Lettre VI. Claire à Élise 
 146
Lettre VII. Claire à Élise 
 149
Lettre VIII. Claire à Élise 
 155
Lettre IX. Claire à Élise 
 158
Lettre X. Claire à Élise 
 162
Lettre XI. Claire à Élise 
 167
Lettre XII. Claire à Élise 
 170
Lettre XIII. Claire à Élise 
 176
Lettre XIV. Claire à Élise 
 183
Lettre XV. Claire à Élise 
 187
Lettre XVI. Claire à Élise 
 191
Lettre XVII. Claire à Élise 
 193
Lettre XVIII. Claire à Élise 
 198
Lettre XIX. Claire à Élise 
 213
Lettre XX. Frédéric à Claire 
 217
Lettre XXI. Claire à Frédéric 
 230
Lettre XXII. Claire à Élise 
 231
Lettre XXIII. Claire à Élise 
 235
Lettre XXIV. Claire à Frédéric 
 237
Lettre XXV. Frédéric à Claire 
 241
Lettre XXVI. Claire à Élise 
 242
Lettre XXVII. Claire à Élise 
 244
Lettre XXVIII. Frédéric à Claire 
 253
Lettre XXIX. Frédéric à Claire 
 256
Lettre XXX. Claire à Frédéric 
 260
Lettre XXXI. Frédéric à Claire 
 266
Lettre XXXII. Claire à Élise 
 267
Lettre XXXIII. Claire à Élise 
 270
Lettre XXXIV. Élise à M. d’Albe 
 280
Lettre XXXV. Élise à M. d’Albe 
 289
Lettre XXXVI. Claire à Élise 
 295
Lettre XXXVII. Claire à Élise 
 298
Lettre XXXVIII. Claire à Élise 
 300
Lettre XXXIX. Claire à Élise 
 303
Lettre XL. Claire à Élise 
 306
Lettre XLI. Élise à M. d’Albe 
 309
Lettre XLII. Claire à Élise 
 315
Lettre XLIII. Claire à Élise 
 319
Lettre XLIV. Élise à M. d’Albe 
 321
Lettre XLV. Élise à M. d’Albe 
 324