V.

A Monsieur Monsieur le Comte de La Vauguyon[1], à Tonneins.

à [par] Bourdeaux.
Monsieur,

Il faudroit ressusciter feu Monsieur le Marquis du Bois de la Motte, le plus habile genealogiste que nous eussions[2], pour pouvoir contenter pleinement vostre curiosité ; encore ne sçai-je si, avec toute son habiteté il eust pu satisfaire toutes vos questions. Pour moi, qui me suis plus attaché à l’histoire generale, qu’aux genealogies, j’ai eu beau passer plusieurs jours à feuilleter tout ce que j’ai de mémoires genealogiques, je n’ai rien trouvé qui ait pu m’instruire sur ce que vous demandez. Il ne reste que deux articles sur lesquels je ne demeurerai pas dans le silence, comme sur les autres. Le premier, est au sujet des armes de Rochereul. J’ai un manuscrit qui a appartenu à René de Rochereul, escuier, seigneur de la Hadière, d’Onglepied, Longbresson, etc., en 1577, qui a dessiné ses armes sur le premier feuillet, de sa propre main, qui sont de… [ces points et les suivants ont été laissés par Dom Lobineau] semé de coquilles de… au franc cartier de… à trois poignards de… en pal, la pointe en haut ; et pour supports deux lions leopardez[3]. L’autre article regarde mon troisième volume. Sur quoi je aurai l’honneur de vous dire que je ai de quoi faire 3 volumes de supplement et de continuation, que je ne me presse point de les faire imprimer et que j’attens sur cela que Mrs  des Estats parlent[4].

Je suis avec le plus parfait respect, Monsieur, vostre tres humble et tres obéissant serviteur.

G.-A. Lobineau.
Rennes, 30 decembre 1714.
  1. C’était Nicolas de Quelen de Stuer de Caussade, prince de Carency, comte de la Vauguyon, de Quelen et du Broutay, marquis de Saint-Mégrin, vicomte de Calvignac, vidame de Sarlat, baron de Tonneins, Gratteloup, Villeton, La Gruère (en Agenais), de Chalus, en Limousin), second baron de Quercy, seigneur de Varaignes, Quelneuc, la Chenaye, etc. Il était fils de Barthelemi de Quelen, comte de la Vauguyon, lieutenant général des armées du roi et de Marie de Stuer de Caussade, princesse de Carency. Le Moréri, l’article Quelen (édition de 1759), prodigue ainsi les louanges extrêmes au correspondant de Dom Lobineau : « illustre par sa piété, par son esprit, par les connaissances les plus sublimes, et par sa magnificence. »
  2. Ne trouvant rien sur le marquis du Bois de la Motte, je me suis adressé à un de ses émules d’aujourd’hui, un des plus habiles que nous ayons, M. le marquis de Boisgelin, et ce guide aimable autant que sûr veut bien m’apprendre que c’était Jean-François de Cahideuc, qui devint seigneur du Bois de la Motte par sa mère. Ce merveilleux généalogiste naquit en 1640 et mourut on ne sait trop en quelle année. Son père était mort en 1680 et son fils naquit en 1673.
  3. D’après le Nobiliaire de Bretagne de Potier de Courcy (seconde édition, tome II, p. 348), la famille de Rochereul aurait été déboutée en 1669 de sa prétention à la noblesse. Comment Dom Lobineau ignorait-il cette circonstance assez voisine de lui ? Il est vrai que, même quand on est un Bénédictin des plus érudits, on ne peut pas tout savoir.
  4. Ni le troisième volume, ni le Supplément ne parurent jamais, et Dom Lobineau ne publia que l’Histoire des saints de la province de Bretagne (1723, 2 vol. in-fo) et les trois derniers volumes de l’Histoire de la ville de Paris (1725, in-fo) commencée par Dom Félibien, auteur des deux premiers volumes de la fin de 1714 jusqu’à l’époque de sa mort (3 juin 1727). Notons que tous les biographes, y compris l’auteur du si utile Dictionnaire historique de la France, font naître Dom Lobineau en 1666. Or, M. A. de la Borderie (Éloge historique déjà cité) a prouvé, d’après l’acte de baptême par lui retrouvé, que Dom Lobineau naquit le 9 octobre 1667.