Chronique féministe


La Fronde du 25 novembre 1898 (p. 3-5).

Chronique Féministe


Mlle Claude Le Roy, vient à 17 ans, de passer la seconde partie du baccalauréat ès-lettres.

Nous croyons voir l’attitude digne des antiféministes en lisant la nouvelle ! un sourire indulgent, une moue dédaigneuse, et ces mots tombés négligemment de leurs lèvres superbes :

« C’est une exception ! »

Oui, mais si cela continue, ces exceptions seront comme celles de la grammaire, si nombreuses que la règle deviendra la minorité !


Une Américaine, Miss Annie Macdonald, marquise d’Oyley, vient d’être décorée par le sultan, de l’Ordre du Chefekat.

Nous remarquons avec plaisir que plusieurs femmes ont déjà reçu cette distinction honorifique. Cela prouve que le féminisme peut aujourd’hui franchir toutes les frontières, car s’il pénètre en Turquie…


Mme la baronne Cartier de Saint-René, secrétaire de la Ligue des femmes pour le désarmement international, s’exprime ainsi dans la Nation :

« L’influence de la femme a toujours existé : même dans les pays barbares où elle est enfermée dans les harems, sa volonté s’impose, le potentat le plus autocrate obéit à la sultane mère ou à la favorite. Que toutes les femmes usent donc de leurs privilèges pour faire le bien ; qu’elles soient les auxiliaires des hommes éminents dont la science éclaire le monde. Collaboratrices zélées, elles accompliront le grand œuvre de salut, elles feront sortir de l’ornière les êtres qu’une fausse éducation mène à l’indifférence ou à la négation des plus hautes vérités. »

Comme on voit Mme Cartier de Saint-René n’engage pas les femmes à réclamer, pour pouvoir faire le bien, le droit de compter dans la société ! elle les invite simplement à user du pouvoir occulte qu’elles possèdent !

Redoutons, au contraire, Madame, l’influence de la femme qui n’est pas libre, car la servitude n’a pas seulement le très grand inconvénient d’imposer des souffrances matérielles, elle a encore la triste propriété de déformer l’âme et d’atrophier les cerveaux. La femme en tutelle ne veut pas souvent le bien et quand elle le veut elle est sans pouvoir, le mal, le vice étant seuls puissants là où règne l’esclavage féminin.

Et d’ailleurs, il ne doit rien être demandé à qui l’on n’a rien donné !

Camille Belilon.