Chronique du 18 juillet 1874

CHRONIQUE


Les orages du 28 juin, dans le midi de la France. — La ville de Montpellier a eu particulièrement à souffrir de cette grande perturbation atmosphérique. Les éclairs se succédaient si rapides, que pendant une partie de la nuit, l’atmosphère a été sillonnée d’une manière continue par une lueur sinistre et blafarde. Le tonnerre grondait avec un véritable fracas. Les paratonnerres de l’église Sainte-Anne et de la préfecture ressemblaient de loin à des sillons électriques enflammés. Une véritable trombe de grêle a pris en écharpe la ville du nord-ouest au sud-est. Depuis de longues années, dit l’Union nationale, nous n’avions pas vu un pareil ouragan. Les dégâts sont immenses. Un nombre considérable de toitures et surtout de couvertures vitrées sont dans le plus déplorable état. Parti, vers onze heures, de l’arrondissement de Saint-Pons, l’ouragan passait, à onze heures et demie, au nord de Béziers, puis s’infléchissait, à minuit, sur la lisière de celui de Lodève. De là il atteignait l’arrondissement de Montpellier, qu’il visitait de minuit et demi à une heure, pour aller s’éteindre, entre une et deux heures, dans le département du Gard. La grêle n’est tombée qu’en petite quantité à Nîmes, mêlée à une pluie diluvienne. La veille, un orage semblable traversait le département des Hautes-Pyrénées. L’Ère nouvelle, de Tarbes, nous apprend que plusieurs communes des cantons de Vie, Rabastens, Pouyastruc et Tournay ont été fort maltraitées par la grêle. Tarbes et les localités environnantes ont eu également à souffrir du fléau. La grêle est tombée en telle quantité à Tarbes, que c’est par pelletées qu’on la poussait des trottoirs sur la chaussée des rues. M. Ch. Martins, qui a décrit l’orage, dit que quelques-uns de ces grêlons étaient gros comme des noix. Dimanche matin, on pouvait voir encore les jardins et les promenades publiques jonchés de branches et de feuilles d’arbres. Beaucoup de maisons, dont les façades sont tournées au sud-ouest, ont eu leurs vitres brisées. Nous donnerons dans notre prochaine livraison de plus amples détails sur ces grêlons.

Les orages et les coups de foudre des 9 et 10 juillet, à Paris. — On est entré, à partir du 9 juillet, dans une série d’orages qui ont considérablement gêné l’observation de la comète Coggia, au moment où elle offrait le plus grand intérêt, car elle se rapprochait rapidement du soleil. À Paris les coups de foudre ont été nombreux quoique les accidents aient été relativement insignifiants. La température s’était élevée jusqu’à 35°,7 à l’Observatoire national. Elle est descendue jusqu’à 19°,3 moins de deux heures après. La chute thermométrique produite par cette première pluie a donc été de 16°,4, mais le rafraîchissement n’a été que temporaire. Le soir la température était remontée à 23°. L’orage du 9 était accompagné d’une trombe de poussière soulevée par des vents tourbillonnants d’une grande énergie, et donnait à la ville de Paris l’aspect d’Alger en temps de siroco. En moins d’une heure le vent qui soufflait du sud avait passé au nord, en prenant par l’ouest, où il est retourné avant le toucher du soleil. Le 10, au matin, il était au sud-ouest. La quantité d’eau tombée, pendant la première journée d’orage, a été de 1 000 hectolitres par hectare, soit de 8 millions d’hectolitres pour la ville entière. La quantité d’eau tombée dans la soirée du 10 a été encore plus grande.

Les coups de foudre qui ont accompagné l’orage du 9 ont été nombreux mais à peu près inoffensifs. Le seul accident sérieux a été la paralysie temporaire d’une jeune fille renversée par un coup de foudre, dans l’avenue Bosquet, à 6 h. 20 mn. La foudre est tombée, un peu avant, sur le n° 88 du boulevard de l’Hôpital, attirée sans doute par le voisinage de l’église qui n’a point de paratonnerre. Mais le fluide s’est borné à faire des dégâts insignifiants et à ramoner quelques cheminées. Des phénomènes de transport à distance ont été constatés. Des pierres détachées de la corniche ont été projetées dans la cour du n°52. La fille du concierge a été renversée, sans éprouver aucun mal, mais ses souliers ont été également enlevés et retrouvés à quelque distance.

La foudre est tombée en plusieurs endroits, rue Croix-Nivert, n° 24, dans un débit de boisson, où elle a produit la fusion d’une petite mesure de plomb. Un buveur qui portait un verre à ses lèvres l’a laissé tomber.

Un autre phénomène de fusion a été observé dans un troisième coup de foudre, tombé rue Blainville, 6, chez une marchande de ballons d’enfants. Un jet de gaz a été allumé à la suite de la fusion du plomb, et un commencement d’incendie, heureusement arrêté à temps, en est résulté.

Suivant des on-dit, que nous n’avons pu vérifier, la foudre serait également tombée à la place Blanche. Ce qu’il y a de certain c’est qu’une rangée d’arbres du boulevard de Clichy porte des écorchures. L’écorce a été enlevée à tous sur une longueur assez grande.

Ce phénomène de transport semble indiquer le passage d’une étincelle électrique dans le voisinage. La foudre serait tombée sur un camion du chemin de fer.

La mort d'un grand joueur d’échecs. — Le jeu d’échecs est si en honneur parmi les savants, que nous ne pouvons nous empêcher de dire quelques mots de regrets à propos de la mort de M. Staunton, un des champions de l'Angleterre. Ce rival de notre Philidor est né à Londres en 1810. Il a reçu son éducation à Oxford. Quoiqu’il n’ait pas fini ses études et qu’il n’ait pas pris ses grades, il était très-populaire dans cette grande université. On lui doit une édition de Shakespeare, des mémoires sur Shakespeare, des corrections de passages falsifiés, etc., etc., et un ouvrage remarquable intitulé les Grandes écoles anglaises. M. Staunton devint célèbre dans toute l’Europe comme joueur d’échecs de première force, à la suite de ses victoires sur M. de Saint-Amant. Ses publications sur les échecs sont le Manuel du joueur d’échecs, publié en 1847, la Pratique des échecs, publié en 1860, et les Tournois d’échecs, publié en 1852. C’est lui qui dirigeait la partie des échecs dans l’Illustration anglaise depuis la fondation de cette feuille. Il essaya de publier quelques articles hebdomadaires dans Notes and Queries, sur ce sujet intéressant, mais les communications qu’il reçut de ses lecteurs furent si nombreuses qu'il dut bientôt renoncer à son dessein.

Artillerie prussienne. — L’Ostsee Zeitung annonce que le ministre de la guerre d’Allemagne a commandé à l’usine Krupp un canon à coin de 37 centimètres qui doit être fait avec le bloc d'acier pesant 52 500 kilogrammes que l'on a tant remarqué à l'exposition de Vienne. Ce nouveau canon, dit la Revue maritime, sera du même calibre que le Krupp de 1 000 livres de l'exposition de Paris, mais il sera plus puissant et portera une charge de poudre plus de deux fois plus grande. Jusqu'à présent, le canon le plus fort de la marine allemande était de 24 centimètres, fabriqué pour le König Wilhelm ; aucun des autres navires n'avait de pièces de plus de 21 centimètres. Les nouvelles frégates Preussen, Grosser Kurfurst et Friedrich der Grosse doivent cependant être armées de canon de 28 centimètres, et les deux frégates, actuellement en construction à Londres, porteront probablement du 28 centimètres. Ces dernières pièces (à l'exception du 1 000 livres mentionné ci-dessus et actuellement à Kiel) sont les plus gros canons employés à la défense des côtes d'Allemagne. L’Ostsee Zeitung remarque que ces canons, quoique bons dans un combat à courte portée, seraient tout à fait incapables de défendre un port contre le bombardement de navires tels que le Pierre-le-Grand des Russes ou le Fury et la Devastation des Anglais, puisqu'ils sont incapables de percer une plaque de 12 à 14 pouces à des distances de 1000 à 1500 mètres. Le nouveau canon de 47 centimètres, d'autre part, pourra percer une plaque de 15 pouces à une distance de 2000 mètres.


Procédé de coiiserviUion des boln. — Le Scientific Anmican indique le procédé suivant qui donne, dit ce journal, d’excellents résultats : Prendre de l’huile de lin, la faire bouillir et y introduire du charbon de bois en poudre, jusqu’à ce que le mélange ait pris la consistance semipâteuse d’une peinture ordinaire. Préparer le bois sous la tonne qu’il doit conserver et y appliquer ensuite une seule couche de la peinture ci-dessus, la laisser sécher avant la mise en place. Le bois ainsi revêtu se conserve indéfiniment, il est inaccessible à la pourriture.