Chronique de la quinzaine - 29 février 1840

Chronique no 189
29 février 1840
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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29 février 1840.


Nous avons joué de tout point le rôle de Cassandre. — Il faut avant tout, disions-nous, rallier la majorité, aider la chambre à recouvrer la puissance politique qui doit lui appartenir, une puissance régulière, gouvernementale : du 12 mai, bien que composé d’hommes capables, ne peut par son agencement, et par les exclusions qu’il inflige, donner à la chambre cette vie politique, cette unité, sans lesquelles il n’y a pour toute assemblée délibérante qu’impuissance et désordre. En méconnaissant la nécessité de se reformer et de se renforcer, le ministère s’expose à une chute peu flatteuse pour lui, et prépare au pays de nouveaux embarras et de grandes difficultés.

Nos prévisions se sont réalisées, plus tôt même que nous ne le pensions ; ce qui n’est pas un mal, si le cabinet était décidé à repousser toute idée de modification et de réforme. Une fausse position, en se prolongeant, ôte de leur valeur aux hommes qui y persistent ; et sommes-nous si riches en hommes capables, que nous puissions assister gaiement et périodiquement au naufrage politique de quelques-uns d’entre eux ?

Certes, nous ne nous faisons aucune illusion sur le fait parlementaire qui a renversé le ministère du 12 mai. Le cabinet est tombé sous les étreintes d’une conspiration plutôt que sous les coups d’une lutte. Le mot si spirituel de l’un des ministres du 12 mai est bon à rappeler : ils ont été étranglés entre deux portes par des muets. Les muets n’appartenaient pas au même sultan, en supposant qu’il y ait des sultans dans la chambre. C’était encore une coalition, dont aucune fraction de la chambre n’est parfaitement innocente ; mais c’est une coalition que nul n’a faite, et qui s’est enfantée d’elle-même. Il y a eu conspiration tacite, et la preuve qu’elle n’a pas été expresse, c’est que ni le point de départ, ni le but, ni les intentions des conjurés n’étaient les mêmes. Quelques hommes ont pu s’expliquer ensemble, s’entendre se dire le fond de leur pensée ; mais ce qui a déterminé le rejet de la loi, ce sont les suffrages de quarante à cinquante députés d’origine, d’opinion, de tendances très diverses, et entre lesquels il n’y a eu ni combinaison ni accord. Les uns voulaient repousser une loi qui leur déplaisait, et dont ils ne comprenaient point l’importance politique : ils l’ont traitée comme une question de centimes additionnels ; les autres voulaient faire sentir que rien n’était possible sans leur concours, et en même temps faire tomber le ministère ; enfin il y a eu tel député qui ne voulait ni repousser la dotation ni renverser le ministère, et qui a cependant déposé dans l’urne une boule noire. C’est qu’il ne croyait pas au rejet de la loi, c’est qu’il comptait sur les boules blanches de ses voisins. Il se proposait de ne pas se vanter de son vote à Paris, et de s’en vanter auprès de ses électeurs. Et d’ailleurs, il savait bien que la loi une fois passée, on est fort oublieux à Paris, tandis qu’on a longue et bonne mémoire en province.

Même dans le pacte du silence, il y a eu de l’équivoque et du sous-entendu. Quelques-uns savaient sans doute ce qu’ils faisaient ; c’était pour eux de la tactique parlementaire. D’autres acceptaient le silence comme un débarras, comme on saisit au vol tout prétexte pour ne pas parler d’un sujet qu’on n’aime guère.

C’est ici que les ministres ont manqué à la fortune. Je ne sais si leur silence a été une calamité publique ; mais, à coup sûr il a perdu la dotation et précipité la chute du cabinet. Il nous est impossible de comprendre comment un ministère, dont six membres appartenaient à la chambre des députés, sans compter les secrétaires-généraux et autres fonctionnaires attachés aux divers départemens, et également membres de la chambre, ont pu ignorer les dispositions de l’assemblée, et ne pas voir qu’une discussion vive et forte pouvait seule les changer. Encore une fois, il n’y avait pas coalition formelle, mais l’accord tacite transpirait de toutes parts ; les dispositions peu bienveillantes de la chambre ne pouvaient être un mystère pour personne. Le gouvernement représentatif a-t-il donc ses hallucinations, comme les gouvernemens absolus ? Au moins, ce n’est pas faute de causeries et d’indices de toute nature qu’on peut chez nous se tromper dans ses prévisions.

Mais post factum nullum consilium. La crise ministérielle a éclaté. Il ne s’agissait pas seulement de trouver des ministres ; il fallait une majorité. Un 22 février pur était impossible ; les doctrinaires se seraient portés de l’autre côté avec la fraction du centre gauche qui serait restée fidèle à MM. Dufaure et Passy. Un 15 avril n’était pas plus possible, la même manœuvre aurait eu lieu en sens inverse : il ne restait d’autre ressource qu’une combinaison, il n’y avait de possible qu’un ministère de coalition. Au fait, trois combinaisons étaient seules praticables : le centre gauche avec les doctrinaires, les 221 et les doctrinaires, les 221 et M. Thiers ; nous disons les 221 avec M. Thiers, car il paraît certain que, dans cette combinaison, M. Thiers aurait été abandonné par la grande majorité du centre gauche, et n’aurait guère pu apporter comme lot que sa valeur personnelle et quelques voix restées fidèles à sa fortune.

C’est à la combinaison du centre gauche avec les doctrinaires qu’on s’est arrêté. Nous ne nous en plaignons pas, parce que nous aimons, avant tout, la sincérité du gouvernement représentatif. Le ministère du 12 mai étant tombé par le rejet de la loi de dotation, les dépouilles devaient appartenir aux vainqueurs, au centre gauche et aux doctrinaires aussi, qui, tout en ayant, la plupart du moins, voté la loi par courtoisie et à contre-cœur, n’en étaient pas, assure-t-on, les partisans, et se trouvaient d’ailleurs, par les réminiscences de la coalition, dans des relations plus amicales avec le centre gauche qu’avec les 221.

M. de Broglie refusant le pouvoir et M. Guizot gardant son ambassade, les doctrinaires n’ont pu obtenir la présidence du conseil et ont accepté la présidence de M. Thiers, comme M. Thiers était disposé à accepter celle de M. de Broglie. M. de Rémusat a l’un des deux grands ministères, M. Jaubert un ministère fort important aujourd’hui, le ministère des travaux publics : telles sont du moins les nouvelles du jour. La crise ne durerait ainsi qu’une semaine. C’est merveilleux dans ce temps-ci. Une si courte gestation annonce-t-elle au nouveau-né une longue vie ?

Nous dirons notre pensée sans détour. Tout ami sincère de son pays doit désirer une administration forte et durable. C’est là un vœu général. On n’est pas seulement fatigué, on est effrayé de ces agitations sans but, de ces crises, de ces interrègnes ministériels qui compromettent à la fois la dignité du pouvoir et la paix du pays. Le ministère qu’on nous annonce, composé d’hommes capables, de notabilités parlementaires, se trouverait formé, nous l’avons dit, dans les conditions du gouvernement représentatif. Quoi qu’on pense au point de vue politique et moral du moyen employé contre le 12 mai, toujours est-il que l’administration se trouverait confiée aux mains qui l’ont renversé. On ne dirait pas cette fois qu’on a cherché à éluder les résultats de l’action régulière de notre machine politique. Il n’y aurait pas de prise pour la calomnier.

Mais l’avénement du ministère changerait-il la situation de la chambre ? Les 221, que la réunion Jacqueminot cherche de nouveau à organiser, se résigneraient-ils à la nouvelle administration ? M. Thiers pourrait-il du moins en détacher une partie assez considérable pour qu’une majorité forte, compacte, pût enfin se réaliser, et nous replacer dans les conditions régulières de notre gouvernement ?

Il est évident que si le camp tout entier des 221 repoussait tout accord, la durée du ministère serait compromise, à cette formidable opposition venant tout naturellement se joindre les amis du ministère du 12 mai.

Le problème ne peut être résolu, et la majorité désirable se former qu’en donnant aux hommes du centre des garanties de modération et des preuves d’impartialité qui calment leur irritation, qui dissipent leurs doutes et leur fassent surmonter leurs répugnances.

Certes, ce n’est pas à l’homme d’état qui va présider la nouvelle administration que peuvent échapper les difficultés et les nécessités de la situation. Si tout dépendait de sa sagacité, de son jugement, de son action personnelle, nous serions complètement rassurés.

Ce qui nous laisse quelque doute, ce qui nous inspire de l’inquiétude, ce sont les amitiés que M. Thiers a dû contracter pendant son éloignement des affaires ; amitiés hautaines, dévouemens impérieux, impatiens de tout frein, de toute mesure, daignant à peine accorder aux hommes qu’ils devraient rallier une insultante amnistie.

Si M. Thiers ne parvenait pas à contenir, à discipliner ses amis, si au lieu de se présenter aux centres avec des auxiliaires dociles à sa voix, il ne leur présentait que des adversaires implacables, tout serait perdu. Le chef du cabinet ne serait plus, aux yeux des hommes modérés, que l’instrument ou le complice d’un parti hostile ; la discorde ne tarderait pas à se mettre même au sein du ministère ; ses adversaires en triompheraient, et la lutte ne pourrait se terminer que par la dissolution du cabinet ou par la dissolution de la chambre. Ou M. Thiers succomberait comme un homme aventureux, téméraire, incapable de tenir le gouvernail, ou le pays serait exposé à des épreuves dont nul ne peut prévoir le résultat, et dont la responsabilité serait immense.

Ainsi, pour nous, la question tout entière est de savoir si le cabinet qu’on annonce donnera ou ne donnera pas de suffisantes garanties aux hommes qui aiment également l’ordre et la liberté, aux hommes de gouvernement et de progrès sensé et mesuré. Nous le désirons, nous le croyons, parce que nous sommes convaincus que M. Thiers voit dans son avénement au pouvoir autre chose que le gain d’une gageure, qu’une puérile satisfaction d’amour-propre. Celui qui consentait à s’associer à M. de Broglie, qui l’acceptait comme chef du cabinet, a le droit d’inspirer confiance aux hommes des centres, aux conservateurs de notre dynastie, de nos institutions, de la dignité nationale et de la paix. Au surplus, leurs doutes ne tarderont pas à être dissipés. L’avénement du nouveau ministère laissera nécessairement vacantes plusieurs places considérables dans les diverses administrations. Le choix des nouveaux fonctionnaires est un fait politique de sa nature. Le ministère révélera par ces nominations sa pensée tout entière ; les centres ne pourront pas s’y tromper. Ils verront s’ils ont affaire à un ministère de coalition, habile, mesuré, prudent, maître de lui-même et tenant compte de toutes les nécessités de la situation, ou bien à un cabinet dominé par une pensée exclusive et par des influences qui ne pourraient que rapetisser les hommes qui auraient consenti à lui prêter leur nom et leur valeur politique.

Du reste, ce n’est que sur le fondement d’une conjecture et du bruit public que nous parlons. Nous ne sommes pas assez ignorans des choses de ce monde pour ne pas savoir qu’en pareille matière il n’y a de certain, de positif, que les paroles du Moniteur. Il est en ce moment même des personnes graves qui doutent fort de la combinaison annoncée. Il leur paraît impossible qu’une partie considérable des centres se rallie à une administration où les 221 ne trouveraient ni leur chef ni aucun de leurs membres influens. Ils ne conçoivent pas que les 221 puissent ainsi se résigner au rôle de vaincus. Il n’est, à leur avis, qu’un seul cabinet qui puisse rallier dans la chambre une forte majorité : c’est le cabinet qui devait se former par l’alliance de M. Molé avec M. Thiers. M. Thiers, dit on, perdrait, il est vrai, une partie de ses amis ; mais rien ne devrait empêcher les doctrinaires, disposés à s’allier à M. Thiers seul, de le suivre dans son alliance avec le chef du parti conservateur. N’avoueraient-ils pas, en s’y refusant, que c’est vers la gauche qu’ils préfèrent marcher, et qu’ils sacrifient leurs principes à leurs antipathies ? Raisonnement spécieux sans doute et qui pourrait peut-être faire avorter, par de nouvelles tentatives, le cabinet qu’on donnait aujourd’hui comme chose certaine.

Certes, nous applaudirions fort à cette triple combinaison ; mais nous n’osons pas la croire possible. Il n’y a peut-être pas de grande raison qui s’y oppose. Il y en a trop de petites, et malheureusement en pareille matière les petites raisons trop souvent l’emportent.

Il serait fâcheux, dans le cas présent, qu’il en fût tout-à-fait ainsi, particulièrement à l’égard de cette portion influente et persistante de la chambre qui s’attache, avant tout, à l’idée de conservation. L’alliance ou l’appui de quelques membres influens des 221 tendrait à reporter M. Thiers vers les centres, à le replacer dans une situation analogue à celle qu’il avait il y a quatre ans, et dont l’abandon, a été pour tous une cause incessante d’affaiblissement et d’agitation.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons que nous réunir à tous ceux qui demandent à grands cris une prompte solution. Qu’on ne laisse pas croire au pays que l’établissement de juillet est travaillé d’une sorte d’agitation périodique, dont les accès se rapprochent au lieu de s’éloigner, et dont la guérison devient de jour en jour plus difficile.

Tout est arrêté à l’intérieur. Les lois les plus importantes, les mesures les plus impatiemment attendues, se trouveront cette année encore, rejetées à la fin de la session, lorsque l’ennui, le dégoût, l’impatience, ne laissent aux chambres aucune puissance de travail, et ôtent toute dignité à leurs délibérations. La question des sucres, celles de l’esclavage, de la rente, des chemins de fer, et tant d’autres, resteront sans solution pour peu que la crise se prolonge, et alors recommenceront, avec plus de violence et plus d’apparence de raison, les récriminations contre les résultats de ce système électoral, qu’on voudrait bouleverser à tout prix. Il est vrai qu’il serait impossible d’offrir long-temps au pays le spectacle de deux chambres inactives, l’une plongée dans un profond sommeil, l’autre ne veillant que pour se trémousser, et pour amener des crises qu’elle déplore, et dont elle est incapable de prévenir le retour.

L’extérieur n’est guère plus rassurant. Quoi qu’on en dise, notre alliance avec l’Angleterre, sans être rompue, est singulièrement affaiblie. Nous sommes alliés ; mais sur une question capitale, immense, nous ne voulons pas la même chose, nous ne tendons pas au même but : nous sommes des alliés qui, sans tendre au même but, cherchons à augmenter chacun nos forces maritimes. L’Angleterre ne cesse de négocier avec les autres puissances, et particulièrement avec la Russie, sans notre participation ; l’Angleterre ne cesse de monter la tête au divan, que nous voulons ramener à des idées, à des projets raisonnables ; l’Angleterre ne cesse d’irriter et de menacer ce pacha d’Égypte que nous désirons à la fois soutenir et contenir. En Grèce, l’Angleterre, par le ministère de M. Lyons, empêche, embrouille toutes choses, et a rendu inutiles les directions et les conseils, aussi désintéressés que salutaires, que la France n’a cessé de donner au gouvernement grec. Le parlement d’Angleterre retentit tous les jours d’accusations, de plaintes, de suppositions contre la France, souverainement ridicules, il est vrai, mais auxquelles ne craignent pas de prendre part des chefs de parti, des hommes qui devraient être graves et mieux apprécier l’importance de l’union des deux pays. Certes, ce ne sont pas là les rapports de deux alliés bien intimes ; et cependant c’est de l’alliance anglo-française que dépend la paix du monde. Qu’on la suppose rompue, et il n’est plus de bornes aux conjectures : le champ des évènemens devient incommensurable ; c’est une mer sans rivage.

Ajoutons que le cours naturel des choses peut faire naître à tout instant des incidens graves. Le grand-visir a été frappé ; il est mort pour les affaires. Méhémet-Ali n’est pas jeune, et il n’est pas le seul grand personnage, prince ou non, qui approche du terme de sa carrière. Sans doute les hommes changent, les affaires et les intérêts restent les mêmes ; mais il en est de cette proposition comme de beaucoup d’autres : elle n’est vraie que dans une certaine mesure. La mort de l’empereur Paul, même celle de Fox, ne furent pas indifférentes pour la France. La mort de Ferdinand a été le commencement d’une guerre sanglante, atroce, en Espagne.

Cette guerre ne touche pas encore à son terme. On ne sait pas encore si Cabrera est mort ou convalescent. Qu’on dise ensuite que dans ce siècle tout se sait, tout se communique avec la rapidité de l’éclair. L’Espagne est un démenti permanent à notre civilisation. Espartero paraît enfin vouloir sortir de sa tente et commencer quelque promenade de printemps. Il prendra peut-être une ou deux bicoques ; il se reposera ensuite pendant six mois de ces énormes fatigues. À ce jeu, si Cabrera ne meurt pas de maladie, il mourra un jour ou l’autre de vieillesse.

Ce qui est plus rassurant pour l’Espagne, c’est le succès de ses élections et le bon esprit qui paraît devoir dominer au sein des cortès. La minorité y est plutôt turbulente qu’habile, plutôt tracassière que redoutable. L’émeute que les exaltés ont faite dans la salle des cortès et qui n’a pas trouvé d’auxiliaires dans les rues, est une preuve d’impuissance. Madrid a été mis en état de siége ; c’est un acte de vigueur. Le jour où l’Espagne pourra se donner une administration forte et intelligente, vaincre son insouciance et son fatal laisser-aller, elle remportera une victoire plus utile que toutes celles qu’elle peut gagner au pied des Pyrénées. Qu’elle offre à ses provinces le spectacle d’un gouvernement actif, régulier, et la pacification spontanée des provinces ne tardera pas à couronner les efforts de l’administration.

Les travaux de nos chambres, pendant la crise, méritent à peine d’être mentionnés. Il n’y a en que deux faits remarquables. À la chambre des pairs, l’éloge du général Bernard, par M. le comte Molé. Plein de faits intéressans et curieux, de rapprochemens ingénieux et délicats, d’aperçus élevés et de cette mesure, de ce tact qui distinguent cet homme d’état, il a été accueilli par la chambre avec la plus vive satisfaction. Il n’a laissé qu’un désir, celui d’entendre le plus tôt possible un éloge qui offre plus de difficultés encore dans la bouche d’un ministre de juillet, l’éloge académique de M. de Quélen.

M. Teste, à la chambre des députés, appelé à la tribune pour une pétition relative aux offices, a fait preuve de talent en repoussant les accusations et les reproches dont il avait été l’objet. La chambre, malgré des préventions que la presse et les parties intéressées avaient soigneusement alimentées, a applaudi à la parole du ministre et goûté ses raisons. Singulière assemblée, dira-t-on, qui vous renverse aujourd’hui sans vous entendre, et vous applaudit demain ! Mais aussi pourrait-elle répondre : Pourquoi ne parliez-vous pas deux jours plus tôt ? Est-ce à la chambre de vous prier de parler, ou à vous de demander à la chambre de vous écouter ? Pourquoi avez-vous laissé à l’éloquence pâteuse de M. Amilhau le soin de réfuter M. Laffitte ?

Une réponse vive, piquante, s’il le fallait, faite par un ministre, aurait engagé la bataille. Ne serait-ce pas que les ministres aussi ne brûlaient guère du désir de parler sur la question, et auraient désiré l’emporter comme un ordre du jour sur une pétition ? Au surplus, nous nous plaisons à le reconnaître, il serait injuste de trop insister sur le silence des ministres dans ce jour mémorable. Nul n’est certain d’échapper aux effets d’une surprise. Ce qui est moins concevable, ainsi que nous l’avons dit, c’est que la surprise ait été possible, surtout pour les ministres députés.