Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1276

Règne de Philippe III le Hardi (1270-1285)

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[1276]


Louis, fils aîné de Philippe, roi de France, mourut, et fut enterré dans l’église de Saint-Denis en France. Il vint vers le roi de France Philippe, des confins les plus reculés de l’Orient, des envoyés des Tartares, qui lui dirent que, comme il avait pris la croix, s’il avait le dessein de passer dans le pays de Syrie contre les Sarrasins, le roi lui promettait fidèlement les conseils et les secours de toute sa nation. Dieu sait s’ils étaient de vrais envoyés ou bien des espions, car ils n’étaient pas Tartares de nation ni de moeurs, mais c’étaient des Chrétiens de la secte des Géorgiens, qui obéissent et sont soumis aux Tartares. Ayant été envoyés par le roi à Saint-Denis en France ils y fêtèrent la résurrection du Seigneur, et passèrent ensuite auprès du roi d’Angleterre, à ce qu’on dit, pour lui porter le même message. Fernand, fils aîné d’Alphonse roi d’Espagne, qui avait pris en mariage Blanche fille de saint Louis roi de France, étant venu à mourir, son père, qui le haïssait, traita injustement deux fils qu’il avait eus de sa femme Blanche, et, au mépris du traité conclu avec le roi de France, les priva entièrement de la succession de son royaume, et, les retenant avec lui ne permit, pour ainsi dire, que malgré lui à leur mère de s’en retourner sans dot et sans honneurs auprès de son frère, le roi de France Philippe, qui la demandait. Lewellyn, prince de Galles, ayant su qu’Edouard roi d’Angleterre avait pris et tenait renfermée dans une prison la jeune fille qu’on lui conduisait pour épouse, entra vigoureusement en guerre contre lui, et fortifia pour sa défense un mont élevé et escarpé situé sur les confins de sa terre, et appelé Senowdonfort. Le roi l’assiégea dans l’hiver, et après avoir perdu un grand nombre des siens, à cause des marécages et des difficultés des chemins,ne renonça point cependant à son entreprise, et finit par forcer le prince à se rendre. Ayant conclu un traité avec lui, qui déclarait qu’après sa mort la principauté de Galles ne reviendrait aucunement à ses héritiers, il lui rendit sa terre et sa femme, et les fit en sa présence unir par le mariage. II rendit Amauri aux prélats d’Angleterre, parce qu’il était clerc, mais il le fit retenir pendant long-temps sous une étroite garde, non en son nom, mais en celui des prélats. Le pape Innocent étant mort, Adrien V, Génois de nation, cent quatre-vingt-dixième pape, gouverna l’Église de Rome ; mais il mourut après avoir siégé pendant un mois et neuf jours. Après sa mort, Jean, Espagnol de nation, cent quatre-vingt-onzième pape, lui succéda en l’Église de Rome.