Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1239

Règne de Louis IX (1226-1270)

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[1239]


Saint Louis, roi de France, se fit apporter du pays de Constantinople, à Paris, la très-sainte couronne d’épines dont le Christ, fils de Dieu, voulut être couronné dans la Passion qu’il endura pour nos péchés. Le jeudi après l’Assomption de la sainte Vierge mère du Seigneur, le roi et ses frères, marchant pieds nus au milieu des joyeux transports du clergé et du peuple, des hymnes et des cantiques pleins de douceur, la portèrent, depuis le bois de Vincennes, éloigné d’un mille de Paris jusqu’à la grande église de Sainte-Marie d’abord, et de là jusqu’à la chapelle de la maison du roi, qu’il avait fait nouvellement construire avec un admirable et somptueux travail. Dans le même temps, Jean, empereur de Constantinople accablé par ses ennemis et manquant d’argent, emprunta aux Vénitiens une somme et plaça pour gage, entre leurs mains, les instrumens de la Passion du Seigneur à savoir, une très-grande partie de la sainte croix, le fer de la lance dont fut percé le corps du Seigneur, et l’éponge qu’on lui présenta trempée de vinaigre. Ce qu’ayant appris, le très-dévot Louis, roi de France, obtint, par promesse et par le don de l’empereur et de son gendre Baudouin, de faire porter à Paris ces grandes reliques rachetées de ses richesses, et les fit honorablement placer dans la chapelle de sa maison.

Simon de Montfort, très-vaillant chevalier de France, fils de Simon, comte de Montfort, qui mourut à Toulouse d’un coup de pierre lancée d’un pierrier, étant devenu ennemi de la reine de France, mère du très-pieux roi Louis, s’enfuit en Angleterre auprès du roi Henri, qui le reçut avec bienveillance et lui donna sa sœur en mariage avec le comté de Leicester. Richard, comte de Cornouailles, frère du roi d’Angleterre Henri, étant parti pour la Terre-Sainte avec une grande armée, y trouva celle des Français dans un grand désordre. Touché de haute compassion pour la Terre-Sainte, il fit conclure une trêve mutuelle et un traité entre les Chrétiens et les Sarrasins, et fit délivrer fidèlement les prisonniers qu’ils tenaient. Amauri, comte de Montfort, délivré de la captivité des Sarrasins, mourut à Rome, où il était passé en revenant, et fut enseveli avec vénération dans la basilique de Saint-Pierre. Jean, son fils, lui succéda en son comté.