Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1217

Règne de Philippe II Auguste (1180-1223)

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[1217]


Louis, fils de Philippe, roi de France, ayant, après Pâques, rassemblé une multitude d’hommes d’armes, tant à cheval qu’à pied, repassa en Angleterre, fort mécontent de ce qu’un certain nombre de nobles de ce pays, au mépris de leurs sermens, avaient, en son absence, abandonné son parti et passé dans celui du nouveau roi. Pendant qu’il assiégeait Douvres, Thomas, comte du Perche, qui était venu à son secours, fut tué à Lincoln par la fourberie des Anglais. Dès que Louis l’apprit, s’apercevant par là de la trahison et de l’infidélité des Anglais, il brûla ses machines, et se transporta à Londres avec toute son armée ; se voyant ensuite trahi par les barons anglais, en butte à la haine de tout le royaume, et toutes les portes fermées pour lui, et connaissant aussi les desseins de Galon, légat du Siège apostolique, qui faisait tous ses efforts pour s’opposer à lui et aux siens, il craignit que, s’il sortait de Londres pour combattre les Anglais, les portes ne lui fussent fermées à son retour ; il traita donc, et retourna en France. Il eût remporté partout d’admirables victoires, s’il eût rencontré la fidélité qui lui était due.

Le pape Honoré sacra à Rome empereur et impératrice de Constantinople, Pierre, comte d’Auxerre, et Yolande, sa femme, comtesse de Namur et sœur de feu Henri, empereur des Grecs. Cette cérémonie eut lieu dans l’église de Saint-Laurent, hors des murs, de peur qu’elle ne parût leur donner aucun droit sur l’Empire romain. Neuf jours après son sacre, Pierre quitta la ville avec sa femme, qu’il envoya par mer à Constantinople, parce qu’elle était enceinte. A la tête de cent soixante chevaliers et de beaucoup d’autres hommes de guerre prêts à combattre, il voyagea par terre, et alla à Brindes au devant de Jean de Colonne, prêtre-cardinal, envoyé en qualité de légat dans la Romagne et le pays de Venise. Le cardinal s’étant joint à l’empereur pour passer en Grèce, il traversa la mer et assiégea aussitôt la ville de Durazzo. Il avait promis par un acte aux Vénitiens dé leur céder sur-le-champ cette ville, qu’ils disaient leur avoir été enlevée par la violence du duc, à condition que leur seigneur lui fournirait les moyens de s’en emparer. Après avoir inutilement passé un grand nombre de jours à assiéger cette ville, non sans une grande perte des siens, il fût forcé de lever le siège. Comme il se rendait à Constantinople, et qu’il se trouvait dans un chemin difficile à passer, entre des montagnes pleines de bois et des fleuves, il fut pris par trahison avec sa suite par Théodore, duc de Durazzo, qui lui avait promis de le conduire en sûreté.

L’illustre femme de Simon de Montfort vint en France demander du secours contre les hérétiques Albigeois. Le comte de Toulouse et les Aragonnais avaient tellement resserré son mari, qu’ayant perdu quelques-uns de ses châteaux, à moins d’un prompt secours il avait à peine l’espérance de pouvoir conserver le reste. La même année il y eut un vent très-violent qui renversa beaucoup de maisons et d’églises, et déracina une infinité d’arbres.