Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1153

Règne de Louis VII (1137-1180)

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[1153]


Le pape Eugène étant mort, Anastase iv, Romain de nation, cent soixante-douzième pape, gouverna l’Église de Rome. La même année, saint Bernard, abbé de Clairvaux, de vénérable sainteté et mémoire, illustre par ses actions, et après avoir gagné beaucoup d’ames à Dieu, se reposa dans une heureuse fin, après avoir fondé cent soixante monastères de son ordre, et s’être manifesté par plusieurs miracles. Tandis qu’un grand nombre de ses disciples avaient été élevés à l’épiscopat, à l’archiépiscopat, et même à la papauté, il ne voulut jamais qu’on le fit évêque ni archevêque, quoiqu’il eût été élu et appelé très-souvent dans plusieurs lieux. Il ordonna que l’on mît avec lui dans son tombeau et que l’on plaçât sur sa poitrine les reliques de l’apôtre saint Thaddée, afin, qu’il se trouvât uni à ce même apôtre le jour de la commune résurrection, comme il l’était par la foi et la dévotion.

Louis, roi des Français, ayant attaqué la Normandie, assiégea et prit le château de Vernon pendant que le duc Henri était en Angleterre. Henri, duc de Normandie et d’Aquitaine, et comte de Poitiers et d’Anjou, attaquant vigoureusement Etienne, roi d’Angleterre, ce roi, affaibli par les fatigues de la vieillesse, privé en outre, par la mort de son fils Eustache, de l’espoir d’un héritier, conclut la paix avec l’impératrice Mathilde et son fils Henri, aux conditions suivantes : après lui, le royaume d’Angleterre devait paisiblement revenir à Henri qui l’adoptait pour père, et qu’il adoptait pour fils. Le roi Etienne demeura donc en paix sur le trône d’Angleterre, et Henri, agissant au nom du roi, rétablit tout en Angleterre sur l’ancien pied. Baudouin, roi de Jérusalem, s’étant emparé de tout le royaume, prit, après un long siége, Ascalon, ville de Palestine ; mais ce ne fut pas sans de grands dommages et la perte de beaucoup des siens.

Dans ce temps florissaient en France Pierre, évêque de Lombardie ; Eudes, évêque de Soissôns, et Ives, évêque de Chartres. Pierre écrivit un volume de sentences, divisé en quatre livres, utilement compilé, d’après les diverses paroles des saints et docteurs. Il expliqua plus au long et plus clairement les commentaires sur le psautier et les épîtres de saint Paul, ornés par Anselme, évêque de Laon, de gloses interlinéaires et marginales, et continués ensuite par Gilbert Porrée.