Chronique d’une ancienne ville royale Dourdan/Préface

AU LECTEUR.

Jacques de Lescornay, conseiller et avocat du roi Louis XIII à Dourdan, a recueilli, pour les offrir à son maître, en 1624, ce qu’il appelle les Mémoires de la ville de Dourdan. Louis XIII, jeune encore, s’amusait au château, dont Marie de Médicis était usufruitière. La jalouse régente y trouvait son intérêt. De Lescornay voulut plaire à la mère et au fils : il célébra Dourdan, vanta le passé, exalta le présent, flatta tout le monde et réussit.

Nous serions trop indulgent, si nous ne constations pas les lacunes, les erreurs, le défaut complet de critique, les fades hyperboles et le style ennuyeux de cet opuscule. Mais nous serions injuste si nous méconnaissions le véritable service rendu à la ville de Dourdan par un homme, intelligent d’ailleurs, qui rassembla et publia un certain nombre de titres et de pièces qu’on aurait quelque peine à se procurer aujourd’hui. Comme recueil des principales chartes qui intéressent l’histoire des mutations de Dourdan, le travail du complaisant annaliste est loin d’être sans valeur.

Personne n’a tenté depuis de refaire ou de compléter le petit livre de de Lescornay. Un commissaire de police de Dourdan, à la fin du xviiie siècle, le sieur Gaumer, a eu la patience de le recopier de sa main en ajoutant quelques notes informes sur ce qui le frappait alors dans la ville, mesures municipales, embellissements et restaurations du moment. M. Dauvigny, maire de Dourdan sous le Consulat et l’Empire, paraît avoir consigné quelques indications plus sérieuses dans des cahiers malheureusement perdus.

Il n’existe aucune étude moderne sur Dourdan : les dictionnaires ont reproduit plus ou moins exactement l’article abrégé de Dulaure. En dépit de sa mystérieuse origine, de ses royales destinées et de son vieux château, l’ancienne capitale du Hurepoix, pour être à la fois trop près de Paris et trop loin de la grande route, a vu ses souvenirs oubliés comme les charmants sites de sa vallée.

Le livre que nous offrons est le résultat modeste de recherches longues, patientes, faites avec un scrupuleux amour du sujet.

Des liens de naissance, de gratitude et d’affection ont donné pour nous un intérêt de famille au passé de la ville et de l’antique demeure où nous vivons. Un goût instinctif pour les choses d’autrefois nous a dirigé et soutenu dans nos études. En les publiant, nous n’avons ni d’autres raisons ni d’autres titres.

Nous devons au lecteur l’indication des sources où nous avons puisé.

Les archives de la mairie de Dourdan sont nulles au point de vue historique. Aucun papier n’existe au château. Il a fallu chercher ailleurs. Les immenses dépôts inexplorés des Archives de l’Empire nous ont offert une foule de documents épars ; les nombreux cartons de la section domaniale ont dû être complétés à Orléans, au centre de la généralité, où il existe un fonds du comté de Dourdan, malheureusement trop restreint. Les archives de Seine-et-Oise qui ont centralisé des documents modernes et quelques anciens fonds ecclésiastiques de la contrée, les archives d’Eure-et-Loir qui possèdent sur l’église de Dourdan plusieurs vieilles pièces intéressantes, ont été interrogées tour à tour.

Les établissements particuliers de Dourdan ont été pour nous l’objet d’une minutieuse enquête. À l’église, nous avons trouvé les papiers de Saint-Germain et de l’ancienne fabrique Saint-Pierre, dans l’état d’incohérence et de confusion où ils avaient été abandonnés après la révolution. Nous avons constaté là, une fois de plus, ce qui partout nous a laissé des regrets : les pertes immenses, les irréparables lacunes causées par les pillages que Dourdan a subis dans plusieurs siéges et surtout par les fanatiques auto-da-fé des guerres de la Ligue. Les archives paroissiales de Dourdan remontent au lendemain dit siège de 1591. Elles sont assez complètes à partir de cette époque.

Le fonds de L’Hôtel-Dieu, classé avec soin, contient des documents spéciaux fort nombreux. La maison de la Communauté garde quelques pièces dont les originaux sont en grande partie à Versailles.

Dourdan étant une ville du domaine royal, nous n’avions pas la ressource des archives seigneuriales. Pourtant, comme plusieurs mouvances féodales se croisaient sur son territoire, nous avons désiré fouiller les terriers et les titres fonciers des nobles maisons des environs, spécialement de Bandeville et du Marais. Ils ont tous été mis, avec la plus gracieuse obligeance, à notre entière disposition.

Un nom nous était signalé, c’était celui du fils du dernier bailli de Dourdan, M. Roger d’Étampes, dont les ancêtres avaient exercé des charges importantes pendant près de deux siècles. Il a bien voulu nous ouvrir ses cartons de famille et nous laisser faire chez lui une assez ample moisson de parchemins, liasses et registres précieux pour l’histoire de l’administration locale aux derniers siècles. Nous avons le regret de ne pas les rendre aujourd’hui à leur aimable propriétaire, mais nous offrons nos remercîments à sa veuve qui a daigné, à notre prière, doter la mairie de Dourdan de ces pièces intéressantes qui seront religieusement conservées.

Nous ne saurions oublier les innombrables ouvrages qui ont pu nous éclairer sur les différentes parties de notre sujet, les bibliothèques qui nous ont prêté leur secours, les savants bienveillants qui nous les ont ouvertes et auxquels nous rendrons plus d’une fois hommage. Nous avons cherché à ne rien négliger pour être aussi complet et aussi exact que possible, et nous sommes reconnaissant envers tous ceux qui nous ont fourni des renseignements, des documents ou même des souvenirs. Quant aux erreurs, aux lacunes qui peuvent subsister dans ce long travail, nous en demandons pardon au lecteur, et nous le prions d’ajouter à nos recherches ce qu’il sait ou ce qu’il apprendra.

Nous souhaitons que les érudits qui voudront bien nous lire, trouvent dans cette Chronique locale d’une petite ville d’Élection quelques observations, quelques faits intéressants pour leur œuvre de généralisation et de synthèse qui est tout l’avenir de la science historique. Nous serons heureux si nous avons pu révéler à des amis du passé plusieurs vestiges qu’ils ignorent. Nous serions plus heureux encore s’il nous était donné de laisser entrevoir à certaines personnes de loisir le puissant intérêt qui s’attache, malgré le labeur, à l’étude, quelle qu’elle soit, du moindre coin de la terre natale.

On nous permettra d’inscrire en tête de notre Chronique de Dourdan un nom qui nous est cher à bien des titres, celui de l’homme excellent auquel nous avons la douleur de ne pouvoir dédier ce livre. C’est à M. Amédée Guenée que Dourdan doit la conservation de son vieux château ; c’est à lui que nous devons l’inspiration de notre travail. Que nos efforts soient au moins un reconnaissant hommage à son souvenir !

Nos chers concitoyens, les dévoués administrateurs de notre ville, voudront bien agréer l’offre que nous leur faisons de ce tableau de leur histoire. Nous n’avons point ménagé les détails, car on aime à tout retrouver dans un portrait. Nous espérons qu’ils liront, sans trop d’ennui, certains développements un peu techniques, qu’on ne peut omettre aujourd’hui. Nous souhaitons qu’ils éprouvent quelque plaisir à savoir en détail tout ce qu’ont fait, vu ou souffert leurs pères, tout ce que vaut le passé, d’où naît le présent et d’où sort l’avenir. Nous sommes sûr qu’en connaissant mieux leur vieille cité, ils ne pourront que l’aimer davantage.

Joseph Guyot.

Dourdan, 25 août 1869.