Chrestomathie française du XIXe siècle-Poètes/1914/Paysage toscan

Chrestomathie française du XIXe siècle-Poètes/1914
Chrestomathie française du xixe siècle, II, Poètes, Texte établi par Henri SensinePayot (p. 323-324).
Paysage toscan[1].


Coteaux fins aux grands cyprès noirs,
Pour faire vos gammes exquises
Vous n’avez pas besoin des soirs
Ni des aurores indécises.

Dans les claires heures du jour,
Vous dressez, couronné de vignes,
Vers le ciel tendre avec amour,
Votre front grec aux belles lignes.

Sereins et purs, point élevés,
Votre harmonie où l’azur flotte
Déroule les tons gris perlés
Dont l’olivier donne la note.

Clair frisson frais des murs rosés !
Parmi les fleurs pleines d’abeilles
Vibrent ainsi que des baisers
Des lueurs frêles et vermeilles.

L’église de San Miniato[2],
Pierres moitié noires et blanches,

Crève, lumineuse, un manteau
D’aiguilles de pins et de branches.

L’Arno, comme teinté de sang,
Du sang d’une éternelle aurore
Va sous vos pieds, souple, glissant
Vers le couchant qui se colore.

Fermant l’horizon comme un mur,
Les montagnes ensoleillées
Donnent l’accord du rythme pur
Aux grandes strophes réveillées.


Poésies d’Albert Mérat (1866-1880) ; Vers le soir (1900) (Lemerre, éditeur, Paris.)



  1. Extrait des Villes de marbres (1873).
  2. Petite ville située sur des collines au bord de l’Arno, à l’Ouest de Florence. Sa cathédrale du Xème siècle a été reconstruite en 1488.