Chrestomathie française du XIXe siècle-Poètes/1914/La cathédrale

Chrestomathie française du XIXe siècle-Poètes/1914
Chrestomathie française du xixe siècle, II, Poètes, Texte établi par Henri SensinePayot (p. 319).
La cathédrale[1].


La haute cathédrale est grise, presque noire,
Et découpe un profil austère sur les cieux.
Une voix vague sort des blocs silencieux :
Dans leur langue gothique[2] ils nous disent de croire.

C’est le reflet et c’est la vivante mémoire
Des âges d’autrefois sauvages et pieux.
On sent qu’en ce grand corps est l’âme des aïeux,
Et cela vous émeut comme une vieille histoire.

Avez-vous remarqué cette forme des tours,
Qui montent et qui vont diminuant toujours,
Pour porter le plus haut possible la prière ?

Que vous croyiez ou non, vous ne souriez pas
De voir ces murs géants, semblables à des bras,
Tendre vers le Seigneur leurs sombres mains de pierre.



  1. Extrait des Chimères. — Il s’agit ici de la célèbre cathédrale de Rouen, l’une des plus belles de la chrétienté.
  2. Un très grand nombre de cathédrales, de style ogival, sont appelées gothiques tout à fait improprement, car les Goths ne sont pour rien dans l’invention de ce type d’architecture qui prit naissance dans l’Île de France. C’est Vasari, au XVIème siècle, qui mit à la mode ce terme impropre.