Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée - 12

La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs (الروض العاطر في نزهة الخاطر)
Traduction par Baron R***.
(p. 69-73).


CHAPITRE Ve

Relatif à l’acte de la génération

Séparateur

Sache, ô Vizir, que Dieu te protège ! que, lorsque tu désireras le coït, tu ne devras t’approcher des femmes qu’avec un estomac allégé de nourriture et de boissons. Dans cette condition seulement, ton coït sera sain et bon. Mais si ton estomac est chargé, il ne peut en résulter que du mal pour tous deux ; vous serez menacés d’un commencement d’apoplexie et de la goutte, et le moindre des maux qui pourrait en être la conséquence, pour vous, sera ou une rétention d’urine ou un affaiblissement de la vue.

Que ton estomac soit donc allégé de tout excès de nourriture et de boisson, et tu seras à l’abri de toutes ces maladies.

Ne coïte pas avant d’avoir excité la femme par tes badineries, afin que la copulation ait lieu à votre commune satisfaction.

Il convient donc que tu badines avec elle avant l’introduction de ton membre et l’accomplissement du coït. Tu l’exciteras, en conséquence, par tes embrassements sur ses joues, par le sucement de ses lèvres et par le mordement de ses seins. Tu lui prodigueras les baisers sur le nombril et sur les cuisses, ainsi que les agaceries sur le bas-ventre. Mords ses bras, ne néglige aucun endroit de son corps, colle-toi sur sa poitrine et fais paraître ainsi ton amour et ta soumission. Pousse des soupirs, entrelace-la de tes jambes et étreins-la dans tes bras, car le poète a dit :

« J’ai mis ma main droite, qui a servi d’oreiller à son cou, et, afin de l’attirer vers moi, j’ai avancé ma main gauche, qui l’a soutenue comme dans un lit. »

Lorsque tu seras près d’une femme et que tu la verras avec des yeux mourants et poussant de profonds soupirs, enfin désirant le coït, que vos deux désirs alors n’en fassent plus qu’un et que votre lubricité soit portée au plus haut degré ; car, pour les jouissances de l’amour, ce sera le moment favorable. Le plaisir que ressentira alors la femme sera excessif ; toi-même tu l’en chériras davantage et elle te conservera son affection, car il a été dit :

« Lorsque tu verras la femme poussant de profonds soupirs, que ses lèvres deviendront rouges et ses yeux languissants, que sa bouche s’entr’ouvrira mollement et que tous ses mouvements seront empreints de nonchalance, lorsque tu la verras comme disposée au sommeil, vacillante dans sa marche et se laissant aller à des bâillements, sache que c’est l’instant du coït, et, si à ce moment tu pénètres dans elle, tu lui procureras une jouissance incontestable. Toi-même tu trouveras certainement le pompoir, ce qui, sans aucun doute, est le comble du bonheur pour tous les deux, car c’est lui surtout qui fait naître l’affection et l’amour. »

On connaît les préceptes suivants, qui nous viennent d’un profond connaisseur en affaires de coït :

« La femme est comme un fruit, qui ne laisse échapper sa suavité que si tu le frottes entre tes mains. Vois le basilic : si tu ne l’échauffes pas avec tes doigts, il ne laissera point exhaler ses parfums. Ne sais-tu donc pas que l’ambre, à moins d’être échauffé et manipulé, garde dans ses pores l’arôme qui y est contenu. De même la femme : si tu ne l’animes pas par tes badineries entremêlées de baisers, de mordements de cuisses, d’accolements de poitrines, tu n’obtiendras pas d’elle ce que tu désires ; tu n’éprouveras aucune jouissance lorsqu’elle partagera ta couche, et il ne naîtra, dans son cœur, ni penchant, ni affection, ni amour pour toi : enfin, toutes ses qualités te resteront cachées. »

On raconte qu’un homme, ayant interrogé une femme sur les choses les plus propres à faire naître l’affection dans le cœur des femmes, en ce qui regarde les plaisirs du coït, en reçut cette réponse :

« Ô toi qui me questionnes, les choses qui développent l’amour pour l’instant du coït, ce sont les badineries et les jeux qui le précèdent, puis l’étreinte vigoureuse au moment de l’éjaculation.

« Crois-moi, les baisers, les mordements et les sucements de lèvres, les accolements de poitrine, les promenades de la bouche sur les seins et l’humement de la fraîche salive, voilà ce qui rend durable l’affection.

« En agissant ainsi, les deux éjaculations ont lieu simultanément, c’est-à-dire que la jouissance vient à la femme et à l’homme dans un seul et même instant. L’homme alors rencontre le pompoir qui, par sa connexion avec le membre viril fait ressentir à l’un et à l’autre les plus doux plaisirs. »

« Voilà ce qui donne naissance à l’amour et si les choses ne se sont point passées ainsi, la femme n’aura pas eu un plaisir complet et les délices du pompoir ne se seront pas fait jour. Sache que la femme ne verra ses désirs satisfaits et n’aimera celui qui la coïtera, qu’autant que celui-ci la mettra en état de se servir de son pompoir ; mais, quand le pompoir sera réalisé, elle aura pour son amant l’amour le plus violent, lors même qu’il aurait l’extérieur le plus désagréable.

« Mets donc tout en jeu pour que les deux éjaculations aient lieu simultanément, car c’est là qu’est le secret de l’amour. »

Un des savants qui se sont occupés de la question des femmes a raconté ainsi les confidences que lui a faites l’une d’elles :

« Ô vous tous, hommes qui recherchez l’amour de la femme, ainsi que son affection, et qui désirez que ce sentiment reste dans son cœur d’une façon durable, polissonnez avec elle avant le coït, préparez-la à la jouissance et que rien ne soit négligé par vous pour arriver à ce but. Explorez-la donc avec toute l’activité possible ; que tout entier à elle, votre esprit soit dégagé des affaires de ce monde. Ne laissez point surtout échapper le moment propice au plaisir : ce sera lorsque vous verrez ses yeux humides et ses lèvres entr’ouvertes. Coïtez la alors, mais que ce ne soit, toutefois, qu’après les baisers et les badineries recommandés.

« Lors donc, que, ô hommes, vous aurez mis la femme dans l’état favorable, introduisez lui votre membre ; puis, si vous avez soin de remuer convenablement, elle éprouvera un bonheur qui satisfera tous ses désirs.

« Mais restez sur sa poitrine, faites courir les baisers sur ses joues et que votre membre ne quitte pas son vagin ; recherchez avec ardeur le pompoir, car c’est lui qui couronnera votre œuvre.

« Si, par la faveur de Dieu très élevé, vous l’avez trouvé, gardez-vous bien de retirer votre membre ; mais, au contraire, qu’il reste et qu’il s’abreuve d’un plaisir sans fin. Prêtez l’oreille et écoutez les gémissements les râlements de la femme, car ce sont eux qui témoignent de la violence du plaisir que vous lui avez procuré.

« Et, lorsque la cessation de la jouissance aura mis un terme à vos ébats amoureux, gardez-vous de vous lever brusquement, mais restez près de la femme, couchez-vous sur le côté droit dans le lit témoin de vos plaisirs et retirez votre membre avec précaution ; car, c’est en agissant ainsi que vous trouverez le bien, et vous ne serez pas comme celui qui monte sur la femme ainsi qu’un mulet, sans avoir égard aux vrais principes de l’art, et qui, dès qu’il a éjaculé s’empresse de se relever en retirant son membre. Une telle manière d’agir doit être écartée, car elle ne peut qu’éloigner tout bien des femmes. »

En résumé il appartient au véritable amateur de coït de n’omettre aucune de mes recommandations ; car c’est de leur observation que résulte le bonheur de la femme, et ces règles comprennent tout ce qui convient en pareille matière.

Dieu a tout fait pour le bien !


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