Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Mademoiselle de Calage
MADEMOISELLE DE CALAGE.
Mademoiselle de Calage était de Toulouse et se nommait
de Pech de Calage. Elle paraît avoir vécu sous le
règne de Louis XIII ; elle nous est connue pour avoir
plusieurs fois remporté le prix de poésie aux Jeux floraux
de Toulouse et avoir composé dans sa jeunesse le
poème de Judith, qui fut imprimé, après sa mort, par
les soins de mademoiselle L’Héritier de Villandon. Nous
rapportons le cantique en action de grâces qui termine
ce poème. Ce morceau suffira pour donner une idée de
la beauté de l’ouvrage. Nous ajoutons que le poème est
en vers et en huit parties ou chants.
CANTIQUE DE JUDITH.
Redoutables vengeurs des crimes de la terre,
Messagers du Très-Haut qui, portant son tonnerre,
Le faites retentir dans ce vaste univers,
Et jusque sur le trône effrayez les pervers ;
Ministres immortels de ses justes vengeances,
Protecteurs des humains, saintes intelligences,
Images d’un Dieu juste, où lui-même est empreint,
Répétez avec nous que le Seigneur est saint.
Flambeau de l’univers, dont les clartés fécondes
Animent à la fois tous les cieux, tous les mondes,
Quand la terre, s’ouvrant à tes vives chaleurs,
Fait germer dans son sein et les fruits et les fleurs ;
Ardent père du jour, époux de la nature,
Du soleil éternel éclatante peinture,
Près de ce Dieu vivant, toi dont l’éclat s’éteint,
Viens redire avec nous que le Seigneur est saint
Toi qui suis le repos, le silence, les ombres,
Qui fais voir les objets taciturnes et sombres,
Bel astre, dont le feu si doucement nous luit,
Qui nous offre un jour pâle au milieu de la nuit,
Qui d’un Dieu bienfaisant annonçant la puissance,
Répands du haut des airs une utile influence,
Où sa tendresse éclate, où sa bonté se peint,
Viens redire avec nous que le Seigneur est saint.
Et vous, qui diaprez les ténébreuses voiles,
Beaux yeux du firmament, éclatantes étoiles,
Diamants, qui semblez enchâssés dans les cieux ;
Pour les infortunés, astres mystérieux,
Brillantes roses d’or, au champ d’azur semées,
Cloux du superbe char du grand Dieu des armées,
Clairs flambeaux de la nuit que le soleil éteint,
Répétez avec nous que le Seigneur est saint.
Armes du Dieu vivant, effroyable tonnerre,
Et vous, vents enfermés aux gouffres de la terre,
Montagnes et vallons, fiers torrents, doux ruisseaux,
Innocentes brebis, honneur de nos troupeaux,
Vous, chantres des forêts, qui charmez nos oreilles,
Trésors de la nature, innombrables merveilles,
Que les cieux, que les mers et que la terre enceint,
Répétez avec nous que le Seigneur est saint.
Et nous, pour qui sa main prend aujourd’hui les armes,
Nous de qui son amour vient essuyer les larmes,
Que nos luths, que nos voix, par des tons mesurés,
S’élèvent, s’il se peut, aux globes azurés.
Nous voyons, par son bras, nos guerres étouffées ;
Posons sur ses autels nos armes, nos trophées.
Répétons à jamais que le Seigneur est saint,
Et que tout est possible au mortel qui le craint.