Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/La comtesse de Murat
DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.
LA COMTESSE DE MURAT.
Henriette-Julie de Castelnau, fille du marquis de Castelnau,
gouverneur de Brest, née en 1670. Elle épousa
le comte de Murat, colonel d’infanterie, brigadier des
armées du roi. Ses inconséquences et son goût pour le
plaisir firent tort à sa réputation. Après la mort de son
époux, le roi l’exila à Auch. Le duc d’Orléans, devenu
régent du royaume, la fit mettre en liberté. Elle mourut
l’année suivante, en 1716. Cette dame a fait plusieurs
ouvrages en prose, parmi lesquels on distingue : La
Comtesse de Châteaubriant, ou les effets de la jalousie,
et Les Lutins du château de Kernosi. On lui doit aussi
des contes de fées et quelques poésies.
LE PLAISIR.
Faut-il être tant volage ?
Ai-je dit au doux plaisir.
Tu nous fuis (las quel dommage !),
Dès qu’on a pu te saisir.
Ce plaisir, tant regrettable,
Me répond : Rends grace aux dieux ;
S’ils m’avoient fait plus durable,
Ils m’auroient gardé pour eux.
ÉPÎTRE À LISETTE.
Muse de tous nos jeux, objet de nos hommages,
Songez que le dépit se mêle à nos suffrages,
Lorsque vous empruntez des travestissemens
Trop peu dignes de vous, malgré leurs agrémens.
D’un naturel heureux l’ascendant est extrême ;
Pour nous plaire toujours, soyez toujours vous-même.
Sous des myrthes fleuris, dans des palais charmans,
Devenez-vous princesse ou compagne de Flore,
Vous causez dans les cœurs de doux ravissemens :
Un murmure s’élève, éclate, augmente encore ;
Vous entendez partout des applaudissemens.
Quels triomphes flatteurs ! C’est un peuple d’amans
Qui couronne ce qu’il adore.
Hé bien, croyez-les donc, ces cœurs que vous troublez ;
Sous les vrais ornemens que votre art vous présente :
Vous n’êtes jamais plus charmante
Que lorsque vous vous ressemblez.