Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Georgette de Montenay

GEORGETTE DE MONTENAY.


Mademoiselle Georgette de Montenay était encore jeune lorsque son père, sa mère et six domestiques de leur maison moururent de la peste. Elle eut le bonheur d’en réchapper. Jeanne d’Albret, reine de Navarre, la prit à son service en qualité de fille d’honneur. La lecture des emblèmes d’Alciat donna à cette demoiselle l’idée de composer cent emblèmes ou devises sur des sujets chrétiens ou moraux, expliqués par huitains, qu’elle dédia à Jeanne d’Albret et qui furent imprimés à Paris en 1571. Une autre édition, portant le titre d’Emblemata christiana, a été imprimée à Francfort-sur-le-Mein en 1619 ; celle-ci contient en outre la traduction des cent emblèmes en latin, en espagnol, en italien, en allemand, en anglais et en flamand. Les deux éditions sont d’ailleurs ornées de gravures ou vignettes représentant le sujet allégorique de chaque emblème.

Pour mettre nos lecteurs à portée de juger du style de mademoiselle Georgette de Montenay, nous rapportons un de ses emblèmes, pris au hasard :


emblème.


Les grands larrons du monde méprisés,
Ont tant sappé cette grand’forteresse
De Babilon et ses appuis brisés,
Qu’elle va choir pour un peu que la presse
Le vent d’en haut qui commence à souffler.
Sortez, enfans, voici qu’elle succombe.
Le feu s’étend ; Babilon à bas tombe,
Sans que jamais puisse se redresser.

Après les emblèmes viennent six sonnets, dont deux sont adressés à la reine et les autres au gouverneur du prince de Navarre, depuis Henri IV. Ces sonnets sont suivis d’une allégorie en forme d’épître, et dont voici le passage le plus saillant.

J’ai vu sous le soleil combattre deux montagnes.

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(Ces montagnes combattent pour conserver son livre.)

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L’une, la plus superbe, a nom iniquité,
L’autre est ardent amour. . . . . . . .

D’après ce petit échantillon, nous pensons qu’on nous tiendra volontiers quitte du reste.

Ce combat nous rappelle d’ailleurs la montagne en grand travail pour enfanter une souris.