Charles Porée. Histoire des rues et des maisons de Sens (Mirot)

Charles Porée. Histoire des rues et des maisons de Sens (Mirot)
Bibliothèque de l’École des chartes82-83 (p. 174-175).
Charles Porée. Histoire des rues et des maisons de Sens. Publication de la Société archéologique de Sens. Sens, Emm. Duchemin, 1920. In-8o, 457 pages, avec plan et planches.


Ce volume est le premier de ceux que M. Porée se propose de consacrer à la description de la ville de Sens. Les travaux antérieurs de l’auteur ont permis de juger de la précision et de la prudence de sa méthode. Son dernier travail n’est pas inférieur aux précédents, si justement estimés. La base de l’étude est le Livre des figures, où le greffier du chapitre archiépiscopal, Claude Laurent, a dessiné les coupes des maisons comprises dans la censive capitulaire et où il a joint des notes et des extraits d’actes établissant la suite des détenteurs successifs des immeubles et leur histoire. Le manuscrit de Laurent est perdu ; M. Porée a tenté de le reconstituer en utilisant les registres censiers et en se servant des documents des archives archiépiscopales conservés à la bibliothèque de Sens et de ceux des archives départementales d’Auxerre. Il y a pleinement réussi ; le volume actuellement paru est consacré au quartier sud-ouest de la ville, Grande-Rue, rues du Palais-de-Justice, de l’Épée, Jean Cousin, Maillard, Cugnières, Jossy, de la Grande et de la Petite-Juiverie, Nonet-Fillemin, de l’Écrevisse, Rigault, Édouard Charton. Dans chaque rue, chaque immeuble est étudié successivement ; on voit de suite quel intérêt local présente un pareil travail tant pour l’étude de la formation et du développement topographique de la ville que pour celle des familles sénonaises ; en même temps, l’auteur a su, à l’occasion, donner des renseignements et des développements curieux et précieux sur divers points ; je signalerai tout particulièrement ce qui concerne la porte d’Yonne, le groupement des métiers et des corporations, le coche d’eau, le fief d’Autun, l’église aujourd’hui disparue de Sainte-Colombe du Carrouge, et à un point de vue plus général ce qui se rapporte aux entrées et aux séjours des rois de France à Sens, aux Juifs, au protestantisme, à l’ambassade de Zeid Effendi. Ces dernières notices dépassent l’histoire locale et apportent une contribution à l’histoire générale. Du reste, lorsqu’il s’agit d’une localité dont le rôle fut aussi important que Sens, les deux histoires se mêlent ; ce que M. Porée nous apprend des Col, des Bragelogne, des Chanteprime, des Cousin, des Ogier, des Voisines, tous ou Sénonais d’origine ou ayant habité Sens, sera utilement utilisé par les historiens qui s’occupent de l’histoire sociale et de la vie des grands fonctionnaires royaux ou d’illustres artistes ; on sait combien précieuses à ce sujet ont été les recherches de M. Maurice Roy sur les Voisines et les Chanteprime (dans l’histoire du Chesnoy-les-Sens) et ses études sur les deux Cousin.

Le travail de M. Porée est une nouvelle preuve de l’utilité primordiale des monographies locales pour l’étude de l’histoire sociale et économique des siècles passés ; on a déjà fructueusement exploré les riches dépôts de minutes notariales en ce sens ; il serait à souhaiter que des ouvrages de ce genre incitassent les érudits locaux à diriger leurs efforts de ce côté.


Léon Mirot.