Charles Baudelaire, étude biographique/VI

Étude biographique d’
Librairie Léon Vanier, éditeur ; A. Messein Succr (p. 76-88).
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VI




Tout à coup, l’habitude du travail régulier, qu’il semblait avoir prise, s’interrompit. Sa pensée fut distraite de la littérature par la politique, à laquelle il était resté jusqu’alors étranger [1].

Il fut entraîné irrésistiblement dans le mouvement qui allait aboutir à la révolution de Février 1848. Vivant en plein quartier des Ecoles, fréquentant les cafés de la rive gauche, très lié avec quelques écrivains et quelques poètes du parti socialiste, — avec Thoré, Proudhon et Hippolyte Castille notamment, — le jeune poète professa, pendant quelque temps, les idées humanitaires [2].

Pourtant, dans son Salon de 1846, il avait témoigné le plus aristocratique mépris pour le parti républicain, « l’ennemi acharné du luxe, des beaux-arts et des belles-lettres [3] ».

Cette contradiction apparente s’explique. Baudelaire avait l’esprit assez large pour embrasser, dans la même question, les points de vue les plus opposés. Ses nerfs d’ailleurs l’inclinaient toujours du côté où ils pouvaient vibrer davantage ; ne trouve-t-on pas ces lignes, dans le livre inachevé sur la Belgique : m Non seulement je serais heureux d’être victime, mais je ne haïrais pas d’être bourreau — pour sentir la Révolution des deux manières ? » Et encore, dans Mon cœur mis à nu (III) : « -Je comprends qu’on déserte une cause pour savoir ce qu’on éprouvera à en servir une autre ? » Il est permis en outre de supposer que la haine qu’il continuait de nourrir contre le général Aupick, et dont on trouvera plus loin un trait trop éclatant, ne fut pas pour rien dans son éphémère participation au mouvement révolutionnaire [4].

Asselineau a laissé dans l’ombre cet avatar du poète, mais heureusement le témoignage d’autres amis de Baudelaire supplée à son silence. Voici une anecdote des plus intéressantes :

« En 1848, le 24 février au soir, je le rencontrai au carrefour de Buci, au milieu d’une foule qui venait de piller une boutique d’armurier. Il portait un beau fusil à deux coups, luisant et vierge, et une superbe cartouchière de cuir jaune tout aussi immaculée ; je le hélai ; il vint à moi, simulant une grande animation. « Je viens de faire le coup de fusil », me dit-il. Et comme je souriais, regardant son artillerie tout battant neuve : « Pas pour la république, par exemple ? » — Il ne me répondait pas, criait beaucoup et toujours son refrain : « Il faut aller fusiller « le général Aupick ! » Jamais je n’avais été aussi péniblement frappé de ce qui manquait de caractère à cette nature si fine et si originale » (Notes de M. Buisson).

Le lendemain, Baudelaire fondait un journal avec deux de ses amis, Champfleury et M. Toubin, ses collaborateurs au Corsaire.

Le Salut public [5], faute d’argent, n’eut que deux numéros (27 et 28 février). Les articles n’étant pas signés, il est impossible de faire avec certitude la part de chacun des trois collaborateurs dans les divers articles que contiennent ces huit pages in-4o. Toutefois, ses amis ont attribué à Baudelaire un article d’une cinquantaine de lignes, intitulé : Les Châtiments de Dieu, qu’on trouve, cité sous son nom, dans la Revue critique des journaux de 1848, de Jean Wallon [6]. La page est d’une grande violence, qui s’explique par les circonstances ; mais ce qu’elle a de plus remarquable, c’est une imitation flagrante du style des Paroles d’un croyant. Louis-Philippe, « le Juif errant de la royauté, va de peuple en peuple, de ville en ville ; il fuit devant la République, qui partout le devance… Toujours, et toujours, vive la République ! vive la liberté ! des hymnes, des cris, des pleurs de joie !… Il marchera longtemps encore, c’est là son châtiment. Il faut qu’il visite le monde, le monde républicain, qui n’a pas le temps de penser à lui » . Le galimatias emphatique de quelques autres articles est tel qu’on ne peut y reconnaître le style de Baudelaire. On répugne à croire qu’il ait écrit des phrases du goût de celle-ci : « Un homme libre, quel qu’il soit, est plus beau que le marbre, et il n’y a pas de nain qui ne vaille un géant, quand il porte le front haut et qu’il a le sentiment de ses droits de citoyen dans le cœur. »

En revanche, il est difficile de ne pas lui attribuer ces lignes : « Les intelligences ont grandi. Plus de tragédies, plus d’histoire romaine. Ne sommes-nous pas plus grands aujourd’hui que Brutus ?… » C’est exactement la thèse qu’il avait développée dans le chapitre final du Salon de 1846 : De l’héroïsme moderne. On peut encore lui imputer, avec vraisemblance, ce féroce et bizarre entrefilet :


« Que les citoyens ne croient pas aux dames Hermance Lesguilon, aux sieurs Barthélémy, Jean Journet et autres qui chantent la République en vers exécrables. L’empereur Néron avait la louable habitude de faire rassembler dans un cirque tous les mauvais poètes et de les faire fouetter cruellement. »


Après ce court noviciat de journaliste, Baudelaire dut comprendre que l’improvisation quotidienne, avec la banalité de pensée et de style qui en est inséparable, n’était nullement le fait d’un poète amoureux de la perfection ; mais il ressentit toutes les secousses de cette crise politique. Il s’en est expliqué dans ces lignes de son journal, Mon cœur mis à nu : « Mon ivresse de 1848. De quelle nature était cette ivresse ? Goût de la vengeance ; plaisir naturel de la démolition. — Ivresse Littéraire ; souvenir des lectures. »

Il avait accepté, dans leurs extrêmes conséquences, les doctrines révolutionnaires. Je ne puis récuser le témoignage explicite de M. Le Vavasseur, quoique le fait suivant n’ait jamais été imprimé nulle part, et qu’Asselineau lui-même semble l’avoir ignoré :

« Baudelaire prit part, comme insurgé, aux journées de juin 1848. Nous étions restés, Chennevières [7] et moi, à la garde du Louvre, pendant les journées de juin. Aussitôt après la reddition du faubourg Saint-Antoine, nous sortîmes, allant à la découverte et aux informations. Nous rencontrâmes, dans le jardin du Palais-Royal, un garde national de notre pays, et nous l’emmenâmes boire un coup. Dans la diagonale que nous suivions pour gagner le café de Foy, nous vîmes venir à nous deux personnages de différent aspect : l’un nerveux, excité, fébrile, agité ; l’autre calme, presque insouciant. C’étaient Baudelaire et Pierre Dupont. Nous entrâmes au café. Je n’avais jamais vu Baudelaire en cet état. Il pérorait, déclamait, se vantait, se démenait pour courir au martyre : « On vient d’arrêter de Flotte [8], disait-il, est-ce « parce que ses mains sentaient la poudre ? Sentez les miennes ! » Puis des fusées socialistes, l’apothéose de la banqueroute sociale et cætera. Dupont n’y pouvait rien. Comment nos prudences normandes tirèrent-elles notre ami de ce mauvais pas ? Je ne m’en souviens guère. Mais je pense que la cocarde de mon ami le garde national joua un rôle muet, apparent et salutaire dans la petite comédie du sauvetage.

« Quoi qu’on ait pensé du courage de Baudelaire, ce jour-là, il était brave et se serait fait tuer [9]. »

À la fin de 1851, les velléités politiques du poète persistent encore. Il figure, comme tout un groupe de poètes, ses amis, Paul Dupont, La Chambeaudie, Gustave Mathieu, parmi les collaborateurs de la République du Peuple, almanach démocratique, publié au bureau du National, et qui est inscrit au Journal de la Librairie, avec cette mention : « Baudelaire, gérant ». Mais sa signature ne s’y trouve qu’au bas d’un petit poème, l'Ame du vin, et sa collaboration à cet opuscule politique a un caractère exclusivement littéraire [10]. Toutes ses sympathies appartenaient non à une fraction du parti démocratique, mais aux idées humanitaires, en prenant le mot dans son sens le plus général ; car il ne s’affilia jamais à aucune secte socialiste [11].

Vers cette époque, pourtant, Baudelaire paraît avoir eu la velléité de rentrer dans le journalisme politique. Un de ses amis, Arthur Ponroy, lui proposa de collaborer à un journal quotidien que son père, avoué dans l’Indre, voulait fonder à Châteauroux pour la défense des intérêts conservateurs. Un spirituel article du Figaro (n° du 19 janvier 1887), signé Simon Brugal, pseudonyme d’un écrivain de talent [12], qui a connu Baudelaire et qu’il faut croire parfaitement renseigné, a raconté cette étrange et amusante incartade du poète, une de ses plus audacieuses mystifications. Voici tout le passage de l’article qui concerne cet épisode, jusqu’alors ignoré même de ses amis intimes [13] :


« La place de rédacteur en chef était à prendre ; Ponroy la proposa à Baudelaire qui accepta et partit.

» Dès son arrivée, un grand repas fut donné en l’honneur du rédacteur en chef. Il y avait les principaux actionnaires du journal : de riches et bons bourgeois, un peu prudhommesques. Baudelaire ne desserra pas les dents. Au dessert, un convive s'étonna de ce mutisme :

» — Mais monsieur Baudelaire, vous ne dites rien ?

» Le mystificateur répondit :

» — Messieurs, je n’ai rien à dire. Ne suis-je pas venu ici pour être le domestique de vos intelligences ?

» Le lendemain, il épouvanta l’imprimeuse du journal, une vieille veuve, en lui demandant où était « l’eau-de-vie de la rédaction. »

» Il épouvanta bien davantage, le surlendemain, les braves abonnés du Journal de Châteauroux. Son premier article commençait ainsi : « Lorsque Marat, cet homme doux, et Robes- » pierre, cet homme propre, demandaient, celui-là trois cent » mille têtes, celui-ci la permanence de la guillotine, ils obéissaient » à l'inéluctable logique de leur système [14]. » Bien que la conclusion fut d’un autoritarisme à la Joseph de Maistre, tout le monde se montra scandalisé, — et le pauvre Baudelaire ne fit pas long feu à Châteauroux.

» D’autre part, sa vie irrégulière n’était pas pour lui attirer la sympathie des pères de famille qui présidaient aux destinées du journal. Il avait amené de Paris une actrice qu’il fît passer pour sa femme.

» Le secret fut découvert, et, lorsqu’on lui donna congé, le président du conseil d’administration de son journal, un notaire qui avait lu Casimir Delavigne, lui lança cette mercuriale :

» — Monsieur, vous nous avez trompés. Mme  Baudelaire n’est pas votre femme ; c’est votre « favorite ».

» À quoi Baudelaire riposta :

» — Monsieur, la « favorite » d’un poète peut quelquefois valoir la femme d’un notaire.

» Ce fut sa flèche du Parthe. Le soir même, il repartait pour Paris. »


Dès lors, les préoccupations politiques ne tinrent plus qu’une très petite place dans la vie intellectuelle de Baudelaire ; ainsi, à partir de 1852, il n’en écrit pas un seul mot à Poulet-Malassis, son correspondant habituel.

Ses journaux intimes témoignent de son horreur croissante pour les doctrines du parti démocratique [15].

Peu s’en fallait que, fidèle à la doctrine catholique qu’il professait de plus en plus, le poète des Fleurs du mal ne vît dans toutes les revendications de la libre-pensée des suggestions du démon.

C’est la conséquence logique qu’on serait en droit de tirer d’une curieuse note qui fait partie de son livre inachevé sur la Belgique.

Il y traite fort outrageusement les « exilés volontaires », c’est-à-dire les proscrits du 2 Décembre qui avaient refusé l’amnistie promulguée, en 1859, par le gouvernement impérial ; il les appelle « pères Loriquet de la démocratie, vieilles bêtes, vieux La Palisse, propres à rien, fruits secs, élèves de Béranger », et il ajoute :

« Quand on parle révolution pour de bon, on les épouvante. Vieilles rosières ! Moi, quand je consens à être républicain, je fais le mal, le sachant. Oui ! vive la Révolution ! toujours ! quand même ! Mais moi je ne suis pas dupe ! je n’ai jamais été dupe ! Je dis : « Vive la Révolution ! comme je dirais : Vive la Destruction ! vive l’Expiation ! vive le Châtiment ! vive la Mort ! Nous avons tous l’esprit républicain dans les veines comme la v…. dans les os. Nous sommes démocratisés et syphilisés. »

C’est ainsi que devaient finir les excursions du poète dans le domaine politique. Il n’avait aucune des qualités ni aucun des défauts qui font le journaliste ou l’homme d’action. On doit encore lui savoir gré des mouvements généreux qui l’entraînèrent, aux heures de crise révolutionnaire, à sortir de sa rêverie et de son travail d’artiste pour s’occuper de questions d’intérêt général [16].

Malheureusement, les paradoxes de Joseph de Maistre, dont il aimait à se proclamer le disciple, troublaient la lucidité de son esprit. D’ailleurs, dominé par son humeur pessimiste et sa sombre imagination, il ne devait éprouver qu’horreur et dégoût pour les tragédies lamentables ou les burlesques comédies dont fourmille l’histoire contemporaine.


  1. « Au temps où nous errions, ne demandant au verbe que des formes et des couleurs, Baudelaire ne dédaignait pas seulement la politique, il la méprisait ; et nous n’avions, comme lui, que pitié pour l’art inférieur de conduire les hommes. Aussi l’exaltation de mon ami nous surprit-elle beaucoup. » (Notes de M. Prarond.)
  2. Sur les rapports de Baudelaire et de Proudhon, voyez passim, le Charles Baudelaire, Lettres et notamment la lettre à M. E. Rouillon (1865.)
  3. Voir OEuvres complètes, t. II, p. 189.
  4. M. Buisson place à cette date environ une très significative anecdote. Je lui laisse la parole : « Je logeais alors à l’angle de la rue des Saints-Pères et de la rue de Grenelle. Baudelaire était venu me réveiller dès le matin. Nous devisions. Ma sonnette tinte brusquement. Entre un grand évèque à cheveux blancs, à l’air franc, épanoui, une belle tète de Jordaens avec beaucoup plus d’intelligence. — « Mon cher ami, me dit-il en entrant et en saluant, je ne puis voir le ministre avant trois quarts d’heure, mais je ne veux pas quitter le quartier, faites-moi déjeuner. Oh ! c’est bien simple : deux petits fromages de Neufchâtel, un petit pain noir, une demi-bouteille de bordeaux. » Baudelaire n’avait pas bougé. — « Baudelaire, fis-je avec une nuance de reproche, Mgr T., évêque de Montpellier. Il se leva avec raideur et sortit sans saluer. « Comme l’évêque, me le montrant du doigt, m’interrogeait sans parler : — « C’est, lui dis-je, un de mes amis, il est plein de talent, mais un peu fou. Sa mère s’est remariée avec le général Aupick. Le général ne le comprend pas, il ne comprend pas le général, sa mère pleure et lui rugit. — Pauvre jeune homme ! dit l’évêque avec un sentiment de commisération vraie et une grande indulgence : ce n’est pas pour rien que l’Eglise voit avec peine les secondes noces. » « Quelle lubie avait passé par la cervelle de Baudelaire ? L’horreur du galon, — le pauvre évêque en avait à son chapeau, — le plaisir de braver le galon, l’association d’idée entre galon et galon, galon de général et galon d’évêque, etc. » On peut rapprocher de cette anecdote celle que rapporte Schaunard dans ses Souvenirs et encore ces lignes extraites des Souvenirs et portraits de jeunesse de Champfleury : « Il eût fait un détour considérable pour ne pas rencontrer un soldat, ayant été froissé dans sa jeunesse, me dit-il, par le contact de militaires haut placés. »
  5. M. Charles Toubin, — l’auteur du Dictionnaire étymologique de la langue française, dont nous avons déjà cité quelques notes fort curieuses, — a bien voulu nous envoyer quelques renseignements sur l’histoire de ce journal éphémère. Mais d’abord un portrait du Baudelaire, de 1848 : « Il portait à cette époque des cravates de couleur bleue ou rouge, avec un paletot sac, de couleur noire, dans lequel dansait son corps très maigre et très grêle. La tête était forte par rapport au corps, le front large et saillant, l’œil vif et clair, la bouche large et souvent volontairement grimaçante quand il voulait exprimer son horreur du poncif et du convenu. Cette bouche était également sensuelle, bien que Baudelaire ne fût que médiocrement sensuel…
    « La vignette de notre petit journal, qui n’eut que deux numéros, est de Courbet. Nous avions commencé le journal avec cent francs, dont je me trouvais pouvoir disposer. Baudelaire voulut à toute force porter le premier numero à Mgr Affre et il alla, en effet, à l’archevêché, mais, si je me souviens bien, le prélat était absent ce jour-là et il ne put pas le voir. Il alla aussi souvent, dans ce moment-là, chez Raspail, pour lequel il avait une grande estime. Nous faisions nos articles sur des coins de table du Café de la Rotonde, de l’Ecole de Médecine, chacun de son côté, et, en moins d’une heure, le journal était bâclé. Les deux numéros parus se vendirent bien, mais les vendeurs oublièrent de nous apporter le produit de la vente… »
    Pour compléter le portrait que trace M. Toubin, ajoutons que, dans un de ses dessins de 1848, Baudelaire s’est représenté avec la moustache, la mouche et une large pointe avançant sur le front.
  6. On le trouvera aussi dans les Œuvres Posthumes.
  7. M. Philippe de Chennevières, l’auteur des Contes normands de Jean de Falaise et le futur directeur des Beaux-Arts.
  8. Ce personnage eut son heure de célébrité et, par certains côtés de son caractère, surtout par son dévouement à ses convictions, il avait droit aux sympathies du poète. — « De Flotte peut être rangé avec Wronski, Blanqui, Swedenborg, etc., dans le Panthéon, quelque peu bizarre, qu’élevait Baudelaire, suivant ses lectures, les événements du jour et la notoriété conquise tout à coup par certaines figures. » (Notes de M. Champfleury.)
  9. Il faut noter que, dans cette même période qui devait être la plus agitée de sa vie, Baudelaire « se battit en duel avec M. Barthet. Les témoins étaient pour M. Barthet : Monselet et Mignot ; pour Baudelaire : Marc Trapadoux et Leblois. » (Féli Gautier, Documents sur Baudelaire, Mercure de France, n° du 15 janvier 1905. Il doit s’agir de M. Armand Barthet, l’auteur du Moineau de Lesbie, mais je n’ai rien découvert sur ce duel ni sur ses causes.
  10. La bibliographie La Fizelière et Decaux lui attribue un article non signé qui a pour titre : Biographie des excentriques. Il est certain que le style, clair et ferme, n’est pas indigne du poète, que le sujet est de ceux qui avaient pour lui un très vif intérêt, et que sa connaissance de la langue anglaise lui avait permis de faire les lectures nécessaires pour écrire cet article. Mais ces diverses raisons ne suffisent qu’à rendre plausible une conjecture qu’il est aujourd’hui impossible de vérifier.
    On trouvera cet article reproduit dans les Œuvres Posthumes.
  11. Asselineau a cité, dans sa Vie de Baudelaire (p. 32- 33), quelques passages très caractéristiques de la préface écrite par son ami pour les Chansons de Pierre Dupont. Il y a là un accent attendri, un amour des souffrants et des déshérités, dont on retrouve d’ailleurs, çà et là, quelques exemples dans le reste de son œuvre. (Voir notamment le poème en prose, Les Yeux des pauvres.)
  12. M. Firmin Boissin (Simon Brugal), a bien voulu m ’écrire :
      « J’ai peu connu l’auteur des Fleurs du mal. Cependant je me suis rencontré trois ou quatre fois avec lui, en compagnie de Barbey d’Aurevilly qui m’honorait de son amitié. J’ai même souvenance d’une conversation bien étonnante qui eut lieu entre ces deux écrivains de génie sur le dogme de l’Immaculée-Conception. C’était à se demander si, dans leur jeunesse, ils n’avaient pas, l’un et l’autre, fait des études théologiques dans quelque séminaire.
      « Quant à l’épisode de Baudelaire, journaliste à Châteauroux, les détails m’en furent racontés par M. Arthur Ponroy au café Tabourey, près de l’Odéon, en présence de deux témoins malheureusement morts aujourd’hui : feu Edouard Fournier, et un de mes meilleurs amis, Constant Thérion, celui-là même qui a fourni à Alphonse Daudet un de ses héros des Rois en exil, le précepteur du petit roi d’Illyrie, Elysée Mérault. »
  13. On savait que Baudelaire avait dirigé, très peu de temps un journal politique dans une ville de province et Asselineau a nommé Dijon (Vie de Baudelaire, p. 36). Il est certain que Baudelaire a résidé à Dijon, deux lettres de lui, datées 1849-1850 l’attestent, deux mois au moins. Mais quelle cause l'y avait amené, quelles occupations l’y retenaient, c'est ce que nous n’avons pu élucider.
  14. On trouvera le texte de cet article dans les Œuvres Posthumes éditées par le Mercure de France.
  15. Voir un curieux passage, où il réprouva formellement les mouvements insurrectionnels auxquels il avait pris part. A la suite de la phrase citée plus haut : « Mon ivresse de 1848, etc. », on lit : « Les horreurs de juin. Folie du peuple et folie de la bourgeoisie. Amour naturel du crime. Ma fureur au coup d’Etat. Combien j’ai essuyé de coups de fusil ! Encore un Bonaparte ! Quelle honte ! Et cependant tout s’est pacifié.
    » Le président n’a-t-il pas un droit à invoquer ? Ce qu’est l’empereur Napoléon, ce qu’il vaut. Trouver l’explication de sa nature et sa providentialité » (Mon cœur mis à nu, VII).
  16. Dans une lettre adressée à Mme  Paul Meurice sur la fin de sa vie (28 octobre 1865), Baudelaire renie formellement ses idées humanitaires d’autrefois. C’est à propos du dernier livre d’Hugo, que l’auteur lui a envoyé avec cette dédicace : Jungamus dextras. — « Cela, je crois, ne veut pas dire seulement : donnons-nous une mutuelle poignée de mains. Je connais les sous-entendus du latin de Victor Hugo. Cela veut dire aussi : unissons nos mains pour sauver le genre humain. Mais je me f… du genre humain, et il ne s’en est pas aperçu. »