Chants populaires des flamands de France/Introduction

Texte établi par Edmond De CoussemaekerImpr. de F. et E. Gyselynck (p. i-ix).

INTRODUCTION.


La civilisation générale d’une nation embrasse tous les éléments sociaux qui se produisent et se développent dans son sein ; c’est la réunion de tous les faits intellectuels, moraux et matériels constituant son existence. Envisager tous ces éléments dans leur ensemble et dans leur enchaînement, c’est faire l’histoire de la civilisation. L’histoire de la civilisation est donc l’expression fidèle de la vie entière d’un peuple ; elle est le résumé de tous les faits qui en sont la manifestation. Pour donner une idée complète du rôle qu’ils ont joué, de l’influence qu’ils ont exercée, il faut que tous ces faits soient étudiés ; il faut qu’aucun n’en soit omis ou négligé.

Peut-on dire que l’on possède tous les éléments qui doivent composer ce vaste ensemble ? Évidemment non. Qu’on réfléchisse et l’on s’apercevra qu’il y manque un élément essentiel, l’élément populaire dont on ne semble pas avoir tenu chez nous jusqu’ici grand compte.

« Les rois, les nobles, le clergé, comme le fait si bien remarquer M. de la Villemarqué [1], ont leur histoire : le tiers état ne tardera pas à avoir la sienne ; justice aura etc faite à tout le monde excepté au peuple. D’oi’i vient cet oubli ? Pourquoi ne s’est-on pas mis en peine de recueillir les matériaux de cette histoire ? C’est qu’on ne se doutait probablement pas qu’il y en eut une. Il est vrai qu’elle n’est guère enregistrée ni dans les cartulaires, ni dans les chroniques ; elle existe pourtant ; elle est consignée dans les poésies populaires. »

En effet, et ainsi que nous l’avons déjà dit [2], ce sont les chants populaires qui révèlent l’existence, pour ainsi dire, entière d’une nation, sa vie intime encore plus que sa vie extérieure ; ce sont ces chants qui font connaître son état moral, ses joies, ses souffrances, en un mot tous les sentiments qu’a pu lui faire éprouver la situation sociale au milieu de laquelle il a vécu. A aucune époque on ne s’est autant occupé qu’à la nôtre de rechercher et de publier les cartulaires, les chroniques, les archives politiques, religieuses, administratives, commerciales et artistiques, tous les documents enfin qui sont de nature à retracer l’histoire des grands, du clergé et du tiers état. C’est à qui des principaux gouvernements européens l’emportera en ardeur dans l’exploration des bibliothèques, des archives et de tous les dépôts tant publics que particuliers pour en extraire les matériaux oubliés ou négligés. En est-il de même des documents relatifs à l’histoire du peuple ? les a-t-on rassemblés ? y a-l-on donné l’attention qu’elles méritent ? occupent-elles dans les études historiques de la civilisation le rang qui leur appartient ? A toutes ces questions, on peut sans hésitation répondre négativement.

Chez plusieurs nations et notamment chez celles d’origine septentrionale on a été moins oublieux, moins indifférent que chez les autres à l’égard des traditions et de tout ce qui peut donner quelques éclaircissements sur l’origine et les mœurs primitives de leur race. Là ont été recueillis et publiés, là se rassemblent et s’impriment chaque jour des documents de cette nature. Depuis les légendes les plus étendues jusqu’aux chansons les plus minimes, tout est mis au jour, rien n’est oublié. Et ce n’est pas, qu’on le remarque bien, pour satisfaire à un sentiment de vaine curiosité qu’ont lieu ces investigations. Ceux qui s’y livrent ont des vues plus élevées, ils veulent étudier l’histoire de leurs ancêtres sous tous ses aspects. Pour en connaître tous les éléments, ils veulent assister non seulement à leur vie extérieure et officielle, mais encore et surtout à leur vie intime. Ils veulent en quelque sorte s’asseoir au foyer domestique du peuple. prendre part à ses plaisirs, à ses fêtes, chanter ses refrains, réciter ses légendes pour apprécier ses sentiments, ses joies, ses peines.

De toutes les formes, aucune n’est plus propre à dévoiler cette face de l’existence d’une nation que les chants populaires. Les mélodies elles-mêmes aussi bien que les textes sont souvent l’expression la plus vraie des idées, des opinions qui ont prédominé aux époques de leur apparition. Il est évident que l’histoire de la civilisation d’un grand peuple ne saurait être complète qu’à l’aide de cet élément. Désormais il devra avoir sa place à côté des autres.

De tous les recueils de poésies, de chants et de traditions populaires publiés jusqu’à ce jour, le plus important est celui qu’édite M. Firmenich, à Berlin, sous les auspices du gouvernement prussien et qui a pour titre : Germaniens Volkerstimmen. L’auteur de cet ouvrage ne se borne pas, comme presque tous ses prédécesseurs, à rassembler les poésies populaires d’une province et même d’un pays, il reproduit les dialectes et les traditions de toutes les races germaniques répandues sur le globe entier. Sous ce rapport, son travail est te plus considérable qui se soit encore produit ; aussi est-il destiné à exercer une grande influence sur les études historiques et philologiques de la germanie.

La France, sentinelle toujours avancée de la civilisation, jalouse de donner l’impulsion à tout ce qui est grand et beau, a été devancée par les nations étrangères. Riche en souvenirs, en poésies, en chants populaires, elle n senti qu’elle ne pouvait rester plus longtemps en arrière du mouvement imprime autour d’elle. Par décret du 46 septembre 1852, l’Empereur a voulu qu’il fût élevé à la gloire nationale un de ces vastes monuments littéraires, destiné à consacrer les souvenirs les plus chers à tout grand peuple, ceux qui se rattachent à son origine. Ce monument comprendra toutes les poésies populaires et traditionnelles de la France, sans exclusion de celles qui seraient conservées dans les idiomes des diverses provinces. L’exécution en est confiée au Comité de la langue, de l’histoire et des arts.

L’idée de cette publication a été accueillie avec le plus vif empressement tant en France qu’à l’étranger. En Allemagne surtout, les journaux en ont parlé comme d’un événement. Les savants, les philologues les plus célèbres, les Grimm, les Firmenich, les Lachman et beaucoup d’autres, ont manifesté toute leur sympathie pour cette noble entreprise. Nul doute que son exécution ne soit pour la France une source nouvelle de lumières aussi profitables à son histoire qu’à sa littérature.

La tâche du Comité de la langue, de l’histoire et des arts serait singulièrement facilitée, s’il existait pour chaque province un recueil semblable à celui que M. de la Villemarqué a publié pour la Bretagne. Ce serait certainement le meilleur moyen de composer le recueil général qui forme l’objet du décret du i6 septembre. Mais quoique l’on fasse, qu’on se hâte, car à l’époque où nous vivons les traditions se perdent, le caractère national des provinces tend & disparaître de jour en jour. C’est le résultat de la centralisation du pouvoir et de l’administration ; c’est l’effet de l’uniformité des lois et des institutions. S’il est temps qu’on songe & réunir les documents concernant les mœurs et les traditions de chaque peuple, cela est surtout urgent pour ceux des Flamands de France. Les derniers vestiges de la civilisation flamande dans le nord de la France sont près de s^engloutir dans l’oubli.

C’est ce qui nous a porté à faire pour les Flamands de France ce que M. de la Villemarqué a fait pour la Bretagne. Seulement quand on considère la circonscription territoriale des Flamands de France, qui n’embrasse que deux arrondissements, dont la population comprend à peine 210,000 âmes, on ne peut s’attendre à trouver une collection égale ni en nombre, ni en importance à celle de H. de la Villemarqué ; on ne la trouvera pas en effet ici. Nous ferons remarquer d’ailleurs que nous ne donnons dans ce volume que les poésies populaires chantées, ayant un caractère tout-à-fait impersonnel. Les chants historiques et ceux qui ont pour auteurs les Liedzangers des foires et marchés, feront l’objet d’une publication spéciale. Quant aux poésies non chantées, elles trouveront leur place dans les Annales du Comité flamand de France, qui s’est mis en devoir de les rassembler. Inutile donc de dire que nous n’avons pas la prétention de donner aux chants composant ce volume une importance qu’ils n’ont pas, ou de les élever à une hauteur qu’ils ne sauraient atteindre, telle n’est pas notre intention. En leur laissant néanmoins le modeste rang qui leur convient ; nous croyons qu’ils ne sont pas sans intérêt au point de vue de l’étude des mœurs et des traditions de notre Flandre et par conséquent au point de vue général de l’histoire de la France.

En les publiant, nous avons eu en vue surtout de ne pas laisser périr certains vestiges que nous considérons comme de précieux souvenirs de notre antique et naïve Flandre. Nous avons voulu les faire connaître à ceux pour qui ces vieilles traditions ont encore du charme. De pareils appréciateurs ne manquent pas en Belgique, en Hollande et en Allemagne, si l’on en juge par les publications de même genre qui y ont été faites depuis quelques années. Et parmi les Flamands de France, il en est aussi plus d’un dont le cœur n’est pas insensible à ces chants au son desquels ils ont été bercés et élevés. Les Flamands de Bruxelles, d’Anvers, de Gand, de Bruges, etc., retrouveront dans notre recueil certains textes, certains airs oubliés, que nous, leurs frères occidentaux, malgré notre contact incessant, depuis près de deux siècles, avec d’autres mœurs, une autre langue, et une autre tonalité musicale, avons conservés, sinon dans leur pureté tout-à-fait primitive, du moins dans un état voisin de leur intégrité originelle. Quelle puissance dans ces souvenirs en apparence futiles ! Ici, comme partout, ils sont les meilleurs gardiens, ils resteront les suprêmes vestiges de la langue maternelle, cet héritage sacré du peuple.

II.

Tous les chants de ce volume ont été recueillis dans les arrondissements de Dunkerque et d’Hazebrouck, c’est-à-dire, dans cette partie du nord de la France où la langue flamande est parlée. Presque tous se chantent encore aujourd’hui à certaines fêtes et à certaines époques de l’année dans les rues, dans les ouvroirs, dans les familles ; ce sont des chants populaires dans la véritable acception du mot. Simples et naïfs, ils procèdent du peuple ; chantés par tous, ils sont conservés par tradition.

Nous les avons recueillis de la bouche même du peuple ; c’est là le caractère spécial de notre livre. Texte et mélodie, nous les donnons tels que sa mémoire nous les a fournis. Si quelques-uns, en très petit nombre, ont été imprimés sur des feuilles volantes et se vendent sur les places publiques, aux foires et aux marchés, on ne saurait rien en induire contre la popularité traditionnelle que nous leur attribuons ; c’est là, au contraire, suivant nous, un indice de leur popularité. En effet, cette publicité ne leur est donnée par les Liedzangers, que parce qu’ils connaissent la vogue dont jouissent ces pièces et qu’ils en profitent pour vendre avec celles-ci les chansons dont ils sont les auteurs. Nous n’avons eu d’ailleurs que très peu recours à ces feuilles imprimées ; nous avons toujours préféré la dictée verbale qui nous a fourni plus d’une variante offrant de l’intérêt.

Un mot en passant sur les chanteurs populaires de notre Flandre. De temps immémorial, on voit, les jours de foire et de marché, sur les places publiques de nos villes et bourgs, des chanteurs, appelés Liedzangers ; ce sont souvent un mari et sa femme, un père et ses enfants, ou deux compagnons, ayant pour tréteau une chaise à laquelle est attaché un tableau peint et divisé en compartiments, représentant divers sujets. Ces ménestrels chantent des couplets sur les événements du jour. L’un d’eux s’accompagne d’un violon ; quelquefois, mais rarement, l’autre, muni d’un tambourin, le fait résonner entre chaque strophe. Sur les feuilles volantes, contenant les chansons nouvelles, sont intercalées ça et là quelques anciennes.

Les chansons du jour ont la plupart pour auteurs ces Liedzangers ; on trouve leur nom au bas des feuilles volantes qu’ils vendent eux-mêmes. Nous avons rassemblé plus de trois cents chansons portant les noms de plus de soixante de ces ménestrels. Plusieurs de ces pièces, que nous publierons un jour, offrent un intérêt véritable pour l’histoire des mœurs de la Flandre.

Les Liedzangers sont évidemment les continuateurs des scaldes du Nord, des trouvères et des jongleurs ; ce sont les Minnesängers dégénérés quant au talent poétique, mais non quant à la verve satirique qui est toujours aussi mordante qu’en plein moyen-âge. Il est probable que quelques-unes de nos chansons ont de ces scaldes pour auteurs, mais leurs noms n’ont pas été conservés ; et le peuple, en les adoptant, se les est appropriées par les changements ou par les additions qu’il y a faits. Comme les trouvères et les minnesängers, les Liedzangers sont musiciens ; ils chantent, s’accompagnent du violon et composent même des airs ; mais l’art chez eux, c’est l’instinct ; leur maître, c’est la nature. Ils s’abandonnent à leur inspiration sans songer ou se douter qu’il existe des règles.

Un des caractères distinctifs des chants populaires, proprement dits, est leur impersonnalité. Les chants traditionnels sont tous anonymes ; ils ont pour auteurs soit des poètes naturels, qui sont poètes sans le savoir, ou sans avoir la prétention de l’être, soit des rimeurs illettrés, exprimant, dans un langage incisif et pittoresque, certains faits, certains événements qui les ont frappés. La plupart de nos chants flamands ont ce caractère ; et il en est peu dont on connaisse l’auteur.

III.

Il était temps qu’on songeât à mettre par écrit ces chants populaires pour les sauver de l’oubli où ils sont sur le point de tomber : car la langue flamande disparait de jour en jour du sol de notre Flandre. La langue française, la seule qu’il soit permis d’enseigner dans les écoles primaires, étend de plus en plus sa domination. Ses envahissements sont tels que, dans quelques années, les personnes sachant lire et écrire le flamand seront rares ; ce qui ne laisse pas que d’être regrettable à plus d’un point de vue. Sans entrer dans les développements que ce sujet comporte, on ne saurait nier d’abord le caractère d’originalité que donnent aux diverses provinces leur langue, leurs mœurs et leurs traditions nationales. Puis, l’enseignement du flamand n’a-t-il pas encore un avantage incontestable, celui de donner une grande facilité à apprendre les autres langues du Nord, et le français lui-même ?

Du reste, pourquoi n’enseignerait-on pas dans la Flandre la langue flamande du moins au même titre que l’anglais, l’allemand ou l’italien ? Cette exclusion, dont elle est l’objet, est irréfléchie et déraisonnable ; ceux qui l’ont prononcée n’ont pas envisagé le côté utile et pratique du flamand.

Qu’on nous permette d’ailleurs de le dire, en se plaçant au point de vue historique, c’est une erreur de croire que les Flamands n’ont pas de littérature ; le contraire est démontré. Les Belges se sont chargés de ce soin ; ils ont révélé au monde littéraire un ensemble d’œuvres et de noms qui constatent une véritable littérature. Les Flamands de France ne restent pas en arrière ; ils sont en voie de prouver qu’ils ont participé et contribué à cette civilisation flamande qui a eu ses phases glorieuses et originales. Le Comité flamand, institué à Dunkerque pour rechercher, conserver et étudier les documents historiques et littéraires du pays, a pris à tâche de faire connaître tout ce qui constituait l’individualité de cette littérature.

IV.

Pour mieux faire apprécier le caractère général de nos chants populaires, nous les avons distingués en différentes catégories ; nous les avons divisés en : 1o Noëls et Cantiques. 2o Chants relatifs à certaines fêtes et cérémonies religieuses. 3o Chants moraux et mystiques. 4o Souvenirs druidiques. 5o Souvenirs Scandinaves. 6o Sagas, Ballades et Légendes. 7o Chants maritimes. 8o Chansons comiques et de genre. 9o Chansons de Sainte Anne. 10o Rondes et Chansons de danse. 11o Chansons bachiques et d’amour. 12o Chansons satiriques. 13o Chansons enfantines.

1. Noels et Cantiques. — De toutes les chansons religieuses, les noëls ont été les plus populaires dans notre Flandre. Si l’on interroge l’histoire, on s’aperçoit bientôt que l’origine des noëls remonte à une époque fort reculée ; on en trouve des traces dans les plus anciens monuments littéraires de la Flandre. Cela se comprend aisément ; la nativité avec les circonstances qui l’accompagnent est un fait qui parle vivement à l’imagination du peuple. Le récit de ces souvenirs est un des moyens les plus propres à lui expliquer ce mystère de la foi. C’est pour cela qu’il a eu tant de succès et tant de sympathie. Le noël flamand prend les formes les plus diverses. C’est tantôt une peinture naïve et simple, tantôt un dialogue vif et solennel ; c’est quelquefois un hymne ou une prière. Ce sont autant de petits drames où sont retracés les événements qui ont accompagné la nativité de notre Seigneur. Son humble naissance, le réveil et l’adoration des bergers, les mages sortis de l’Orient pour venir déposer leurs offrandes et leurs hommages aux pieds du divin enfant, présentent des épisodes que les poètes populaires ont traité d’une manière très variée et presque toujours heureuse.

Parmi nos noëls, les uns ont un caractère grave, d’autres une forme plus naïve. Dans ceux-ci les traits et les détails sont empruntés à la vie réelle, sans égard aux anachronismes ou à ce qu’on appelle ordinairement la couleur locale. Avant la révolution de 89, dans la plupart des élises de notre Flandre, on chantait des noëls pendant les messes de minuit et de l’aurore. Dans quelques localités même, les chanteurs se montraient habillés en bergers, la boulette à la main. Ils se rendaient ainsi à l’église où ils chantaient leurs noëls avec accompagnement de l’orgue, qui dans les intervalles des couplets, faisait entendre des jeux et des airs imitant la flûte et la musette. Cet usage a continué à subsister au siècle actuel ; mais depuis quelques années, il parait qu’à la suite de quelques abus, on a dû l’abolir au grand regret de beaucoup de fidèles qui voyaient dans ces scènes naïves un moyen propre à rendre vivants de pieux souvenirs et à contribuer au maintien de la foi chez le peuple.

Depuis, le noël s’est réfugié dans les familles, dans les écoles et ouvroirs de dentellières et principalement dans les écoles dominicales où il jouissait d’ailleurs également d’une grande vogue auparavant. C’est là que nous avons trouvé la plupart de ceux que nous publions. Nous avons été guidé, dans la reproduction du texte de quelques-uns, par un petit volume où on les a imprimés dans le but d’aider la mémoire des chanteurs [3]. On ne saurait du reste rien en induire contre leur popularité. Il est bon de remarquer au contraire que ceux-là seuls, qui étaient déjà populaires, recevaient l’honneur de la publicité. Les airs nous ont été dictés par des dentellières et par des élèves des écoles dominieales de Bailleul, de Cassel et de Steenvoorde.

Nous sommes loin d’avoir donné ici tous les noëls que nous avons trouvés. Il en est plusieurs qui auraient mérité de voir le jour ; mais nous avons dû les laisser pour ne pas grossir ce volume outre mesure. C’est pour la même raison que nous avons omis divers cantiques également populaires. Les noëls et les

cantiques omis pourront un jour former l’objet d’une publication spéciale.

2. Chants relatifs à certaines fêtes et cérémonies religieuses. — Nous avons rangé dans cette catégorie un certain nombre de chants qui, bien que religieux, n’offrent pourtant pas le même caractère que les noëls et les cantiques. Ce sont ceux que les Flamands ont coutume de chanter à l’époque de certaines fêtes célébrées par l’église. En Flandre, comme en divers autres pays, où le même usage se pratique, ces chants sont accompagnés de quêtes. Sou- vent munis d’une étoile au bout d’un bâton ou d’un instrument appelé Rommelpot[4], les chanteurs sont ordinairement accueillis avec faveur ; ils ont l’entrée dans les maisons riches ; selon leur Âge et leur état, on leur offre de l’argent, des gâteaux, des gauffres, etc.

Les pièces que nous rapportons se chantent à l’occasion de la nativité, du nouvel an, de l’Épiphanie, de la St-Martin. On trouvera dans les notes qui les accompagnent les circonstances qui se rattachent à chacune d’elles. Plusieurs de ces chansons sont en usage tant dans notre Flandre que dans certaines parties de l’Allemagne. Le savant Hoffmann von Fallersleben, dans son Histoire des chants religieux de l’Allemagne, 2e édition[5], rapporte des noëls et des chants sur les trois rois, qui offrent la plus grande ressemblance ou analogie avec quelques-uns des nôtres, quant au texte et aux circonstances où ils se chantent. C’est un nouveau témoignage de la communauté d’idées qui existe entre les deux peuples. On peut voir en même temps combien les traditions se montrent

persistantes chez les peuples de race germanique. Nos chants de cette caté

...

  1. Chants populaires de la Bretagne, t. I.
  2. Prospectus du présent ouvrage, publié en 1853.
  3. Annales du Comité flamand de France, 1884, pag. 270, No 43.
  4. Voir l’explication page 93.
  5. Geschichte des deutschen Kirchenliedes bis auf Luthers zeit. — Nous n’avons eu connaissance de cette édition que depuis l’impression de la première livraison de nos chants populaires, voilà pourquoi nous n’avons pas signalé dans les notes qui les accompagnent les ressemblances dont nous venons de parier, Nous appelons l’attention de nos lecteurs sur les § 11 et 12 de l’ouvrage du savent professeur et nous les invitons principalement à comparer les Nos 251, 258, 259, 260, 261, 262 et 263 du livre allemand avec les Nos 28, 29, 30 et 31 de notre recueil.