Chants et chansons politiques/Les Diamants

G. Guérin, libraire (p. 13-15).

LES DIAMANTS
ou
UN AVOCAT DU SECOND EMPIRE


AIR : Je vais bientôt quitter l’empire,


Ah ! voyez ma folie entière,
Moi, le fils d’un républicain,
J’ai pris pour femme une héritière
Du noble faubourg Saint-Germain, (bis)
Que voulez-vous ? La belle Élvire
Avait des yeux bleus si charmants !… (bis)
Pour m’enrichir, je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants. (bis)

Comme avocat — pour sa famille
J’avais eu quelques beaux succès —
Et l’on me colloqua la fille
Pour honoraires des procès.
Je fus faible, je dois le dire,
À l’endroit de mes sentiments…
Pour m’enrichir, je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants.

J’ai forfait à la conscience
Pour les doux caprices du cœur ;
Mais sur mes habits d’ordonnance
Je fais briller ma croix d’honneur.

Parfois, je me prends à maudire
Tous mes honneurs déshonorants…
Pour m’enrichir, je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants.

On a remarqué ma souplesse
Savante, en plein conseil d’État ;
Enfin, de bassesse en bassesse,
J’espère aller jusqu’au sénat.
Alors — c’est le rêve d’Élvire ! —
J’aurai part aux gros traitements,[1]
Pour m’enrichir, je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants.

Mon Élvire fut très-adroite,
Elle eut pour moi des protecteurs
Et dans la gauche et dans la droite,
Ce sont, là, des appuis flatteurs.
Même, je me suis laissé dire
Qu’Élvire avait eu des amants…
Il le fallait ! — Je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants.

Mais si le républicanisme
Broyait l’empire et l’empereur,
Et que plus tard, l’orléanisme
Fut accueilli comme un sauveur :
Je servirais, sans trop rien dire,
La République et d’Orléans !…
En attendant, je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants.

Les principes sont des bêtises
Qu’il faut laisser aux puritains ;
Trop de vertu font les sottises
De nos fougueux républicains.
C’est avec le même sourire
Que je tourne aux gouvernements.
En attendant, je dois servir l’empire :
Ma femme veut des diamants.

  1. Sous le second empire : M. de Mac-Mahon touchait, sans compter le logement, le chauffage, les rations de cheval et le reste : 288,000 fr. par an. — M. Vaillant : 229,000 fr. — M. Niel : 193,000 fr. — etc., etc. — C’est ce qu’on appelait les gros traitements.