Chants et chansons politiques/L’Aigle-vautour

G. Guérin, libraire (p. 62-63).
L’AIGLE — VAUTOUR
7 août 1870.


L’aigle affamé de chair humaine,
S’est envolé vers le vieux Rhin,
Voulant sur la terre germaine
Faire un repas de souverain.
Son ambition sanguinaire,
Instinct vorace, au cœur le mord ;
Pour nappe il a pris un suaire,
Et pour amphitryon la mort.

chœur des paysans
Notre empereur est un grand homme :
Il se rit des Parisiens ;
Il a sauvé notre Saint-Père à Rome,
Il mangera les Prussiens.

Voûté, cassé, goutteux, débile,
Il dit au Hasard : Fais-moi grand.
« Je suis oiseau de proie habile,
« J’écris ma gloire avec du sang.
« Pour moi l’avenir se dévoile.
« Je vois ma place au Panthéon ;
« J’ai pour me guider une étoile :
« L’astre du grand Napoléon.

Notre empereur, etc.

Le Hasard lui dit : Fils d’Hortense,
« Je te soutiens depuis vingt-ans ;
« C’est trop, beaucoup trop, pour la France
« Dont tu perds les nobles élans.
« Tu n’es pas la pucelle Jeanne
« Pour sauver une nation ;
« On voit tes deux oreilles d’âne
« Percer sous ta peau de lion.

Notre empereur, etc.

— Alors Hasard tu m’abandonnes ?
— Certes. J’ai fait assez pour toi.
— Quels sont les motifs que tu donnes ?
— Ecoute bien ; voici pourquoi :
« D’un aiglon tu tenais la place
« Danslenidoùtuvislejour ;
« Je te croyais aigle de race,
« Mais tu n’es qu’un affreux vautour.

Notre empereur, etc.