I
« Des pissenlits ! des pissenlits ! »
C’est la marchande qui brouette
Sa bagnole et sa silhouette,
Et sa voix fait la pirouette,
Comme un clown aux muscles vieillis.
« Qui veut, qui veut de la salade ?
Voici pour votre cœur malade,
Pour votre race en marmelade
Des pissenlits ! des pissenlits ! »
II
Des pissenlits ! des pissenlits !
Un peu de vinaigre, un peu d’huile,
Ça rend l’estomac moins débile,
C’est très sain, ça purge la bile,
Ça rend clair tous les teints pâlis.
Ça donne du lait aux nourrices,
Ça donne l’ut aux cantatrices
Et des fils aux impératrices,
Des pissenlits ! des pissenlits !
III
Des pissenlits ! des pissenlits !
Ça vient dans la saison charmante,
Près de la sauge et de la menthe,
Près de la marguerite aimante,
Ça fleurit d’or comme les lys.
Ça porte, en sa feuille légère,
Les mots qu’au berger la bergère
Répond de sa voix mensongère :
Des pissenlits ! des pissenlits !
IV
Des pissenlits ! des pissenlits !
Un tel par la reine Marie
Fut cueilli pour la bergerie
De Trianon : quelle féerie !
Où sont les moutons abolis ?
Et tel autre, après la pairie,
Fut le régal et la frairie
De la bourgeoise confrérie.
Des pissenlits ! des pissenlits !
V
Des pissenlits ! des pissenlits !
Frères germains du prolétaire,
Comme lui, liés à la terre,
On vous écrase : il faut vous taire !
Sitôt bons, vous êtes cueillis.
Serez-vous toujours, sans réplique,
Mis à la sauce hyperbolique,
Royaume, empire ou république
Des pissenlits ! des pissenlits !
VI
Ô pissenlits ! bons pissenlits,
Fruits de douleur, fleurs de roture,
Enfants bâtards de la nature,
Dressez contre qui vous torture,
La dent de vos glaives salis !
Et que si la race porcine
Des tyrans vous mange, assassine,
Qu’enfin, ce soit par la racine,
Ô pissenlits, bons pissenlits !
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