I
Vint à fleurir dans mon jardin de France
Un lys de neige, un beau lys de candeur.
Le peuple en lui mettait son espérance :
Il se dressait comme un grand commandeur.
Mais un beau jour mon lys en Palestine
Pour la croisade émigra flamboyant.
Du sang des Turcs il revint rougeoyant :
C’était la loi de l’Église latine.
Fleuris, grand lys, fleuris,
Fleuris rouge à Paris,
Fleuris !
II
Vint à passer mon cousin d’Angleterre :
« Mon beau cousin, j’ai semé. Récoltez !
À vous mon lys, à vous ma bonne terre,
Si vous domptez mes sujets révoltés. »
Vint à passer la Pucelle lorraine :
« Sire le Roi, vos lauriers sont pâlis.
Voici mon bras pour sauver votre lys,
Voici mon sang pour défendre sa graine. »
Fleuris, grand lys, fleuris,
Fleuris rouge à Paris,
Fleuris !
III
Vint à passer la reine Catherine :
C’était la nuit de Saint-Barthélemy.
Le lys reprit sa couleur purpurine
Au sang français mieux qu’au sang ennemi.
Vint à passer le chef des dragonnades :
Le lys rougit de la Garonne au Rhin,
Tant qu’un beau jour le peuple souverain
Contre le lys tourna ses canonnades.
Fleuris, grand lys, fleuris,
Fleuris rouge à Paris,
Fleuris !
IV
Vint à passer près des marches du trône
Mon beau cousin, Philippe-Égalité.
Dans ma défaite il a pris ma couronne
Et mon beau lys, il l’a décapité.
Mais une goutte a jailli de sa tige,
Qui marque au front les traîtres pour l’exil.
Mon lys est mort sans regretter l’avril :
Mieux vaut la mort que perdre son prestige !
Fleuris, grand lys, fleuris,
Fleuris rouge à Paris,
Fleuris !
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