« Saluez ! C’est l’homme de bronze ! »
Un soir, aux lueurs de Tanit,
J’ai lu ces mots dans le granit,
Sur un socle où trônait un bonze.
Moi, saluer ! Tra la la la !
Un gendarme passait par là :
« Saluez ! C’est l’homme de bronze ! » —
II
« Moi, saluer l’homme de bronze !
Il est en bronze ! Et puis après ?
Croyez-vous qu’il l’a fait exprès ?
Le bronze ne fait pas le bonze ! »
Alors le gendarme sévit,
Et la foule me poursuivit
Pour saluer l’homme de bronze !
III
« Vous insultez l’homme de bronze !
Sans lui, qui rédigea nos lois,
Vous iriez tout nu dans les bois,
Sans lui, que vous traitez de bonze. —
C’est possible : j’irais tout nu ;
Mais je serais libre, ingénu. —
Vous insultez l’homme de bronze ! »
IV
Sous les pieds de l’homme de bronze,
La foule se rua sur moi ;
Un bourreau, pour venger la loi,
Déboulonnant le corps du bonze,
De son choc brisa mes deux bras ;
Puis il écrasa mes pieds las
Sous les pieds de l’homme de bronze.
V
Au matin, plus d’homme de bronze !
Son corps vide, en broyant mon corps,
S’était brisé. La foule, alors :
« Tu nous as délivrés du bonze.
À toi, martyr, à toi, merci !
À toi le socle ! » C’est ainsi
Que je devins homme de bronze.