Chansons populaires du Canada, 1880/p157
marianson, dame jolie
La complainte de Marianson doit être fort ancienne. On y respire le moyen-âge à pleins poumons… — non pas le moyen-âge dans ce qu’il a de bon, mais dans ses faiblesses, et tel qu’on a presque toujours le soin de le représenter.
Que le mal, qui est de tous les siècles, ait existé, dans le moyen-âge, chez ces peuples de l’Europe nouvellement conquis à la foi et à peine sortis du paganisme et de la barbarie, nul ne songe à le nier. Mais il y a cette différence entre le mal de ces temps-là et le mal d’aujourd’hui que celui-ci est organisé, qu’il s’étale au grand jour, qu’il se glorifie lui-même, qu’il appelle héroïsme, vertu, justice, l’assassinat, la spoliation, l’injustice ; qu’il nie l’autorité divine ; que, par la bouche de ses sociétés secrètes, il proclame ce principe : que la paix de l’âme réside dans la négation de Dieu ; tandis que celui-là n’est qu’une défaillance passagère, souvent très grave et très-blâmable sans doute, mais qui rougit d’elle même, ne cherche pas à se propager, et à laquelle survit toujours la foi.
Au moyen-âge, l’action du christianisme s’exerçait sur une société qui, je le répète, sortait de la barbarie. Ce que ces siècles ont produit de bon venait surtout du christianisme ; ce qu’ils ont produit de mauvais venait surtout de la barbarie ; mais l’organisation sociale créée par l’Église, avec ses mille moyens de protéger les faibles, avec ses corporations et ses confréries, était réellement admirable, et conduisait les peuples de l’Europe et la société chrétienne en général au plus grand bonheur terrestre qui se puisse imaginer. Le jour où l’on consentira à retourner aux « corporations » du moyen-âge, la « question ouvrière » sera résolue.
Tout cela n’empêche pas que le mari de Marianson, dame jolie, ait fait un bien mauvais coup ; mais il en a déjà demandé pardon… Le récit cependant eût été plus complet et la couleur de l’époque mieux gardée si la complainte en eût fait un frère de la Merci, se vouant volontairement à l’esclavage pour expier son crime.
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Où est allé votre mari ?
Ah ! je ne sais s’il reviendra.
Prêtez-moi vos anneaux dorés.
Ah ! prends les clefs et va les qu’ ri’.
Faites-moi des anneaux dorés.
Comm’ les ceuz’de Marianson.
Sur son cheval est embarqué.
C’était l’ mari d’ Marianson
Quell’ nouvell’ m’as-tu apportée ?
Que les ceuz’ de Marianson.
Ell’ m’a été fidèle assez.
Voilà les anneaux de ses doigts.
Ma femme m’est fidèle assez.
Et qui le voit venir là-bas :
C’est une chos’ bien assurée.
Ça lui réjouira l’esprit.
Quel nom donn’ ras-tu à ton fils ?
À la mère, un mauvais renom.
Trois fois par terre il l’a jeté.
À son cheval l’a-t-attachée.
Sans regarder par derrièr’ lui.
A regardé par derrièr’ lui.
Où son les anneaux de tes doigts ?
Ah ! prends les clefs et va les qu’ ri’.
Ses trois anneaux d’or a trouvés.
Quel bon chirurgien vous faut-il ?
C’est un bon drap pour m’ensev’ lir.
Votre mort m’est-elle pardonnée ?
Non pas la cell’ du nouveau-né…