si tu te mets anguille. — un canadien errant.
Cette douce cantilène est connue de tout le monde,
en Canada. Les couplets : Si tu te mets anguille, etc.,
ne sont que des fragments assez altérés de la chanson :
J’ai fait une maîtresse, que l’on verra plus loin. Le
dernier vers :
Je me donn’rai à toi puisque tu m’aimes tant !
devrait être séparé des vers qui précèdent par plusieurs
couplets. C’est simplement parce que ces
couplets ont été oubliés que cette chanson, si poétique
d’ailleurs, se termine si sottement. Il ne fut jamais
venu à l’esprit de nos braves habitants, qui n’ont,
grâce à Dieu, jamais mis le pied au théâtre, et qui
n’ont jamais, non plus, nourri leur esprit des romans
de Messieurs et Madame Dumas, Sue, Sand, Kock et
compagnie, de fabriquer ce dénouement à la Favorite.
Mais cette ancienne poésie est presqu’entièrement
oubliée aujourd’hui. Elle a cédé la place à quelques
strophes composées, en 1842, par un étudiant du
collège de Nicolet, qui devait, plus tard, devenir un de nos littérateurs les plus distingués. Le Canadien errant de M. A. Gérin-Lajoie, composé précisément au
début des dures années d’exil des révoltés de 1837 et
1838, alors que tant d’honnêtes familles pleuraient l’absence
de pauvres « Canadiens, bannis de leurs foyers, » devint, en quelques mois seulement, extrêmement
populaire.
Les mélodies du peuple possèdent cette qualité si
rare d’unir à beaucoup de simplicité une expression
véritable. D’ordinaire un compositeur n’est simple
qu’à la condition d’être vide et plat. Aussi est-il plus
difficile qu’on ne le croit généralement de composer
une mélodie d’une véritable beauté et qui puisse se
vulgariser parmi le peuple. Chateaubriand avait si bien compris cela que, comme l’auteur du Canadien errant, il avait voulu choisir parmi des chansons populaires
(celles de l’Auvergne, si je ne me trompe,) les
airs de ses chants du Dernier Abencérage.
Les couplets de M. Lajoie, grâce à leur mérite
et à leur actualité, mais grâce aussi à la vieille mélodie sur laquelle
ils se chantent, sont connus aujourd’hui partout où il y
a des Canadiens-français. Que l’auteur pénètre dans
la forêt, qu’il y rencontre quelques-uns de ces défricheurs
dont il a si bien su peindre l’existence et
les rudes mais nobles travaux ; qu’il parcoure les
villes du Haut-Canada et même certaines villes
américaines voisines de nos frontières, il les entendra
chanter partout. Il n’est pas jusqu’aux échos des
Montagnes-Rocheuses et des rives du lac Ouinipeg
qui n’aient répété cette touchante poésie. Mgr
Faraud, vicaire-apostolique d’Attabaska et du territoire
de la rivière McKenzie, m’a dit avoir
entendu chanter Un Canadien errant dans les plus lointaines
missions du Nord-Ouest.
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Par derrièr’ chez ma tante
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(bis)
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Il lui ya-t-un étang…
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Je me mettrai anguille,
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(bis)
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Anguille dans l’étang.
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— Si tu te mets anguille
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(bis)
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Anguille dans l’étang,
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Je me mettrai pêcheur,
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(bis)
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Je t’aurai en pêchant,
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— Si tu te mets pêcheur
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(bis)
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Pour m’avoir en pêchant,
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Je me mettrai allouette,
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(bis)
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Allouette dans les champs.
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— Si tu te mets allouette,
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(bis)
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Allouette dans les champs,
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Je me mettrai chasseur
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(bis)
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Je t’aurai en chassant..
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— Si tu te mets chasseur,
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(bis)
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Pour m’avoir en chassant,
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Je me mettrai nonnette,
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(bis)
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Nonnett’ dans un couvent.
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— Si tu te mets nonnette
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(bis)
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Nonnett’ dans un couvent,
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Je me mettrai prêcheur ;
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(bis)
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Je t’aurai en prêchant.
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— Si tu te mets prêcheur
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(bis)
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Pour m’avoir en prêchant,
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Je me donn’ rai à toi
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(bis)
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Puisque tu m’aimes tant !
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Un Canadien errant,
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(bis)
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Banni de ses foyers,
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Parcourait en pleurant
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(bis)
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Des pays étrangers.
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Un jour, triste et pensif,
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(bis)
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Assis au bord des flots,
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Au courant fugitif
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(bis)
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Il adressa ces mots :
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« Si tu vois mon pays,
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(bis)
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Mon pays malheureux,
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Va, dis à mes amis
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(bis)
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Que je me souviens d’eux.
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« Ô jours si pleins d’appas,
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(bis)
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Vous êtes disparus, …
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Et ma patrie, hélas !
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(bis)
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Je ne la verrai plus !
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« Non, mais en expirant,
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(bis)
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Ô mon cher Canada !
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« Mon regard languissant
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(bis)
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Vers toi se portera… »
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