Chanoine Reusens. Éléments de paléographie, 2e fascicule (Prou)

Chanoine Reusens. Éléments de paléographie, 2e fascicule (Prou)
Bibliothèque de l’École des chartestome 60 (p. 663-664).
Chanoine Reusens. Éléments de paléographie, 2e fascicule. Louvain, 1899. In-8o, pages 185 à 496.


Avec un second fascicule, les Éléments de paléographie[1], dont nous avons annoncé la première partie, sont complets. Le chanoine Reusens y étudie l’écriture de l’Europe occidentale du XIe au XVIIIe siècle. Aucun manuel de paléographie n’avait été publié jusqu’ici qui renfermât un aussi grand nombre de fac-similés. Chacun des manuscrits reproduits est accompagné d’une transcription, toujours faite avec un soin minutieux, et d’un commentaire qui en fait ressortir les caractères généraux et les particularités. On regrettera seulement que le format ait exigé trop souvent la réduction des manuscrits. La doctrine est conforme à celle des auteurs qui font autorité en la matière, sauf en un point. Nous nous étonnons en effet de rencontrer sous la plume d’un historien une phrase comme celle-ci : « La minuscule caroline disparut de l’Europe occidentale dans le courant du XIIe siècle. Elle fut remplacée par une écriture généralement plus grande, et d’un beau style, dans laquelle les traits formant des angles dominent » (p. 204). Ce qui ferait croire que l’écriture que nous appelons gothique, formée d’un seul coup et en quelque sorte inventée par un scribe ou une école de scribes, s’est substituée à la romane. L’écriture gothique n’est-elle pas au contraire le résultat d’une modification progressive de la minuscule romane, la substitution lente et inconsciente de formes anguleuses aux formes rondes ? Il n’est pas possible que M. le chanoine Reusens n’ait pas été frappé de cette transformation, et il a simplement manqué à exprimer sa pensée avec précision. Une série de chapitres est consacrée aux matériaux et instruments de l’écriture, dans lesquels l’auteur a mis à profit les travaux de Wattenbach, de MM. Paoli et Thompson, auxquels il a ajouté des observations personnelles. C’est ainsi qu’on lui saura gré d’avoir signalé spécialement (p. 381) les tablettes romaines à écrire, si intéressantes, du musée de Namur. On ne saurait trop louer le soin et la critique que l’auteur a apportés dans la rédaction de la bibliographie. Son volume ne s’adresse pas seulement aux étudiants. Du fait qu’il a donné les fac-similés d’un grand nombre de documents, livres ou chartes, écrits en Flandre et en Brabant, ou conservés dans les bibliothèques ou archives de la Belgique, et non encore reproduits, son livre sera consulté nécessairement par les érudits spécialistes. Parmi les fac-similés, nous signalerons : un manuscrit de Grégoire de Tours, du XIe siècle (pl. XXI) ; le manuscrit autographe de la chronique de Sigebert de Gembloux, exécuté entre 1101 et 1106 (pl. XXIV) ; un recueil encyclopédique, écrit vers 1130 (pl. XXV) ; un manuscrit de Renier de Liège, écrit en 1182 (pl. XXVII) ; un manuscrit de Bède, copié entre 1170 et 1180 dans l’abbaye du Parc (p. 214); un lectionnaire latin écrit à Mons en 1269, avec deux souscriptions, l’une en latin : « Anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo nono fuit liber iste scriptus. Johannes de Salesbiri scripsit, » l’autre en vers français (p. 246 et 249), etc. Parmi les documents d’archives, nous signalerons seulement le fac-similé (p. 311) de la page d’un registre municipal de Tournai, qui offre la transcription de la lettre de Jeanne d’Arc « aux loyaux Franchois de la ville de Tournay, » publiée par J. Quicherat en appendice au Procès de Jeanne d’Arc, t. V, p. 125, et par Vandenbroeck dans les Extraits analytiques des registres des consaulx.


M. Prou.


  1. Voy. le compte-rendu du 1er fascicule dans la Bibliothèque de l’École des chartes, t. LVIII, p. 677.