Chacun maudit ces jalleux

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 23-24).


CHACUN MAUDIT CES JALLEUX


Chacun maudit ces jalleux,
Mais je ne les maudis mie :
Il n’est pas vrai amoureux
Qui n’est jalleux de sa mie.

L’autre jour jouer m’alloie
Tout autour d’un vert buisson ;
Trouvai m’amie par voie
Parlant à un compagnon.

Mais je ne sais qu’il lui dit :
Le jeu ne me plaisait mie,
Dont j’eus cœur triste et marry
Et entrai en jalousie.

Me tirai un peu arrière
Pour mieux viser leur façon
Et regarder la manière
De m’amie et du mignon.

Tout leur conseil j’entendis,
Tantôt fut leur départie ;
J’eus le cœur tout réjoui
Et fut hors de jalousie.

En passant parmi la rue,
M’en entrai en sa maison :
De joie fut toute émue
Et me conta sa raison,

M’appelant son mieux aimé,
Disant : « Je suis votre amie ;
Autre que vous ja n’aimai
Ni ne ferai en ma vie. »


Quand vis la bonté[1] ma dame
Et toute s’opinion,
J’eus à l’heure, sur mon âme,
Le cœur plus fier qu’un lion :

Afin qu’en fût mention
Je me mis là à écrire
Tout par moi cette chanson
Sous une épine fleurie.

  1. De ma dame.