Chapitre 3 Chaîne d’or sur l’évangile de saint Jean Chapitre 5


CHAPITRE IV



Versets 1-6.



LA GLOSE. Après avoir rapporté comment Jean-Baptiste réprima les mouvements de jalousie qu’excitait dans ses disciples le progrès de la doctrine de Jésus-Christ ; l’Evangéliste nous apprend ici comment le Sauveur se dérobe à la méchanceté des pharisiens qui, pour la même raison, étaient animés contre lui des mêmes sentiments d’envie : « Jésus donc ayant su que les pharisiens avaient appris, » etc. — S. AUG. (Traité 15.) Si Nôtre-Seigneur avait prévu que les pharisiens, en apprenant qu’il faisait plus de disciples que Jean-Baptiste, et qu’il en baptisait un plus grand nombre, se détermineraient à marcher à sa suite pour sauver leur âme, il n’aurait point quitté la Judée, et il y serait resté dans leur intérêt. Mais comme il vit que cette connaissance ne produisait en eux que de l’envie, et leur inspirait le désir, non de le suivre, mais de le persécuter, il s’éloigna de la Judée. Il eut pu sans doute leur échapper s’il eût voulu, tout en restant au milieu d’eux, mais dans toutes les actions qu’il a faites comme homme, il s’est proposé de donner l’exemple à ceux qui devaient croire en lui, et de leur apprendre qu’un serviteur de Dieu ne pèche pas en se retirant dans un autre lieu pour se dérober à la fureur de ses persécuteurs. Ce n’est donc point par crainte que le bon maître agit ainsi, mais pour nous instruire. — S. Chrysostome : (hom. 31.) Il le fit aussi, et pour calmer leur jalousie et pour ne pas affaiblir la foi au mystère de son incarnation, car la vérité de sa chair eût pu paraître douteuse, si on l’eût vu échapper visiblement aux mains de ses ennemis.




S. AUG. (Traité 15.) On sera peut-être surpris de voir l’Evangéliste s’exprimer de la sorte : « Jésus en baptisait un plus grand nombre, » et ajouter aussitôt : « Quoique Jésus ne baptisât point lui-même. » Quoi donc ? Est-ce que la première proposition était fausse et avait besoin d’être rectifiée ? — S. Chrysostome : (hom, 31.) Le fait est que Jésus-Christ ne baptisait pas lui-même, mais ceux qui firent ce rapport affirmèrent que Jésus en baptisait un plus grand nombre que Jean, pour exciter la jalousie des pharisiens. Jean-Baptiste nous donne du reste la raison pour laquelle le Sauveur ne baptisait pas, lorsqu’il dit : « il vous baptisera lui-même dans l’Esprit saint et dans le feu. » Or, comme il ne donnait pas encore l’Esprit saint, il était convenable qu’il ne baptisât pas encore. Quant à ses disciples, il les laissait baptiser pour en amener un plus grand nombre à la doctrine du salut.




C’est afin de n’être pas obligés de parcourir la Judée pour réunir ceux qui devaient embrasser la foi, comme Jésus avait fait pour Simon et son frère, qu’ils adoptèrent l’usage du baptême, car le baptême des disciples n’avait rien de plus que le baptême de Jean, l’un et l’autre étaient dépourvus de la grâce qui vient de l’Esprit, et tous deux avaient un seul et même but, celui d’amener à Jésus-Christ ceux qui étaient baptisés. — S. AUG. (Traité 15.) On peut dire encore que ces deux propositions sont vraies, c’est-à-dire, que Jésus baptisait et ne baptisait pas ; il baptisait, parce que c’est lui qui purifiait les âmes, et il ne baptisait pas, parce qu’il ne plongeait pas lui-même dans l’eau. Les disciples prêtaient leur ministère extérieur, mais lui, dont Jean-Baptiste disait : « C’est lui qui baptise, » donnait à ce baptême l’appui d’une majesté toute divine.




ALCUIN. On demande ordinairement si on recevait le Saint-Esprit dans le baptême du Christ, puisqu’il est dit dans l’Evangile selon saint Jean : « L’Esprit saint n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. » Nous répondons que l’Esprit saint était donné, mais sans cette manifestation éclatante qui eut lieu, lorsqu’après l’ascension, il descendit sur les Apôtres sous la forme de langues de feu. Jésus-Christ posséda toujours l’Esprit saint dans l’humanité qu’il s’était unie, et cependant l’Esprit saint descendit visiblement sur lui sous la forme d’une colombe, lorsqu’il fut baptisé ; c’est ainsi qu’avant l’avènement éclatant et public de l’Esprit saint, quelques saints ont pu le recevoir d’une manière plus secrète. — S. AUG. (Lett. 18 à Séleucis.) Il faut admettre que les disciples de Jésus-Christ étaient déjà baptisés, soit du baptême de Jean, soit (ce qui est plus vraisemblable) du baptême de Jésus-Christ ; il n’est pas probable, en effet, que le Sauveur ait omis de baptiser ses disciples qui devaient baptiser les autres en son nom, lui qui remplit si exactement l’humble ministère de leur laver les pieds.




S. Chrysostome : (hom. 31.) En s’éloignant de la Judée, Nôtre-Seigneur reprenait la suite de ses premiers desseins : « Et il s’en alla de nouveau en Galilée. » Jésus vient chez les Samaritains, pour le même motif que les Apôtres, repoussés par les Juifs, allèrent chez les Gentils ; cependant, pour ôter toute excuse aux Juifs, les Samaritains ne sont point le but principal de son voyage, et il ne vient chez eux qu’en passant, c’est ce que l’Evangéliste exprime en disant : « Or, il lui fallait passer par la Samarie. » Cette contrée fut ainsi appelée, parce que la montagne de Samarie, qui donna son nom à la ville qu’on y bâtit, s’appelait Somer, du nom de son ancien possesseur. Les premiers habitants de cette ville et de cette contrée ne s’appelaient pas autrefois Samaritains, mais Israélites. Dans la suite des temps, ils transgressèrent les lois de Dieu, le roi d’Assyrie ne voulut plus les laisser dans leur pays, il les emmena à Babylone et dans la Médie, et le repeupla de colons tirés de diverses provinces assyriennes. Mais Dieu voulant prouver que ce n’était point par impuissance qu’il avait livré les Juifs aux mains de leurs ennemis, mais pour les punir de leurs crimes, envoya contre ces peuples barbares et idolâtres des lions qui dévastaient le pays. Le roi d’Assyrie, en ayant été instruit, leur envoya un prêtre Israélite pour leur enseigner le culte et les lois du Dieu des Juifs. Toutefois ils ne renoncèrent pas entièrement à leur impiété, et ils revinrent insensiblement au culte des idoles, ils y mêlaient cependant le culte du vrai Dieu. Ils prirent le nom de Samaritains, de la montagne même de Samarie.




Bède : Il lui fallait passer par la Samarie, qui est située entre la Judée et la Galilée. Samarie est une des villes les plus remarquables de la Palestine, et tellement importante par sa population, qu’elle a donné son nom à toute la contrée qui l’entoure. Or, l’Evangéliste nous indique dans quel endroit de cette contrée Nôtre-Seigneur s’arrêta : « Il vint donc dans une ville de Samarie, nommé Sichar. » — S. Chrysostome : (hom. 31.) C’était le lieu où Lévi et Siméon se vengèrent d’une manière sanglante de l’outrage fait à Dina, leur sœur. (Gn 34) Après que les fils de Jacob eurent rendu cette ville déserte par le meurtre des Sichimites, le patriarche la donna par la suite en héritage à son fils Joseph ; c’est à cette donation qu’il faisait allusion lorsqu’il lui dit : « Je te donnerai de plus qu’à tes frères la part de mon héritage que j’ai conquise par mon glaive et par mon arc de la main des Amorrhéens, » (Gn 48) et que l’Evangéliste rappelle en ces termes : « Près de l’héritage que Jacob donna à son fils Joseph. »




« Là était le puits de Jacob. » — S. AUG. (Traité 15.) C’était un puits, or tout puits est une fontaine (ou une source), mais toute fontaine n’est pas un puits. L’eau qui jaillit des entrailles de la terre et satisfait aux besoins de ceux qui viennent y puiser, s’appelle une source ; si elle jaillit à la surface de la terre et qu’elle soit comme sous la main, ce n’est qu’une source, mais si l’eau est à une grande profondeur dans l’intérieur de la terre, c’est à la fois un puits et une source. — THEOPHYL. Mais pourquoi l’Evangéliste fait-il mention de cette fontaine et de cet héritage ? Premièrement, pour que tous n’éprouviez aucune surprise lorsque vous entendrez dire à cette femme car c’est leur père Jacob qui leur a donné ce puits ; secondement, pour vous apprendre par le souvenir de ce puits et de cet héritage que les Juifs ont perdu par leur impiété, ce que les patriarches avaient reçu comme récompense de la foi qu’ils avaient en Dieu, et que ces lieux avaient été livrés aux nations idolâtres ; il n’y a donc rien de nouveau ni d’étonnant à ce que le royaume des cieux passe encore des Juifs aux Gentils.




S. Chrysostome : (hom 31.) Nôtre-Seigneur Jésus-Christ en se rendant dans la Samarie, ne fait usage d’aucune des commodités de la vie, il choisit ce qu’il y a de plus pénible, il ne se sert point de monture, et entreprend à pied un voyage si difficile qu’il en éprouve une grande fatigue ; ainsi nous apprend-il à renoncer à toutes les superfluités et à nous priver même de beaucoup de choses nécessaires : C’est ce que veut exprimer l’Evangéliste par ces paroles : « Jésus, fatigué de la route, s’assit sur le bord du puits. » — S. AUG. (Traité 15.) Il semble dire : Nous avons trouvé Jésus à la fois plein de force et de faiblesse ; plein de force, parce qu’il est le Verbe qui était au commencement ; plein de faiblesse, parce que le Verbe s’est fait chair. C’est donc Jésus faible parce qu’il l’a voulu, qui, fatigué de la route, s’assied sur les bords du puits. — S. Chrysostome : (hom. 31.) Ainsi, ce n’est ni sur un trône, ni sur des coussins qu’il est assis, mais simplement sur la terre, comme cela se rencontrait. Il s’assied et pour attendre ses disciples, et pour reposer et rafraîchir près de cette fontaine son corps fatigué de la route et des ardeurs du soleil : « Or, il était environ la sixième heure. » — THEOPHYL. L’Evangéliste prévient le reproche qu’on pourrait faire au Sauveur de venir dans la Samarie après avoir lui-même défendu à ses disciples d’y aller, en faisant remarquer que c’est pour se reposer de la fatigue du chemin que Jésus s’est assis dans cet endroit.




ALCUIN. Dans le sens mystique, le Seigneur quitte la Judée, (c’est-à-dire l’incrédulité de ceux qui ont refusé de le recevoir), il s’en va dans lu personne de ses apôtres en Galilée) figure de la rapidité du monde, et nous apprend ainsi à passer nous-mêmes des vices à la pratique des vertus. Ce champ, à mou avis, avait été laissé moins à Joseph qu’à Jésus-Christ dont il était la figure, et qu’adorent véritablement le soleil, la lune et les étoiles. Le Seigneur se rend dans ce champ, afin que les Samaritains qui revendiquaient pour eux l’héritage du patriarche Jacob pussent reconnaître le Christ qui est le légitime héritier du patriarche, et se convertir à lui. — S. AUG. (Traité 15.) Le chemin qu’il fait, c’est la chair qu’il a prise pour notre salut, car pour celui qui est partout, venir à nous, c’est se revêtir d’une chair visible. Il est fatigué de la route, c’est-à-dire fatigué des infirmités naturelles à la chair. Que signifie la sixième heure ? Le sixième âge du monde. Comptez en effet comme la première heure, le premier âge d’Adam jusqu’à Noé ; le second, de Noé à Abraham ; le troisième d’Abraham jusqu’à David : le quatrième, de David jusqu’à la transmigration de Babylone ; le cinquième, de la transmigration de Babylone jusqu’au baptême de Jean où commence le sixième âge.




S. AUG. (Liv. des 83 Quest., quest. 64.) C’est donc à la sixième heure du jour que Nôtre-Seigneur vint s’asseoir sur le bord du puits. Je vois dans ce puits une profondeur ténébreuse, je suis autorisé à y reconnaître les parties inférieures de ce monde, c’est-à-dire la terre sur laquelle le Seigneur Jésus est venu à la sixième heure, c’est-à-dire au sixième âge du genre humain qui représente la vieillesse de l’homme ancien dont nous devons nous dépouiller pour nous revêtir du nouveau. La sixième heure en effet représente la vieillesse ; la première, l’âge le plus tendre ; la seconde, l’enfance ; la troisième, l’adolescence ; la quatrième, la jeunesse ; la cinquième, l’âge mûr. Nôtre-Seigneur vient encore s’asseoir sur le bord de ce puits, vers la sixième heure, c’est-à-dire au milieu du jour, alors que le soleil commence à descendre vers le couchant, parce qu’en effet lorsque Jésus-Christ nous appelle à lui, nous sentons le goût des biens visibles s’affaiblir en nous pour faire place à l’amour des choses invisibles et les yeux de notre âme se tourner vers cette lumière intérieure qui ne se couche jamais. Nôtre-Seigneur est assis, ce qui peut figurer son humilité, ou bien comme les docteurs ont coutume d’être assis, pour nous rappeler qu’il est notre véritable maître.

Versets 7-12.



S. Chrysostome : (hom. 31.) Comme le Sauveur paraissait aller contre le commandement qu’il avait fait en parlant aux Samaritains, l’Evangéliste nous donne plusieurs raisons de la conversation qu’il eut avec cette femme. D’abord il n’était point venu dans le dessein premier de s’entretenir avec des Samaritains. Mais fallait-il pour cela repousser cette femme qui venait à lui, comme le remarque l’Evangéliste : « Or, une femme de Samarie vint puiser de l’eau ? » Vous voyez que cette femme vient puiser de l’eau à cause de la chaleur.




S. AUG. (Traité 15.) Cette femme est la figure de l’Église qui n’est pas encore justifiée, mais qui n’est pas loin de la justification. C’est comme symbole de ce qui doit arriver, qu’elle vient du milieu des étrangers. Car les Samaritains étaient des étrangers pour les Juifs quoique habitant une contrée voisine. Or, l’Église aussi devait venir du milieu des nations et d’une race étrangère à celle des Juifs.




THEOPHYL. La discussion avec cette femme commence très à-propos à l’occasion de la soif qu’éprouvait le Sauveur : « Jésus lui dit : Donnez-moi a boire. » Il avait soif en effet dans sa nature humaine par suite de la fatigue et de la chaleur. — S. AUG. (Quest. 83, quest. 64.) Jésus avait soif aussi de la foi de cette femme, car il a soif de la foi de tous les hommes pour lesquels il a répandu son sang. — S. Chrysostome : (hom. 31.) Nôtre-Seigneur non-seulement affronte courageusement les difficultés delà route, mais se montre plein d’indifférence pour la nourriture, car ses disciples ne portaient point de vivres avec eux, comme nous le voyons par la suite du récit : « Ses disciples étaient allés dans la ville acheter de quoi manger. » L’Evangéliste nous fait encore ressortir l’humilité de Jésus qui consentait à ce qu’on le laissât seul. Il aurait pu s’il avait voulu, ou en garder quelques-uns près de lui, ou a leur défaut, avoir d’autres serviteurs, il ne le voulut pas, pour apprendre à ses disciples à fouler aux pieds tout orgueil. On me dira, peut-être, quoi d’étonnant que les disciples fussent humbles eux qui n’étaient que de simples pécheurs et des fabricants de tentes ? Mais ne sont-ils pas devenus tout d’un coup plus dignes de vénération que tous les rois, eux les amis et les intimes du Seigneur de l’univers entier ? Ne voit-on pas en effet ceux qui sortent d’une condition obscure et qui sont élevés à quelque dignité, être plus accessibles à l’orgueil, et comme incapables de supporter le poids d’un si grand honneur ? Le Seigneur donc, en maintenant ses disciples dans les mêmes sentiments d’humilité, leur apprenait à se modérer en toutes choses. Or, cette femme trouve dans ces paroles du Sauveur : « Donnez-moi à boire, » une occasion tout naturel de lui faire cette question : « Comment vous qui êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi qui suis Samaritaine ? » Elle présuma qu’il était Juif à sa figure et à son langage. Mais voyez la circonspection de cette femme, car si Jésus devait se garder de tout commerce avec elle, elle n’avait point les mêmes raisons d’éviter tout rapport avec lui. L’Evangéliste en effet ne dit point que les Samaritains n’ont point de commerce avec les Juifs, mais que les Juifs n’ont point de commerce avec les Samaritains. Depuis le retour de la captivité, les Juifs étaient en garde contre les Samaritains et les regardaient comme des étrangers et des ennemis, car ils ne recevaient pas toutes les Ecritures, et n’admettaient que le livre de Moïse, sans tenir beaucoup de compte des prophètes. Ils prétendaient avoir part à la noblesse du peuple juif qui les avait en horreur à l’égal des autres nations infidèles. — S. AUG. (Traité 15.) Les Juifs n’auraient voulu à aucun prix se servir des vases qui étaient à l’usage des Samaritains ; aussi cette femme qui portait un vase pour puiser de l’eau, s’étonnait qu’un Juif lui demandât à boire, ce que ne faisaient jamais les Juifs. — S. Chrysostome : (hom. 31.) Mais comment Jésus peut-il lui demander à boire, malgré la défense de la loi ? Dira-t-on qu’il prévoyait bien qu’elle n’accéderait pas à sa demande ? C’était une raison de ne pas la faire. Disons donc qu’il lui demande à boire parce que le temps était venu où l’on pouvait sans se rendre coupable, laisser de côté de telles observances.




S. AUG. (Traité 15.) Celui qui lui demandait à boire avait soif de la foi de cette femme. Aussi « Jésus lui répondit : Si vous connaissiez le don de Dieu, » etc. — ORIG. (Traité 14 sur S. Jean.) C’est une vérité des mieux établies en effet que les grâces divines ne sont accordées qu’à ceux qui les désirent et les recherchent. Ainsi le Père fait un commandement au Sauveur de lui demander ce qu’il désire obtenir : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps 2) Nôtre-Seigneur lui-même nous en fait un précepte : « Demandez, et vous recevrez ; » (Mt 7, Lc 11) et voilà pourquoi il dit ici : « Peut-être lui en auriez-vous demandé, et il vous aurait donné une eau vive. » — S. AUG. (Liv. des 83 Quest. quest. 64.) Il cherche à lui faire comprendre que l’eau qu’il lui demandait n’était pas celle qu’elle entendait, mais qu’il avait soif de sa foi et qu’elle eût soif elle-même de l’Esprit saint qu’il désirait lui donner. Car cette eau vive, si nous la comprenons bien, c’est le don de Dieu, comme le Sauveur dit expressément : « Si vous connaissiez le don de Dieu. » — S. AUG. (Traité 15.) On donne ordinairement le nom d’eau vive à celle qui jaillit d’une source ; car pour l’eau de pluie qu’on recueille dans des fossés et dans des citernes, ce n’est point de l’eau vive. De même on ne peut appeler de l’eau vive l’eau qui vient d’une source, mais qu’on a recueillie dans un réservoir où ne coule pas la source d’où elle provient, et dont le cours se trouve interrompu de manière à séparer cette eau de la source qui l’a produite. —S. Chrysostome : (hom. 32.) L’Ecriture sainte donne à la grâce de l’Esprit saint tantôt le nom d’eau, tantôt le nom de feu, ce qui est une preuve que ces noms ne sont pas l’expression de la nature de cette personne divine, mais de son action. Le feu est l’emblème de l’efficacité et de la ferveur de la grâce pour effacer et détruire le péché, et l’eau est la figure de l’action purifiante de l’Esprit saint, et le rafraîchissement divin qu’il donne aux âmes qui le reçoivent. — THEOPHYL. Il appelle la grâce de l’Esprit saint une eau vive, rafraîchissante et active, car la grâce de l’Esprit saint dirige et conduit celui qui fait le bien et dispose dans son cœur les degrés, par lesquels il s’élève jusqu’à Dieu.




S. Chrysostome : (hom. 32.) Le Sauveur a déjà modifié l’opinion que cette femme avait d’abord de lui, en le regardant comme un homme ordinaire ; elle le traite avec plus d’égards, et lui donne le nom de Seigneur : « Cette femme lui dit : Seigneur, vous n’avez pas avec quoi puiser, et le puits est profond ; d’où auriez-vous donc de l’eau vive ? » — S. AUG. (Traité 15.) Vous voyez que la Samaritaine n’entendait par eau vive que celle qui était dans le puits, et qu’elle semble dire à Nôtre-Seigneur : Vous voulez me donner de l’eau vive, mais j’ai seule le vase nécessaire pour la puiser, et vous ne l’avez pas ; vous ne pouvez donc pas me donner cette eau vive, puisque vous n’avez pas de quoi la puiser. Peut-être me promettez-vous l’eau d’une autre source, mais êtes-vous plus puissant que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? » — S. Chrysostome : (hom. 31.) Voici le sens de ces paroles : « Vous ne pouvez pas dire que Jacob nous a donné ce puits, il est vrai, mais qu’il a fait usage d’un autre. Car lui aussi bien que ses enfants ont bu de cette eau, ce qu’ils n’eussent pas fait, s’ils avaient eu une source meilleure et plus pure. Vous ne pouvez donc prétendre avoir une fontaine meilleure que celle-ci, à moins que vous ne vous donniez comme un personnage plus grand que Jacob. Mais d’où ferez-vous venir cette eau que vous me promettez ? — THEOPHYL. Elle ajoute : « Et ses troupeaux, » pour montrer combien ces eaux étaient abondants, et comme si elle disait : Cette eau est si bonne, que Jacob en a bu ainsi que ses enfants ; et elle est si abondante, qu’elle a suffi pour abreuver les nombreux troupeaux du patriarche.




S. Chrysostome : (hom. 3l.) Voyez comme cette femme prétend ouvertement partager l’honneur de la nation juive. Les Samaritains, en effet, regardaient Abraham comme leur ancêtre, parce qu’il était chaldéen d’origine, et ils appelaient Jacob leur père, parce qu’il était le petit-fils d’Abraham. — Bède : Ou bien, elle appelle Jacob son père, parce qu’elle avait vécu sous la loi de Moïse, et que la nation possédait l’héritage que Jacob avait donné à son fils Joseph. — ORIG. (Traité 14 sur S. Jean.) Dans le sens mystique, le puits de Jacob, ce sont les maintes Ecritures, ceux qui sont versés dans la connaissance de ces saintes lettres, boivent comme Jacob et ses enfants ; les esprits simples et ignorants boivent comme les troupeaux du patriarche.




Versets13-18.



S. Chrysostome : (hom. 32.) A la question que lui fait cette femme : « Etes-vous plus grand que notre père Jacob ? » Jésus ne répond pas expressément : Oui, je suis plus puissant que lui, pour ne point paraître se glorifier lui-même, mais il le fait entendre en termes équivalents : « Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau, aura encore soif, mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura jamais soif. L’eau que je lui donnerai, deviendra en lui une fontaine d’eau jaillissante pour la vie éternelle. » C’est-à-dire Jacob vous paraît puissant et admirable, parce qu’il vous a donné l’eau de ce puits, que direz-vous donc si je vous donne une eau bien meilleure. Il ne déprécie pas l’eau de ce puits, il lui en indique simplement une d’une qualité bien supérieure ; il ne dit point que cette eau est vile et méprisable, mais il donne un fait qui est attesté par l’expérience, c’est que celui qui boira de cette eau aura encore soif. — S. AUG. (Traité 15.) Ce qui est très-vrai et de l’eau naturelle et de l’eau allégorique, dont elle est la figure. L’eau, dans le puits, signifie la volupté charnelle dans les profondeurs ténébreuses du siècle : c’est là que les hommes viennent la puiser avec l’urne de la convoitise, car c’est par la convoitise qu’on est poussé à la volupté. Mais lorsque l’homme s’est désaltéré dans les jouissances charnelles, sa soif sera-t-elle apaisée pour toujours ? Il est donc vrai que celui qui boira de cette eau aura encore soif. Mais s’il boit de l’eau que je donne, il n’aura jamais soif ; car comment ceux qui seront enivrés de l’abondance de la maison de Dieu (Ps 35), pourraient-ils encore éprouver le besoin de la soif ? Ce que le Sauveur promettait donc à cette femme, c’était l’effusion surabondante de l’Esprit saint qui devait rassasier son âme. — S. Chrysostome : (hom. 32.) Nôtre-Seigneur donne la raison des propriétés merveilleuses de cette eau qui doit étancher la soif à tout jamais : « Mais l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine d’eau vive qui rejaillira jusque dans la vie éternelle, » paroles qui équivalent à celles-ci : Celui qui aurait une source au dedans de lui-même, n’éprouverait jamais le besoin de la soif ; ainsi en sera-t-il de celui qui boira cette eau que je lui donnerai. — THEOPHYL. Car l’eau que je lui donnerai ira toujours en se multipliant ; les saints reçoivent, en effet, de la grâce, le principe et les semences des vertus, mais c’est à eux de les développer et de les faire croître par leurs travaux et par leurs efforts.




S. Chrysostome : (hom. 32.) Voyez comme Nôtre-Seigneur élève peu à peu cette femme jusqu’à la hauteur des vérités de la foi chrétienne. Elle a commencé par le regarder comme un juif transgresseur de sa loi. Lorsqu’elle l’entendit parler d’eau vive, elle prit ses paroles dans un sens matériel. Comprenant ensuite leur signification spirituelle, elle crut que cette eau pourrait étancher la soif pour toujours. Cependant elle ne savait pas encore quelle était cette eau, mais elle cherchait à le savoir, persuadée qu’elle était au-dessus des choses sensibles. Aussi écoutez ce qu’elle dit au Sauveur : « Cette femme lui dit : Donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif, et que je ne vienne plus ici puiser. » Et elle place ainsi Jésus bien au-dessus du patriarche Jacob, dont elle avait cependant une si haute opinion.




S. AUG. (Traité 15.) On peut dire aussi que la Samaritaine se conduisait encore par les inclinations de la chair, elle fut charmée de pouvoir échapper au besoin de la soif, et elle s’imaginait que c’était nue promesse toute matérielle que Nôtre-Seigneur lui avait faite. Dieu avait préservé pendant quarante jours son serviteur Elie de la faim et de la soif. (R 3, 19.) Puisqu’il pouvait en préserver pour quarante jours, ne pouvait-il pas affranchir pour toujours de la nécessité de boire ? Cette promesse sourit à cette femme, et elle prie le Sauveur de lui donner cette eau vive : « Seigneur, donnez-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif, et que je ne vienne plus ici puiser, » car son indigence l’obligeait à cette fatigue, que sa faiblesse lui faisait repousser. Plût à Dieu qu’elle eût entendu cette douce invitation : « Venez à moi, vous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai ! » (Mt 11) Jésus adressait ces paroles pour la délivrer de tout travail, mais elle ne les comprenait pas encore. Nôtre-Seigneur voulut enfin lui en donner l’intelligence : « Jésus lui dit : Allez, appelez votre mari et venez ici. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que c’est par l’intermédiaire de son mari qu’il voulait lui donner cette eau ? Voulait-il se servir de lui pour lui enseigner ce qu’elle ne comprenait pas suivant la recommandation de l’Apôtre : « Si les femmes veulent s’instruire de quelque chose, qu’elles le demandent à leurs maris dans la maison ? » Mais cela ne doit se faire que lorsqu’on n’a pas le Seigneur lui-même pour maître, car dès lors qu’il était présent, qu’était-il besoin du mari pour enseigner la femme ? Est-ce que le Sauveur employait l’intermédiaire d’un homme pour parler à Marie qui était assise à ses pieds ?




S. Chrysostome : (hom. 32.) Aux instances que fait la Samaritaine pour recevoir l’eau qui lui a été promise, Jésus répond : « Appelez votre mari, et comme pour lui faire comprendre qu’il voulait faire participer son mari à la même grâce. Mais cette femme désirait recevoir cette eau sans retard ; elle voulait d’ailleurs cacher la honte de sa vie à Jésus, en qui elle ne voyait qu’un homme : « La femme lui répondit : Je n’ai point de mari. » Le Sauveur profite de cet aveu pour lui découvrir le scandale de sa vie. Il lui rappelle tous ceux qu’elle a eus pour mari, et lui fait un reproche de celui qu’elle cherche en ce moment à dissimuler : « Jésus lui dit : Vous avez raison de dire : Je n’ai point de mari. » — S. AUG. (Traité 15.) Cette femme, en effet, n’avait point alors de mari, et vivait avec je ne sais quel homme dans une union illégitime et scandaleuse, Nôtre-Seigneur le lui rappelle avec une intention particulière et secrète en lui disant : « Vous avez eu cinq maris. »




ORIG. (Traité 13 sur S. Jean.) Examinez s’il ne serait pas possible dans le sens allégorique, de voir dans cette fontaine de Jacob l’ensemble des saintes Ecritures ; l’eau que donne Jésus, ce sont les mystères que contiennent les saintes Ecritures, et qu’il n’est pas donné à tout le monde d’approfondir ; car la lettre de l’Ecriture a été dictée par des hommes, mais ces mystères que l’œil de l’homme n’a point vus, que son oreille n’a point entendus, que le cœur de l’homme n’a point compris, peuvent être reproduits par les Ecritures ; or ils découlent de cette source qui rejaillit jusqu’à la vie éternelle, c’est-à-dire de l’Esprit saint qui est un esprit de sagesse, et sont révélés à ceux qui ne portent plus en eux-mêmes au cœur d’homme, et qui peuvent dire avec l’Apôtre : « Pour nous, nous avons l’esprit de Jésus-Christ. » (1 Co 2, 16.) Celui donc qui n’entre point dans la profondeur des paroles, peut bien goûter quelques instants de repos, mais pour retomber bientôt dans le doute. Celui, au contraire, qui boit de l’eau que Jésus lui donne, voit jaillir en lui la source de toutes les vérités qu’il cherche à connaître, et à mesure que l’eau s’élève, son âme s’envole à la suite de cette eau qui jaillit jusqu’à la vie éternelle. Cette femme voulait, sans recourir à l’eau de Jacob, parvenir à la vérite à la manière des anges, et par une voie supérieure à celle des hommes ; car les anges n’ont point besoin de l’eau de Jacob pour étancher leur soif, mais chacun d’eux a au dedans de lui une fontaine d’eau qui sort du Verbe et qui rejaillit jusqu’à la vie éternelle : « Cette femme lui dit donc : Seigneur, donnez-moi cette eau. » Or. ici-bas, il est impossible de recevoir l’eau qui est donnée par le Verbe. sans puiser à la fontaine de Jacob ; aussi lorsque la Samaritaine loi demande cette eau, Jésus semble lui dire qu’il ne peut lui en donner qu’en puisant à la fontaine de Jacob : or Jésus lui dit : Allez, appelez votre mari, et venez ici. » Si nous avons soif, nous ne devons d’abord chercher à nous rafraîchir qu’avec l’eau de la fontaine de Jacob ; car selon la doctrine de l’Apôtre : la loi est comme le mari de l’âme. (Rm 7) — S. AUG. (Liv. des 83 quest., quest. 64.) Dans ces cinq maris, il en est qui voient la figure des cinq livres qui ont été écrits par Moïse ; et ce que Notre-Seigneur ajoute : « Celui que vous avez maintenant n’est pas votre mari, » devrait s’entendre de lui-même. Tel serait donc le sens de ces paroles : « Vous avez d’abord été soumise aux cinq livres de Moïse, comme à cinq maris. Mais maintenant celui que vous avez (c’est-à-dire que vous entendez), n’est pas votre mari, parce que vous ne croyez pas encore en lui. Mais puisqu’elle ne croyait point encore en Jésus-Christ, et qu’elle était encore unie et soumise à ces cinq maris, c’est- à-dire à ces cinq livres, pourquoi le Sauveur lui dit-il : « Vous avez eu cinq maris, » comme si elle avait cessé de les avoir ? D’ailleurs, comment peut-on comprendre qu’il faille rompre avec ces cinq livres pour se soumettre à Jésus-Christ, alors que celui qui croit en Jésus-Christ, loin de renoncer à ces cinq livres, recherche et goûte bien plus vivement le sens spirituel de ces livres ? Il faut donc entendre ces paroles autrement. — S. AUG. (Traité 15.) Jésus, voyant que cette femme ne comprenait pas, et voulant l’amener à comprendre les enseignements qu’il lui adressait : « Appelez, lui dit-il, votre mari, » c’est-à-dire, faites que votre intelligence soit présente. Lorsqu’on effet, la vie est bien réglée, c’est la raison qui dirige ses opérations, la raison qui n’est point quelque chose en dehors de l’âme, mais qui est une des facultés de l’âme. Cette faculté de l’âme qu’on appelle la raison ou l’esprit, est éclairée par une lumière supérieure. Cette lumière s’entretenait avec cette femme, mais l’intelligence lui faisait défaut. Aussi le Sauveur semble lui dire : Je voudrais vous éclairer, et le sujet manque ; appelez donc votre mari, c’est-à-dire faites usage de l’intelligence qui doit vous enseigner, vous conduire ; mais tant qu’elle n’a pas appelé son mari, elle ne peut comprendre. Les cinq premiers hommes peuvent signifier les cinq sens du corps. Car avant que l’homme fasse usage de sa raison, il n’est conduit que par les sens du corps ; mais lorsque l’âme est devenue capable de raison, elle se laisse alors diriger ou par la vérité ou par l’erreur. Or, l’erreur est incapable de diriger, et ne peut qu’égarer. Après avoir obéi à ses cinq sens, cette femme était donc encore dans l’égarement ; l’erreur qu’elle suivait n’était pas son légitime mari, mais un adultère. C’est donc avec raison que le Sauveur lui dit : « Rompez avec cet adultère qui ne peut que vous corrompre, et appelez votre mari pour qu’il vous aide à me comprendre. »




ORIG. (Traité 13 sur S. Jean.) Mais où Jésus pouvait-il mieux convaincre la Samaritaine que l’homme avec qui elle vivait n’était pas son véritable époux, qu’auprès de la fontaine de Jacob ? Si la loi est le mari de l’âme, on peut dire aussi que la Samaritaine, obéissant à une fausse interprétation de la loi, suivait les rites idolâtriques des infidèles. Le Sauveur la rappelle donc au Verbe de vérité, qui devait ressusciter d’entre les morts, pour ne plus mourir.




Versets 19-24.



S. Chrysostome : (hom. 31.) Cette femme ne s’offense pas des reproches du Sauveur, elle ne songe pas à le quitter, mais pleine au contraire d’admiration, elle prolonge la conversation pour rester avec lui : « La femme lui dit : Seigneur, je vois que vous êtes un prophète, » c’est-à-dire, les secrets que vous venez de me révéler me prouvent que vous êtes un prophète. — S. AUG. (Traité 15.) Son mari commence à venir, mais il n’est pas encore tout à fait venu. Elle regarde le Seigneur comme un prophète, et il était prophète, en effet, car il a dit de lui-même : « Il n’y a point de prophète sans honneur, si ce n’est dans sa patrie. » — S. Chrysostome : (hom. 32.) Dans cette persuasion où elle est, elle ne lui demande aucun des biens de la terre, aucune des chose qui ont rapport à cette vie, elle ne se soucie ni de la santé, ni de l’opulence, ni des richesses, elle ne cherche qu’à s’instruire de la doctrine céleste. Elle, qui ne ressentait d’abord que les atteintes de la soif et n’était occupée que des moyens de la calmer, n’a plus qu’une pensée, celle de connaître la vérité. — S. AUG. Elle entame la discussion par le sujet qui la préoccupait le plus : « Nos pères, dit-elle, ont adoré sur cette montagne, et vous vous dites que Jérusalem est le lieu où il faut adorer. » C’était le grand sujet de dispute entre les Samaritains et les juifs. Les Juifs adoraient Dieu dans le temple bâti par Salomon, et se vantaient par là même d’être supérieurs aux Samaritains. Ceux-ci leur répondaient : Pourquoi vous vanter d’être en possession d’un temple que nous, Samaritains, nous n’avons pas ? Est-ce que nos pères qui, certes, ont été agréables à Dieu, l’ont adoré dans ce temple ? Nous sommes donc bien plus en droit de prier Dieu sur cette montagne où nos pères lui ont offert leurs adorations. — S. Chrysostome : (hom. 32.) Ces aieux dont elle invoque l’exemple, c’est Abraham et les patriarches. C’est là, en effet, suivant la tradition, qu’Abraham offrit à Dieu son Fils Isaac. — ORIG. On peut dire encore que les Samaritains regardant comme sainte la montagne de Garizim, près de laquelle Jacob habita, croyaient devoir y offrir à Dieu leurs adorations. Les Juifs, au contraire, pour qui la montagne de Sion était sacrée, la regardaient comme le lieu exclusivement choisi de Dieu pour y recevoir les prières des hommes. Or, comme les Juifs, de qui vient le salut, sont figure de ceux qui n’admettent que la saine doctrine, tandis que les Samaritains sont l’image de ceux qui se livrent à tous les caprices si divers de l’erreur, le mot Garizim, qui veut dire distinction ou division, représente les Samaritains, comme la montagne de Sion, qui signifie lieu d’observation, représente les Juifs.




S. Chrysostome : (hom. 32 et 33.) Jésus ne résout pas aussitôt la question qui lui est proposée, mais il élève cette femme à de plus hautes considérations, ce qu’il ne fait cependant que lorsqu’elle eut reconnu qu’il était prophète, afin qu’elle ajoutât une foi entière à ce qu’il allait lui révéler : « Jésus lui dit : Femme, croyez-moi, » etc. Il lui dit : « Croyez-moi, » parce qu’en toute circonstance la foi nous est nécessaire comme la mère de tous les biens, comme l’unique moyen d’arriver au salut, et sans lequel nous ne pouvons avoir la connaissance des grandes vérités du salut. Ceux qui ne s’appuient que sur leurs propres raisonnements, sont semblables à ceux qui essaieraient de traverser la mer sans navire, ils pourront peut-être nager un instant, mais à peine se seront-ils avancés en pleine mer qu’ils seront submergés dans les flots. — S. AUG. (Traité 15.) Le mari de cette femme est présent, le Sauveur peut donc lui dire : « Croyez-moi. » Vous avez on vous celui qui doit croire, vous êtes ici présente par votre intelligence, mais si vous ne croyez point, vous ne comprendrez point. — ALCUIN. Ces paroles : « L’heure vient, » signifient le temps de la doctrine évangélique qui était proche, et où toutes les figure ? devaient disparaître pour céder la place à la vérité qui devait répandre ses plus pures lumières dans l’âme de ceux qui devaient embrasser la foi.




S. Chrysostome : (hom. 33 sur S. Jean.) Il était utile que Notre-Seigneur expliquât la raison pour laquelle les patriarches avaient adorer Dieu sur la montagne de Garizim, tandis que les Juifs l’adoraient à Jérusalem ; il n’en dit donc rien, il se contente de lui dire que le culte rendu à Dieu par les Juifs était préférable, non à cause du lieu où ils l’adoraient, mais à cause de l’esprit qui les guidait : « Vous adorez, vous, ce que vous ne connaissez pas, pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. » — ORIG. (Traité 14 sur S. Jean.) Ce mot « vous, » littéralement, désigne les Samaritains ; dans le sens allégorique, il s’applique à ceux qui interprètent les Ecritures dans un sens contraire à celui de l’Église, ou dont la doctrine est tout autre et par-là même erronée. De même le pronom « nous, » dans le sens littéral, désigne les Juifs, et dans le sens allégorique, le Verbe divin, aussi bien que ceux qui ont avec lui une bienheureuse conformité et qui parviennent au salut par les Ecritures qui sont entre les mains des Juifs. — S. Chrysostome : (hom. 33.) Les Samaritains, en effet, adoraient ce qu’ils ne savaient pas, parce qu’ils faisaient de Dieu un être limité par les lieux et comme divisé par parties. Dans leur pensée, il n’était donc point supérieur aux idoles, et c’est pour cela qu’ils mêlaient le culte de la divinité avec celui des démons. Les Juifs, au contraire, étaient affranchis de ces erreurs et connaissaient le seul vrai Dieu de l’univers, comme le déclare Nôtre-Seigneur : « Nous adorons ce que nous savons. » Il se met lui-même au nombre des Juifs pour répondre à l’opinion de cette femme qui le considérait comme un prophète des Juifs, et c’est pour cela qu’il dit : « Nous adorons, » bien qu’il soit évidemment celui qui reçoit les adorations de tous les hommes. Les paroles qui suivent : « Parce que le salut vient des Juifs, » ne signifient autre chose que ce sont les Juifs qui ont conservé dans toute leur pureté toutes les doctrines du salut qui se répandirent ensuite dans tout l’univers comme la connaissance de Dieu, l’horreur pour les idoles et les autres vérités dogmatiques ; notre culte même tire son origine de celui des Juifs. Nôtre-Seigneur appelle sa présence dans le monde le salut, et il dit que ce salut vient des Juifs, selon ces paroles de l’Apôtre : « Eux de qui est sorti selon la chair Jésus-Christ. » (Rm 9) Voyez comme il confirme l’autorité de l’Ancien Testament, qu’il présente comme la source de tous les biens en même temps qu’il démontre qu’il n’est point opposé à la loi. — S. AUG. (Traité 15.) Nôtre-Seigneur accorde beaucoup aux Juifs, en déclarant en leur nom : « Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons. » Ce n’est pas toutefois au nom des Juifs infidèles et réprouvés qu’il parle de la sorte, mais au nom de ceux qui ressemblèrent aux Apôtres, aux prophètes et à tous les saints, qui déposaient le prix de leurs biens aux pieds des Apôtres. (Ac 4)




S. Chrysostome : (hom. 33.) Les Juifs vous sont donc supérieurs, ô femme, dans le culte qu’ils rendent à Dieu, mais ce culte lui-même touche à sa fin : « Car vient l’heure, (et elle est déjà venue) où les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité. » Les oracles des prophètes avaient pour objet des événements éloignés, c’est pour cela que Nôtre-Seigneur dit : « Et elle est déjà venue, » pour ne point laisser croire que cette prophétie ne doit s’accomplir que longtemps après. Le fait, dit-il, est proche, et va bientôt se réaliser. Il se sert de cette expression : « Les vrais adorateurs, » pour les distinguer des faux adorateurs, qui ne cherchent dans la prière que les biens terrestres et périssables, ou dont la conduite est en opposition directe avec l’objet de leurs prières. — S. AUG. (hom. 33.) Ou bien par les vrais adorateurs, il veut exclure à la fois les Juifs et les Samaritains, car bien que les Juifs fussent préférables aux Samaritains, cependant ils étaient bien inférieurs à ceux qui devaient leur succéder, et autant que la figure l’est à la vérité : « Les vrais adorateurs sont donc ceux qui ne cherchent point à circonscrire le culte de Dieu dans un seul lieu et qui l’adorent en esprit, à l’exemple de saint Paul, qui disait de lui-même : « Dieu, que je sers en esprit. » — ORIG. (Traité 14.) Nôtre-Seigneur répète deux fois : « L’heure vient. » La première fois, sans ajouter : « La voici, elle est venue ; » la seconde fois, en ajoutant : « Et elle est venue. » Je crois que la première fois, Nôtre-Seigneur veut exprimer l’adoration parfaite de l’âme affranchie du corps dans l’autre vie, et que la seconde fois il veut parler de celle que nous rendons à Dieu dans la vie présente avec toute la perfection possible à la nature humaine. Lors donc que sera venue la première heure prédite par le Sauveur, il nous faudra éviter la montagne des Samaritains et adorer Dieu dans Sion où est Jérusalem, qui est appelée par Jésus-Christ la cité du grand roi. C’est l’Église où l’oblation sainte et les victimes spirituelles sont offertes en présence de Dieu par ceux qui ont l’intelligence de la loi spirituelle. Mais lorsque l’ordre des siècles sera révolu, il ne faudra plus songer à rendre le vrai culte à Dieu dans Jérusalem, c’est-à-dire, dans l’Église de la terre, car les anges n’adorent pus Dieu dans Jérusalem ; ainsi ceux dont les Juifs n’étaient que la figure, adorent le Père d’une manière bien supérieure à ceux qui habitent Jérusalem. Lorsque cette heure sera venue, chaque fidèle deviendra le fils du Père. C’est pour cela que Nôtre-Seigneur ne dit pas : Vous adorerez Dieu, mais : « Vous adorerez le Père. » Dans la vie présente, les vrais adorateurs adorent Dieu en esprit et en vérité. — S. Chrysostome : (hom. 33.) Le Sauveur veut parler ici de l’Église, où l’on offre à Dieu l’adoration véritable et la seule digne de lui. C’est pour cela qu’il ajoute : « Car ce sont là les adorateurs que cherche le Père. » Il avait toujours cherché de tels adorateurs, cependant il les laissa s’attacher à leurs anciens rites et à leurs cérémonies figuratives, par condescendance et pour les amener ainsi à la vérité.




ORIG. (Traité 14.) Si le Père cherche de tels adorateurs, c’est par Jésus-Christ qui est venu chercher et sauver ceux qui avaient péri (Lc 19), et c’est par ses divins enseignements qu’il en a fait de véritables adorateurs. Le Sauveur ajoute : « Dieu est esprit d probablement parce qu’il nous conduit à la véritable vie, et que le principe de la vin du corps elle-même vient de l’esprit. — S. Chrysostome : (hom. 33.) Ou bien il veut nous apprendre que Dieu est incorporel, et que le culte que nous lui rendons doit l’être également, c’est-à-dire que nous devons lui offrir l’hommage spirituel d’un cœur pur. C’est pour cela qu’il ajoute : « Et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. » Les Samaritains se souciaient peu de leur âme, et au contraire s’occupaient beaucoup du corps pour lequel ils épuisaient tous les modes de purification. Nôtre-Seigneur enseigne donc à cette Samaritaine que en n’est point par les purifications du corps, mais par la pureté de ce qui est incorporel en nous, c’est-à-dire l’esprit, que nous pouvons rendre au Dieu incorporel un culte digne de lui. — S. HIL. (De la Trin., 3.) Ou bien encore, lorsque Notre-Seigneur enseigne que Dieu qui est esprit doit être adoré en esprit, il nous fait connaître la liberté et la science de ses vrais adorateurs, et l’infinité de leurs adorations, selon ces paroles de l’Apôtre : « Là où est l’esprit de Dieu, là est la liberté. » (2 Co 3, 17.) — S. Chrysostome : (hom. 33.) Il faut adorer dans la vérité, parce que les rites et les cérémonies de l’ancienne loi n’étaient que des figures, par exemple, la circoncision, les holocaustes et les ablations de l’encens ; maintenant au contraire tout est vérité. — THEOPHYL. Ou bien encore il ajoute : « Et en vérité » parce qu’il en est beaucoup comme les hérétiques qui s’imaginent adorer Dieu en esprit, tout en se formant de fausses idées de sa divinité. Peut-être même pourrait-on dire que Nôtre-Seigneur a voulu désigner ici les deux parties de la sagesse chrétienne considérées subjectivement ; c’est-à-dire l’action et la contemplation ; l’esprit exprime la vie active selon les paroles de l’Apôtre : « Ceux qui sont poussés par l’esprit de Dieu sont les enfants de Dieu. » (Rm 8, 14.) La vérité est comme l’emblème de la vie contemplative. Ou bien enfin, aux Samaritains qui professaient cette erreur que Dieu était renfermé dans un lieu, et que c’était dans ce lieu qu’il fallait adorer Dieu, Jésus déclare que les vrais adorateurs adoreront en esprit, et non plus en circonscrivant leurs hommages dans un seul lieu ; et aux Juifs pour qui tout était ombre et figure, il enseigne que les vrais adorateurs n’adoreront plus en figure, mais en vérité. Dieu est esprit, il cherche donc des adorateurs spirituels ; il est vérité, il cherche des adorateurs véritables. — S. AUG. (Traité 15.) Vous cherchiez peut-être une montagne pour prier, vous espériez être plus près de Dieu, mais celui qui habite les hauteurs des cieux s’abaisse jusqu’aux humbles ; il vous faut donc descendre pour monter. Ce sont les degrés que le chrétien fidèle dispose dans son cœur dans cette vallée de larmes (Ps 82), qui sont la figure de l’humilité. Vous voulez prier dans un temple, priez en vous-même, mais commencez par devenir le temple de Dieu ?

Versets 25-26.



S. Chrysostome : (hom 33.) Cette femme comme fatiguée par la hauteur de ces sublimes enseignements, reste dans la surprise et dans l’étonnement. Elle lui dit donc : « Je sais que le Messie est sur le point de venir, » etc. — S. AUG. (Traité 15.) Le mot grec Christ qui veut dire en latin oint signifie en hébreu Messie. La Samaritaine savait donc déjà que c’était au Messie de l’instruire, mais elle ne connaissait pas encore que le Messie était précisément celui qui dans ce moment l’instruisait sur ce grave sujet. Voilà pourquoi elle ajouta : « Lors donc qu’il sera venu, il nous instruira de toutes choses. » Elle semble dire : Les Juifs disputent dans l’intérêt de leur temple, et nous en faveur de cette montagne, lorsque le Messie viendra, il rejettera cette montagne, il renversera le temple et nous enseignera comment il faut adorer Dieu en esprit et en vérité.




S. Chrysostome : (hom. 33.) Mais comment les Samaritains pouvaient-ils attendre l’avènement du Christ ? Ils admettaient la loi de Moïse, et c’était dans les écrits de Moïse qu’ils avaient puisé cette espérance. Jacob en effet avait prophétisé l’avènement du Christ en ces termes : Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu. » (Gn 49, 10.) Moïse lui-même n’avait-il pas dit : « Dieu vous suscitera un prophète du milieu de vos frères ? » (Dt 18) — ORIG. Il ne faut pas oublier que de même que Jésus a paru au milieu des Juifs, non-seulement en déclarant mais en prouvant qu’il était le Christ, ainsi on vit aussi paraître parmi les Samaritains un certain Dosithée qui prétendait être le Christ prédit par les prophètes. — S. AUG. (Liv. des 83 Quest., quest. 64.) Peut-être est-ce pour confirmer l’explication allégorique qui fait voir les cinq sens du corps dans les cinq maris de cette femme, qu’après les cinq premières réponses qui sont encore charnelles dans leur objet, elle nomme le Christ à la sixième.




S. Chrysostome : (hom. 33.) Nôtre-Seigneur ne tarde pas davantage à se révéler à cette femme : « Jésus lui dit : Je le suis, moi qui vous parle. » S’il s’était fait connaître dès le commencement, il eût paru céder à un sentiment de vanité, au contraire, après qu’il a réveillé insensiblement dans l’esprit de cette femme le souvenir du Christ, cette révélation est on ne peut plus opportune. Les Juifs demandèrent un jour au Sauveur : « Si vous êtes le Christ, dites-le nous franchement. » (Jn 10) Mais il ne leur répondit que d’une manière obscure et mystérieuse, parce qu’ils lui faisaient cette demande, non dans le désir de s’instruire et pour croire en lui, mais pour le calomnier, tandis que cette femme parlait dans toute la simplicité de son cœur.




Versets 27-30.



S. Chrysostome : (hom. 33.) Les disciples de Jésus arrivèrent justement fort à propos, lorsque cet entretien venait de se terminer : « En même temps, ses disciples arrivèrent, et ils s’étonnaient, » etc. Ils admiraient la douceur et l’excessive bonté du Sauveur, qui si grand qu’il était, daignait s’abaisser jusqu’à s’entretenir si familièrement avec une pauvre femme et une Samaritaine. — S. AUG. (Traité 15.) Ils admiraient la bonté du Sauveur, et se gardaient bien de soupçonner le moindre mal. — S. Chrysostome : (hom. 33.) Cependant, malgré leur étonnement, ils ne lui demandent point la raison de cet entretien. « Néanmoins aucun ne dit : Que lui demandez-vous ? ou : Pourquoi parlez-vous avec elle ? » Ils étaient habitués à garder la sage réserve qui convient à des disciples pleins d’une crainte respectueuse pour leur maître. Dans d’autres circonstances, ils l’interrogent avec liberté sur des choses qu’il leur importait de savoir, tandis qu’il n’y avait rien pour eux de personnel dans cet entretien.




ORIG. (Traité 15 sur S. Jean.) Nôtre-Seigneur se sert de cette femme comme d’un apôtre pour évangéliser ses concitoyens, il l’a tellement enflammée par ses paroles du feu sacré du zèle, qu’elle laisse là son urne pour retourner à la ville et raconter tout à ses concitoyens : « La femme alors, laissant là sa cruche, s’en alla dans la ville. » Elle oublie et les soins du corps, et la bassesse apparente de l’office qu’elle remplissait, elle ne voit que l’utilité du plus grand nombre. Ainsi devons-nous oublier et sacrifier nos intérêts corporels, pour nous efforcer de communiquer aux autres les biens que nous avons reçus. — S. AUG. (Traité 15.) Le mot grec ύδρίχ vient de ΰδωρ, qui veut dire eau, et signifie un vase destiné à porter de l’eau. — S. Chrysostome : (hom. 34) A l’exemple des apôtres qui avaient quitté leurs filets, cette femme laisse là son urne et remplit l’office d’un évangéliste, et ce n’est pas une seule personne, mais une ville tout entière qu’elle appelle à la connaissance de la vérité : « Elle alla dans la ville, et dit aux habitants : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’avais fait. » — ORIG. Elle les rappelle à venir voir un homme dont la parole était supérieure à la parole de l’homme. Ce qu’elle avait fait, c’était d’abord d’avoir eu cinq maris, et de vivre ensuite avec un sixième dans un commerce illégitime ; mais elle se sépare de cet homme pour s’attacher à un septième, et au moment où elle laisse son urne, elle a déjà recouvré la pudeur. S. Chrysostome : (hom. 34.) Elle n’a point de honte de révéler les désordres de sa vie, car lorsque l’âme est enflammée de l’amour divin, aucune des choses de la terre ne l’arrête plus, elle n’est sensible ni à la gloire, ni à la honte, elle obéit uniquement à la flamme qui la dévore. Cette femme ne prétend pas qu’on la croie sur parole, et elle demande à ses concitoyens de venir se convaincre de leurs yeux et de leurs oreilles de la vérité de la doctrine du Christ. Aussi ne leur dit-elle pas : Venez et croyez, mais : « Venez et voyez, » ce qui était moins décisif ; car elle était persuadée que s’ils approchaient seulement leurs lèvres de cette source divine, ils éprouveraient aussitôt ce qu’elle avait éprouvé elle-même.




ALCUIN. Remarquez qu’elle n’en vient que par degrés à leur annoncer le Christ ; elle ne leur en parle d’abord que comme d’un homme dans la crainte que le nom de Christ ne vînt à les irriter et à les empêcher de venir. — S. Chrysostome : (hom. 34.) Voilà pourquoi elle ne dit point d’un ton affirmatif : Cet homme ne peut-être que le Christ ; elle ne s’en tait pas non plus absolument, mais elle dit d’un ton dubitatif « Cet homme ne serait-il pas le Christ ? » Aussi se rendent-ils à son témoignage : « Ils sortirent donc de la ville et vinrent à lui. »




S. AUG. (Liv. des 83 Quest., quest. 64.) Il ne faut point passer légèrement sur cette circonstance que la Samaritaine abandonne sa cruche. Cette cruche signifie la convoitise avec laquelle l’homme puise la volupté charnelle des profondeurs ténébreuses du cœur, comme d’un puits obscur, c’est-à-dire de la vie de la terre et des sens. Mais dès lors qu’elle croit en Jésus-Christ, elle doit renoncer au monde, et en laissant son urne, montrer qu’elle renonce à la convoitise du monde. — S. AUG. (Traité 15.) Elle s’est dépouillée de sa convoitise pour être plus libre d’annoncer et de prêcher la vérité, et apprend ainsi à tous ceux qui veulent annoncer l’Evangile à laisser d’abord près du puits l’urne de la convoitise. — ORIG. Aussitôt qu’elle a ouvert son cœur à la véritable sagesse, elle fait peu de cas de tout ce qu’elle aimait auparavant et se hâte de s’en dépouiller.




Versets 31-34.



S. AUG. (Traité 15.) Les disciples avaient été acheter des provisions, et ils étaient revenus. Cependant ses disciples le pressaient en disant : « Maître, mangez, » — S. Chrysostome : (hom. 34.) Ils le voyaient fatigué tout à la fois de la route et de la chaleur, et ils le pressent simplement et familièrement de manger, ce n’était point témérité de leur part, mais une preuve de leur affection pour leur maître. — ORIG. Ils désirent qu’il profite pour manger du temps qui devait s’écouler entre le départ de cette femme et l’arrivée des Samaritains, car ils n’avaient pas l’habitude de lui servir sa nourriture devant des étrangers, c’est pour cela que l’Evangéliste dit expressément : « Pendant ce temps-là. »




THEOPHYL. Le Seigneur qui savait que la Samaritaine allait lui amener tous les habitants de la ville, voulut l’apprendre à ses disciples : « Mais il leur dit : J’ai une nourriture à manger que vous ne connaissez pas. » — S. Chrysostome : (hom 34.) Il parle ici du salut des hommes comme d’une nourriture pour nous faire comprendre le grand désir qu’il a de notre salut. Il le désire aussi vivement qu’il nous est naturel de désirer la nourriture. Mais remarquez qu’il ne révèle pas aussitôt cette vérité, il fait naître le doute dans l’esprit de ses auditeurs, pour qu’ils embrassent avec plus d’ardeur la vérité qui a été de leur part l’objet de sérieuses recherches. — THEOPHYL. Il dit : « Que vous ne connaissez pas, » c’est-à-dire vous ne savez pas que le salut des hommes est pour moi une véritable nourriture, ou vous ne savez pas que les Samaritains doivent embrasser la foi et être sauvés. Les disciples étaient encore dans le doute sur le véritable sens de ces paroles : « Et les disciples se disaient l’un à l’autre : Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » — S. AUG. (Traité 15.) Quoi d’étonnant que cette femme n’ait pas compris la nature de l’eau que Jésus voulait lui donner, alors que ses disciples eux-mêmes ne comprennent pas quelle est cette nourriture dont il leur veut parler ? — S. Chrysostome : (hom. 34.) Ils donnent ici une preuve de leur respect habituel pour leur maître, ils se font cette demande entre eux, mais ils n’osent l’interroger lui-même. — THEOPHYL. De ces paroles : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » nous concluons légitimement que Nôtre-Seigneur avait coutume de recevoir les aliments qu’on lui offrait, non sans doute qu’il eût besoin du secours d’autrui, lui qui donne la nourriture à toute chair (Ps 146), mais pour donner à ceux qui lui faisaient cette offrande l’occasion d’une action méritoire. Il nous apprenait en même temps à ne point rougir de la pauvreté, comme aussi à ne point regarder comme une humiliation d’être nourri par les autres, car c’est une nécessité inhérente à la condition des docteurs de se décharger sur les autres du soin de pourvoir à leur nourriture pour s’occuper exclusivement du ministère de la parole.




S. AUG. (Traité 15.) Le Seigneur entendit pour ainsi dire les pensée de ses disciples, et il les instruit en maître directement et ouvertement sans prendre de circuits comme il l’avait fait avec la Samaritaine : « Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » — ORIG. La nourriture qui convient au Fils de Dieu c’est d’accomplir la volonté de son Père, en se proposant pour règle de ses actions les décrets de cette volonté divine. Or, le Fils de Dieu peut seul accomplir dans sa perfection la volonté du Père. Les autres saints conforment toutes leurs actions à cette volonté, mais celui-là seul l’accomplit dans toute sa perfection qui a dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » C’est la nourriture qui lui est exclusivement propre. Mais quelle est la volonté du Père ? C’est, ajoute Nôtre-Seigneur, d’accomplir son œuvre. En effet, pour parler simplement, dans un ouvrage quelconque, l’œuvre qui est commandée est lu fait de celui qui commande, c’est ainsi que nous disons de ceux qui construisent une maison ou creusent la terre, qu’ils exécutent l’œuvre de celui qui les a pris à son service. Mais si l’œuvre de Dieu est parfaitement accomplie par Jésus-Christ, elle était donc imparfaite auparavant, et comment admettre l’imperfection dans l’œuvre de Dieu ? L’accomplissement parfait de cette œuvre, c’était le perfectionnement de la créature raisonnable, et c’est pour donner toute sa perfection à cette œuvre imparfaite que le Verbe s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous. Nous disons donc que l’homme avait été créé dans un certain état de perfection, il en est déchu par sa faute, et le Seigneur a été envoyé d’abord pour accomplir la volonté de celui qui l’avait envoyé, et en second lieu, pour consommer l’œuvre de Dieu, afin que tout chrétien puisse parvenir à la perfection nécessaire pour participer à une nourriture plus solide. — THEOPHYL. Le Fils de Dieu donne encore à l’œuvre de Dieu, c’est-à-dire à l’homme, toute sa perfection en montrant en lui-même notre nature pure de tout péché, parfaite dans toutes ses actions et affranchie de la corruption. Il accomplit aussi dans sa perfection l’œuvre de Dieu, c’est-à-dire la loi, parce que Jésus-Christ est la fin de la loi (Rm 10) ; il fait cesser le règne de la loi, en accomplissant toutes les figures qu’elle contenait, et en substituant aux cérémonies extérieures de la loi un culte vraiment spirituel.




ORIG. Dans le sens mystique, après l’entretien que le Sauveur venait d’avoir sur la boisson de l’âme, et ses divins enseignements sur l’eau toute spirituelle qu’il devait lui donner, il était naturel de parler de la nourriture. La Samaritaine à qui Nôtre-Seigneur demandait à boire, ne pouvait lui offrir une boisson digne de lui ; les disciples qui n’avaient trouvé chez ces étrangers que des aliments bien ordinaires, les présentent à Jésus en le pressant de manger. Ne pourrait-on pas dire que les disciples craignent que le Verbe de Dieu n’étant point suffisamment soutenu par la nourriture qui lui est propre ne vienne à tomber en défaillance. Ils proposent donc au Verbe de se nourrir de tous les aliments qu’ils trouvent et qu’ils lui présentent, espérant ainsi le conserver au milieu d’eux en lui donnant la nourriture qui doit il soutenir et le fortifier. Mais les corps qui ne peuvent se soutenir que par la nourriture n’ont pas tous besoin des mêmes aliments, ni de la même quantité d’aliments, il en est de même dans les choses spirituelles. Parmi les âmes, il en est qui demandent une nourriture plus abondante, d’autres ont besoin d’une quantité beaucoup moins considérable, parce que leur capacité est différente, et qu’elles n’ont, pour ainsi parler, ni les mêmes proportions, ni la même mesure. Il faut dire la même chose des discours et des pensées de haute perfection qui ne peuvent convenir indifféremment à toutes les âmes ; les enfants nouvellement nés désirent le lait spirituel et pur qui doit les faire croître pour le salut. (1 P 2) Mais ceux qui sont parfaits demandent une nourriture plus solide. (He 5) Nôtre-Seigneur exprime donc une vérité certaine en disant : « J’ai une nourriture à manger, que vous ne connaissez pas, » et tout homme qui se trouve placé au-dessus des infirmes et qui ne peuvent se nourrir des mêmes considérations que les âmes fortes, peut s’appliquer ces mêmes paroles.




Versets 35-38.



S. Chrysostome : (hom. 34.) Nôtre-Seigneur explique à ses disciples quelle est cette volonté du Père dont il vient de parler : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson sera venue. » — THEOPHYL. C’est-à-dire la moisson matérielle. Mais moi, je vous dis que le temps de la moisson spirituelle est venu. Il parlait ainsi à la vue des Samaritains qui venaient à lui ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Levez les yeux et voyez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. » — S. Chrysostome : (hom. 34.) Il se sert des choses les plus ordinaires pour les élever à la considération des vérités les plus sublimes ; les champs et la moisson sont ici la figure des âmes qui sont prêtes à recevoir la parole de la prédication. Les yeux sont ici tout à la fois les yeux du corps et de l’âme, car les disciples voyaient en effet les Samaritains qui accouraient en foule. La comparaison qu’il fait des dispositions de ces hommes avec les champs qui blanchissent, est des plus justes, car de même que les épis blanchis n’attendent plus que la faux du moissonneur, ainsi ces hommes sont prêts à recevoir le salut. Mais pourquoi Jésus ne dit-il pas clairement et sans figure qu’ils sont disposés à recevoir la prédication de l’Evangile ? Pour deux raisons : premièrement, pour rendre cette vérité plus saillante en la plaçant pour ainsi dire sous les yeux ; secondement, pour donner plus de charme à son récit et en rendre le souvenir plus durable.




S. AUG. (Traité 15.) Le Sauveur brûlait du désir d’accomplir son œuvre ; et avait hâte d’envoyer des ouvriers recueillir cette moisson. C’est pour cela qu’il ajoute : « Celui qui moissonne, reçoit sa récompense, et recueille le fruit pour la vie éternelle, et ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui moissonne. » — S. Chrysostome : (hom. 34.) Nôtre-Seigneur établit ici clairement la distinction qui sépare les choses de la terre des biens du ciel ; il avait dit précédemment de l’eau qu’il voulait donner : « Celui qui boit cette eau, n’aura plus soif, » et ici : « Celui qui moissonne reçoit sa récompense et recueille le fruit pour la vie éternelle, » et encore : « Et ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui moissonne. » Les prophètes ont répandu la semence, mais ce sont les apôtres qui ont moissonné, comme il va bientôt le dire : « L’un sème et l’autre moissonne. » Il ne faut pas croire cependant que les prophètes qui ont semé n’aient point de part à la récompense ; c’est pour éloigner cette idée que Nôtre-Seigneur donne une raison qui n’a point son application dans les choses sensibles. Dans le cours ordinaire de la vie, s’il arrive que l’un sème et que l’autre moissonne, la joie n’est pas égale pour tous deux. Ceux qui ont semé s’attristent d’avoir travaillé pour les autres, et ceux qui moissonnent sont les seuls à se réjouir. Il n’en est pas de même ici, ceux qui ont semé ne moissonnent pas, et cependant ils partagent la joie de ceux qui moissonnent, et reçoivent la même récompense. — S. AUG. (Traité 15.) Les Apôtres et les prophètes ont travaillé à des époques bien différentes, mais ils auront part à la même joie, et recevront tous pour récompense la vie éternelle.




S. Chrysostome : (hom. 34.) Pour appuyer ce qu’il vient de dire, Nôtre-Seigneur rappelle le proverbe suivant : « Ici ce que l’on dit d’ordinaire est vrai, l’un sème et l’autre moissonne, » C’était un proverbe que l’on citait, lorsqu’on voyait les uns supporter toutes les fatigues, et d’autres venir moissonner tous les fruits. Mais ce proverbe a surtout ici son application, parce que les prophètes ont travaillé et que vous moissonnez les fruits de leurs travaux, comme le Sauveur l’ajoute : « Je vous ai envoyés moissonner où vous n’avez pas travaillé. » — S. AUG. (Traité 18.) Quoi donc ? Nôtre-Seigneur envoie des moissonneurs et non pas des semeurs. Et où envoie-t-il des moissonneurs ? Là où les prophètes avaient déjà répandu la semence. Lisez leurs travaux, et dans tous ces travaux vous trouverez une prophétie du Christ. La moisson était donc prête à recueillir, lorsque tant de milliers d’hommes offraient le prix de leurs biens (Ac 4), et le déposaient aux pieds des Apôtres, heureux de se décharger du fardeau des biens de la terre pour suivre plus librement Nôtre-Seigneur Jésus-Christ. Quelques grains de cette moisson ont été jetés dans la terre, et ont ensemencé l’univers tout entier ; il en est sorti une autre moisson qui ne doit point être recueillie par les Apôtres, mais par les anges : « Les moissonneurs, dit-il ailleurs, sont les anges. » (Mt 13) — S. Chrysostome : (hom. 34.) Il dit donc à ses disciples : « Je vous ai envoyés moissonner où vous n’avez pas travaillé, » c’est-à-dire, je vous ai réservé le travail où la fatigue est beaucoup moindre que la joie et le plaisir, et j’ai chargé les prophètes de ce qu’il y avait de plus pénible, c’est-à-dire de répandre la semence, et n’est ainsi que « d’autres ont travaillé et que vous êtes entrés dans leurs travaux. » Il veut ainsi nous prouver que la volonté des prophètes et le but que se proposait la loi étaient que tous les hommes vinssent se ranger autour de lui, et ils ont semé dans l’intention de préparer cette moisson. Il prouve en même temps que c’est lui qui a envoyé les prophètes, et l’étroite union qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament.




ORIG. (Traité 15 sur S. Jean.) On peut encore donner de tout ce passage, l’explication suivante. Si rien ne s’oppose à ce qu’on entende dans un sens allégorique ces paroles : « Levez les yeux, » etc., n’est-il pas permis d’entendre dans le même sens les paroles qui précèdent immédiatement : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois, et la moisson sera venue ? » Or, voici l’explication qu’on pourrait donner de ces paroles des disciples : « Encore quatre mois, et la moisson sera venue. » Un grand nombre des disciples du Verbe, c’est-à-dire du Fils de Dieu, qui considèrent que la vérité est incompréhensible à la nature humaine, n’ont pas plus tôt découvert qu’il y avait une vie différente de la vie présente qui est soumise à la corruption des quatre éléments, qui sont comme autant de mois, qu’ils croient ne parvenir qu’après cette vie seulement à la connaissance de la vérité. Les disciples disent donc de la moisson, qui est le terme de tous les efforts qui tendent à la vérité, qu’elle se fera après qu’aura cessé la domination des quatre éléments. Le Verbe incarné redresse dans leur esprit cette pensée qui n’est pas conforme à la vérité, en leur disant : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson vient. Et moi je vous dis : « Levez les yeux. » Dans plusieurs endroits de l’Ecriture, le Verbe divin nous fait cette recommandation d’élever nos pensées qui se traînent ordinairement sur les choses de la terre, et qui ne peuvent s’en affranchir sans le secours de Jésus. Nul, en effet, ne peut obéir à ce commandement, s’il reste l’esclave de ses passions et d’une vie sensuelle, il ne verra point les champs blanchis pour la moisson. Or, les champs blanchissent, lorsque le Verbe de Dieu répand sa lumière sur toutes les parties de l’Ecriture, auxquelles l’avènement de Jésus donne toute leur fécondité. Toutes les choses sensibles elles-mêmes sont comme des champs blanchis pour la moisson, pour ceux qui élèvent les yeux, lorsque la raison nous montre dans chaque objet créé l’éclat de la vérité qui se trouve répandue sur toutes choses. (Traité 16.) Celui qui recueille ces moissons spirituelles a un double avantage, le premier, lorsqu’il reçoit sa récompense : « Et celui qui moissonne, reçoit une récompense, » c’est-à-dire la récompense future : « Et il recueille le fruit pour la vie éternelle, » ce qui exprime une disposition précieuse dé l’intelligence, qui est le fruit de la contemplation elle-même. Dans toute doctrine, je pense, celui qui pose les principes est celui qui sème ; d’autres à leur tour prennent ces principes, les méditent, les fécondent par de nouvelles considérations, et procurent ainsi à leurs descendants l’avantage de moissonner et de recueillir des fruits qui sont parvenus à leur maturité. C’est surtout dans l’art des arts que nous pouvons voir l’application de cette vérité. Ceux qui ont semé, c’est Moïse et les prophètes qui ont prédit l’avènement du Christ ; les moissonneurs sont les Apôtres qui ont reçu Jésus-Christ et contemplé sa gloire. La semence, c’est la connaissance que nous donne la révélation du mystère qui a été caché et comme enseveli dans le silence des siècles passés ; les champs sont les livres de la loi et des prophètes qui n’avaient point leur clarté, pour ceux qui n’étaient point capables de comprendre l’avènement du Verbe. Celui qui sème et celui qui moissonne partageront la même joie, lorsque dans la vie future le chagrin et la tristesse auront complètement disparu. C’est ce qui a commencé à se réaliser, lorsque Jésus fut transfiguré dans la gloire, et que les moissonneurs Pierre, Jacques et Jean, et les semeurs, Moïse et Elie se livraient à une joie commune en voyant la gloire du Fils de Dieu. Examinez cependant si ces mêmes paroles : « Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne, » ne peuvent pas s’entendre des temps différents dans lesquels les hommes ont été justifiés, lorsqu’ils étaient les uns disciples de l’Evangile, les autres simples observateurs de la loi. Les uns et les autres ont part cependant à la même joie, car c’est la même fin que se propose un seul et même Dieu, par le même Jésus-Christ et dans un même Esprit. Les Apôtres sont entrés dans les travaux des prophètes et de Moïse, ils les ont moissonnés d’après les instructions de Jésus, en recueillant dans leurs greniers, c’est-à-dire dans leur intelligence, les vérités cachées dans les écrits de Moïse et des prophètes. Ceux qui recueillent les fruits d’une doctrine déjà semée, ont un partage plus éclatant, mais sont loin de travailler autant que ceux qui ont répandu la semence.




Versets 39-42.



ORIG. (Traité 13 sur S. Jean.) Après avoir rapporté les paroles de Jésus à ses disciples, l’Evangéliste continue son récit, en racontant la conversion des habitants de cette ville qui vinrent trouver Jésus, et crurent en lui par le témoignage de cette femme. — S. Chrysostome : (hom. 34.) Tout se fait ici avec autant de facilité qu’au temps de la moisson, les gerbes sont promptement recueillies, et en un instant l’aire de la grange en est remplie : « Or, beaucoup de samaritains de cette ville entrent en lui, » etc. Ils voyaient bien que ce n’était point par un sentiment naturel que cette femme était pleine d’admiration pour celui qui lui avait reproché ses désordres et qu’elle avait reconnu en lui les caractères d’une grandeur et d’une supériorité incontestables. — S. Chrysostome : (hom. 35.) Ce fut donc sur le seul témoignage de cette femme, et sans avoir vu aucun miracle, qu’ils sortirent de la ville, et prièrent Jésus de rester au milieu d’eux. Les Juifs, au contraire, témoins de tant de miracles, non-seulement ne cherchèrent point à le retenir au milieu d’eux, mais mirent tout en œuvre pour le chasser de leur pays. Rien de plus mauvais, en effet, que l’envie et la jalousie, rien de plus pernicieux que la vaine gloire qui corrompt et détruit tous les biens qu’elle touche. Les Samaritains voulaient le retenir toujours auprès d’eux, mais il ne se rendit pas à leurs désirs, il demeura seulement deux jours avec eux : « Et il y demeura deux jours. »




ORIG. On pourrait demander avec assez de raison comment le Sauveur a pu rester deux jours avec les Samaritains, qui l’en avaient prié, lui qui avait défendu à ses disciples d’entrer dans les villes des Samaritains. (Mt 10) Et il est évident que les disciples y entrèrent avec lui. Nous répondons que marcher dans la voie des nations, c’est se laisser gagner par les croyances des nations, et en faire la règle de sa conduite, et qu’entrer dans les villes des Samaritains, c’est adhérer à la fausse doctrine de ceux qui admettent la loi, les prophètes, les évangiles et les écrits des Apôtres ; mais lorsqu’ils abandonnent leur doctrine personnelle pour venir trouver Jésus, il est alors permis de demeurer avec eux.




S. Chrysostome : (hom. 35.) Les Juifs, malgré tous les miracles dont ils furent témoins, demeurèrent dans leur incrédulité, tandis que les Samaritains, sans avoir vu aucun miracle, et après avoir entendu seulement Jésus, manifestèrent en lui une foi vraiment extraordinaire : « Et un plus grand nombre crurent en lui pour avoir entendu ses discours. » Pourquoi donc les Evangélistes ne nous ont-ils pas rapporté ces discours ? Pour vous apprendre qu’ils ont passé sous silence bien des choses importantes ; ils vous font toutefois comprendre la puissance de ces discours, puisqu’ils ont persuadé tous les habitants de cette ville. Là, au contraire, où les auditeurs ne se laissent point persuader, les Evangélistes sont comme obligés de reproduire les discours du Sauveur, pour montrer que ce défaut de persuasion ne doit pas être imputé à l’insuffisance de la parole, mais aux mauvaises dispositions dès auditeurs. Or, les Samaritains, devenus les disciples de Jésus-Christ, ne veulent plus de cette femme pour les instruire : « Et ils disaient à la femme : Maintenant ce n’est plus sur ce que vous avez dit que nous croyons ; car nous-mêmes nous l’avons entendu, et nous croyons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. » Voyez comme ils comprennent aussitôt qu’il était venu délivrer l’univers, et que voulant opérer le salut de tous les hommes, il ne devait pas renfermer son action dans la Judée, mais répandre partout la semence de sa parole. En le proclamant le Sauveur du monde, ils prouvent encore que le monde était perdu, et plongé dans un abîme de maux. Les prophètes et les anges étaient venus aussi en qualité de sauveurs, mais le seul vrai Sauveur est celui qui donne le salut, non-seulement pour le temps, mais pour l’éternité. Voyez encore comme malgré la question de cette femme qui semble renfermer quelque doute : « Ne serait-il point le Christ ? » ils ne disent point : Nous soupçonnons, mais : « Nous savons. » Ils vont plus loin, et reconnaissent qu’il est vraiment le Sauveur du monde, c’est-à-dire qu’il n’est pas un sauveur ordinaire comme l’ont été tant d’autres. Ils s’expriment de la sorte pour l’avoir entendu seulement parler, que n’auraient-ils pas dit à la rue des miracles si nombreux et si extraordinaires qu’il opérait ?




ORIG. Si nous nous rappelons ce qui précède, nous n’aurons point de peine à comprendre qu’après avoir trouvé la parole de vérité, ces Samaritains abandonnent toute autre doctrine, et sortent de la ville de leurs anciennes croyances pour embrasser la foi qui conduit au salut. Aussi est-ce avec intention, je pense, que l’Evangéliste ne dit pas : Les Samaritains le prièrent d’entrer dans la Samarie ou dans leur ville, mais : « Ils le prièrent de demeurer dans leur pays. » Jésus demeure toujours avec ceux qui l’en prient, et surtout lorsqu’ils sortent de leur ville et viennent le trouver. — S. AUG. (Traité 15.) Il demeure deux jours avec eux, c’est-à-dire qu’il leur donne les deux préceptes de la charité. — ORIG. Ils n’étaient pas encore dignes de voir son troisième jour, car ils ne désiraient point voir de choses extraordinaires, comme les disciples qui se trouvèrent avec Jésus aux noces de Cana, en Galilée, trois jours après que Jésus les eut appelés à sa suite. (Jn 2) Plusieurs d’entre eux durent le commencement de leur foi à la parole de cette femme qui leur’ attestait que Jésus lui avait dit tout ce qu’elle avait fait, mais le progrès de cette foi et le nombre beaucoup plus considérable de ceux qui crurent ensuite furent l’œuvre des enseignements du Sauveur lui-même ; car la connaissance du Verbe ou Fils de Dieu, qui est due à un témoignage extérieur, n’est jamais aussi parfaite que celle qu’il répand avec toutes ses clartés dans l’âme de celui qu’il daigne instruire lui-même.




S. AUG. (Traité 15.) Les Samaritains connurent donc Jésus-Christ, d’abord par ce qu’ils entendirent raconter de lui, et ensuite par ce qu’ils virent de leurs yeux. Il tient encore aujourd’hui la même conduite à l’égard de ceux qui sont en dehors de l’Église et ne sont pas encore chrétiens. Ce sont les amis de Jésus-Christ, déjà chrétiens eux-mêmes, qui commencent à le faire connaître, et c’est sur le témoignage de cette femme, c’est-à-dire, de l’Église, qu’ils viennent le trouver. Ils croient donc d’abord par l’intermédiaire de cette femme, mais sur le témoignage même du Sauveur, un bien plus grand nombre croit et d’une foi plus parfaite qu’il est vraiment le Sauveur du monde. — ORIG. Il est impossible que l’effet produit sur l’intelligence, par ce que l’on voit soi-même, ne sont pas supérieur à l’impression produite par le témoignage d’un témoin oculaire, et il vaut beaucoup mieux avoir l’espérance que la foi pour guide, c’est pour cela que les habitants de cette ville croient non-seulement sur un témoignage humain, mais sur le témoignage de la vérité elle-même.




Versets 43-45.



S. AUG. (Traité 16.) Après avoir passé deux jours dans la Samarie, Jésus s’en alla en Galilée, où il avait été élevé : « Deux jours après il sortit de ce lieu, » etc. Il nous parait surprenant que l’Evangéliste ajoute : « Car Jésus lui-même a rendu ce témoignage qu’un prophète n’est point honoré dans sa patrie, » il semble qu’il eût été plus logique de dire qu’un prophète n’est point honoré dans sa patrie, s’il avait évité d’aller dans la Galilée et qu’il fût resté dans la Samarie. Voici à mon avis l’explication de cette difficulté : Jésus ne resta que deux jours dans Samarie, et tous les Samaritains crurent en lui ; il prolonge son séjour dans la Galilée, et les Galiléens refusèrent de croire en lui, et c’est ce qui lui fait dire qu’un prophète est sans honneur dans sa sa patrie. — S. Chrysostome : (hom. 35.) On peut dire encore que l’Evangéliste ajoute cette réflexion, parce que le Sauveur ne se rendit pas à Capharnaüm, mais dans la Galilée, et de là dans la ville de Cana ; car la patrie dont il est ici question est Capharnaüm, et pour se convaincre qu’il n’y reçut aucun honneur, il suffit de se rappeler les paroles qu’il a prononcées lui-même : « Et toi, Capharnaüm, qui t’es élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissé jusqu’aux enfers. » (Mt 11) L’Evangéliste appelle la patrie du Sauveur le lieu où il paraît avoir passé la plus grande partie de sa vie.




THEOPHYL. On peut donner encore cette explication : Jésus, en sortant de la ville de Samarie se rend dans la Galilée, il pouvait donc paraître étonnant qu’il n’y restât pas plus longtemps, l’Evangéliste en donne la raison, c’est qu’il n’y était nullement honoré, ce qu’il déclare on ces termes : « Un prophète n’est point honoré dans sa patrie. »




ORIG. Approfondissons davantage cette parole. La Judée était la patrie des prophètes, et personne n’ignore qu’ils n’ont reçu des Juifs aucun honneur, comme l’atteste Nôtre-Seigneur loi-même : « Quel est celui des prophètes que vos pères n’ont point persécuté ? » La vérité de ce proverbe est d’autant plus frappante qu’il ne s’applique pas seulement aux saints prophètes qui ont été méprisés par leurs compatriotes, et à Nôtre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, mais qu’il s’étend à certains philosophes qui n’ont recueilli de leurs concitoyens que le mépris, les mauvais traitements et la mort même.




S. Chrysostome : (hom. 35.) Quoi donc ? Est-ce que nous ne voyons pas un certain nombre d’hommes qui ont excité l’admiration de leur concitoyens ? Oui, sans doute, mais il ne faut pas prendre l’exception qui arrive rarement comme règle générale. D’ailleurs, s’ils ont été honorés dans leur patrie, ils l’eussent encore été davantage dans un autre pays, car l’habitude et la familiarité engendrent ordinairement le mépris : Lorsque Jésus fut arrivé dans la Galilée, il fut donc accueilli par les Galiléens, comme le remarque l’Evangéliste. Vous voyez que ce sont ceux qui étaient considérés comme plus mauvais qui se pressent le plus d’approcher de Jésus. N’est-ce pas en effet des Galiléens qu’il est dit : « Interrogez et voyez si jamais il s’est élevé un prophète dans la Galilée. » Quant aux Samaritains, on faisait un reproche au Sauveur de ses rapports avec eux : « Vous êtes un Samaritain et un possédé du démon. » (Jn 18) Or, voilà que les Samaritains et les Galiléens ont embrassé la foi à la grande confusion des Juifs. Les Galiléens paraissent même supérieurs aux Samaritaine car ces derniers n’ont cru que sur le témoignage d’une femme, tandis que la foi des Galiléens s’est appuyée sur les miracles que le Sauveur avait opérés sous leurs yeux : « Les Galiléens l’accueillirent, ayant vu tout ce qu’il avait fait à Jérusalem pendant la fête. » — ORIG. Ce que NôtreSeigneur avait fait en chassant du temple ceux qui vendaient des brebis et des bœufs, leur avait paru tellement extraordinaire, qu’ils l’accueillirent avec empressement, encore sous l’impression de sa puissance, qui n’avait pas moins éclaté, en effet, dans cette circonstance, que lorsqu’il rendait la vue aux aveugles et l’ouïe aux sourds. Je suppose d’ailleurs qu’ils furent encore témoins d’autres miracles.




Bède : Mais comment purent-ils être témoins de ces miracles ? parce qu’eux aussi étaient venus à cette fête. Nous voyons ici en figure que lorsque les nations auront été affermies dans la foi par les deux préceptes de la charité, Jésus-Christ, à la fin du monde, retournera dans sa patrie, c’est-à-dire, vers les Juifs. — ORIG. Il est convenable que la Galilée (c’est-à-dire celle qui émigre), vienne célébrer les fêtes à Jérusalem, où est le temple de Dieu, et voir tous les prodiges qu’y opère Jésus, car l’ordre exige que les Galiléens reçoivent le Fils de Dieu qui rient les trouver, sans quoi, ou ils ne l’auraient pas reçu, ou lui-même ne serait pas venu au milieu d’eux s’ils n’avaient été préparés à le recevoir.

Versets 46-54.



S. Chrysostome : (hom. 35.) Nôtre-Seigneur était venu une première fois à Cana, en Galilée, où il était invité à assister à des noces ; il retourne maintenant dans cette ville pour l’attirer davantage à lui par cette démarche toute volontaire qu’il fait en quittant sa patrie, et pour affermir par sa présence la foi que son premier miracle avait commencé de former dans le cœur de ses habitants. — S. AUG. (Traité 16.) Lorsqu’il changea l’eau en vin dans cette circonstance, ses disciples crurent en lui, la maison était pleine de convives, et cependant à la vue d’un si grand miracle, aucun autre ne crut à sa puissance divine. Il revient donc dans cette ville pour amener à la foi ceux que son premier miracle n’avait pu déterminer à croire. — THEOPHYL. L’Evangéliste nous rappelle le miracle qu’il fit à Cana, en Galilée, en changeant l’eau en vin, pour ajouter à la gloire de Jésus-Christ, parce qu’en effet ce ne fut pas seulement à cause des miracles dont ils furent témoins à Jérusalem, mais par suite des prodiges qui s’accomplirent au milieu d’eux qu’ils accueillirent Nôtre-Seigneur. Il veut nous apprendre en même temps que cet officier croyait en Jésus-Christ depuis le miracle de Cana, bien qu’il ne connût point parfaitement sa dignité : « Or, il y avait à Capharnaüm un officier du roi dont le fils était malade. »




ORIG. Quelques-uns pensent que cet homme était un des officier d’Hérode, et d’autres affirment qu’il était dé la maison de César, et qu’il avait été envoyé en mission particulière en Judée, car on ne dit pas qu’il fut juif. — S. Chrysostome : (hom. 35.) L’Evangéliste lui donne le nom de Régulus, officier royal, soit qu’il fût de race royale, soit qu’il fût revêtu de quelque haute dignité qui lui faisait donner ce titre. Il en est qui pensent que cet officier est le même que le centenier dont parle saint Matthieu (Mt 8, 5). Mais tout prouve que ce sont deux personnages différents. Le centenier prie Jésus de ne pas venir dans sa maison, alors que le Sauveur se disposait à y aller, cet officier, au contraire, veut l’entraîner chez lui sans que Nôtre-Seigneur le lui ait promis. Le premier vint trouver Jésus, alors qu’il descendait de la montagne et qu’il entrait à Capharnaüm, celui-ci, lorsque le Sauveur était dans la ville de Cana. Le serviteur de l’un était paralytique, le fils du second était atteint d’une fièvre mortelle. C’est donc de l’officier royal que l’Evangéliste dit : « Ayant appris que Jésus arrivait de Judée en Galilée, il l’alla trouver et le pria de descendre en sa maison, » etc. — S. AUG. Il priait, il n’avait donc pas la foi ? Quelle explication attendez-vous de moi ? Demandez au Seigneur lui-même ce qu’il pense de cet homme : « Jésus lui dit : Si vous ne voyez des signes et des prodiges vous ne croyez pas. » Il reproche à cet homme sa tiédeur, sa froideur dans la foi, peut-être même son absence complète de foi ; il n’avait qu’un désir la guérison de son fils comme une épreuve certaine de ce qu’était Jésus, de sa dignité, de sa puissance. Le mot prodige (prodigium comme porro dictum), signifie une chose qui date de loin, qui est éloignée et qui annonce un événement futur.




S. AUG. (de l’accord des Evang., 4, 10.) Nôtre-Seigneur veut tellement élever l’âme de ses fidèles au-dessus de toutes les choses soumises à la mutabilité, qu’il ne veut pas leur voir rechercher des miracles, où sa divinité est le premier et le principal agent, mais qui portent sur de simples changements opérés dans les corps. — S. GREG. (hom. 28 sur les Evang.) Rappelez-vous l’objet de la prière de cet officier, et vous connaîtrez. clairement que sa foi était bien chancelante : « Cet officier lui dit : Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure. » Sa foi était donc bien faible, puisqu’il ne croyait pas qu’il pût guérir son fils sans venir lui-même en personne. — S. Chrysostome : (hom. 35.) Ecoutez sous quelle impression toute humaine il veut attirer le Sauveur chez lui, comme s’il ne pouvait ressusciter son fils après sa mort. Rien d’étonnant du reste qu’il vienne trouver Jésus sans avoir la foi ; l’amour des pères pour leurs enfants leur fait consulter, non-seulement les médecins qui ont leur confiance, mais ceux mêmes qui ne leur en inspirent pas une bien grande, parce qu’ils ne veulent rien omettre de ce qui peut conserver la vie à leurs enfants. S’il avait eu une foi vive à la puissance de Jésus-Christ, il l’aurait été trouver jusque dans la Judée.




S. GREG. (hom. 28 sur les Evang.) Nôtre-Seigneur à qui cette prière est adressée, veut nous apprendre qu’il se rend toujours aux invitations qui lui sont faites, et il guérit le fils de cet homme par son commandement, lui qui a tout créé par sa volonté : « Jésus lui dit : Allez, votre fils est plein de vie. » Quelle condamnation pour notre orgueil qui respecte et vénère dans les hommes non cette nature faite à l’image et à la ressemblance de Dieu, mais les honneurs et les richesses ! Notre Rédempteur au contraire, pour nous apprendre que les saints méprisent ce qui paraît élevé aux yeux des hommes, et qu’ils estiment et vénèrent ce que les hommes méprisent, refuse d’aller dans la maison de cet officier pour guérir son fils ; et il est disposé au contraire à se rendre près du serviteur du centenier. — S. Chrysostome : (hom. 35.) Ou bien encore, la foi du centenier était solidement affermie, et Nôtre-Seigneur promet d’aller chez lui, pour faire ressortir la piété du centenier. Cet officier au contraire, n’avait qu’une foi bien imparfaite, il ne croyait pas bien entièrement que Jésus pût guérir son fils, sans se rendre près de lui, et le refus du Sauveur a pour but de le lui apprendre, comme l’Evangéliste le dit expressément : « Cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et s’en alla, sans toutefois comprendre parfaitement cette leçon. »




ORIG. Ces serviteurs qui viennent à sa rencontre montrent que cet homme était d’un rang élevé et occupait un emploi supérieur : « Comme il était en chemin, ses serviteurs vinrent à sa rencontre, » etc. — S. Chrysostome : (hom. 35.) Ils viennent à sa rencontre, non-seulement pour lui annoncer la guérison de son fils, mais parce qu’ils croyaient que Jésus l’accompagnait, et qu’ils regardaient comme inutile qu’il allât plus loin. La question que leur fait cet officier prouve que sa foi n’était ni bien pure ni bien parfaite : « Et il leur demandait à quelle heure il s’était trouvé mieux, » Il voulut savoir si sa guérison était l’effet du hasard ou de la parole de Jésus : « Et ils lui dirent : Hier à la septième heure, la fièvre l’a quitté. » Voyez comme tout, concourt à rendre ce miracle éclatant, la guérison de cet enfant ne suit pas la marche ordinaire, elle est instantanée et complète pour bien établir qu’elle n’est pas due aux lois de la nature, mais à l’action toute puissante de Jésus-Christ : « Et son père reconnut que c’était l’heure à laquelle Jésus lui avait dit : Votre fils est plein de vie, et il crut lui et toute sa maison. »




S. AUG. (Traité 16.) S’il crut lorsqu’il apprit que son fils était guéri, et qu’il eut rapproché l’heure de sa guérison de celle où Jésus lui avait dit : « Votre fils est guéri, » il n’avait donc pas encore la foi quand il se présenta devant le Sauveur. — Bède : Nous devons conclure de là qu’il y a des degrés dans la foi comme dans les autres vertus qui ont leur commencement, leur progrès et leur perfection. La foi de cet officier était à son commencement, lorsqu’il vint demander la guérison de son fils, elle prenait de l’accroissement, lorsqu’il crût à la parole du Seigneur qui lui disait : « Votre fils est guéri ; » et elle eut toute sa perfection lorsque ses serviteurs lui confirmèrent la guérison de son fils.




S. AUG. (Traité 16.) C’est après l’avoir simplement entendu qu’un grand nombre de Samaritains crurent en lui, et après ce grand miracle, il n’y eut que la maison seule de cet officier où cette guérison miraculeuse avait eu lieu. L’Evangéliste ajoute : « Ce fut le second miracle que Jésus fit après être revenu de Judée en Galilée. » — S. Chrysostome : (hom. 35.) Ce n’est pas sans raison qu’il fait cette réflexion, et il veut nous faire remarquer que même après ce second miracle, les Juifs n’étaient pas encore parvenus à la hauteur des Samaritains qui n’avaient vu aucun miracle. — ORIG. (Traité 18 sur S. Jean.) Cette proposition est amphibologique, on peut l’entendre en ce sens, que Jésus en venant de la Judée en Galilée, fit deux miracles, dont le second fut la guérison du fils de cet officier ; ou dans cet autre qui est le plus vrai, que de ces deux miracles que Jésus fit dans la Galilée, le second eut lieu lorsqu’il vint de la Judée en Galilée.




Dans le sens mystique, ce double voyage de Jésus en Galilée figure le double avènement du Sauveur dans le monde, le premier qui est tout de miséricorde et où il porte la joie dans le cœur des convives en changeant l’eau en vin ; le second où il rend à la vie le fils de cet officier presque entre les bras de la mort, c’est-à-dire le peuple juif qui sera sauvé à la fin du monde après que la plénitude des nations sera entrée dans l’Église. C’est lui qui est le grand Roi des rois que Dieu a établi sur la sainte montagne de Sion (Ps 2) ; ceux qui ont vu son jour ont été remplis de joie. (Jn 8)Cet officier royal, c’est Abraham ; son fils malade, c’est le peuple d’Israël qui a laissé s’affaiblir entre ses mains le culte du vrai Dieu, et qui transpercé des traits enflammés de l’ennemi, est comme atteint d’une fièvre mortelle. Nous voyons encore ici que les saints dont nous venons de parler, lorsqu’ils ont dépouillé l’enveloppe de cette chair mortelle, prennent compassion de leur peuple. C’est ce que nous lisons dans le livre des Macchabées (M 2, 45), après la mortde Jérémie : « C’est Jérémie, le prophète de Dieu qui prie beaucoup pour le peuple. » Abraham prie le Sauveur de venir au secours de ce peuple infirme, c’est de Cana que part cette parole toute puissante : « Votre fils est plein de vie, » mais c’est à Capharnaüm que son efficacité se fait sentir ; car c’est là que le fils de cet officier est guéri, comme dans le champ de la consolation, et cet enfant représente ces hommes atteints de grandes faiblesses, mais sans être réduits à une stérilité complète. Ces paroles du Sauveur : « Si vous ne voyez des signes et des prodiges » peuvent s’appliquer à la multitude des enfants du patriarche, aussi bien qu’à lui-même. En effet, de même que Jean-Baptiste attendait le signe qui lui avait été donné : « Celui sur lequel vous verrez l’Esprit saint descendre ; » ainsi les justes morts depuis le commencement du monde, attendaient l’avènement de Jésus-Christ dans la chair, avènement qui devait se manifester par des signes et par des prodiges. Cet officier, outre son fils, avait des serviteurs qui représentent ceux dont la foi est encore faible et imparfaite, et ce n’est point sans dessein que la fièvre quitte cet enfant à la septième heure, car le nombre, sept est le symbole du repos. — ALCUIN. Ou bien encore, c’est parce que c’est l’Esprit aux sept dons qui est l’auteur de la rémission des péchés, car le nombre sept composé des nombres trois et quatre, représente la sainte Trinité dans les quatre temps de l’année, dans les quatre parties du monde, comme dans les quatre éléments.




ORIG. On peut encore voir ici les deux avènements du Verbe dans notre âme : le premier ou l’eau fut changée en vin fait éprouver à l’âme la joie d’un banquet spirituel ; le second qui retranche tous les restes de langueur et de mort spirituelle. — THEOPHYL. Cet officier du roi représente tout homme, non-seulement parce que l’homme est par sou âme dans des rapports étroits avec le souverain roi de tout ce qui existe, mais aussi parce que Dieu lui a donné l’autorité sur toutes les créatures. Son fils, c’est l’âme de l’homme en proie à la fièvre des mauvais désirs et des convoitises charnelles. Il s’approche de Jésus et le prie de descendre, c’est-à-dire de s’abaisser jusqu’à lui par une miséricordieuse condescendance et de lui pardonner ses péchés, avant que cette maladie des voluptés sensuelles ne lui ait fait perdre la vie. Le Seigneur lui dit : « Allez, » c’est-à-dire faites toujours de nouveaux progrès dans le bien ; et alors votre fils sera rendu à la vie ; mais si vous cessez de marcher, votre âme frappée de mort ne pourra plus faire aucune bonne action.